N°104

Les représentations cartographiques du monde

Voilà donc la Documentation française qui s’intéresse à la représentation cartographique! Le glissement opéré depuis plusieurs années de la carte à l’image (à travers notamment les publications papier et vidéo du «Dessous des cartes») trouve aujourd’hui sa traduction symbolique dans ce numéro de la Documentation photographique préparé par Christian Grataloup. Déjà, la couverture même nous interpelle: «Carte du monde en sable sur une pierre», une œuvre de Keizo Nakamura, sorte de mandala en 3D qui marque l’impersistance de la représentation du monde.

Cette livraison s’organise en deux parties: «le point sur» où Christian Grataloup rédige une grande introduction autour de la représentation du monde à travers l’histoire et «Thèmes et documents» qui s’appuie sur des représentations précises depuis la tablette babylonienne, jusqu’aux cartes en 3D.

Rien de très original dans la conception et la structuration de l’ouvrage si ce n’est (Documentation photographique oblige) les très belles illustrations reprenant notamment le tableau de Rubens sur les quatre continents (p. 11) ou la fresque de la voûte de la nef de l’église Saint-Ignace-de-Loyola (p. 45).

L’objectif premier des publications de la collection «Documentation photographique» est d’offrir aux enseignants des documents (transparents projetables) servant de base iconographique. Naturellement, en une trentaine de représentations, il est pratiquement impossible de rendre compte de manière exhaustive, non seulement de l’histoire de la carte abordée dans deux chapitres («Les héritages» et «La cartographie du XIXe au XXIe siècle»), mais également des représentations en fonction des civilisations («Vu d’ailleurs») ou encore de l’influence géopolitique de la représentation cartographique («Différents regards sur le Monde»…). L’auteur a donc été obligé de faire des choix qui s’avèrent bien souvent très originaux et axés sur la beauté du document source: «la Kangnido ou le monde vu de Corée au XVe siècle» (p. 33), «la France colonisatrice et les cinq continents» (p. 47) ou encore les cartes de Ptolémée ou des cartographes arabes, beaucoup plus classiques cette fois. La limite du support intervient quasi naturellement lorsqu’il s’agit d’aborder les cartes interactives ou en trois dimensions où l’image doit faire place au texte.

Justement, ce que Christian Grataloup décrit parfaitement dans sa longue introduction, et ce que Nakamura symbolise avec sa mappemonde en sable, c’est bien l’évolution constante des représentations du monde, au gré des avancées techniques et géopolitiques, en en fonction des supports de ces représentations.

La question est alors: pouvons-nous encore nous appuyer sur le papier (qu’il soit cartographique ou photographique comme ici) pour décrire, analyser ou imaginer la cartographie actuelle et avenir? Et, si le présent et l’avenir de la cartographie sont électroniques, devons-nous en parler uniquement par voie électronique?

À l’heure où il est fortement question de la dématérialisation pure et simple de la presse quotidienne, il serait dommage de se passer de revues ou d’ouvrages qui ont fait le choix fort judicieux de la publication de qualité comme le prouve la revue «Carto» ou encore ce numéro de la Documentation photographique.

Référence de l’ouvrage

GRATALOUP Ch. (2011). Représenter le Monde. Paris: La Documentation française, coll. «Documentation photographique», n° 8084, 64 p., 11 euros.