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Marche au hasard dans les rues de Toulouse

Une expérience scientifique originale s’est déroulée le 16 octobre 2005 dans les rues de Toulouse.

Environ 300 lycéens, partis de la place du Capitole, ont parcouru les rues de la ville, en lançant à chaque carrefour le dé pour décider de leur trajectoire (mode d’emploi distribué aux participants). Le but était de modéliser le célèbre mouvement brownien, à l’occasion du centième anniversaire de l’article d’Albert Einstein qui en établissait la théorie.

Chaque participant devait relever sa position après 10, 20, 30, 40, 50, et enfin 60 carrefours. Les cartes ci-contre figurent ces différents moments de l’évolution du «nuage de participants». L’expérience avait bien entendu des enjeux mathématiques et physiques, disciplines où la théorie des marches aléatoires est très présente et bien connue. Mais un résultat frappant fut l’apparition de phénomènes liés à la géographie particulière de la ville.

Les résultats théoriques classiques peuvent s’établir facilement dans le cas de la marche aléatoire sur un «réseau régulier à maille carrée» (certains plans de villes américaines s’approchent bien de ce modèle). On peut les résumer ainsi:

  • le nuage de participants reste approximativement centré sur le point de départ
  • il s’étale de façon isotrope (identique dans toutes les directions: le nuage est «rond»), suivant une loi en racine carrée du nombre de carrefours parcourus. Sur les cartes ci-contre, on a ainsi tracé des cercles englobant 90% des participants à une phase donnée de l’expérience.

Ces résultats s’étendent aux «réseaux irréguliers homogènes», c’est-à-dire dans lesquels les quantités remarquables (la densité de carrefours, les nombres de rues par carrefours) sont globalement équivalentes aux différents endroits du réseau. Pour l’expérience de Toulouse, la théorie est bien respectée, à deux perturbations près:

  • une zone de très faible densité de carrefours, au nord-est de la place du Capitole, a donné lieu à une faible concentration de particules, mais aussi à quelques trajectoires très longues;
  • plus marquée, une sorte de «barrière» a été très peu franchie par les participants. Il s’agit d’une ligne, prolongeant la Garonne, qui contient très peu de points de franchissement. Le nuage de participants a en quelque sorte «rebondi» sur cette barrière.

Une présentation plus complète des résultats de l’expérience et du contexte mathématique et physique des marches aléatoires se trouve sur le site Internet de l’association Physique 2005.

Paul Colin, Fabrice Lembrez