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Une «carte» au diplôme national du brevet 2006 !

Le diplôme national du brevet de juin 2006 dans l’Académie d’Orléans-Tours proposait dans la troisième partie de l’épreuve d’histoire-géographie et éducation civique un exercice de repérage géographique à partir d’un fond de carte de l’Europe, de la mer Méditerranée, de l’Afrique du Nord et d’une partie du Moyen-Orient. Or ce fond de carte est truffé d’erreurs. Précisons d’emblée que celles-ci ne pouvaient en aucun cas gêner les candidats ou les induire eux-mêmes en erreur. Cependant, le nombre de ces erreurs ou omissions laisse songeur quant aux compétences ou au sérieux des auteurs de l’exercice. Les critiques relèvent de trois ordres différents.

1. Des erreurs de sémiologie graphique

Compte tenu de la taille de la carte et de son échelle(environ 1/50 000 000 soit un carré de 10 cm de côté), la généralisation du tracé des côtes et des frontières d’État est insuffisante ce qui, du fait de la mauvaise qualité de la reprographie, rend la lecture difficile pour la Scandinavie ou la mer Égée par exemple.

Des précisions gênantes ou inutiles:

  • de nombreux lacs sont indiqués, qui n’apportent aucun renseignement décisif. On voit aussi, sans que les cours des fleuves correspondants soient figurés, apparaître, sous forme de lacs, une partie du cours endigué de la Volga et une retenue du Don. En outre, rien ne distingue ces lacs de certaines enclaves comme celle du Nakhitchevan par exemple;
  • des règles élémentaires non respectées. Le cadre de la carte ne comporte aucune amorce de latitude et de longitude. La flèche indiquant la direction du nord et l’échelle graphique sont disposées au hasard dans la carte et non pas dans des cartouches.

2. Des erreurs de fond dans le tracé des frontières

  • La frontière entre l’Égypte et le Soudan ne figure que dans son tiers occidental et ne rejoint pas le littoral de la mer Rouge.
  • La frontière entre l’Irak et l’Arabie Saoudite reprend le tracé de 1922 sans la zone neutre et ne prend pas en compte les modifications intervenues en 1981.
  • La frontière entre la Biélorussie et l’Ukraine ne figure pas. Se pose alors la question de savoir lequel des deux États a annexé l’autre.
  • Le Danube sert de support à la frontière bulgaro-roumaine jusqu’à l’embouchure de la branche nord du delta. Il en résulte que la totalité de la plaine de la Dobroudja est bulgare et que la Roumanie se retrouve amputée de son littoral et enclavée.
  • L’extrémité sud-est du littoral dalmate est intégrée à la Serbie-Monténégro et non pas à la Croatie.
  • La partition de l’île de Chypre ne figure pas.

3. Des partis pris géopolitiques

Le cartographe a choisi d’entériner l’annexion par Israël des territoires palestiniens mais pas celle du Golan ni celle par le Maroc du Sahara occidental.

Conclusion

Les candidats devaient placer sur ce fond de carte le détroit de Gibraltar, l’Algérie et la ville du Caire. Il est amusant de constater que le cartographe (?) a jugé utile de préciser où se situe la France en écrivant le nom (heureusement à la bonne place) de notre pays. Mais c’est bien la pertinence de l’enseignement et de l’évaluation de la géographie qui se trouve en question. Peut-on exiger d’élèves de quinze ans qu’ils sachent localiser correctement les trois lieux précités lorsque les concepteurs d’un sujet d’examen sont eux incapables de faire la distinction entre l’Ukraine et la Biélorussie ? Si le but était de démontrer que la géographie n’est pas une science, c’est réussi.

Francis Riolland, 11 juillet 2006