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Histoire de la glaciologie

Le dernier livre de Frédérique Rémy montre à travers son histoire et ses interrogations, ce que la glaciologie apporte à la connaissance d’une mécanique climatique désormais sollicitée en permanence. Ce court, mais très complet, ouvrage est d’abord historique. Dès l’Antiquité (Parménide), on sait que la Terre ronde a des pôles gelés et l’on connaît la précession des équinoxes selon une période de 26 000 ans. Au Moyen Âge, on observe le petit optimum climatique entre 900 et 1300, au moment où Erik le Rouge s’installe au Groenland, puis arrive le Petit Âge de glace (températures de 2 degrés inférieures à celles du XXe siècle pendant près de 200 ans) qui marque les dernières années du règne de Louis XIV.

Kepler, Galilée, Descartes, Cassini et nombre d’astronomes observent les cristaux de neige, et la glace qui, à partir de 1666, intéresse la nouvelle Académie royale des sciences. On mettra peu à peu en évidence le gel de l’eau, la densité de la glace et les principes de la thermodynamique pour comprendre le rôle de la pression sur la glace et sa fusion.

À partir du XVIIIe siècle se développent les expéditions aussi bien vers les pôles qu’en montagne pour l’examen des glaciers et de leur dynamique; Saussure en est le premier spécialiste. Au XIXe siècle, on s’intéresse aux blocs erratiques et aux anciennes glaciations, notamment avec Agassiz, tandis que les expéditions vers les pôles deviennent plus précises (Dumont d’Urville). Déjà vont s’affronter deux théories pour comprendre les glaciations et leur périodicité: effet de serre contre changement d’orbite terrestre, rien de bien nouveau…, ce qui permet à l’auteure d’écrire (p. 100) que «comme souvent en science lorsque deux théories permettent d’expliquer la même observation la réponse sera à trouver dans un savant mélange des deux…».

Les mesures se multiplient sur les glaciers alpins et au début du XXe siècle. Penck définit les quatre dernières glaciations d’une durée de 100 000 ans chacune environ, entrecoupées de périodes plus chaudes, comme actuellement, d’une vingtaine de milliers d’années. La dernière période chaude, l’Eémien, plus clémente qu’actuellement, montre un niveau marin supérieur de 6 m au 0 actuel «ce qui va nous permettre, par comparaison, d’anticiper sur les impacts de l’élévation actuelle de la mer» (p. 97). Cette périodicité maintenant confirmée, «le cycle à 100 000 ans de l’excentricité terrestre a l’effet le plus marquant sur le climat terrestre» (p. 105), alors que les glaces de l’Antarctique montrent une «étroite relation entre le climat, les gaz à effet de serre et les variations orbitales de la Terre».

Quelques conclusions très partielles. Près du quart de la surface de la planète était recouvert de glace pendant «900 000 ans sur le dernier million d’années» (p. 129), observation très judicieuse, mais bien peu relevée en ces temps de réchauffement, alors que «les variations climatiques cycliques sont bien initiées par les phénomènes astronomiques et sont amplifiées par les gaz à effet de serre, relâchés lors d’un réchauffement ou absorbés lors d’un refroidissement par les océans ou par les régions marécageuses» (p. 133). Sont également notées des «transitions climatiques abruptes de plus de 10 °C en quelques décennies lors des périodes glaciaires» et il est bien indiqué qu’«en réalité, il est très difficile de mesurer l’épaisseur des glaces de mer» (p. 145).

Bref, un petit ouvrage vivant, écrit avec humour et modestie, loin de toute langue de bois, ce qui est bien revigorant par les temps qui courent.

Pierre Usselmann

RÉMY F.; préf. AUTISSIER I., ORSENNA E.(2007). Histoire de la glaciologie. Paris: Vuibert/ADAPT-SNES,  coll. «Inflexions», 170 p. ISBN: 978-2-7117-4016-1