N°99

Vidéos géolocalisées sur Internet

La diffusion des téléphones supposés «intelligents» au cours des récentes années aura, on le sait, des conséquences considérables sur la production massive de documents géolocalisés. En effet, on peut désormais associer à toute photo ou vidéo prise avec un téléphone multifonctions de dernière génération (Apple 3GS, Android, Windows mobile ou Symbian) les coordonnées géographiques de la prise de vue.

C’est cette fonction dont pourront s’emparer dans l’avenir de multiples utilisateurs ou prestataires de services nouveaux, sans parler d’applications qui utilisent simplement la densité de smartphones en un lieu pour estimer des foules, des densités de trafic…

Certaines applications ont d’ailleurs d’ores et déjà été développées, ce qu’une visite du salon de la géomatique organisé dans le cadre du dernier Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges permettait aisément de constater (7-10 octobre 2010).

Le site Kinomap, développé par la société ExcelLance, propose ainsi à une communauté ouverte d’utilisateurs  de déposer des vidéos géolocalisées sur un site de partage. La philosophie est celle des grands sites de partages de vidéos, mais dans une perspective géographique. Les vidéos sont associées à un fond de carte Google Maps. La position géographique et la vidéo sont en permanence synchronisées, ce qui permet de repérer directement un trajet dans la fenêtre cartographique tout en visualisant l’image filmée au cours d’un déplacement. Notons que l’on a aussi dans Kinomap une représentation synchronisée  de la vitesse et de l’altitude.

Dans son état actuel, le site ne propose que les fonds de cartes Google, mais Kinomap envisage aussi le recours à d’autres bibliothèques de fonds de carte numériques (Microsoft, Open Street Maps, notamment).

Un peu de technique

Au départ, en 2008, il était nécessaire d’utiliser un logiciel spécifique développé sur PC, avec une webcam et un datalogger. La généralisation des smartphones a depuis facilité les choses. Depuis le début de l’année 2010, Kinomap Maker est une application gratuite téléchargeable sur IPhone et Android, dont le paramétrage est très simple. Filmer puis déposer une vidéo sur Kinomapne ne demande donc pas de connaissances expertes, très loin de là.

Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que la société à l’origine du site, dont le métier est, avant tout, les technologies du Web à destination des entreprises, propose ici un «produit» gratuit (l’application), un site de dépôt et de partage, sans avoir a priori d’idée des marchés et des clients possibles. Mais, dans ce contexte, de telles plates-formes de test sont évidemment des outils de prospection (du point de vue de l’entreprise) comme des lieux possibles d’appropriation spontanée par des communautés d’utilisateurs, lesquelles vont être créatrices des usages. Déjà, les écrans que l’on consulte hébergent des bannières publicitaires liées à Google et l’on peut imaginer, pour le futur, de multiples formes de publicité contextuelle…

Quels usages?

Un petit tour sur le site Kinomap nous montre que les vidéos déposées sont très variables (trajet d’un métro filmé à Lille, promenade balnéaire à Charm-el-Cheikh, descente de piste à ski…). L’intérêt de la plupart d’entre elles est purement anecdotique. Les usages ludiques sont fortement présents: les pratiquants de sports extrêmes peuvent ainsi faire partager leurs expériences (parachutisme, parapente…), on peut poster une promenade quelconque, ou même monter un smartphone sur le dos d’un chien…

L’intérêt de certaines prises de vues est néanmoins réel, pour restituer des ambiances urbaines (on pense par exemple au trajet d’un bus parisien).

L’idée à terme est évidemment d’utiliser la fonction de recherche géographique, en faisant des sélections liées à un lieu auquel on s’intéresse. En l’état, de multiples utilisations commerciales ou touristiques peuvent être imaginées: un hôtel pourrait ainsi proposer une visite de ses alentours, un office du tourisme des circuits de promenade… L’utilisation purement amateur et ludique a probablement ses limites, alors qu’on peut imaginer la montée en puissance de multiples communautés d’usagers prêtes à utiliser l’outil pour leurs propres fins (des sportifs, pourquoi pas des chercheurs). C’est d’ailleurs ce que l’on a pu constater sur YouTube ou Dailymotion: ces vecteurs de diffusion sont mobilisés par de multiples acteurs, de la maison de disques au parti politique…

Par ailleurs, la société auteur du site envisage de démarcher des clients aux besoins spécifiques, entreprises, administrations (ou autres), dont les vidéos ne seraient pas forcément partageables sur la partie publique du site: par exemple une association de défense de l’environnement qui chercherait à mesurer la présence d’un polluant dans l’air, associant un capteur à l’image et aux paramètres géographiques.

On a ici affaire à une ressource pour l’instant embryonnaire, dont on mesure mal les usages à venir. Difficile d’ailleurs de se faire une idée du nombre de vidéos aujourd’hui déposées sur le site. Mais on imagine bien que Kinomap (ou d’éventuelles solutions concurrentes) pourrait être le support de nombreuses utilisations futures de cette information localisée que commencent à produire en masse les «téléphones intelligents» et autres outils associés à un GPS, désormais facilement appropriables par des publics de plus en plus larges.

Quelques exemples de parcours

Une synthèse de la polémique est présentée par E. Verdeil sur le blog Evaluation de la recherche en SHS.
L’IBSS était gérée jusqu’à janvier 2010 par la London School of Economics. Elle est à présent la propriété de la société ProQuest, spécialisée dans l’information scientifique.
Tribune publiée en mars 2009, simultanément dans Géocarrefour et Mappemonde