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Périphéries. Un voyage à pied autour de Paris

Peu de temps après les émeutes de banlieues en France (novembre 2005), Luc Gwiazdzinski et Gilles Rabin (1) parcourent à pied, pendant dix jours, la banlieue parisienne, rédigeant des notes, s’entretenant avec la population, prenant des photographies, ponctuant le parcours de quatre rencontres-débats (à Nanterre, Ivry, Clichy et Paris): 150 kilomètres au total, ce qui correspond à la traversée de trente communes. L’un est économiste, l’autre géographe, tous deux travaillent et publient sur les questions urbaines depuis longtemps. L’essentiel de leur démarche a été présenté lors du premier Forum des autorités de périphéries (Falp, mars 2006) dont le thème était: «Un autre regard sur la métropole». Le livre est né à la fois de l’expérience réalisée par les deux auteurs et de leur collaboration avec la municipalité de Nanterre, à l’initiative du Forum. Il déçoit par l’absence d’illustrations (pas même une carte de localisation, un croquis ou l’une des photographies prises sur le terrain).

Le cheminement pédestre donne le temps d’étudier dans le détail paysages urbains et dynamisme propres à la périphérie parisienne; il est assurément original dans cet espace particulier. L’objectif des auteurs-marcheurs est de faire «changer de regard» sur celle-ci, contribuant ainsi à un débat en profondeur sur la métropolisation. Il y a une dimension sensible qui est plaisante dans ce livre, celle de l’observation sans retenue, du goût de lire la ville et son espace. Le style employé est alerte mais trop souvent léger ou facile, avec des formules plaquées comme: «Conseil régional, conférence métropolitaine, ‘Grand Paris’ ? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse» (p. 231). Le principe de la «Carte postale à des amis sédentaires» est aussi trop systématique. Le projet, qui n’est pas ici littéraire, fait penser à Pierre Sansot, Georges Perec ou, plus récemment, à Thomas Clerc.

Luc Gwiazdzinski et Gilles Rabin perçoivent la banlieue de façon dynamique, avec une vue fine mais parfois brouillée par de bons sentiments: «Partout, ce fut l’émotion permanente et la vie. Jamais, en dix jours sur le terrain, nous n’avons rencontré la moindre hostilité. Bien au contraire, nos questions et notre démarche ont suscité intérêt et curiosité. Par comparaison, les rues de Paris nous ont paru étonnamment fades» (p. 225-226)»… Ces phrases de missionnaires (qui font écho au vibrant: «Les marges peuvent devenir des cœurs» de la quatrième de couverture) sont heureusement suivies par une affirmation attendue: «Ne nous voilons cependant pas la face. Les problèmes existent».

En faisant usage de métaphores issues de la tectonique des plaques, ils esquissent une typologie des territoires traversés en distinguant trois grands ensembles: «Paris et les nouveaux arrondissements», la «plaque 93», la «plaque Marne vitrifiée». Ils mettent aussi en lumière des «zones sismiques de frottement», des «périphéries dans la ville» et autres «espaces insulaires». Les auteurs dépassent, bien sûr, le seul constat la ville en crise pour avancer des «futuribles», des idées, notamment celle d’une nouvelle gouvernance à l’échelle d’un Grand Paris (2). Ils insistent sur la valeur du co-développement et sur les nécessaires chantiers de coopération entre le centre parisien et ses périphéries, en prônant finalement un polycentrisme raisonné.

Laurent Grison

1. GWIAZDZINSKI L., RABIN G. (2007). Périphéries. Un voyage à pied autour de Paris. Paris: L’Harmattan, coll. «Carnets de ville», 206 p. ISBN: 978-2-296-03192-0

2. Cette idée, pas vraiment nouvelle, a été relancée par Nicolas Sarkozy en septembre 2007. La future «communauté urbaine» engloberait-elle Paris et les 79 communes les plus proches ? Cet espace concentrerait alors 47 % de la population sur 4 % du territoire de l’Île-de-France, 60 % des emplois, 90 % des déplacements et plus de 80 % des logements sociaux de la région. Le débat est ouvert, il est à la fois urbanistique, administratif et économique. Cf. notamment l’article de B. Jérôme, «La création d’un Grand Paris coûterait cher aux villes riches et à l’État», publié dans Le Monde, le 28 septembre 2007.