Sommaire du numéro
N° 96 (4-2009)

L’organisation spatiale du football amateur de niveau régional en France

José Chaboche a

Université d’Orléans, UFR STAPS, EA 1210 - CEDETE

Résumés  
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Le football français s’organise en 20 000 clubs regroupant deux millions de licenciés à la Fédération française de football (FFF). Avec les parents, amis et simples spectateurs, plusieurs millions de personnes se retrouvent au stade le week-end de septembre à juin, ce qui confère à ce sport un certain statut social. Si la géographie du football professionnel suscite d’actives recherches (Ravenel, 1998), celle des clubs amateurs reste méconnue. Nous considérons, après Frédéric Grosjean (2006), ces clubs comme prestataires d’un authentique «service». Nous nous intéresserons ici aux clubs des niveaux de compétition régionale qui dépendent des ligues, organes déconcentrés de la FFF. Ils s’insèrent entre les 18 000 clubs des districts départementaux et les 200 clubs nationaux répartis entre les Ligue 1 et Ligue 2 professionnelles (bien connues du grand public), National, Championnat de France amateur (CFA et CFA 2) (1). Les clubs peuvent être classés en quatre échelons nommés ici Divisions 6, 7, 8 et 9, s’ajoutant aux cinq de niveau national (D1 à D5), soit 2 796 équipes régionales dans 2 183 clubs lors de la saison sportive 2005-2006 (2) (tableau 1) (3). Existe-t-il alors un lien démographique et socioéconomique entre lieu d’implantation des clubs et hiérarchie dans la compétition? Si oui, est-il robuste? Le maillage des clubs correspond-il à des hiérarchies spatiales attendues a priori? Où sont les éventuels lieux d’écarts à ces régularités? Quels en sont les causes et les effets?

On s’appuiera sur le zonage en aires urbaines et aires d’emploi de l’espace rural (ZAUER), établi par l’INSEE à partir des données du recensement de 1999, pour analyser la distribution spatiale des clubs (4). On s’interrogera aussi sur le lien entre population et répartition des équipes pour, enfin, modéliser les relations entre football régional et système urbain.

Distribution spatiale des clubs de niveau régional

Tout club régional doit promettre à ses joueurs, dirigeants, supporters et partenaires une culture, une organisation, des ressources et des profits (symboliques et sociaux, parfois économiques et financiers) pour être attractif. Certains clubs peuvent faire accéder plusieurs équipes au niveau régional. Ils confinent ainsi aux échelons inférieurs des concurrents moins puissants qui reproduisent eux-mêmes ce schéma au détriment d’autres encore plus faibles. La ville étant le lieu de maximisation des interactions humaines (Claval, 1981) et de concentration des moyens, on pourrait s’attendre à ce que la localisation de ces clubs soit avant tout urbaine. Or, seuls deux tiers des clubs sont situés dans l’une des 354 aires urbaines qui regroupent pourtant 78% de la population. Chaque ligue fixant librement le nombre d’équipes dans ses championnats (de 47 en Corse à 278 en Bretagne), on distingue différentes formes de distribution spatiale des clubs (fig. 1).

L’activité du pôle urbain parisien semble vider le reste de la ligue Île-de-France. Des conglomérats d’aires urbaines très peuplées (Marseille-Nice, Rouen-Le Havre, etc.) concentrent eux aussi la pratique de niveau régional mais sans, toutefois, étouffer leurs périphéries. Des clubs se greffent aux franges de très grandes aires urbaines (Paris, Lyon, etc.) ou s’agglomèrent dans des aires polarisant au plan départemental l’essentiel de la pratique de niveau régional (Metz, Rennes, etc.). Dans certains endroits (Orne, Loiret, etc.), les clubs situés dans les espaces périurbains sont très rares. D’autres espaces correspondent aux parts nationales des clubs de chaque catégorie du ZAUER (urbains: 49,5%, périurbains: 23,7%, ruraux: 26,8%): régions au maillage urbain lâche (Bourgogne, Limousin); ligues ayant une acception large de la notion de «niveau régional» (Languedoc, Méditerranée); départements scindés en deux districts (Doubs, Finistère), ce qui profite aux petites villes et aux campagnes dynamiques. Dans l’Ouest (Mayenne, Morbihan, etc.), où la pénétration du football est forte, les clubs périurbains et ruraux sont nombreux car le réservoir urbain de joueurs n’est pas inépuisable; ailleurs, la faible armature urbaine (Jura, Vosges, etc.) ou l’accès au niveau régional rendu aisé par la Ligue (Aude, Gard, etc.) rendent visibles ces deux types de clubs. Enfin, les plus fortes parts de clubs ruraux s’observent dans des espaces peu peuplés (ouest et sud du Massif Central, Gers, etc.) ainsi que dans les lieux où un réseau dense de petites villes et de bourgs anime les campagnes (Manche et Vendée).

La part notable de clubs ruraux (27% du corpus) par rapport à la population rurale du ZAUER (18% du total) relativise la tendance urbaine de la localisation des clubs. Moins concurrencé qu’en ville par d’autres sports, le football reste très ancré en milieu rural où il apparaît comme l’un des seuls vecteurs d’affirmation individuelle et collective. Toutefois, ces clubs ruraux plafonnent vite faute de moyens, surtout les 313 issus des «autres communes de l’espace rural»: 28% ont dû adopter une forme intercommunale pour atteindre ou conserver le niveau régional, contre 9% des autres clubs. À l’image de Luzenac (Ariège) et Selongey (Côte-d’Or) qui évoluent au niveau national grâce à un gros établissement industriel local, les clubs atypiques par un étonnant rapport population/niveau de jeu proviennent souvent de communes elles aussi atypiques par l’ampleur de leurs ressources: les disparités économiques créent des disparités sportives.

1. Distribution spatiale des clubs régionaux selon le niveau de compétition et le type de commune d’origine

Les clubs des pôles d’emploi de l’espace rural, assis sur de fortes habitudes de structuration du bassin de vie local, font preuve de vitalité. Les clubs des inter-communalités évoluent souvent à un niveau supérieur à ce que l’on attendrait de leur taille démographique et associent plutôt des petites villes selon une double stratégie d’équilibre local et d’amélioration du service sportif. Les clubs périurbains ont assez d’atouts (situation démo-économique; proximité du pôle; équipements de qualité; etc.) pour franchir le cap départemental en formant de bons joueurs et en attirant les joueurs confrontés au déficit d’équipes urbaines de leur niveau. Néanmoins, ces clubs et ceux des «autres communes de l’espace rural» évoluent souvent en D8 ou D9, les deux plus petits niveaux compétitifs régionaux, ce qui souligne leur faible potentiel (tableau 2). À l’inverse, la part des clubs urbains croît de la D9 à la D6, ce qui étend au monde amateur le lien étroit entre centralité urbaine et hiérarchie sportive, observé pour les clubs professionnels (Durand, Ravenel, 2002). Plus de 90% des villes-centres d’aire urbaine ont au moins un club de niveau régional. Dans 132 villes, 270 clubs de niveau régional vivent même à l’ombre d’un autre encore plus important. Le grand nombre de clubs de banlieue résulte souvent de politiques municipales ambitieuses et d’effets d’agglomération: de fortes densités de population —favorisant les liens entre joueurs, les fréquents changements de clubs et l’émulation — expliquent la concentration de la pratique de bon niveau en milieu urbain.

Au total, le niveau des clubs augmente bien en fonction de la population de leur commune d’appartenance, qu’elle soit urbaine, périurbaine ou rurale. Même si les clubs ruraux sont légèrement surreprésentés, il existe une relation robuste, de nature démographique et socioéconomique, entre lieux d’implantation des clubs et hiérarchie compétitive en France. Pour autant, observe-t-on une relation tout aussi solide entre population et nombre d’équipes de niveau régional à l’échelle des aires urbaines ou peut-on au contraire repérer des lieux de déficits ou d’excédents du service «football de niveau régional»?

Une répartition des équipes en trompe l’œil

Il s’agit d’évaluer le nombre d’équipes qu’une aire urbaine devrait théoriquement abriter, compte tenu de sa population et du nombre d’équipes admises à évoluer au niveau régional. Cette relation «population-nombre d’équipes par aire urbaine» est exprimée par l’écart entre la proportion de population dans l’aire urbaine (par rapport à la population dans la ligue) et la proportion d’équipes de niveau régional dans l’aire urbaine (par rapport au nombre d’équipes de niveau régional dans la ligue) (5).

Sur 354 aires urbaines, 40% abritent le nombre d’équipes attendu et 30% une en plus ou en moins (fig. 2). De prime abord, la relation étudiée paraît donc plutôt solide. Treize aires en deçà du seuil d’apparition du service «football de niveau régional» dans leur ligue (ex: une équipe pour 25 000 habitants dans le Centre, etc.) sont logiquement non représentées. L’absence de l’aire de Vienne (Isère), où domine le rugby, est compensée par un excédent de trois équipes dans celle de Roussillon; l’absence, encore, de l’aire de Saint-Claude (Jura) — inattendu bastion rugbystique — est atténuée par la proximité de Jura-Sud, club rural de niveau national à Moirans. Cette spécialisation disciplinaire implicite étend au monde amateur l’hypothèse que les choix publics locaux iront davantage au soutien quasi exclusif à un club, face aux difficultés de financement du sport professionnel (Durand et al., 2005).

Une quarantaine d’aires peu peuplées sont «indûment» représentées par un petit club de D8 ou D9, en général dans des ligues où le seuil d’apparition du service «football de niveau régional» est élevé (ex: neuf en Rhône-Alpes). Ce type de club, jugé de haut niveau local, profite de la faiblesse relative des chances d’accession en championnat régional des clubs des grandes aires urbaines, peu nombreux rapportés à la population et dont beaucoup n’ont pas pour finalité première la performance sportive (Grosjean, 2004). Vingt-neuf aires ont d’ailleurs un déficit d’au moins deux équipes. Dans les aires urbaines de plus de 200 000 habitants, la présence d’un club professionnel n’a pas d’effet significatif sur la diffusion de la pratique amateur de niveau régional. Les autres aires sont souvent grevées statistiquement par un club parvenu au niveau national.

Environ soixante aires ont un excédent d’au moins deux équipes. Celles de plus de 150 000 habitants gardent une culture ouvrière valorisant plus qu’ailleurs le football comme élément d’appartenance et de reconnaissance sociale (Béthune, Thionville, etc.). C’est souvent le cas aussi des autres aires (Creil, Dieppe, etc.) où l’on note parfois des stratégies d’éviction de disciplines concurrentes. Dans les Landes, la domination du football au nord-est, du basket-ball au sud-est et du rugby sur une bande littorale large de trente kilomètres s’explique ainsi (Augustin, 1989). Bien que les aires de Dax et Mont-de-Marsan s’intercalent dans la zone d’équilibre des luttes entre ces sports, on comprend que la première — au contact des territoires du rugby et du basket — abrite strictement le nombre attendu d’équipes quand la seconde, proche des terres de football, affiche un excédent de quatre équipes.

Même si 70% des aires urbaines bénéficient du nombre exact d’équipes régionales attendu, à plus ou moins un près, la solidité de la relation entre la présence de ces équipes et la population n’est qu’apparente. De gros déficits dans des aires très peuplées amènent à sérieusement relativiser l’idée d’une localisation des clubs essentiellement urbaine. Contre toute attente, la ville pourrait alors être vue en certains endroits comme un lieu potentiel d’expansion du service «football de niveau régional».

2. Déficits et excédents d’équipes de football de niveau régional par aire urbaine

Modélisation de l’organisation spatiale des clubs amateurs

Les fondements de la localisation des clubs ont été posés mais ils masquent des structures géographiques récurrentes à échelle plus fine. Leur mise en évidence oblige d’abord à distinguer les clubs de niveau national des clubs régionaux. En effet, les clubs professionnels internationalisent leur effectif (Poli, 2007) et les autres clubs nationaux, dits amateurs, recrutent leurs meilleurs joueurs partout en France en leur offrant un fixe, des primes, un emploi aménagé et un logement dans une logique tout aussi professionnelle. À l’inverse, plus on descend dans la hiérarchie sportive et plus la constitution des effectifs relève de la proximité spatiale. Ainsi, les deux clubs de l’agglomération d’Orléans engagés de 2001 à 2006 au meilleur niveau régional (D6) ont capté 62% de leurs 84 recrues dans des clubs de l’aire urbaine. Les six clubs de l’agglomération ayant disputé durant cette période au moins une saison au plus petit niveau (D9) ont recruté à 70% dans l’aire urbaine.

Quatre modèles d’organisation spatiale des clubs régionaux apparaissent (fig. 3). Deux procèdent des aires urbaines: dans l’un, dit concentré, le pôle urbain rassemble plus de 75% des clubs; dans l’autre, dit aréolaire, le périurbain représente au contraire au moins 25% des clubs. Les deux autres modèles concernent plutôt l’espace rural. L’un, dit dispersé, englobe tout club à moins de 30 minutes en voiture d’un concurrent direct, donc de niveau équivalent à une division près. L’autre, dit isolé, regroupe les clubs sans concurrent direct à moins de 30 minutes, distance-temps au-delà de laquelle beaucoup de joueurs renoncent à se déplacer plusieurs fois par semaine pour pratiquer leur sport.

3. Les quatre modèles d’organisation spatiale des clubs amateurs de football de niveau régional

Le modèle concentré voit la présence d’un club phare dans un pôle urbain assez peuplé pour abriter un ou plusieurs autres clubs de niveau régional mais peu ou pas de clubs périurbains. Par le spectacle proposé, les émotions suscitées et leur valeur d’exemple, ces clubs phares ont localement un rôle moteur car ils forgent une identité et une culture sportive liées à leur réussite. Connectés à des réseaux multiscalaires, ils structurent aussi leur territoire grâce, par exemple, aux séances d’entraînement dispensées par leurs éducateurs dans les petits clubs pour détecter et recruter plus facilement leurs meilleurs éléments. L’amas de clubs ainsi constitué fait système à tous les niveaux de compétition compte tenu de la vigueur des flux inter-annuels de joueurs recensés par les journaux locaux.

Le modèle aréolaire ressemble au concentré mais y ajoute une dimension périurbaine notable. Tout comme un système aréolaire vit de la diffusion d’énergie par capillarité dans un réseau, les migrations de joueurs permettent de voir que se produisent d’intenses échanges entre pôle urbain et espace périurbain ainsi qu’en leur sein. Ce qui différencie ces modèles, c’est que le périurbain dans l’aréolaire a assez de ressources pour profiter de ces échanges et accéder au niveau régional. En raison d’un faible potentiel périurbain ou d’un pôle urbain si massif qu’un échange trop asymétrique s’instaure avec le périurbain, le concentré crée au contraire du vide ­— ou plutôt de l’invisible — alentour car les clubs ne dépassent pas le cap départemental.

Ce qui rapproche en revanche ces modèles, c’est que chaque grappe de clubs fonctionne en cluster. Dans une logique «coopétitive», mêlant coopération et compétition, émergent des réseaux souvent informels alimentés par les flux de joueurs et d’entraîneurs. Certains de ces acteurs contribuent à améliorer le niveau sportif général en capitalisant informations et compétences monnayées auprès des clubs. De micro-circuits économiques, en général informels, émergent ainsi. L’intensité concurrentielle et l’obligation de résultats créent une ambiance d’émulation qui oblige les clubs à être des organisations apprenantes pour garder leur rang. Comme chez les professionnels, la veille stratégique est permanente. Sur le site web de la Ligue Île-de-France, un entraîneur expliquait en 2006 que «la Division d’Honneur (D6) est un petit village où tout le monde connaît tout le monde». Tout club doit ainsi devenir une quasi-marque promettant des attributs (ex: qualité des infrastructures), des avantages-clients (ex: jouer dans une équipe médiatiquement exposée), des valeurs (ex: convivialité), une culture (ex: combativité), une personnalité (ex: identité spécifique) et un ou des profil(s) d’utilisateurs (ex: types de CSP) propices à la performance individuelle et collective. Celui qui bénéficie d’aménités comme un bassin d’emploi dynamique ou la proximité d’une université peut en tirer de gros avantages concurrentiels: largesses de la municipalité, sponsoring, attraction de bons éléments, etc. Aussi, tout joueur reconnu d’un bon niveau est-il inséré dans un marché local et suscite-t-il parfois des surenchères. En outre, un club qui accède à la D5, le plus petit niveau national, recrute alors souvent dans la France entière. Ses joueurs les moins performants migrent vers des clubs proches de niveau un peu inférieur où se répète alors ce phénomène. L’effet domino produit annuellement régénère en continu le système sportif territorial.

Le principal risque pour un club à structures financières, organisationnelles et sportives saines est l’absence de concurrence, source d’isolement et de délitement. De nombreuses petites villes — même des pôles d’aire urbaine comme Verdun ou Gap — n’ont qu’un club de rang régional, trop faible pour créer un effet d’entraînement, et relèvent donc du modèle dispersé. Le degré de dispersion spatiale de ces clubs varie selon les écarts de densité de population, de pénétration de la pratique et d’accessibilité du niveau régional: fort sur la «diagonale aride», parfois si faible ailleurs que la configuration du football dans des zones comme le Bocage vendéen reproduit celle des systèmes productifs locaux qu’elles abritent. Outre leurs efforts de formation interne, ces clubs de simple niveau régional mais de haut niveau local coopèrent parfois eux aussi avec de petits clubs proches.

La petite centaine de clubs isolés émane de bourgs et de petites villes parfois pôles d’aire urbaine (Mende, Saint-Girons, etc.) qui forment des môles de résistance au sein d’espaces peu dynamiques. Si l’isolement peut amener à cultiver un sentiment identitaire — propice à la mobilisation de forces vives — et à puiser dans un bassin de recrutement vaste mais de petit niveau sportif, il est surtout vecteur de handicaps liés aux manques d’échanges. Un faible vivier de joueurs, des sautes de niveau entre catégories d’âge difficiles à compenser et un déficit local d’émulation fragilisent en effet ces clubs. Ils sont pourtant des éléments de promotion et de fierté dans les représentations collectives locales.

Conclusion

Loin d’être aléatoire, la répartition des clubs montre que le football régional relève avant tout d’une logique urbaine et s’organise en de multiples territoires et réseaux dont la portée varie avec le niveau compétitif. En tension entre le sport professionnel que l’on regarde et le sport purement amateur que l’on pratique (Loret, 2004), ce football apparaît comme un objet complexe, porteur de réalités multiples et à la recherche d’un modèle socioéconomique plus performant. Sa force réside dans sa structuration en de nombreuses organisations concurrentes et interdépendantes, productrices d’un fin maillage territorial, porteuses de puissants liens sociaux et identitaires, et souvent dominantes dans les systèmes sportifs locaux. Sa faiblesse tient à sa difficulté à créer une part significative de ses ressources, à son addiction aux apports publics, à l’insuffisance criante du parrainage, à son déficit de stratégies de marketing et, enfin, à ses besoins d’infrastructures, infrastructures que peu de clubs gèrent eux-mêmes.

L’évolution de l’environnement du football amateur peut engendrer autant d’opportunités que de menaces, selon la manière dont les clubs s’en saisissent. Les reconfigurations territoriales qui se sont produites dans la dernière décennie et ont conduit à l’apparition de communautés et de pays, marquent l’émergence d’une culture de projet qui oblige le mouvement sportif à devenir acteur du développement local. Le triple essor des partenariats entre clubs, de la contractualisation avec les collectivités et des formations visant à renforcer les compétences des élus associatifs et des cadres techniques contribue à améliorer la gouvernance du football amateur. Des relations plus mercantiles entre présidents et joueurs (dont certains s’entraînent jusqu’à quatre fois par semaine) et l’objectif de professionnaliser l’encadrement dans le cadre de la convention collective des métiers du sport obligent en outre les bénévoles à devenir managers au risque d’un dévoiement de leur engagement initial. Aussi l’organisation spatiale des clubs amateurs régionaux dépendra-t-elle de plus en plus de la présence d’acteurs sachant mobiliser dans la durée des ressources humaines, socioéconomiques, politiques et organisationnelles au service d’un sport porteur de passions mais dont les évolutions bouleversent les modes classiques du management associatif.

Bibliographie

AUGUSTIN J.-P. (1989). «Les espaces des sports collectifs: l’exemple du département des Landes». Mappemonde, n° 2-1989, p. 29-31.

CLAVAL P. (1981). La Logique des villes: essai d’urbanologie. Paris: LITEC, coll. «Géographie économique et sociale», 633 p. ISBN: 2-7111-0334-X

DURAND C., RAVENEL L. (2002). «Clubs sportifs professionnels: influence stratégique du potentiel local». In CHARRIER D., dir., Financement du sport par les collectivités locales. Voiron: Presses universitaires du sport, coll. «Les Dossiers thématiques des Presses universitaires du sport», p. 168-188. ISBN: 2-914798-05-9

DURAND C., RAVENEL L., HELLEU B. (2005). Basket professionnel en France: approche stratégique et géomarketing. Voiron: Presses universitaires du sport, coll. «Les Dossiers thématiques des Presses universitaires du sport», 226 p. ISBN: 2-914798-18-0

GROSJEAN F. (2006). «Un football des champs et un football des villes: analyse géographique du service football dans un cadre régional». Staps, n° 74, p. 85-98.

GROSJEAN F. (2004). «Pour une approche spatialisée de la pratique sportive: l’exemple du football en milieu urbain». Mappemonde, n° 76 (4-2006).

INSEE (2009). Définitions et méthodes, Le zonage en aires urbaines et aires d’emploi de l’espace rural. (consulter)

LORET A. (2004). Concevoir le sport pour un nouveau siècle. Voiron: Presses universitaires du sport, coll. «Les Dossiers thématiques des Presses universitaires du sport», 237 p. ISBN: 2-914798-13-X

POLI R. (2007). «Migrations de footballeurs et mondialisation: du système-monde aux réseaux sociaux». Mappemonde, n° 88 (4-2007).

RAVENEL L. (1998). La Géographie du football en France. Paris: Presses universitaires de France, coll. «Pratiques corporelles», 143 p. ISBN: 2-13-049403-X

Notes

1. Les clubs de Ligue 1, Ligue 2 et de National sont professionnels, ceux de CFA et CFA 2 sont semi-professionnels car ils sont autorisés à engager quelques joueurs sous contrat de travail dans leur effectif. Ces clubs n’entrent donc pas dans le cadre spécifique de notre analyse sur le football amateur, d’autant que ces niveaux de compétitions sont organisés nationalement par la FFF et non par les ligues régionales.

2. Des clubs réussissent à faire accéder plusieurs équipes parmi ces quatre divisions.

3. Seule la «Division d’honneur» (DH, dite «D6» dans notre classification), le plus haut échelon régional, est structurée de manière uniforme: elle s’organise dans chaque ligue en un seul groupe de quatorze équipes dont les deux premières au classement final accèdent au CFA 2, le plus petit échelon national. Les autres échelons de niveau régional inférieurs à la DH sont formés chacun d’un ou plusieurs groupes de douze équipes. Sur vingt-et-une ligues régionales de football en France, dix d’entre elles proposent un système compétitif à quatre échelons. Nous avons pris le parti méthodologique d’appliquer ce modèle dominant aux autres ligues (même si dans les faits celles-ci comportent 2, 3 ou 5 échelons). Ce découpage uniforme en quatre échelons permet ainsi des comparaisons fiables entre l’ensemble des ligues.

4. Le ZAUER affecte une commune à un espace à dominante urbaine ou rurale en fonction des emplois et des migrations de travail. On y distingue d’une part les aires urbaines et d’autre part, au sein de l’espace rural, trois catégories d’espaces: 1) pôle d’emploi de l’espace rural 2) couronne d’un pôle d’emploi de l’espace rural 3) autres communes de l’espace rural (Insee, 2009).

5. Soit la formule suivante: ((PAU / PLR) - (NERAU / NER))*100, où: PAU: population de l’aire urbaine; PLR: population de la ligue régionale; NERAU: nombre d’équipes régionales de l’aire urbaine; NER: nombre d’équipes régionales dans la ligue.