Îles abandonnées
Il existe des atlas et des encyclopédies des îles. Il existe une géographie foisonnante de pays imaginaires, de Tolkien à Lanfeust de Troy. Il n’existait pas d’atlas imaginaire d’îles réelles. Voilà qui est fait avec cet Atlas des îles abandonnées de Judith Schalansky.
Paru en Allemagne en 2009 où il obtint — à juste titre — le prix du plus beau livre de l’année, cet atlas (qui n’en est pas un!) vient de sortir dans sa traduction française chez Arthaud et préfacé (très logiquement) par Olivier de Kersauson.
Cinquante îles sont «explorées» par océan. Page de gauche: un nom, des distances, de vagues dates et 20 ou 30 lignes de commentaires. Page de droite: une carte, minimaliste, tout droit sortie d’une représentation romantique du XIXe siècle (mais a priori réalisée par l’auteure elle-même).
Ne cherchez pas de carte détaillée: quelques noms de lieux, parfois une route, des pointillés pour figurer le relief, le tout perdu sur le fond bleu des pages.
Ce livre n’est définitivement pas un atlas. Il est bien plus que ça.
Judith Schalansky s’empare de quelques cailloux perdus dans les océans de la planète, de quelques anecdotes liées à l’origine, à la forme, à l’histoire, à la genèse de ces îles et nous transporte en quelques lignes dans un imaginaire réel (ou une réalité imaginaire?) vers ces lieux où l’on ne peut accoster qu’en y faisant naufrage.
Des nouvelles de 30 lignes, souvent poétiques, parfois amusantes, toujours remarquablement écrites (traduction française d'Élisabeth Landes), parfaitement renseignées, et que l’on dévore. Le récit en tête, le regard se perd dans les quelques traits dessinés — plus que cartographiés, dans les noms, les distances, la graphie même (le jeu du gris et de l’orange!). On arrive au bout de l’exploration de ces 50 chimères émerveillé et frustré qu’il n’y en ait pas 100, 200.
L’auteure (qui n’a que 30 ans!) est designer de formation et dans son introduction propose que la cartographie soit intégrée au genre poétique et que l’atlas en réfère aux belles-lettres. Nul doute qu’avec cet ouvrage, elle signe là le premier tome d’un nouveau genre.
Si vous êtes voyageur (même imaginaire), si vous avez aimé, enfant, L’Île mystérieuse, si le mot Bounty n’est pas forcément pour vous synonyme de barre chocolatée, s’il vous arrive encore de rêver à l’écoute de noms improbables tels que Kiribati, Fangataufa ou Tikopia, alors précipitez-vous pour acheter ce livre!
Référence de l'ouvrage
SCHALANSKY J. (2010). Atlas des îles abandonnées. Paris: Arthaud – Flammarion, Préface de Olivier de Kersauson, 140 p., 50 cartes ISBN: 978-2-08-123820-6