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Incertitude et environnement

En ces temps de crise, les incertitudes sont maximales. Elles concernent particulièrement l’environnement et illustrent plus largement, s’il le fallait encore, la fin des certitudes scientifiques, thèmes du gros recueil publié par la Société d’écologie humaine. Judicieusement regroupées en trois thèmes et plus de trente articles, les incertitudes sont:

  • liées aux mesures et aux représentations,
  • liées à l’utilisation de modèles,
  • enfin liées à l’utilisation qu’en font les acteurs dans leur gestion et la prise en compte du principe de précaution.

1. Qu’il s'agisse de l’évaluation de la pollution atmosphérique en milieu urbain, de la définition de climats locaux, du choix de conduites agricoles, de valeurs de transmissivité dans des roches, voire de cartographies diverses, les incertitudes sont partout présentes dans des proportions variables dès lors qu’il s’agit de généraliser des mesures ponctuelles.

2. L’utilisation de modèles n’arrange rien lorsqu’il est question de connaissance imprécise et de théories de l’incertain en sciences environnementales. Aussi, en termes de rigueur scientifique et de crédibilité sociale, l’analyse d’incertitude devient une étape incontournable, préalable à la structuration de modèles. Sont cités la formule de Wischmeier pour le modèle de l’érosion et le changement climatique en général, avec notamment le manque de connaissance de la chimie du carbone et de la physique des nuages. D’où des conséquences sur l’évaluation du risque et la gestion de l’incertitude, préalables à une gestion plus responsable. Selon la formule d’Edgar Morin, il faut intégrer l’incertitude dans la connaissance et la connaissance dans l’incertitude, ce qui touche à des modélisations aussi diverses que celles de l’évaluation des crues ou de l’écologie familiale dont les données statistiques doivent être remplacées par des marqueurs ou des indicateurs à définir.

3. Il en découle donc de très grandes incertitudes, par exemple pour la mise place des plans de prévision des risques (PPR), pour lesquels il faudrait intégrer une zone d’incertitude naturelle (ZIN), malheureusement impossible à prendre en compte dans le temps imparti pour l’élaboration d’un PPR. Pour un territoire montagneux à «la géographie incertaine», il serait bien préférable d’envisager un développement contraint que durable ou soutenable. Même chose pour la suite de grands aménagements hydrauliques, l’utilisation d’insecticides systémiques, l’invasion de flore ou de faune exotiques. Les rapports coûts/bénéfices de la gestion des risques sont mis en cause par des économistes et l’utilisation des systèmes d’aide à la décision pourraient éventuellement, pour certains, permettre de dépasser les incertitudes.

Cet ouvrage totalement pluri- et transdisciplinaire est d’une richesse exceptionnelle. À côté de contributions théoriques, il comporte nombre d’exemples concrets aptes à répondre aux interrogations de tous.

Pierre Usselmann

ALLARD P., FOX D., PICON B., dir. (2008). Incertitudes et environnement: la fin des certitudes scientifiques. Aix-en-Provence: SEH Edisud, 479 p. ISBN: 978-2-7449-0733-3