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Par-delà les solitudes du Bush australien

Mesure du temps dans l'histoire de la Terre

Cet ouvrage, tiré de la thèse de Sylvie Roosen(1), soutenue en 2001 et publiée par le Comité des travaux historiques et scientifiques, porte sur l’arrière-pays du golfe de Carpenterie, au Nord-Ouest de l’État australien du Queensland, bien loin des rivages touristiques de Cairns et de la Grande Barrière. Ce travail de géographie historique et de géographie culturelle, dans le sillage de Joël Bonnemaison, est remarquablement présenté et illustré. Des dizaines de cartes ou de graphiques et une multitude de photographies accompagnent le texte. On apprécie aussi les sources, la bibliographie, le glossaire, la liste des abréviations, la chronologie et l’index qui aident grandement le lecteur.

Mais pourquoi diable étudier ce bush méconnu et presque vide (0,12 habitant par km2) du Nord-Est australien? En lisant Sylvie Roosen, on comprend que, par-delà sa vacuité, cet espace est riche des divers regards et exploitations qui s’y sont succédé: lieu de refuge pour les évadés du bagne, lieu de liberté pour les squatters face aux autorités coloniales, lieu d’égalité et de promesses pour les chercheurs d’or et, aujourd’hui, lieu de renaissance de l’identité aborigène. Sylvie Roosen nous décrit les voyages d’exploration du XIXe siècle. L’analyse des journaux des explorateurs nous révèle leur vision enthousiaste, avec l’expression de Plains of Promise, utilisée par John Stokes pour décrire cette zone de savane, et qui va être à l’origine d’une colonisation pastorale, dont l’unité de base est la station pastorale, suivie par l’exploitation minière. L’enracinement de la communauté australo-britannique dans des localités pastorales et minières va s’accompagner de confrontations parfois violentes avec les Aborigènes.

La dernière partie de l’ouvrage aborde la place des Aborigènes dans cette frange pionnière et leur cohabitation avec les Australiens d’origine européenne, en particulier depuis 1970 et la contestation du principe juridique de la Terra Nullius. Naguère encore ignorée et cantonnée à l’intérieur des réserves et des missions, cette population est en train de s’affirmer. Il en découle une recomposition territoriale, tout particulièrement après le célèbre arrêt Mabo (1992) de la Haute Cour australienne, abrogeant le principe de la Terra Nullius, et l’arrêt Wik (1996), autorisant les Aborigènes à demander des titres fonciers autochtones sur les baux pastoraux détenus par les éleveurs. Les réclamations foncières sont associées à l’apparition d’un type nouveau de communautés appelées outstation ou homeland centre, quittant les lieux de résidence vers lesquelles elles ont été déplacées par le pouvoir colonial (réserves, missions et stations d’élevage) afin de vivre d’une manière plus traditionnelle sur leurs terres ancestrales.

Pour ceux qui veulent se faire une idée plus précise de ce très bon ouvrage, notons que Sylvie Roosen a publié un article tiré de sa thèse dans Mappemonde (2002), n° 67.

Jean-Christophe Gay


1. ROOSEN S. (2006). Par-delà les solitudes du bush australien. Paris: Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 260 p. ISBN: 2-7355-0576-6. 37 €.