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Le référendum sur l’Europe: impressions géographiques

 

Une première carte que l’on peut tirer des résultats officiels du référendum du 19 mai 2005 donne des résultats certes complexes, mais relativement bien lisibles.

1. À l’évidence, la richesse est le premier facteur de classement. La situation de l’Île-de-France est très révélatrice: majorité écrasante pour le oui à Paris et dans les Hauts-de-Seine, l’inverse pour la Seine-Saint-Denis. La crise est particulièrement sensible dans le Nord-Ouest du pays .

La carte a une nette ressemblance avec celles du RMI et du chômage, et à l’inverse avec celle des revenus fiscaux. Il est piquant de remarquer qu’elle est également conforme à celle de l’ampleur des aides européennes, qui a très légitimement été plus élevée dans les anciennes régions industrielles en reconversion (nord de la France) et dans les régions méridionales en difficulté et en forte croissance démographique: la Lorraine a voté non, les Midis et le Nord plus massivement encore. Cette apparente ingratitude semble montrer que ces efforts n’ont pas suffi…

2. La règle ne s’applique pas aux départements d’outre-mer: ceux d’Amérique ont visiblement marqué leur attachement aux aides européennes; mais les étranges menaces qui leur ont été adressées à ce sujet (les fonds européens sont apportés par les États, et la France y contribue justement plus qu’elle ne reçoit) n’ont pas convaincu à la Réunion, qui vote comme la France métropolitaine.

3. Un autre élément, connu dans les précédentes consultations et notamment lors du vote sur le traité de Maastricht, est l’existence d’une tradition de vote légitimiste dans les grands foyers de persistance d’une certaine tradition de pratique religieuse: l’Ouest, le Sud du Massif central, le Lyonnais, l’Alsace et le Pays basque. Mais la situation s’est fortement érodée par rapport à 1992: le non est majoritaire dans le Haut-Rhin, dans tous les départements du Massif central et dans les Pyrénées-Atlantiques, même si cet effet culturel s’y marque par des scores inférieurs à la moyenne nationale (entre 50 et 55%).

4. L’ampleur des discussions et le sérieux avec lequel le sujet du référendum a été pris durant la campagne électorale ont eu pour effet de minimiser l’impact des prises de position des dirigeants politiques. La Vendée a voté oui malgré M. de Villiers, et le Haut-Rhin non malgré M. Bockel, le Nord massivement non en dépit des positions des ténors socialistes; et la Corrèze, fief des deux «champions du oui», M. Chirac et M. Hollande, a donné une majorité au non. Peut-être, toutefois, le vote très appuyé de la Seine-Maritime doit-il quelque chose à l’«effet Fabius».

5. Contrairement à ce qu’on lit souvent, on n’observe pas à cette échelle d’effet réel de quelque «ruralité». D’abord tous les agriculteurs ne sont pas antibruxellois, ensuite leur poids dans l’électorat est devenu très léger. S’il est vrai que souvent les grandes et moyennes villes ont été moins défavorables au référendum que leur entourage, comme on le voit aux scores de la Haute-Garonne, du Rhône, du Doubs ou de la Côte-d’Or, sans doute aussi en Loiret et Indre-et-Loire, cet effet est beaucoup moins net qu’en 1992 (Maastricht) et parfois s’inverse: les Bouches-du-Rhône, la Sarthe, la Vienne même, plus urbanisées que leurs voisins, ont été plus défavorables à la Constitution.

Bien entendu, il faudra regarder les résultats de plus près pour discuter ces impressions, les transformer en hypothèses et les vérifier.

Roger Brunet, 30 mai 2005, 11h