N°116

Monaco: bâtir ou périr

Ce livre, aux mensurations hors normes (246 mm x 346 mm, 3,8 kg et 660 pages), est le catalogue de l’exposition organisée au Nouveau Musée National de Monaco (NMNM) en 2013. Livre d’art, d’histoire, d’urbanisme ou de géographie, il regroupe 850 peintures, dessins, croquis, maquettes, photographies, plans cadastraux, cartes, brochures touristiques, etc., provenant de la Principauté (Archives du Palais, Société des bains de mer - SBM -, médiathèque de Monaco, Archives audiovisuelles, promoteurs, architectes et collectionneurs), de France (Musée national d’art moderne, Archives nationales, Cité de l’architecture...) ou de fonds d’architecture étrangers. Près de 70 pages de textes complètent ce remarquable ensemble iconographique inédit. Signalons, parmi les treize auteurs, Georges Vigarello, natif de Monaco et membre de l’Institut Universitaire de France, qui nous propose une intéressante étude sur l’histoire des bains à Monaco, ou Bernard Toulier, conservateur général du patrimoine et grand spécialiste de l’architecture de la villégiature, qui analyse l’invention de cette ville-État. Un répertoire non exhaustif des architectes et des acteurs de l’urbanisme en Principauté ainsi qu’une bibliographie viennent compléter l’ensemble et en font un puissant outil de recherche.

Le feuilletage de ce livre nous plonge souvent dans une profonde nostalgie, tant la fureur destructrice, perforatrice et constructrice à Monaco a totalement métamorphosé ce micro-État. La juxtaposition, pages 28-29, d’un tableau de Jean-Baptiste Olive (1848-1936) révélant l’ensemble de la Principauté vers 1900 et d’une photographie panoramique actuelle est édifiante. L’histoire se répète avec la destruction en cours du Sporting d’Hiver, qui datait de 1932 et qui avait succédé au Palais des Beaux-Arts (1893), pour que la SBM y construise des bâtiments plus lucratifs; ou la livraison, en 2015, de la tour Odéon, plus haut immeuble d’habitation de l’Hexagone avec ses 170 mètres de haut. Le livre est structuré par quartier, et traite successivement du Jardin exotique et des Moneghetti, de Fontvieille, de Monaco-Ville (le «Rocher» pour les touristes), de la Condamine, de Sainte-Dévote, de Monte-Carlo, enfin du Larvotto. C’est un pays en perpétuel chantier que nous découvrons, avec le percement de tunnels, la construction de ponts, de terre-pleins, de jetées, d’équipements publics, de parkings souterrains, etc. Le terre-plein de Fontvieille, grand chantier des années 1970 donne l’occasion de constater à quel point la Principauté a souvent raté ses rendez-vous avec une architecture novatrice. La partie consacrée à Monte-Carlo passionnera celui qui s’intéresse au tourisme et à la Belle Époque. On y découvre des photographies de la place du Casino minutieusement reconstituée en Californie pour le film d’Éric von Stroheim Folies de femmes (1922) démontrant déjà l’aura de ce territoire.

Ainsi, cette promenade iconographique nous fait passer d’un territoire misérable, habité par 1 200 âmes au pied d’un château en ruines, à une contrée d’une insolente prospérité, cosmopolite, image archétypique de la mondialisation et d’une urbanité sophistiquée. Si l’étendue du micro-État est restée minuscule (moins de 2 km²), malgré les gains sur la mer, ce livre nous montre que l’espace monégasque s’est considérablement étendu par la construction d’immeubles toujours plus hauts. Cette ressource semble loin d’être tarie.

Référence de l’ouvrage

ROSTICHER GIORDANO N. et GAMPER M., dir. (2013). Monacopolis. Architecture, urbanisme et urbanisation à Monaco, réalisations et projets 1858-2012. Monaco: Nouveau musée national de Monaco, 660 pages et 850 illustrations en couleurs. Disponible en versions française (ISBN: 978-2-9547139-0-8) et anglaise (ISBN: 978-2-9547139-1-5).