Sommaire du numéro
N° 83 (3-2006)

Figurer l’espace/temps de Tours pré-industriel: essai de chrono-chorématique urbaine

Xavier RodieraHenri Galinié a

Laboratoire Archéologie et Territoires, UMR 6173 CITERES,
Université de Tours, CNRS, BP 60449, 37204 Tours

Résumés  
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Cette étude s’inscrit dans les travaux de l’Atelier chrono-chorématique du Centre national d’archéologie urbaine (CNAU, ministère de la Culture et de la Communication, Tours) dont les membres, géographes et archéologues, ont présenté leurs premières réflexions lors des XXVe rencontres internationales d’archéologie et d’histoire d’Antibes (Boissavit-Camus et al. 2005). Leur recherche consiste en l’élaboration d’une approche modélisatrice de la forme des villes et de leur dynamique. Cette démarche est fondée sur la modélisation chorématique (Brunet, 1986, 1987) et chrono-chorématique (Théry, 1990; Grataloup, 1996) en y ajoutant une épaisseur chronologique par la perception diachronique des archéologues. L’objectif étant, après avoir modélisé la trajectoire individuelle des villes, de comparer leurs processus de formation dans le temps long, aussi bien que leurs situations respectives à un moment donné. La première expérience de modélisation chorématique de ville dans la longue durée a été menée dans les Yvelines (Dufaÿ, 2002).

Dans le cas de la ville de Tours, il s’agit de passer des plans de topographie historique à un chrono-chorème représentant en une figure unique la trajectoire de l’espace urbain, tout en explicitant les différentes étapes de schématisation.

Les membres de l’atelier du CNAU ont mis en place un modèle théorique et une légende (cf. infra) dans le but d’adopter un langage graphique commun. Ce modèle théorique fonctionne selon deux entrées: le rang dans la hiérarchie urbaine et la chronologie. La hiérarchie est fondée sur le degré de centralité qui découle de l’importance du ou des territoires polarisés par une agglomération. Quatre classes de centralité sont retenues: locale, microrégionale, macrorégionale, suprarégionale ou «nationale». Le découpage chronologique comporte six épisodes (- 50/250, 250/900, 900/1250, 1250/1840, 1840/1945, 1945/2000) qui «correspondent aux principales transformations connues des relations entre les sociétés et leur espace urbain» (Boissavit-Camus et al., 2005). Le cas de la ville de Tours est présenté ici uniquement pour les quatre premiers épisodes pour deux raisons: le XIXe siècle constitue une rupture telle dans le développement de l’espace urbain que l’échelle de perception des phénomènes en est modifiée; comme archéologues, nos sources et nos bases documentaires ne vont pas au-delà de la ville pré-industielle.

La topographie historique

Les plans de topographie historique établis en 1979 pour la publication des Archives du sol à Tours (Galinié, Randoin, 1979, p. 15-37) sont conçus comme «le bilan des connaissances acquises sur l’évolution physique de la ville, de l’origine de l’établissement humain sur le site à la période de fixation du tissu urbain». Ils sont fondés sur un système documentaire mis à jour en fonction des découvertes archéologiques et de l’avancement des travaux de recherche. Ils sont cependant figés sur leur support papier qui, d’une part, ne permet pas de fréquentes rééditions et, d’autre part, impose un découpage chronologique qui, bien que spécifique à la ville de Tours, reste prédéterminé. L’effet induit par la succession des plans selon la périodisation établie est de produire une continuité chronologique qui gomme les incertitudes et les lacunes.

Ce système documentaire a été remplacé par un SIG portant sur la topographie de Tours pré-industriel: ToToPi (Rodier, 2000).

La transformation de la documentation papier en système d’information informatisé nécessite une restructuration des données. Cette étape imposée pour la constitution du SIG se déroule en deux temps: la formalisation des éléments de la topographie historique en entités fonctionnelles, puis leur modélisation en entités spatiales (Galinié, Rodier, Saligny, 2004; CNAU, 2005).

L’informatisation a pour effet la prise en compte systématique des données ainsi que celle des vides documentaires et la mise à l’écart des informations ne répondant pas aux critères minimum retenus. Ainsi, la définition des entités fonctionnelles comme unités élémentaires du paysage urbain est fondée sur la fonction exclusive, la localisation et la datation (Galinié, Rodier, 2002; Galinié, Rodier, Saligny, 2004; CNAU, 2005). Si l’un de ces trois critères est manquant, l’élément n’est pas retenu. La hiérarchisation en entité fonctionnelle (EF), entité fonctionnelle composite (EFC) et ensemble urbain permet des interprétations à différentes échelles des phénomènes étudiés. Cette étape doit être considérée comme une première modélisation des données (Saint-Gérand, 2005) plutôt que comme la constitution d’un système documentaire exhaustif sur la ville.

La gestion des dates selon l’apparition et la disparition des entités fonctionnelles permet de s’affranchir des découpages chronologiques imposés lors de la constitution de plans successifs. La modélisation choisie pour le temps (Galinié, Rodier, Saligny, 2004) a pour objectif de mettre en évidence les changements et les transformations (Cassini-Groupe TempsXEspace, 1999), afin d’étudier les dynamiques spatiales.

Le SIG n’est pas utilisé comme un outil de cartographie automatique mais comme un système d’information permettant de croiser et d’interroger les données issues de sources diverses; de mettre en évidence les incohérences et les incertitudes; de tester des hypothèses. La production cartographique issue du SIG ToToPi n’est toujours que l’image d’un traitement de données auquel il faut appliquer une mise en forme et n’est donc pas directement comparable aux plans traditionnels. Le passage au SIG offre à l’utilisateur du système la possibilité d’une lecture de lla dynamique urbaine déterminée par ses propres choix thématiques et chronologiques. Il permet de produire autant de plans qu’on le souhaite selon ces choix. Il est néanmoins nécessaire de simplifier l’accès au données et les plans eux-mêmes pour offrir une lecture synthétique des transformations de la ville.

Commentaire des plans de topographie historique de Tours

(Galinié, Randoin, 1979; Chevalier, dir., 1985; Galinié, 2001; Galinié et al., 2003)

Ier-IIIe siècles

Tours (Caesarodunum) est une ville ouverte, chef-lieu de la cité des Turones. Sa superficie est de l’ordre de 40 ha densément bâtis le long du fleuve, à quoi s’ajoute une autre quarantaine d’hectares au tissu plus lâche. Les découvertes récentes ont mis au jour, au centre de la ville, un pont au nord et des thermes au sud, là où doit se trouver le centre civique (forum). Des monuments publics (thermes au sud et au nord-est, amphithéâtre, temple), une trame viaire témoignent d’un programme urbanistique. L’architecture privée est de niveau moyen, sans réalisations luxueuses. Des nécropoles assez éloignées de la zone densément urbanisée indiquent un décalage entre le projet urbain et la réalité. La rétraction de la ville commence vers 200, des franges vers le fleuve.

IVe siècle

Quatre phénomènes majeurs marquent ce siècle: la construction d’une enceinte réduite (Cité de 9 ha), appuyée sur l’amphithéâtre dans l’Est de la ville et accompagnée du transfert du pont, la promotion de Tours au statut de chef-lieu de province (de la IIIe Lyonnaise), le début de la christianisation de l’espace urbain, un changement profond des modes de vie. Les deux premiers inscrivent Tours pour longtemps comme chef-lieu administratif. Le troisième renforce la distinction entre espace des vivants et espace des morts avec l’installation de la cathédrale intra muros et celle de basiliques funéraires extra muros à distance. Ces phénomènes s’inscrivent dans une tradition urbanistique et architecturale héritée de l’Antiquité et marquent le tissu urbain par des réalisations pérennes. Dans le même temps se révèlent des modes d’habiter différents, liés en partie à l’arrivée de populations migrantes et/ou à la résurgence de pratiques ancestrales, marquées par des habitats à architecture de bois et de terre, vraisemblablement par des modes distincts d’appropriation du sol, très difficiles à cerner, ce qui amplifie l’impression de déclin urbain au détriment de la perception du changement.

Ve-VIe siècles

Du fait de Grégoire de Tours, la topographie religieuse de Tours est la mieux connue de Gaule. L’équipement religieux est renforcé, dans la Cité comme à l’extérieur. La promotion du culte de saint Martin par les évêques assure à Tours un rayonnement important et favorise le développement d’une nébuleuse autour de la tombe du saint, dans l’Ouest de la ville. Tours est promue métropole ecclésiastique. Si la ville n’est jamais le siège d’un royaume mérovingien, elle accueille des officiers royaux. Évêques et comtes maintiennent le rôle de chef-lieu.

VIIe-VIIIe siècles

Renforcement du pôle occidental autour de la basilique de Saint-Martin qui s’émancipe peu à peu de la tutelle épiscopale et bénéficie de la protection royale.

IXe siècle

Le monastère de Saint-Martin, avec deux cents frères, leur entourage, les pèlerins et l’infrastructure que cela engendre est devenu une agglomération dont le fonctionnement est en grande partie assuré par la rente d’un très grand domaine foncier. Les incursions normandes de la seconde moitié du siècle mettent un frein au développement en cours. La Cité demeure le siège de l’autorité civile et ecclésiastique.

Xe siècle

Au début du siècle (918), Saint-Martin est muni d’une enceinte protégeant le monastère qui en occupe la moitié sud, mais aussi des laïcs auxquels est réservée la moitié nord. Le castrum est entouré d’un suburbium (territoire propre) qui crée un couloir d’accès à la Loire. Ce faisant, les gens de Saint-Martin échappent à tout contrôle local (police, taxes) et créent de fait une agglomération indépendante de Tours. Pour plusieurs siècles existent dorénavant deux entités: Tours (la Cité) d’une part, Châteauneuf de l’autre. Cette distinction est doublée d’une partition spatiale par la restauration en 943 du monastère de Saint-Julien qui, doté d’un vaste espace foncier, crée un espace voué à la culture (vignes, céréales…) entre Cité et Châteauneuf.

XIe-XIIe siècles

Croissance différentielle entre la Cité et Châteauneuf. La distribution des paroisses et des bourgs souligne cette différence, de même que la structure du réseau viaire. Ce réseau, dense et tourné vers l’extérieur (le fleuve) à Châteauneuf, est très faible dans le centre autour de Saint-Julien, à peine plus dense dans la Cité et son nouveau bourg, ignorant le fleuve. La Cité conserve son rôle de chef-lieu politique et religieux, alors que Châteauneuf concentre les activités développées autour du commerce.

XIIIe-XIVe siècles

 

L’installation de quatre couvents mendiants est un bon indice du rang tenu par Tours et Châteauneuf qui font alors partie des grandes villes du royaume. Ces couvents s’installent dans le centre, à proximité immédiate de la Cité et de Châteauneuf. Une quinzaine de paroisses desservent l’agglomération: neuf à Châteauneuf, six à Tours (centre et Cité). L’occupation se densifie au centre le long des voies; un marché y est créé pour Tours. Le début d’une jonction des deux agglomérations se concrétise.

XIVe-XVe siècles

Au milieu du XIVe siècle, une enceinte réunit les deux agglomérations, soit une cinquantaine d’hectares. En 1462, la création d’une municipalité entérine la réunification de la ville et de ses habitants. Capitale du royaume au XVe siècle, Tours bénéficie de la présence royale, principalement dans la finance publique ou privée; un grand négoce fragile est mis en place, destiné à concurrencer Lyon, trop lié à la cour pour survivre à son départ au début du XVIe siècle. Manufactures d’armes, de broderie, d’orfèvrerie n’eurent aussi qu’un temps. Seule, l’industrie de la soie fut établie durablement et pourvut la ville d’une réelle fonction développée, à une échelle régionale.

XVIe-XVIIe siècles

 

Du temps de Tours capitale, le projet d’une vaste enceinte fut conçu vers 1520. Il ne fut achevé qu’un siècle plus tard, couvrant 175 ha, enveloppe vide au-delà des murs du XIVe siècle. S’y installèrent les couvents de la Contre-Réforme de même que des hôtels particuliers qui avaient déjà colonisé l’espace de l’ancien centre autour du monastère de Saint-Julien dès 1450. Les rares percements de rues marquent une absence d’urbanisme dans une ville peu commode. Depuis le XVe siècle, l’endiguement de la Loire entre des levées accroît le problème des crues. La nouvelle enceinte sert de digue.

XVIIIe siècle

La route d’Espagne traversant Tours transforme l’axe de développement de la ville en lui faisant subir une rotation de 90°. Le nouveau pont et la rue Royale, conçus par les intendants, sont mis en place entre 1765 et 1782. Le débouché du pont est orné du nouvel hôtel de ville. Les effets du basculement ne sont sensibles qu’au XIXe siècle avec l’arrivée du chemin de fer et l’abandon du fleuve comme voie de transport. Une schématisation des rôles tenus par Tours et Châteauneuf au cours du temps peut être présentée sous la forme d’un tableau récapitulatif (tableau 1).

 

Des plans aux schémas

La schématisation de ces plans en respectant la grammaire définie par l’atelier chrono-chorématique du CNAU (fig. 1) permet de construire des modèles spécifiques à la ville. Lors de cette première étape, la simplification porte essentiellement sur les formes qui restent néanmoins très lisibles, la topographie et la morphologie étant conservées.

Les schémas mettent l’accent sur les nouveautés en regard des contraintes de site et des héritages. La ville est installée sur un bourrelet de rive dans le lit majeur de l’interfluve Loire/Cher, formant un plateau incliné du nord-est vers le sud-ouest. Les contraintes de site sont le fleuve au nord et une zone marécageuse au sud, de même qu’un coteau abrupt au nord de la Loire.

1. Légende type

Les contraintes de site

À l’échelle interne de la ville, la Loire ne constitue pas une contrainte tant quelle n’est pas endiguée. L’extension de l’espace urbain, en gagnant dans le fleuve sur la rive sud, est régulière avec une progression de 150 mètres en 2000 ans dans l’ouest de la ville (Galinié, Rodier 2001; Galinié et al., 2004). La construction des levées, qui débute au XIVe siècle (Burnouf et al., 2003), et les aménagements dans la Loire et sur la rive sud fixent celle-ci quasiment définitivement au XVIe siècle (Noizet, Carcaud, Garcin, 2004) et vont de pair avec l’apparition des grandes inondations. Le fleuve constitue alors une contrainte forte dans la ville mais celle-ci relève de l’héritage des aménagements antérieurs plutôt que du milieu naturel. À l’échelle du développement urbain, le coteau nord limite tout de même le développement de la ville avant la percée de la route royale nord-sud au XVIIIe siècle. L’effet induit de cet aménagement sera le basculement de 90 degré de l’axe principal d’urbanisation à partir du XIXe siècle, à tel point que la contrainte du fleuve dans la ville contemporaine n’apparaît plus qu’en tant qu’héritage historique.

La vaste zone marécageuse des Varennes au sud représente une contrainte moins importante, constamment repoussée et qui finira par disparaître comme telle quand l’extension l’espace urbain atteindra le Cher canalisé puis passera au-delà.

Les héritages

1. Les héritages de la ville classique sont faibles: deux voies parallèles le long du fleuve et l’hémicycle sud de l’amphithéâtre inclus dans le rempart du IVe siècle.
2. L’enceinte de la Cité du IVe siècle s’impose comme un marqueur topographique jusqu’au XVIIe siècle.
3. La séparation entre les morts et les vivants, liée à la topographie chrétienne, s’impose comme une valeur pérenne du IVe au Xe siècle.
4. L’enceinte de Châteauneuf du Xe siècle matérialise ce double héritage par la bipolarisation de la ville médiévale.
5. Les ponts ne marquent pas le paysage, ils sont déplacés à plusieurs reprises et la rive du fleuve est stabilisée après de nombreux gains par la construction d’une levée au XIVe siècle.
6. Au sud, la zone inondable influe sur la morphologie urbaine jusqu’à la construction de l’enceinte du XVIIe siècle qui joue le rôle de digue.

Des schémas aux chorotypes

Les schémas spécifiques sont ensuite transposés en chorotypes selon une grille et une périodisation pré-établie (fig. 2; Boissavit-Camus et al., 2005). À ce degré de simplification, les formes ne conservent une spécificité que si elles correspondent à une contrainte de site. L’échelle et la topographie ne sont plus retenues.

2. Grille des chorotypes

La logique de site liée à la présence d’un fleuve lui-même adossé à un coteau constitue un obstacle au développement urbain et donne lieu à une ville dissymétrique au carrefour d’une voie parallèle au fleuve et d’une seconde le franchissant

De l’intra-urbain à l’inter-urbain

À ce stade, les représentations ne sont plus spécifiques de la ville étudiée mais correspondent à son insertion dans une grille de modèles théoriques en fonction du rang dans la hiérarchie urbaine de l’époque considérée (fig. 2). L’objectif est alors de placer la ville étudiée dans des réseaux et d’assurer sa comparabilité avec d’autres afin de permettre, à terme, de modéliser les réseaux eux-mêmes (Boissavit-Camus et al., 2005).

La démarche mise en œuvre consiste explicitement en une double approche d’une part inductive et d’autre part hypothético-déductive correspondant à deux lectures possibles du tableau synthétique (fig. 4), de gauche à droite et de droite à gauche. La première, inductive, est fondée sur la connaissance de la ville de Tours, élaborée à partir de la mise en œuvre des données historiques. C’est elle qui assure le passage des plans détaillés à la schématisation spécifique. La seconde, hypotético-déductive, consiste à partir de la position supposée de la ville dans une grille théorique (fig. 2) pour en déduire l’inscription spécifique du cas de Tours. Les deux démarches se rejoignent dans la colonne des chorotypes auxquels elles doivent chacune permettre d’aboutir.

Du point de vue de l’archéologue et si l’on opère un changement de focale, cette démarche est similaire à celle de l’interprétation des données archéologiques à l’échelle de la fouille. La mise en œuvre des données archéologiques de terrain (Galinié et al., 2005) procède d’un processus inductif de regroupements successifs (fonctionnels, spatio-fonctionnels, spatio-temporels) des atomes d’informations — ici les unités stratigraphiques ou couches archéologiques — et, de manière déductive, d’une périodisation hiérarchisée et spécifique au site fouillé, fondée sur les hypothèses d’inscription des phases d’occupation du site dans un modèle historique.

À l’échelle de la fouille, ce mode opératoire permet d’une part d’assurer la robustesse des données de l’analyse par l’utilisation de systèmes d’information adéquats et d’autre part d’échapper à l’illusion que, du large ensemble des données les plus précises possible en entrée, sortira l’étroite réponse à la question posée en sortie. Cela relève de la confusion entre système d’enregistrement purement descriptif, prétendument objectif et exhaustif, et système d’information élaboré pour répondre à une problématique.

Des chorotypes au chrono-chorotype

L’ultime étape de cette démarche consiste à proposer une seule figure représentant la trajectoire de la ville depuis son origine, ce que H. Théry (1990, p. 54) désigne par le terme de paléochorème. La principale difficulté consiste à représenter la rétraction urbaine en même temps que la croissance dans une seule image fixe. Le résultat ne devant bien entendu pas être une image cumulative de toutes les précédentes. La représentation des enceintes est indispensable pour signifier les moments où la ville est close bien qu’elles ne coexistent pas nécessairement. De la même manière, la surface jaune, qui matérialise l’occupation urbaine de l’espace selon différentes densités, n’occupe pas tout l’espace durant toute la fourchette chronologique considérée. C’est pourquoi elle est décomposée en auréoles représentant à la fois les phases d’extension et celles de rétraction de l’espace urbanisé.

3. Chrono-chorotype de Tours

La figure ainsi construite pour Tours, mis à part son aspect suggestif, représente la ville ouverte implantée à un carrefour le long d’un fleuve; une phase de rétraction dans une enceinte; la ville double; la réunion dans une enceinte commune; la croissance au-delà des murs et du fleuve (fig. 3). Néanmoins, dans ce cas comme pour les schémas simplifiés et les chorotypes, c’est l’animation qui traduit le mieux le temps et les transformations.

Ce travail, fondé sur l’état des connaissances à un moment donné, ne constitue pas une synthèse mais un outil de réflexion sur la transformation de la ville de Tours. Il se résume à la fois dans le tableau (fig. 4) qui offre plusieurs sens de lecture, dans les animations qui synthétisent chaque étape de simplification et dans la proposition de chrono-chorotype (fig. 3). Un de ses apports est de mettre en évidence, par le décalage des lignes du tableau, que le processus de schématisation d’une colonne à l’autre engendre des changements de temporalités.

4. Transformation de la ville de Tours

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