La mer-territoire ou la banalisation de l’espace marin (Golfe de Gascogne)

Sommaire du numéro
N° 84 (4-2006)

La mer-territoire ou la banalisation de l’espace marin (Golfe de Gascogne)

Brice Trouilleta

CNRS, LETG UMR 6554, Géolittomer;
Université de Nantes, IGARUN. Nantes

Résumés  
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Introduction

Alors que la plupart du temps un voile bleu figurant le vide recouvre les espaces marins sur les cartes, l’objectif est ici de rappeler à l’aide de quelques exemples, que la réalité est différente et s’éloigne de plus en plus de cette représentation classique des «solitudes océaniques» (Vidal de La Blache, 1955). Même si les mers présentent des spécificités déroutantes pour l’analyse géographique (surface mobile, étendue sans repères fixes, etc.), les cartes des pêcheurs, des marins de commerce, des navigateurs en tout genre, sont parsemées de tracés, de points, de zones, de noms, marquant des «bons coins» de pêche, des croches, des routes, etc. Aussi, d’une certaine manière, les mers n’échappent pas au peuplement (Vigarié, 1995) et aux aménagements (Le Berre, Maillardet, 1998). Parfois anciennement occupée et exploitée, cette mer du quotidien (Roux, 1997) est déjà un espace géographique dont les éléments apparaissent de plus en plus variés: de la partition réglementaire à l’occupation physique permanente, du quota de pêche à la cage piscicole, du périmètre de protection au récif artificiel, ou encore de la route maritime au parc éolien offshore.

Le rôle déterminant de l’océan dans les grands équilibres planétaires (Vanney, 2002; Buchet, 2001; Minster, 1997), les ressources qu’il apporte (vivantes, fossiles, espace, etc.) et dont nombre de sociétés humaines sont étroitement dépendantes, impliquent de mieux prendre en compte la mer, à la fois la mer-milieu, la mer-support, la mer-ressource et surtout, parce que c’est la moins connue et la plus actuelle, la mer-territoire. Il faut ainsi reconnaître et affirmer la banalisation de l’espace marin en montrant qu’il est à bien des égards et de plus en plus un espace géographique au même titre que les autres, c’est-à-dire un espace à la fois approprié, exploité et géré par les sociétés, malgré certaines spécificités (Trouillet, 2004). Quelques coups de projecteur dans le golfe de Gascogne, entre les pointes bretonne et galicienne, permettent ainsi d’illustrer la banalité relative de l’espace marin.

Un espace marin approprié

Un bref rappel des faits

Les mers du globe ont connu ces dernières décennies, avec la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM; Montego Bay, 1982), un phénomène d’expansion juridictionnelle (mer territoriale, zone économique exclusive: ZEE…) qui a débouché en peu de temps sur une situation inédite: «les juridictions exclusives reconnues aux États côtiers jusqu’à 200 milles marins (1) de leur littoral représentent 40% des terres émergées de la planète, exception faite de l’Antarctique» (Labrecque, 1998). Peu s’émeuvent de ce bouleversement de la carte géopolitique mondiale qui déclenche ou exacerbe pourtant des tensions voire des conflits, parfois durs, entre les nations, comme l’a par exemple montré une carte particulièrement éclairante de l’Atlas du Monde diplomatique (2) pointant les enjeux de l’appropriation des gisements d’hydrocarbures dans l’archipel des Spratly, en mer de Chine. G. Labrecque a ainsi recensé approximativement 450 zones de chevauchement dans le monde, autrement dit des «frontières chaudes» (Foucher, 1991).

1. Les zones de météorologie marine en Europe

Le droit de la mer, frappé d’une frénésie «tant défensive de droits acquis pour certains, qu’acquisitive de droits futurs pour d’autres» (Beurier et al., 1998), s’est ainsi révélé un bon indicateur du poids croissant des enjeux politico-économiques dans une époque récente. À cela s’est ajoutée la montée en puissance parallèle d’une logique écologique, qui constitue un élément de plus en plus important de l’argumentaire soutenant l’extension des juridictions en mer. Au final, ces deux logiques s’entraînent mutuellement et fonctionnent comme un puissant catalyseur de la territorialisation des mers (Garcia, Hayashi, 2000). Étant donné que la majorité des ressources exploitables (vivantes, fossiles, etc.) se situent aux abords des continents, les ressources de la mer ont été du même coup largement appropriées.

Le processus d’expansion juridictionnelle n’est de surcroît pas achevé: non seulement il y a des projets d’extension ou de nouveaux tracés en cours, mais d’autres types de revendication peuvent encore s’ajouter, comme celui de mar presencial («mer de présence») proposé par les Chiliens (3). Le golfe de Gascogne en fournit une illustration concrète.

La situation dans le golfe de Gascogne

En effet, les États ont encore la possibilité de demander l’extension du plateau continental juridique au-delà des 200 milles et dans la limite de 350 milles (4), d’ici mai 2009 (CNUDM: Partie 6, art. 76). Dans le golfe de Gascogne, un projet d’extension, dénommé Extraplac (Extension raisonnée du plateau continental), vise un secteur au large (5) correspondant peu ou prou à une zone de météorologie marine nommée Pazenn (fig. 1). Celle-ci est apparue à l’occasion de la dernière modification du découpage des zones, en 2002, et comme aucun nom ne se distinguait clairement pour cet espace situé au centre du golfe de Gascogne, il a alors fallu lui en trouver un. Celui qui a été retenu est symbolique puisqu’il signifie «marche», en breton, au sens de «confins» (Hontarrède, Clochon, 2002). Ce fait, si anecdotique soit-il, est bien porteur de sens dans le contexte actuel, au-delà du fait que ce type de découpage (damier, carroyage) soit symptomatique de la prise de possession, ou de la revendication, d’un espace neuf ou conquis (Brunet, 2001; Di Méo, 1998).

2a. La partition juridique du golfe de Gascogne

Cette nouvelle tentative d’extension s’inscrit dans une suite d’événements qui font qu’aujourd’hui l’ensemble du golfe de Gascogne, dans ses différentes dimensions, a été approprié et a fait l’objet d’un maillage territorial. Il faut rappeler que, depuis l’établissement bilatéral des mers territoriales française et espagnole, près de 20% (de l’ordre de 45 000 km2) de l’espace marin dans le golfe de Gascogne sont placés sous la pleine souveraineté (sous-sol, sol, eau, espace aérien surjacent) d’un des deux pays, exactement comme l’espace terrestre (fig. 2a). Au-delà de ces eaux territoriales, s’étend une zone contiguë dans laquelle certaines prérogatives, en matière douanière notamment, sont étendues.

Le plateau continental, au sens juridique, a également donné lieu à un accord entre les deux pays, mais pas la ZEE puisque, juridiquement, il n’existe pour l’Union européenne qu’une zone communautaire (6). Ainsi, pour l’heure, les limites sont floues et les mentions portées sur les cartes marines constituent une précaution stratégique (7). Cette situation révèle, ici comme ailleurs, des tensions sous-jacentes derrière qui masquent des enjeux géopolitiques, par ailleurs récemment renforcés par l’entrée dans l’Union en 2004 de dix nouveaux pays (Suárez de Vivero, Rodríguez Mateos, 2006).

C’est sur ce maillage, inachevé dans le détail, que se fonde l’exercice de la souveraineté qui prend la forme de droits (exploration et exploitation des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol) et de devoirs qui se manifestent dans les domaines de la sécurité (balisage, sauvetage, etc.) et de la protection du milieu marin. C’est d’ailleurs cette présence en mer, liée aux missions de contrôle notamment, qui est à la base de la notion chilienne de «mer de présence». En la matière, l’une des originalités les plus frappantes de l’espace marin réside dans le fait que les marques de son appropriation sont largement invisibles, et l’ensemble de ses dimensions et de ses ressources lui-même le plus souvent difficilement perceptible.

Un espace marin exploité

Sous l’impulsion du droit, l’espace marin est aujourd’hui largement approprié. Mais, au mieux, le droit n’a fait qu’accompagner les stratégies économiques d’exploitation des mers, elles-mêmes suscitées et permises par une évolution fulgurante de la connaissance et des techniques marines. Si certaines formes d’exploitation des mers et de leurs ressources sont déjà anciennes (transport, pêche, etc.), elles sont de plus en plus organisées, encadrés, contrôlés. En la matière, les moyens de contrôle de l’espace marin mis en œuvre fournissent un angle d’attaque permettant d’appréhender globalement l’intensité d’une exploitation qui souvent demeure temporaire et laisse ainsi peu de marques.

Les moyens de contrôle: un indicateur de l’exploitation de l’espace marin

La mise en œuvre de ces moyens est un devoir mais permet en même temps d’asseoir la souveraineté des États. Cette mise en œuvre est encadrée par de nombreuses conventions internationales (8) qui ont vu le jour au cours des dernières décennies (sauvegarde de la vie humaine en mer, prévention des abordages en mer, prévention de la pollution par les navires, recherche et sauvetage maritimes, mise en place du système mondial de détresse et de sécurité en mer, etc.). C’est dans l’entrelacs de ces conventions, relayées au niveau national, que s’insèrent les dispositifs français et espagnols de surveillance et de contrôle de l’espace marin, de plus en plus complétés par des actions à l’échelle européenne (Agences de sécurité maritime, contrôle des pêches, environnement, etc.) (9).

3. L'organisation du contrôle en mer dans le golfe de Gascogne

Entre les deux pays bordant le golfe de Gascogne, l‘organisation du contrôle de l’espace marin (sauvetage, pollution, douane, police des pêches, maintien de l’ordre, etc.) fait apparaître des différences de fond. En France, le système repose sur un officier de marine, le Préfet maritime (sous l’autorité du Premier ministre), qui coordonne les nombreuses administrations impliquées. La Marine nationale est donc l’acteur-clé d’un système qui apparaît très centralisé: le seul centre régional d’Étel couvre l’ensemble de la zone française du golfe, certes secondé par Soulac servant d’appui pour la frange côtière au sud de La Rochelle (fig. 3). Presque à l’inverse, le système espagnol est dans les mains d’un organisme civil, la SASEMAR (société de sauvetage et de sécurité maritime), dépendante du ministère de l’Équipement. En contrepoint du cas français, le système espagnol est décentralisé aux niveaux régional et local. Des centres de coordination dans le domaine aérien complètent les dispositifs des deux pays. En outre, sans équivalence en Espagne, les côtes françaises sont dotées d’une chaîne sémaphorique assurant une veille visuelle (22 vigies et sémaphores sur la zone) du ressort de la Marine nationale.

Les conventions imposent également une couverture radiotéléphonique permettant de recevoir les appels de détresse et d’émettre les bulletins de sécurité (météorologiques notamment). Cette couverture est assurée par différents systèmes (ondes, satellites), dont le réseau VHF, intéressant à observer (fig. 3) car il crée un clivage entre navigation côtière et hauturière, à propos, notamment, de matériel de communication embarqué. Cette couverture est renforcée par des radars aux principaux points de passage et de croisement du trafic maritime, les Dispositifs de séparation de trafic (DST) créés par l’Organisation maritime internationale (OMI) dans les années 1970 et régulièrement modifiés (10).

Le dispositif en place dans le golfe de Gascogne dévoile une partition de l’espace légèrement en décalage avec les limites des ZEE (par défaut, le plateau continental actuel) des deux pays (fig. 3), mais en conformité avec les conventions internationales. Depuis quelques années, il existe aussi un plan d’intervention franco-espagnol en cas de sinistre en Atlantique, mis en place conjointement par la Préfecture maritime de l’Atlantique et la SASEMAR: le Biscaye Plan. Celui-ci fixe, selon les cas, l’autorité chargée de coordonner l’action conjointe et les procédures de coopération pour la lutte antipollution et le sauvetage.

L’ensemble de ce dispositif visant à organiser, à contrôler et à sécuriser au mieux les activités en mer répond clairement à ce qui s’est imposé — et s’impose encore — comme une nécessité face à la croissance de l’exploitation de l’espace marin. La hausse considérable du trafic maritime en fournit un exemple évident. Cette croissance des activités humaines en mer est autant le fait de leur montée en puissance que de leur diversification. Mais la définition récente, ou en cours, des différents territoires marins par un droit de la mer encore neuf, pose un certain nombre de problèmes concrets. On peut en effet constater parfois une certaine forme d’impuissance dans la mesure où les États ont étendu plus rapidement leurs juridictions que leurs réelles capacités d’action (11).

Cette approche générale permet de se faire une première idée de l’intensité de l’exploitation de l’espace marin. En même temps, cette approche fait écho à l’idée d’appropriation puisque, si les moyens de contrôle sont consécutifs à cette appropriation, en retour, ils permettent d’asseoir la souveraineté des États. On peut développer cette première approche générale à travers un exemple qui, en outre, a l’avantage de dévoiler une forme d’exploitation souvent méconnue de l’espace marin.

Un exemple original: l’activité militaire

Dans le golfe de Gascogne, avec des variantes entre les deux pays riverains, les Armées participent aux missions de contrôle en mer et contribuent en ce sens à l’exercice de la souveraineté. Mais en plus, les militaires utilisent l’espace en mer à leurs fins propres, ce qui en fait un exemple original où se mêlent devoir de présence et droit d’exploiter l’espace marin.

4. L’occupation par l’activité militaire en mer dans le golfe de Gascogne

Brest et El Ferrol, les deux grandes bases militaires du golfe de Gascogne, assurent des fonctions de commandement dans les zones maritimes qui relèvent de leur compétence (fig. 4). Cette partition de l’espace apparaît totalement déconnectée de la limite de juridiction constituée par les ZEE. Ces zones correspondent en fait à des secteurs d’exercices qui, d’ailleurs, se chevauchent, étant donné que les Armées n’ont pas l’usage exclusif des eaux internationales. En effet, outre les missions de souveraineté auxquelles elles peuvent prendre part, les Marines, et plus globalement les Armées, sont présentes en mer à l’occasion d’exercices permettant d’entretenir la flotte, les techniques et les équipages. Apparaissent aussi des secteurs d’exercice de tir des Armées espagnoles et françaises.

Ces secteurs de tir, qui découpent l’espace (fig. 4), peuvent interférer avec d’autres usages, parfois fortement lorsqu’ils se déroulent dans les eaux territoriales dont ils peuvent interdire l’accès à toute navigation. C’est notamment le cas de quelques zones dans les eaux françaises et espagnoles (12). L’activation de chaque zone fait l’objet d’un avis aux navigateurs diffusés par les capitaineries et les réseaux de radiocommunications.

La zone de tir la plus grande dans le golfe de Gascogne relève de la zone du Centre d’essais des Landes (fig. 4): les tirs peuvent, presque chaque jour, engager des secteurs plus ou moins grands de ce périmètre. La navigation est alors interdite dans les secteurs compris entre la côte et la limite externe des eaux territoriales, et déconseillée au-delà. Au sud de l’archipel de Glénan (Finistère sud), le polygone orienté sud-ouest/nord-est concerne des tirs aériens dangereux, comme les quatre autres rayons de tir mer/air ou air/mer. Toutes les zones de tir espagnoles concernent des tirs aériens dangereux, à l’exception du large rectangle orienté sud-ouest/nord-est qui sert aux exercices sous-marins et anti-sous-marins. Il existe en outre des couloirs de transit de Marines étrangères. L’une des hypothèses du récent naufrage d’un chalutier breton, le Bugaled Breizh, repose justement sur une collision avec un sous-marin dans l’une de ces zones de transit au sud des Cornouailles anglaises.

La pêche: des formes et des modalités d’exploitation multiples

L’espace marin fait l’objet d’une exploitation importante. Les usages de l’espace marin apparaissent non seulement diversifiés, mais en outre leurs modalités diffèrent souvent: plus ou moins temporaires, plus ou moins exclusives, en surface ou en profondeur, etc. L’exemple précédent en a fourni une première illustration, mais un autre exemple, celui de la pêche, permet de cerner encore mieux la multiplicité des usages et leurs interactions. À cela deux raisons: d’abord, cette activité permet d’introduire une troisième dimension de l’espace (la profondeur), ensuite, elle est très fortement dépendante des caractéristiques du milieu (profondeur, substrats, etc.).

5. Le suivi de l’activité de pêche dans le golfe de Gascogne

On peut rappeler que cette activité fait l’objet d’un suivi pour l’effort de pêche (navires, puissances, jauges, etc.), les lieux de capture ou encore les débarquements. C’est en fonction de ce suivi et de l’évaluation biologique de l’état des stocks que les autorités compétentes prennent diverses mesures de gestion (licences, quotas, aides, etc.). De manière à assurer ce suivi, deux types de découpage ont été mis en place. Le premier volet concerne le suivi des flottilles par rapport à leur port ou secteur d’attache. Il a pour effet de segmenter le littoral en différents quartiers maritimes (fig. 5), globalement calqués sur le découpage terrestre et qui n’ont qu'une utilité statistique. Plus important, le second volet est, lui, relatif aux lieux de capture. Le découpage de l’espace marin prend alors la forme d’un carroyage (fig. 5) avec des divisions, des subdivisions et des rectangles statistiques. Les pêcheurs sont théoriquement tenus de faire des déclarations de capture en mentionnant le rectangle statistique (d’environ 1 500 milles2 à ces latitudes). Loin d’être anodine, cette partition de l’espace marin est combinée, pour les espèces sous quotas notamment, à des droits d’exploitation fixés par l’Union européenne. Ainsi, par exemple, les pêcheurs néerlandais ont pour l’année 2006 un quota de 279 tonnes de sole dans les subdivisions 8a et 8b alors qu’ils ne sont pas riverains de ces zones. Autre exemple montrant toute l’importance de ce maillage, pour l’ensemble de la division 8, les pêcheurs espagnols ont un quota de 4 500 tonnes d’anchois contre 500 tonnes pour les Français (13). Autrement dit, le stock d’anchois du golfe de Gascogne a été octroyé aux Espagnols.

Pour en revenir au fond du propos, l’une des manières d’aborder la multiplicité des usages passe par l’analyse de la réglementation de l’exercice de la pêche. En la matière, il existe autant de réglementations que d’engins (chaluts, casiers, filets, lignes, cannes…), eux-mêmes déclinés en une multitude de variantes de formes (chaluts de fond, pélagiques, à grande ouverture, à perche… ainsi que filets calés, dérivants, de fond, de surface…), de caractéristiques (mailles, dimensions) et de navires les mettant en œuvre (taille, jauge, puissance), selon les régions, les techniques développées et leur diffusion, ou encore les espèces ciblées. En outre, quand l’exercice d’une pêche est encadré par une réglementation, il peut y avoir de nombreuses dérogations en fonction du calendrier, des caractéristiques du navire ou encore de droits de pêche historiques.

La réglementation en matière de pêche est donc d’une grande complexité, ce qui pose des problèmes d’interprétation et d’application (Trouillet, 2006), d’autant plus que cette réglementation est modifiée très régulièrement et qu’elle s’accompagne de mesures annexes (quotas, prises accessoires, etc.). Pour simplifier l’approche, on concentrera l’analyse sur la réglementation visant le chalutage de fond. Cet engin est en effet largement utilisé et sa mise en œuvre est contrainte tant par des données naturelles (types de fond, profondeur, etc.) que par les autres usages.

La zone interdite à cette pratique concerne les navires de toutes jauges, de toutes puissances et de toutes longueurs malgré les dérogations possibles. Ainsi, pour la France, les navires d’un pays tiers ne peuvent théoriquement pas pêcher dans les eaux intérieures et, sauf droits historiques (notamment entre les 6 et 12 milles des lignes de base droite), dans les eaux territoriales. La figure 6 montre les espaces dans lesquels la pratique du chalutage est interdite par la réglementation en matière de pêche, mais où elle y est également contrainte par d’autres interdictions. C’est le cas des cantonnements et des réserves de pêche. Au-delà, les autres usages contribuent également à restreindre la pratique du chalutage du fait de la présence de zones de câbles, de chenaux de navigation, de zones d’attente des navires, etc.

6. Les contraintes liées à la pratique du chalutage dans le golfe de Gascogne

En effet, dans la logique des conventions internationales (voir supra), à partir des années 1970, l’OMI, relayée par l’Organisation hydrographique internationale (OHI), a fixé un certain nombre de règles de navigation, matérialisées par des zonages afin d’organiser au mieux le trafic, en particulier aux abords des côtes où les risques sont accrus. Il s’agit de toutes sortes de dispositifs:

  • routes en eau profonde, voies recommandées, routes à double sens, ronds-points ou dispositifs de séparation du trafic (DST);
  • chenaux de navigation (zones balisées pour l’accès aux zones portuaires); zones d’attente devant un port ou un chenal;
  • zones de danger, de prudence, de dépôt de dragage, de câbles ou de conduites, d’incinération (réservées par exemple au traitement de déchets chimiques par des navires équipés), de transbordement, d’amerrissage d’hydravions, de dépôt de mines ou d’explosifs, d’immersion d’épaves, de cultures marines, de concessions minières, d’installations de production pétrolière, etc.

Avec les limites liées à l’échelle choisie, la figure 6 montre certains de ces usages et les contraintes à la pratique du chalutage qui en résultent. Dans certains secteurs, la zone de chalutage potentielle est réduite dans de fortes proportions. Se pose alors la question de la compatibilité des usages de cet espace.

Un espace marin à gérer

L’espace marin est approprié et intensivement exploité. Il faut donc le gérer. On a montré plus haut que les différents types de règlement participent déjà d’une certaine gestion. Mais pour mieux cerner cet aspect actuellement en pleine genèse (14), il convient de montrer, à une échelle fine, que la mer peut aussi être un espace limité et convoité. La zone située entre la presqu’île de Quiberon et l’île d’Yeu s’avère particulièrement intéressante.

Un espace limité et convoité

Dans ce secteur, on relève une activité de pêche côtière très développée (autour de 40 000 t vendues dans les criées du secteur), d’importants bassins conchylicoles (environ 35 000 t de coquillages), le port de commerce de Nantes-Saint-Nazaire (une trentaine de millions de tonnes), des bassins de navigation de plaisance (20 000 places sur pontons), une grande activité touristique sur l’ensemble du littoral et les îles qui engendre un intense trafic de passagers durant la saison estivale… D’autres usages affectent également l’espace marin (fig. 7):

  • des câbles électriques et téléphoniques sous-marins reliant les îles;
  • des zones expérimentales de récifs artificiels, d’exercice de tir de la Marine nationale, notamment le polygone de Gâvres-Quiberon régulièrement fermé à la navigation
  • des périmètres d’extraction de sédiments, des zones de dépôt d’explosifs, d’attente pour les navires transportant des matières dangereuses, le chenal de navigation qui permet d’accéder aux installations portuaires dans l’estuaire.
7. La mer, un espace multi-usages: exemple entre Quiberon et Yeu

Dans un tel contexte, une entrée par l’activité de pêche permet là encore de mieux comprendre les enjeux de l’exploitation de l’espace marin, considéré avant tout comme une ressource.

On a déjà montré, dans une étude antérieure, que l’on était progressivement passé dans cette zone du principe selon lequel on peut pêcher partout — sauf là où c’est interdit — à celui selon lequel on ne peut pêcher nulle part — sauf là où c’est autorisé (Trouillet, 2006). Ainsi, la double logique de l’exclusion et du morcellement débouche sur la mise en place d’un foncier maritime, ce qui a permis la formation implicite de véritables territoires de pêche. Le point nouveau est la contraction des territoires ouverts au chalutage de fond, du fait de la présence de zones rocheuses relativement impraticables et théoriquement interdites. Pour ce faire, on croise la réglementation relative au seul chalutage de fond (zones accessibles aux navires en fonction de leurs caractéristiques, en l’occurrence la jauge) avec la nature des fonds. La contraction des territoires de pêche est particuièrement forte dans la moitié sud de cet espace (fig. 8). Ce résultat est à relativiser dans la mesure où la cartographie de la sédimentologie, réalisée à l’échelle du 1/500 000, ne tient pas compte des étroits chenaux qui traversent les plateaux rocheux et sont connus des pêcheurs. Néanmoins, l’établissement, ou le renforcement, d’autres usages dans les zones restées accessibles aux chalutiers est susceptible de constituer un enjeu majeur pour la pêche, déjà fortement contrainte par les autres usages, la répartition de la ressource halieutique et les risques de croches.

8. Un espace limité: illustration à partir de l’exemple du chalutage de fond entre Quiberon et Yeu

On doit gérer simultanément l’espace marin et ses ressources; les deux sont imbriqués en matière de pêche puisque l’un des modes de gestion de la ressource halieutique est la régulation de l’accès à certaines zones. Le secteur étudié comprend par exemple des zones de nourricerie de l’une des principales espèces commerciales, la sole (Solea solea), dont la préservation est essentielle. D’après O. Le Pape et al. (2003), les critères présidant à la répartition des juvéniles de soles sont la profondeur, le sédiment et l’influence estuarienne. 81% des juvéniles s’établissent sur des fonds inférieurs à cinq mètres, couvrant moins du quart de la superficie entre la Vilaine et la Gironde. En mettant en regard  la réglementation en matière de pêche (plus exactement une partie de celle-ci, le chalutage n’étant qu’une des pratiques de pêche de la sole) et la répartition des nourriceries, on s’aperçoit que certaines de ces zones, en théorie protégées par la réglementation, sont pourtant potentiellement praticables par certains chalutiers (fig. 8), notamment les plus petits (moins de 12 m), ce qui pourrait avoir des effets négatifs. C’est aussi sans prendre en compte l’usage d’autres engins de pêche (les filets notamment) et les impacts encore mal connus des dépôts de dragage ou de la pollution diffuse.

9. Des projets qui cherchent leur place: l’exemple de l’éolien offshore

La contraction des territoires de pêche peut aussi être illustrée simplement par l’exemple du développement récent de l’activité éolienne. Depuis la mise en service du premier parc éolien offshore au Danemark (1991), les projets se sont multipliés, surtout depuis la signature du protocole de Kyoto. À la complexité et à la longueur des procédures se surimposent nombre de contraintes: vent, profondeur, pente des fonds, autres usages, etc. Après un appel d’offres national en 2004, différents projets ont fait l’objet d’études poussées, dont trois entre Quiberon et Yeu. Un premier, sur le banc de la Banche au large de l’estuaire de la Loire, a été vite écarté car le parc aurait empiété sur une zone de survol de l’Armée (15). Mais deux autres, autour de l’île d’Yeu, finalement non retenus (16), ont fait l’objet de consultations plus poussées avec les acteurs locaux, pour un équipement en éoliennes de nouvelle génération de 120 mètres de haut. Ce n’est pas par hasard si les projets autour de l’île d’Yeu ont été proposés dans deux secteurs déjà fermés au chalutage (fig. 9), l’acceptation sociale étant pourtant un élément d’évaluation finalement mineur.

Une initiative inverse doit être signalée: des pêcheurs de l’île d’Yeu et des plongeurs désireux de régler les conflits réguliers entre arts traînants et dormants, ont proposé la mise en place de récifs artificiels expérimentaux autour de l’île (Corlay, 2002). Ces installations, fonctionnant comme récifs de protection, contribueraient d’une part à faire respecter l’interdiction de chalutage (pratiqué par des pêcheurs du continent) dans la zone des câbles, mais aussi à permettre de repeupler les fonds (récifs de production: fonction de reconstitution des habitats). Les activités de loisir sont également intéressées (17): on peut y créer en effet des sentiers sous-marins, des spots de plongée, etc.

L’espace marin peut être limité, convoité il faut alors le gérer. Les réglementations le concernant sont souvent sectorielles, sans liens les unes avec les autres. Si elles sont essentiellement de la compétence d’institutions, des groupes sociaux territorialisés s’impliquent également dans la gestion, ce que montre le cas d’Yeu avec les récifs artificiels. Mais, l’un des domaines qui incite le plus à aller vers une gestion globale de l’espace marin est la protection de l’environnement.

La mer espace à préserver: les politiques environnementales

Parmi les contraintes qui s’exercent de plus en plus en mer, on compte les zonages d’inventaire et de protection de l’environnement. Il en existe de très nombreuses formes qui opposent des contraintes variables (parfois quasiment nulles) aux usages. On ne retiendra ici que les périmètres du réseau Natura 2000 couvrant en partie, ou complètement, l’espace marin et qui représentent la moitié des surfaces d’inventaire ou protégées. Dans le golfe de Gascogne, on peut estimer la surface de ces périmètres à 1,5 million d’hectares répartis sur environ 150 sites au total (plusieurs types de zonage peuvent se chevaucher). La moitié des surfaces classées Natura 2000, soit un peu moins de 400 000 ha, sont situées dans le domaine public maritime (fig. 10).

10. Le glissement en mer des périmètres de protection de l’environnement

Le réseau de surveillance Natura 2000, dont l’objectif est de préserver la diversité biologique, est une appellation générique qui recouvre deux types de sites, en application des directives européennes dites «Oiseaux» (n° 79/409 du 06/04/1979) et «Habitats» (n° 92/43 du 21/05/1992). Le premier type, les Zones de protection spéciale (ZPS) de la directive «Oiseaux», est voué à la protection des habitats nécessaires à la reproduction et à la survie d’espèces d’oiseaux considérées comme rares ou menacées à l’échelle de l’Europe (art. 4). Le second type de périmètres, les Sites d’importance communautaire (SIC) de la directive «Habitats», est déterminé sur la base du recensement des habitats naturels de la faune et de la flore mené par le Muséum national d’histoire naturelle en France et par l’Instituto Nacional para la Conservación de la Naturaleza (Institut national pour la conservation de la nature, structure dépendant du Ministerio de Medio Ambiente) en Espagne. Suite à leur étude et à un acte réglementaire, les SIC deviennent des Zones spéciales de conservation (ZSC) pour lesquelles les États assurent une mission de surveillance (art. 11). Peuvent par exemple être imposées des prescriptions concernant l’accès à certains secteurs, pendant certaines périodes (art. 14).

Comme l’espace terrestre, avec son lot de tensions aussi dans le domaine de l’environnement, le golfe de Gascogne fait l’objet de partitions multiples: en particulier la mer d’Iroise, la rade de Brest, le golfe du Morbihan, l’estuaire de la Loire, la baie de Bourgneuf, les pertuis charentais, la ria de Mundaka, la baie de Santoña et les rias galiciennes. Après le vote de la nouvelle loi sur les parcs naturels, le parc marin d’Iroise, en projet depuis 1989, pourrait couvrir une surface de 300 000 ha. Cela s’inscrit dans le droit fil de la croissance continue de la surface des périmètres de protection de l’environnement en mer: le premier du genre, le parc national de Port-Cros (créé en 1963), s’étend sur 1 800 ha, et le dernier en date (créé en 1999), la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio, sur 80 000 ha. La mise en place d’Aires marines protégées (AMP) à travers le monde procède de cette logique: le cinquième congrès mondial sur les parcs naturels organisé par l’Union internationale pour la conservation de la nature, qui s’est tenu à Durban (Afrique du Sud) en 2003, propose de protéger 5% de la surface des océans.

Conclusion

Au final, on voit, que la mer est un espace géographique banal: on y rencontre, à quelques nuances près, des modalités d’appropriation et des configurations spatiales déjà bien connues sur la terre ferme, des conflits et enjeux similaires. Certains pays, comme l’Australie ou les États-Unis, construisent même à l’heure actuelle des cadastres marins. Mais cette banalité, somme toute relative, ne doit pas faire oublier les spécificités de cet espace et les différences d’un espace marin à un autre. En revanche, plaider la thèse de la banalisation de cet espace, c’est aussi reconnaître que son étude, encore trop souvent négligée, notamment par la géographie humaine, peut apporter une contribution intéressante à l’étude des espaces géographiques en général (Trouillet, 2004). À quand, par exemple, un atlas de géographie qui soit aussi un atlas de géographie humaine des mers? C’est aussi une manière de défendre l’idée que l’espace marin doit être non seulement géré en tant que tel, mais également mieux pris en compte dans la gestion des zones côtières (Guineberteau, Trouillet, 2006).

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Notes

1. Un mille marin (nautique) équivaut à 1 852 mètres.

2. Voir le site du monde diplomatique

3. Accès au site web

4. Il faut cependant noter que ces possibilités d’extension dépendent de moyens océanographiques importants qui ne sont pas à la portée de tous les États. Ainsi, la mer et ses ressources peuvent être appropriées par ceux qui ont les moyens de les exploiter, secondairement peut-être de les protéger. Cela ne fait somme toute que renforcer une situation déjà existante, sans compter que nombre d’États, dotés d’une étroite façade maritime, ou enclavés, ont été de fait écartés du partage des espaces marins.

5. Accès au site web de l'Ifremer.

6. Cela n’empêche pas la France, par exemple, d’établir des ZEE autour de ses poussières d’empire, preuve en est qu’avec plus de 10 millions de km2, la France possède l’un des territoires marins les plus étendus au monde et de ce fait frontalier de Madagascar ou encore des Seychelles.

7. Sur les cartes, le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) reprend la limite du plateau continental et l’intitule «plateau continental et ZEE» (un État peut étendre sa ZEE jusqu’au plateau continental dans la limite des 200 milles). En revanche, l’Instituto Hidrográfico de la Marina (IHM) fait apparaître sur ses cartes une ZEE dont il a porté aussi fictivement et unilatéralement la limite à 200 milles des lignes de base droites. Si ces deux services ont porté des mentions différentes, c’est que la CNUDM donne la prééminence aux mentions portées sur les cartes marines. Chacun cherche à garantir ses chances. On a ainsi une zone grise, car revendiquée par les deux pays, au centre du golfe de Gascogne. L’intérêt pour un pays d’étendre au maximum sa ZEE par rapport à son plateau continental est que les droits d’exploitation y sont plus importants: ils ne concernent pas seulement le fond de la mer et son sous-sol, mais également la couche d’eau. On peut noter que, si dans l’avenir se dessinaient des ZEE en Europe, donc dans le golfe de Gascogne, le principe de l’équidistance devrait prévaloir. Cela serait théoriquement défavorable à la position française et, à l’inverse, au bénéfice de la position espagnole (fig. 2b). Mais l’Espagne, à moins d’un nouvel accord bilatéral, ne pourrait de toute manière pas étendre sa ZEE sur le plateau continental juridique français…

8. On peut citer notamment la convention SOLAS (Safety of Life at Sea), les règlements internationaux pour la prévention des abordages en mer (COLREG), pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL), la convention sur la Recherche et le sauvetage maritimes (SAR: Search and Rescue), le Mémorandum de Paris, etc.

9. On peut néanmoins demeurer perplexe dans la mesure où, par exemple, les moyens alloués à l’Agence européenne pour la sécurité maritime demeurent limités: moins de 45 millions d’euros en 2006 quand près de 900 millions ont été réclamés au FIPOL (Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures) après le seul naufrage du Prestige au large des côtes galiciennes.

10. En 2003, les DST de Finisterre et d’Ouessant ont été modifiés de manière à limiter les risques de collision entre les navires, maximums dans les secteurs de croisement des navires (fig. 3a). Le nouveau DST de Finisterre dispose désormais d’une part de deux rails montants et deux descendants (croisement sur bâbord) avec dans chaque sens un rail externe pour les navires à cargaison dangereuse, d’autre part d’une zone réservée à la navigation côtière (fig. 3b). Auparavant, il n’y avait qu'un rail dans chaque sens: le changement a permis d’éloigner le risque constitué par les navires à cargaison dangereuse. L’ancien DST de Finisterre n’a été maintenu que durant neuf années puisque, en 1994, pour des raisons de conflits d’espace avec l’activité de pêche, le DST avait déjà été modifié et déplacé plus au large après l’isobathe des 500 m (OCDE, 1996). Actuellement, d’après le ministère de l’Équipement espagnol, plus de 40 000 navires empruntent le rail de Finisterre chaque année (dont un peu moins de 15 000 transportant du pétrole ou des produits dangereux), soit une centaine par jour. Quant au DST d’Ouessant, l’ancienne version prévoyait deux rails montants, un descendant (entre les deux autres) et une zone de navigation côtière. Désormais, le nouveau dispositif a supprimé la zone de navigation côtière au profit d’un rail à double sens (à environ 10 milles à l’ouest d’Ouessant) dédié à la navigation côtière. Sur les trois anciens rails, il n’en subsiste plus que deux, l’un montant et l’autre descendant, légèrement déplacés vers le large et dans lesquels croisent, d’après la Préfecture maritime de l’Atlantique, 54 000 navires par an, soit 150 navires par jour transportant près de 800 000 t d’hydrocarbures et de produits dangereux.

11. Par exemple, en matière de police des pêches maritimes dans le domaine hauturier, hormis les quelques avions des Douanes, la France est dotée de quatre vedettes et d’un patrouilleur pour les 200 000 km2 à couvrir en Atlantique (soit une unité pour plus de 40 000 km2), moyens pour lesquels les zones situées au-delà des 100 milles demeurent difficilement accessibles. En Espagne, la situation est similaire. Dans le golfe de Gascogne, on compte quand même environ 270 navires, avions et hélicoptères (sans compter les moyens plus limités tels les canots pneumatiques) mobilisables, assurant ainsi la présence en mer, dont près des deux tiers en France. Cette carence des moyens pour assurer la police des pêches est, progressivement et partiellement, effacée par la mise en place du système de surveillance des navires de pêche par satellite, destiné à déterminer si le navire opère dans une zone où les activités de pêche sont interdites, s’il a les licences et quotas nécessaires pour pêcher dans la zone où il se trouve et s’il a accosté dans un port sans déclarer ses débarquements. Ce faisant, les États riverains seront davantage en mesure de respecter les missions qui leur ont été confiées.

12. On relève: deux zones de tir réglementées en mer d’Iroise, une série de zones de tir dangereuses dans le polygone de Gâvres (à l’est de la presqu’île de Quiberon), deux zones à Grandmont (au sud du golfe du Morbihan) et à l’ouest de Noirmoutier dans lesquelles des aéronefs tirent des roquettes éclairantes, de certaines zones du champ de tir du Centre d’essais des Landes (CEL: au sud du bassin d’Arcachon), du champ de tir d’armes légères d’infanterie du Boucau (au nord de l’embouchure de l’Adour), et d’une zone de tir dangereuse à l’ouest de la ria de La Corogne.

13. Il est bien évident que cette situation met en difficulté les ports de pêche français (en l’occurrence) qui ciblent prioritairement l’anchois. C’est le cas, en particulier, à La Turballe, premier port anchoyeur du pays, dans lequel étaient encore débarquées près de 4 500 tonnes d’anchois en 2004 (7e criée du pays)!

14. On peut citer les initiatives relatives à la mise en œuvre, à l’échelle européenne, de la stratégie pour le milieu marin (proposition de directive datant de la fin de l’année 2005) et du Livre vert pour une politique maritime de l’Union (paru en juin 2006 et soumis à débat jusqu’en juin 2007). Ces politiques de gestion visant spécifiquement l’espace marin sont les premières du genre en Europe.

15. Un cas similaire de conflit «aérien» s’est produit dans le détroit du Pas-de-Calais dans la mesure où les éoliennes étaient susceptibles d’entraver le bon fonctionnement de la couverture radar du DST.

16. Les résultats de l’appel d’offres ont été connus durant l’été 2005.

17. Des études montrent qu’aux États-Unis les clients sont parfois prêts à verser des sommes élevées: en Floride, où il y a plus de 300 sites de récifs artificiels, une visite d’une journée sur un récif avec plongée et pêche coûte 100 $ (Lacroix, 1999).