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Le monde en un seul pays, le Royaume-Uni

The Guardian, quotidien britannique de qualité, plutôt de centre-gauche, a publié le 23 janvier 2006 un dossier sur l’immigration en Grande-Bretagne et les minorités vivant dans ce pays. Cet ensemble documentaire, issu d’une enquête du journaliste Leo Benedictus, est en ligne sur le site Internet du journal.

Personne n’est surpris d’apprendre que Londres concentre des populations de toutes les origines. Plus de 300 langues et idiomes sont parlés à Londres, ancienne capitale d’un empire glorieux et actuel pôle de croissance économique. Elle héberge au moins cinquante communautés d’origine étrangère de plus de 10 000 personnes. Si New York et Toronto sont probablement les métropoles les plus cosmopolites du monde, Londres peut rivaliser avec elles. Les études du cas londonien sont nombreuses, peu, en revanche, portent sur le pays tout entier, alors que 53% des minorités ethniques vivent hors de la capitale. D’où l’intérêt de ce dossier du Guardian.

Il commence par une analyse («All together now») de ce que l’auteur qualifie de «Britain's second great age of immigration». Entre 1991 et 2001, la population britannique augmente de 2,2 millions de personnes dont la moitié est née à l’étranger. La part des demandeurs d’asile et des réfugiés est, contrairement à une idée reçue, minime dans cet ensemble. Les aspects sociaux et humains des changements récents sont abordés avec recul (le racisme existe au Royaume-Uni comme ailleurs même si l’intégration semble s’y faire un peu plus facilement). Des textes secondaires mettent ensuite l’accent sur des visages assez peu connus de plusieurs communautés (parfois anciennes) coexistant en Grande-Bretagne: les Somalis à Cardiff, les Lithuaniens à Glasgow, les Philippins à Cambridge, les Kurdes à Hull, etc. Une question vient néanmoins à l’esprit: le regroupement par origine ethnique ne devient-il pas artificiel lorsque l’assimilation sociale a pleinement joué son rôle? Le cas irlandais est significatif à cet égard.

Les Pakistanais…

Une carte interactive tout à fait utile est disponible sur le site. Elle permet de localiser et de mesurer la taille des communautés dans les villes du Royaume-Uni (Ulster compris donc) qui est divisé ici en six zones. Si les minorités d’origine indienne, pakistanaise, caraïbe, bangladeshi, chinoise et irlandaise dominent à l’échelle nationale, on trouve des populations présentes en peu de lieux, comme des Bulgares sur les Shetland, des Polonais à Inverness ou des Grecs chypriotes à Birmingham. L’immigration touche des villes de toutes les tailles et pas seulement les principaux centres, ce qui est un fait relativement nouveau. Les nouveaux arrivants viennent surtout du Zimbabwe, d’Europe centrale, du Moyen-Orient ou des Philippines. L’appel à une main-d’œuvre étrangère à bas salaire, facilité par des agences de recrutement privées et pratiqué largement, y compris par des institutions nationales comme le NHS (National Health Service), explique ces flux.

Ce dossier est de qualité même s’il n’est guère explicite sur les sources utilisées et s’il est teinté d’un optimisme excessif en ce qui concerne les phénomènes d’intégration. Il devrait intéresser les géographes travaillant sur la Grande-Bretagne, les spécialistes des flux migratoires et plus largement tous ceux qui réfléchissent sur le multiculturalisme des sociétés européennes et les problèmes qu’il pose.

Laurent Grison, 15 mars 2006

Références

À consulter aussi, un site, soutenu par de grandes institutions comme la British Library, consacré à l’histoire des migrations vers l’Angleterre.