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Le village planétaire revu par la publicité

Pendant quelques semaines, les murs de France se sont couverts d’affiches mettant en scène des lieux imaginaires: le nom des plus grandes métropoles mondiales sont «francisés» et «télé portés» dans le décor bucolique de communes rurales hexagonales. Les publicitaires de la SNCF ont fait preuve d’une imagination débordante, en détournant ainsi une quinzaine de «hauts-lieux»: Losse-en-gelaisse, Louc-sorre, Marat-queche, Nioudelie, Nouillorc, Pequint, Petoches, Quancoune, St-Gapour, Yste-en-boule, mais aussi: Deche, Gastreau-en-therite, Croulay-sous-le-bouleau…

Cette géographie imaginaire s’appuie sur une belle allégorie de la relation entre représentations de l’espace local (l’une des 36 000 communes françaises) et de l’espace global (l’une des mégapoles planétaires). Les géographes avaient développé la notion de «village mondial», la publicité lui donne une représentation graphique.

Le message est finalement simple: les plus grandes métropoles mondiales, par la révolution des transports, sont désormais à votre porte, comme l’étaient les villages voisins auparavant. Le monde est un canton. Le détournement du nom des lieux renvoie même à une forme de mondialisation «franchouillarde» (Nouillorc, Pequint) ou qui puise dans le référentiel de nos anciennes paroisses (Saint-Gapour). Une mention spéciale revient sans doute à Losse-en-Gelaisse: la ville, haut-lieu s’il en est du post-modernisme, est promue par les publicitaires au rang de capitale imaginaire dont le nom évoque une quelconque spécialité gastronomique de terroir.

Au-delà de la question des transports, les publicités dissimulent également une forme de message subliminal: aujourd’hui, se rendre dans une métropole de l’autre bout du monde n’est pas plus éloigné, pas plus cher, pas plus compliqué… et surtout pas plus dépaysant que de se rendre dans un petit coin de France, par exemple dans sa résidence secondaire, ou pour retrouver sa famille restée au village, ou pour rencontrer ses amis en retraite à la campagne. La SNCF cherche donc à faire comprendre que les réseaux de transports mondialisés sont les «tortillards» d’hier… On ne dira pas le contraire, au moins pour la minorité de la population qui a accès à cette mobilité… Et les publicitaires ont le mérite de faire passer le message avec humour.

Michel Bussi