Sommaire du numéro
N° 86 (2-2007)

La troisième dimension en cartographie statistique, des cartes en prismes imprimées aux modèles 3D interactifs

Laurent Jégoua

Atelier de Cartographie-Infographie, Département de Géographie et Aménagement, Université de Toulouse-Le Mirail

Résumés  
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Introduction: la technologie moderne ranime une technique ancienne.

Le principe de l’extrusion des régions d’un fond de carte sur la troisième dimension, selon la valeur d’une variable statistique, a été décrit par George F. Jenks dans son article «Generalization in statistical mapping», en 1963. C’est alors un outil qu’il utilise pour apprécier visuellement la qualité d’une «généralisation», c’est-à-dire, selon sa définition, d’un regroupement des valeurs en classes, en vue d’une représentation cartographique. L’argument central de cette technique se trouve dans le fait de relier une donnée immatérielle, donc non directement perceptible, à un objet concret, familier, en trois dimensions, pour obtenir une représentation facilement compréhensible. Ce type de représentation se dessine alors naturellement à la main, selon les techniques de dessin des blocs-diagrammes de géographie physique (1). Le temps et les efforts nécessaires à la production de tels diagrammes en interdisent alors l’utilisation courante.

La diffusion de la micro-informatique, puis, plus récemment, la disponibilité en ligne de données et de logiciels libres pour les traiter et les visualiser, permettent aujourd’hui un accès plus aisé à ces méthodes de représentation. On en remarque une utilisation croissante dans la presse et les atlas.

Avec le développement du domaine de la visualisation scientifique, et plus précisément de la «géovisualisation (2)», c’est l’interactivité, l’interaction entre l’individu et la représentation de la donnée statistique, qui est désormais plus accessible. Cette «manipulation» des données, au sens propre, ouvre donc de nouvelles possibilités, mais impose aussi de nouvelles limites et conditions. Elle offre de plus la possibilité de créer des cartes animées, où la manipulation pré-enregistrée se déroule comme une séquence de film.

Les prismes 3D statistiques, méthode, apports et limites

a) Méthode

La représentation en trois dimensions peut être considérée comme une évolution de la carte classique. Le problème est le même: cartographier une variable diffuse, qui possède une valeur sur tout un territoire, mais que l’on a échantillonnée, mesurée, en un certain nombre de points. G.F. Jenks (1963) parle de «surface statistique» qui viendrait se superposer à la surface réelle du territoire. Un phénomène peut présenter une variation continue dans l’espace, c’est le cas par exemple des variables climatologiques: température, pluviométrie…, ou une variation discontinue, avec des changements brusques de valeur, par exemple lorsque l’on s’intéresse à un phénomène présentant un découpage spatial de fait: unités administratives, culturales, d’urbanisme…

Le principe de construction est simple: au lieu d’utiliser un figuré, une «variable visuelle» ou «variable rétinienne» (selon le terme de J. Bertin, 1977), pour figurer la variable, on va utiliser immédiatement la troisième dimension, en concevant la représentation directement en relief. La restitution du résultat s’effectue ensuite en repassant de l’espace à trois dimensions à un support plan à deux dimensions, par des techniques de dessin classiques en architecture (perspective, isométrie…) ou par des techniques de modélisation informatiques.

Cette conception cartographique en trois dimensions peut prendre différentes formes, en fonction du type de rapport à l’espace de la variable, du type de «surface statistique», mais la règle reste la même: on élève en hauteur les éléments du fond de carte, selon la valeur de la variable. Les figures 1 et 2 illustrent une variable continue: la densité de la population en l’an 2000 en Europe. Pour la représentation en relief, une fonction permet de passer des valeurs exprimées dans l’unité d’origine de la variable à une altitude adaptée à la taille du fond de carte devenant bloc-diagramme. En effet, il faut souvent affecter les valeurs d’origine (des populations au km2, dans l’exemple qui nous intéresse) d’un coefficient pour obtenir des valeurs d’altitudes qui soient adaptées aux dimensions du fond de carte et à la position de l’observateur. Si l’on cartographiait directement les pourcentages de densité, comme leurs valeurs sont très faibles comparativement aux deux autres dimensions (latitude et longitude géographiques) de la carte, le résultat serait très plat. Dans ce cas d’une surface statistique à variation continue dans l’espace, le résultat sera proche d’un modèle numérique de terrain, le «sol» présentera des creux et des bosses.

1a, 1b. Exemple des densités de population en Europe en 2000. Carte en auréoles 2D, et carte en relief 3D.
Source des données: Centre for International Earth Science Information Network (CIESIN), Columbia University, 2005

En cartographie statistique, on a cependant plus souvent affaire à des variables dont la surface statistique est discontinue, les valeurs concernant des unités statistiques aréales. On va alors extruder les polygones représentant les unités statistiques pour former des prismes, sur une hauteur relative à la valeur à représenter (fig. 2).

Lorsque l’on reproduit cette extrusion pour toutes les unités spatiales, on obtient une représentation en relief composée de prismes, une sorte de «chaussée des géants» statistique (3). La dénomination de ce type de représentation varie selon les auteurs, mais le terme le plus utilisé est celui de «carte en prismes». On trouve aussi celui de «modèle 3D statistique» chez les auteurs anglo-saxons (Kraak, Ormeling, 2003, p. 129).

2. Procédé d’extrusion

Si l’observateur de la carte en relief est situé à sa verticale et regarde dans la direction nadirale (4), l’image résultante ne se démarque pas beaucoup d’une carte 2D classique. On remarque quelques ombrages et distorsions, notamment sur les parties périphériques du fond de carte, la Corse notamment (fig. 3).

b) Apports

L’apport du passage aux trois dimensions réside tout d’abord dans un résultat, une représentation, qui est plus simplement perceptible. La vision d’un relief, d’un paysage, fait appel à des capacités d’interprétation beaucoup plus basiques que la lecture d’une carte en deux dimensions: «L’homme essaye d’organiser l’image qu’il perçoit comme une scène du monde réel, avant d’imaginer toute autre interprétation, même si l’image comporte des stimuli qui contredisent cette interprétation» («Humans try to organise an image into a real world scene as a priority over any other interpretation, even if there are stimuli in the image which contradict this», Hearnshaw, 1994, p. 16.), abstraction qu’il faut interpréter. Roger Brunet le note (1987): la représentation en trois dimensions «parle mieux» (p. 106), arrête le regard, intéresse, mais désarçonne aussi parfois (cf. la fig. 46.1, p. 136). Cette représentation a aussi un pouvoir évocateur, Ch. Henriot et Zh. Zuan (1999, p. 105) soulignent la ressemblance entre la carte prismatique des densités des quartiers de Shanghai et la forme de la ligne d’horizon de la ville.

Un intérêt plus pratique de ce type de représentation se perçoit lorsque l’on fait pivoter la carte prismatique autour d’un point central (fig. 4a et 4b).

Comme la partie sud de la France, et plus précisément les départements situés sur les côtes et frontières, présente les taux d’évolution positive les plus forts, il se forme une sorte de «mur», qui va gêner la visualisation si l’on utilise un positionnement «classique» du nord de la carte vers le haut de l’image. En pivotant le nord vers l’observateur, tout en abaissant le point de vue, on obtient une représentation beaucoup plus éloquente. Si l’on compare ces deux dernières figures (4a, 4b) avec la carte choroplèthe de la figure 3a, on note une bien meilleure lisibilité des différences de valeurs entre départements, différences masquées auparavant par le regroupement en classes.

 

3a, 3b. Extrusion d’une analyse thématique choroplèthe: l’exemple de l’évolution de la population des départements français entre 1999 et 2004 (estimations annuelles INSEE)

Il s’agit d’ailleurs de l’un des usages remarqués de ce mode de représentation: comparer les valeurs originales d’une variable à celles obtenues après une discrétisation, un regroupement en classes. La carte prismatique permet en effet de représenter assez lisiblement les valeurs originales, non regroupées. Voici tout d’abord la comparaison (fig. 5) entre variable originale et variable discrétisée avec une méthode appropriée à sa distribution et à un objectif d’analyse: la méthode de Jenks (5).

4a, 4b. Différentes vues obtenues par pivot sur trois dimensions

En simplifiant, on peut dire que la discrétisation effectuée en figure 5a produit une représentation relativement fidèle à la distribution de la variable originale, non regroupée en classes, présentée en figure 5b. De légères différences subsistent, comme par exemple pour le département des Alpes-de-Haute-Provence sensiblement sous-représenté dans la discrétisation (il semble avoir disparu, provoquant un trou dans le modèle).

5a, 5b. Comparaison entre une valeur originale et sa discrétisation

La carte statistique en prismes permet aussi de comparer le résultat de plusieurs discrétisations, pour déterminer celle qui présentera l’information de la façon la moins réductrice (fig. 6). On vérifie ainsi visuellement, et donc rapidement, que la discrétisation de droite (fig. 6b) provoque une forte perte d’information, voire une déformation. Le département de Corse-du-Sud, par exemple, se trouve classé dans un groupe différent de celui de la Haute-Corse, alors que leurs valeurs ne sont pas si éloignées que cela (la représentation de la variable originale se trouve en figure 5b).

c) Les limites

Naturellement, cette façon de représenter une variable statistique à composante spatiale présente aussi des inconvénients, que l’on peut regrouper selon deux thèmes: la difficulté de réalisation elle-même, tout d’abord, puis la difficulté de lecture.

Difficulté de réalisation.— Le dessin d’une vue en relief, qu’elle soit géomorphologique ou géostatistique, demandait autrefois une technicité et une habileté certaines du dessinateur. Il fallait connaître les techniques de la perspective, construire une grille, et reproduire le plus fidèlement possible les formes de relief voulues. C’était naturellement une limite forte à la diffusion de ce type de représentation.

Avec le développement de la micro-informatique, des logiciels de représentation graphique sont venus automatiser une grande partie de cette procédure, mais la relative complexité de la tâche a fait que ces logiciels sont restés dans une «niche» assez restreinte (6). On peut réaliser aujourd’hui des cartes en «reliefs statistiques» en utilisant les logiciels de modélisation numérique de terrain, grâce à un subterfuge qui consiste à faire passer la variable statistique pour une altitude (cf. fig. 1). Le cas des blocs-diagrammes prismatiques, extrusions de polygones, est plus difficile, car les logiciels qui permettent cette représentation sont peu accessibles et d’un haut niveau technique. Ce sont souvent, en effet, des extensions de progiciels existant dans le domaine des statistiques ou des systèmes d’information géographique. Nous verrons que cette situation se débloque progressivement, grâce à une évolution récente dans le domaine des logiciels de traitement et représentation cartographiques, ouvrant la voie à l’interactivité.

Difficulté de lecture et d’interprétation du résultat.Le second groupe de problèmes posés par la représentation en blocs-diagrammes affecte fortement son utilité même. En effet, une fois un bloc-diagramme «modélisé» par l’ordinateur, il reste la phase de sa représentation sur un plan en deux dimensions, sur le support prévu, écran ou papier.

Cette phase finale du travail peut s’avérer être un casse-tête, et produire un résultat difficilement exploitable:

  • du fait de la position de l’observateur et de la perspective, des éléments du fond de carte peuvent être masqués par d’autres. Dans les figures présentées ci-dessus cet écueil à été évité pour l’essentiel, mais certains départements sont quasiment masqués, par exemple les Pyrénées-Atlantiques sur les figures 4, 5 et 6;
  • à cause du changement de point de vue (rotations, abaissement), le repérage, l’identification des éléments du fond de carte peuvent devenir problématiques. Lorsqu’une carte est méconnaissable, elle ne remplit pas son objectif de communication. Dans certains cas c’est l’extrusion elle-même qui peut transformer les formes de la carte pour la rendre méconnaissable.

Enfin, d’une manière générale, la lecture attentive d’une carte prismatique est plus longue, la quantité d’information étant plus importante, que la lecture d’une carte choroplèthe. Si l’allure générale, le relief s’appréhendent instinctivement, la lecture détaillée des différentes valeurs s’effectue forcément avec un grand nombre de mesures visuelles, de comparaisons. Or la mesure relative de deux valeurs de hauteur peut s’avérer difficile, à cause de leur transposition sur deux dimensions.

6a, 6b. Comparaison de deux discrétisations pour évaluer leur pertinence

 

D’une représentation statique à une représentation dynamique: animation et interactivité

a) L’évolution des outils

À la fin des années 1980, l’apparition des premiers logiciels de cartographie permettait d’imaginer un développement rapide des techniques et une poursuite des recherches sur les méthodes de représentation. Or c’est l’inverse qui fut constaté: la relative facilité d’utilisation de ces logiciels a comblé la plupart des besoins de base et a rendu moins urgente la recherche de nouveaux développements. Le champ s’est comme figé, le développement de logiciels informatiques faisant appel à des compétences spécifiques, assez peu ouvertes aux géographes. C’est le constat que dresse par exemple Serge Bonin (2000) à propos de la sémiologie graphique entre 1980 et 1995: avec l’apparition de la micro-informatique, ce sont d’autres techniques qui se développent, les traitements statistiques d’un côté, les outils de dessin de l’autre.

Depuis, les recherches ont progressé, dans la conceptualisation et l’expérimentation, mais la généralisation des usages et leur application en recherche et en pédagogie de la géographie reste timide. Très récemment, Andrea Adami et Francesco Guerra (2006), écrivent encore: «Une tendance s’amorce à partir du besoin d’étendre notre connaissance sur le rôle des outils et des assistances actuellement développés, rechercher les opportunités et les limites posées par leur utilisation, évaluer le potentiel offert par une évolution qui apparaît comme étroitement connectée avec les technologies de l’information, et finalement, mettre à jour les méthodes et les formes de recherche, en relation avec la culture contemporaine.» («The trend stems from the need to expand our knowledge required on the role of supports and instruments currently developed, investigate the opportunities and the limits posed by its use, evaluate the potential offered by an evolution that appears closely connected with information technology, and finally, actualize the methods and forms of research in relation to contemporary culture.»).

Aujourd’hui il semble que le développement de langages et d’outils de programmation informatique plus accessibles (car gratuits et abondamment documentés, comme Java), d’un côté, et le développement d’un mouvement pour des données et des logiciels «libres» (7), de l’autre, permettent l‘apparition de nouveaux outils de traitement et de représentation cartographiques (8). La recherche dans ce domaine semble relancée, et de nombreux chercheurs et laboratoires développent leurs propres outils et les proposent gratuitement.

Le développement des logiciels de visualisation scientifique permet aujourd’hui de passer d’une représentation cartographique ponctuelle, unique ou en petit nombre (car coûteuse), à vocation de communication, à une représentation dynamique, continue, interactive, à vocation d’analyse. Ce changement dans l’accessibilité à la technique en permet une utilisation beaucoup plus simple et rapide, ce qui autorise son utilisation à des fins d’exploration des données (datamining ou «fouille de données»). Avec le gain de rapidité, l’utilisation d’un tel outil d’exploration permet par exemple de traiter des jeux de données plus importants, mais l’exploration elle-même va offrir des possibilités de découverte et d’interprétation nouvelles. On entre dans le domaine de la «géovisualisation».

Alan MacEachren (1995, p. 359), présente la géovisualisation comme un champ en cours de conceptualisation, très prometteur: «Nous n’avons même pas débuté l’exploration du potentiel que représente l’utilisation de multiples représentations cartographique de données […] ni n’avons recherché l’implication d’outils qui expédient la restructuration interactive de l’information cartographique.» («We have not even begun to explore the potential of using multiple cartographic representations of data […] nor have we investigated the implication of tools that expedite interactive restructuring of cartographic information.»).

b) L’interactivité, solution aux limites des cartes en prismes

Séquence 1:
cliquez sur l'image
Séquence 2:
cliquez sur l'image

Le premier niveau d’interactivité se situe dans le traitement des données, leur analyse, l’utilisation de la carte. Il est aujourd’hui possible, avec des moyens courants et des logiciels accessibles, de modifier un regroupement en classes, de calculer des indicateurs, de composer un camaïeu de nuances, en quelques clics, avec un résultat instantané.

Le second niveau d’interactivité réside dans la visualisation même de la carte, qui s’apparente alors à de l’exploration, de la manipulation. En plus du choix des paramètres de traitement et de représentation évoqués précédemment, on accède à des options de visualisation nouvelles:

  • faire pivoter la carte sur un ou plusieurs axes, selon des paliers fixes ou librement;
  • en approcher ou en éloigner le point de vue, voire choisir le type de perspective;
  • changer l’échelle des figurés (hauteur d’extrusion des prismes par exemple).

Un logiciel permettant ces deux niveaux d’interactivité ouvre alors la possibilité de réaliser rapidement un premier traitement des données (sélection, calcul d’un indice, regroupement en classes…), d’en visualiser instantanément une représentation en trois dimensions manipulable, et de revenir modifier le traitement en conséquence. Il n’est plus véritablement besoin d’avoir une idée précise de la carte finale avant de se lancer dans les opérations qui y aboutissent, la carte devient un outil d’analyse plus souple.

Dans le cas des cartes en prismes qui nous intéresse, cette possibilité de manipulation résout bon nombre des problèmes évoqués:

  • lorsqu’une partie de la carte est masquée, il est possible de faire pivoter la représentation pour la révéler;
  • lorsqu’un fond de carte est peu reconnaissable parce qu’il est observé de biais, une rotation le dispose de façon plus classique et le rend identifiable à nouveau;
  • la possibilité de changer le point de vue de l’observateur et le taux d’extrusion permettent de mieux percevoir les faibles différences de valeur, en plaçant par exemple les prismes à hauteur d’œil.

Les deux séquences animées illustrent ce type de manipulation. La séquence n° 1  représente des rotations sur les trois axes, par paliers de même amplitude et variation de l’échelle d’exagération verticale de l’extrusion. La séquence n° 2 présente une rotation «à main levée» à l’aide de la souris, avec utilisation du zoom.

c) De nouvelles limites

La prise en main de l’outil suppose néanmoins un apprentissage supplémentaire. L’interface, l’ensemble de commandes qui permet la manipulation 3D, représente en effet une complexification par rapport à la lecture d’une cartographie classique à deux dimensions. Il faut que l’utilisateur fasse mentalement la conversion entre le panneau de commandes du logiciel et les effets sur la représentation en trois dimensions. Ce panneau de commandes n’est pas d’une compréhension intuitive pour tous les utilisateurs.

Le champ de l’ergonomie des interfaces homme-machine pour une visualisation en trois dimensions est vaste et a fait l’objet de nombreuses recherches. Le nœud central est constitué par le discernement de la connexion entre des éléments d’interface (boutons, curseurs, listes…) et la zone de visualisation, opération qui demande une capacité d’abstraction et d’imagination. Mais nous pensons qu’une simplification des commandes, associant boutons à l’écran et touches du clavier, ne reprenant que les opérations simples (rotations axiales et zoom), permet une prise en main rapide. En outre, la souris peut être utilisée pour obtenir une relation directe entre un mouvement de la main de l’utilisateur et une rotation de la carte à l’écran (séquence animée n° 2).

Une autre limite de cette représentation interactive réside dans son caractère de pratique individuelle, privée, reliant un utilisateur à une carte. C’est une expérience, au sens de «faire l’expérience de», éprouver, pratiquer. Elle demande donc une action, une activité plus ou moins longue, et un équipement matériel adapté. Le public précédemment statique de la carte devient alors un acteur de sa façon de la représenter, et sa disponibilité ou son intérêt a priori ne sont pas garantis. La carte risque alors de perdre une partie de son public potentiel.

Une solution à ce dernier problème réside dans la réalisation de séquences animées. Leur préparation demande cependant des travaux et des outils spécifiques. Une partie de l’expérience de visualisation de la carte peut être communiquée par le biais de séquences, mettant en relief la perception d’un aspect particulier, d’une façon de voir, la découverte diachronique d’un phénomène. Ce type de media cartographique possède une très bonne lisibilité, notamment auprès du grand public (Gould et al., 1990).

Conclusion

La disponibilité de logiciels libres offrant des fonctions de réalisation et de manipulation de cartes prismatiques en trois dimensions permet ainsi d’espérer voir ce type de représentation de nouveau utilisé. C’est aussi une fonction de visualisation scientifique qui vient s’ajouter au développement de logiciels de système d’information géographique libres, et à une époque qui voit la lecture et la diffusion sur écran se déployer largement. Enfin, cette représentation se prête particulièrement à une diffusion de résultats sous la forme de séquences animées, technique qui est l’objet d’un nouvel engouement.

Le suivi de l’évolution des outils libres laisse entrevoir un développement de l’utilisation de la représentation cartographique en tant qu’outil d’analyse, en outre d’être un outil de communication. L’ouverture de ces logiciels (code source modifiable librement, documentation et communauté de soutien) en fait une sorte de plate-forme autorisant l’ajout de fonctions nouvelles, adaptées aux besoins d’une recherche.

Bibliographie

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BERTIN J. (1977). La Graphique et le Traitement Graphique de l’Information. Paris: Flammarion, 277 p. ISBN: 2-08-211112-1

BONIN S. (2000). «Le développement de la Graphique de 1967 à 1997». Cybergéo, Colloque «30 ans de sémiologie graphique», article 144, mis en ligne le 17 novembre 2000, modifié le 28 février 2007. Consulté le 6 juin 2007.

BRUNET R. (1987). La Carte, mode d’emploi. Paris- Montpellier: Fayard-Reclus, p. 106-107, p. 247. ISBN: 2-213-01848-0

CAUVIN C., REYMOND H., SERRADJ A. (1987). Discrétisation et représentation cartographique. Montpellier: GIP Reclus, 116 p. ISBN: 2-86912-010-9

DYKES J., MACEACHREN A.M., KRAAK M.-J., dir. (2005). Exploring Geovisualization. Amsterdam: Elsevier, XIX-710 p. ISBN: 0-08-044531-4

GOULD P., DIBIASE D., KABEL J. (1990). «Le SIDA, la carte animée comme rhétorique cartographique appliquée». Mappemonde, 1990/1, p. 21-26.

HEARNSHAW Hilary M. (1994). «Psychology and displays in GIS». In HEARNSHAW H., UNWIN D., dir., Visualization in geographical information systems. Londres, New York: Wiley & Sons, p. 193-198. ISBN: 0-471-94435-1

HENRIOT Ch., ZUAN Zh. (1999). Atlas de Shanghaï. Paris: CNRS Éditions, coll. «Asie orientale», 185 p. ISBN: 2-271-05725-6

JENKS G.F. (1963). «Generalization in statistical mapping». Annals of the Association of American Geographers, vol. 53, p. 15-26.

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Notes

1. Cf. par exemple Georges F. Jenks (1970). Le dernier paragraphe de cet article indique: «Des cartes en trois dimensions simples ont été produites par des outils de tracé informatiques, mais à l’heure actuelle les figurés n’en sont pas satisfaisants et ces cartes sont généralement réduites à la représentation de surfaces relativement simplifiées» («Simple 3-D maps have been produced by computer-plotout devices, but at present these maps are inadequately symbolized and are usually confined to rather simplified surfaces»).

2. La «géovisualisation» est l’adaptation à la géographie du champ général de la «visualisation scientifique», outils et techniques visant à rendre visibles, au sens premier du terme, des informations numériques issues d’outils de mesure ou de modèles informatiques. Cf. les travaux du laboratoire GeoVista de la Penn State University et, particulièrement, A.M. MacEachren (1995) et J. Dykes, A.M. MacEachren et M.J.Kraak (2005).

3. Les représentations en cartes prismatiques présentées ici ont été réalisées avec le logiciel SCALP, libre et gratuit.

4. L’observateur situé au-dessus de la carte regarde verticalement vers elle.

5. La méthode de Jenks est une technique de discrétisation automatique qui propose un regroupement en classes fidèle à la distribution de la variable. Cf. Cauvin C. et al., 1987.

6. Très souvent ces fonctions n’étaient accessibles qu’au travers de modules supplémentaires de logiciels de SIG ou de statistiques; cf. la carte prismatique des densités brésiliennes par H. THÉRY (in BRUNET, 1987, p. 245), réalisée avec un module spécialisé du logiciel SAS.

7. Libres: pour un logiciel il s’agit de la liberté de l’utiliser, le copier, le redistribuer et de le modifier (définition de la Free Software Foundation), voir par exemple la mise en place de l’Open Source Geospatial Foundation, OSGEO.

8. Cf. la rubrique Internet de M@ppemonde n° 4-2005