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Un nouveau haut-lieu commémoratif en Russie
l'Église sur le Sang Versé d'Ékatérinbourg

Ékatérinbourg (Oural) est la ville où, en juin 1918, le pouvoir bolchévique a fait fusiller la famille impériale russe, dans les sous-sols d'une résidence bourgeoise dite «la Maison Ipatiev». Le tsar, son épouse, leurs cinq enfants et quatre personnes attachées à la famille y ont été exécutés ensemble.

Cette maison, située sur une colline dominant le centre historique, fut détruite à la fin de l'époque soviétique sur ordre d'un pouvoir inquiet de l'afflux persistant de curieux (1977), alors que Boris Eltsine, futur Président de Russie, était aux commandes du Parti Communiste dans la région. Sur cet emplacement, aucune construction nouvelle ne fut d'ailleurs entreprise et le lieu laissé vacant.

Ceci permet à l'Église orthodoxe d'édifier facilement une toute petite chapelle commémorative en bois au début des années 1990, édifice un peu perdu dans un vaste espace découvert, en contrebas de la rue Karl Liebknecht. Le lieu ne fit alors l'objet d'aucune autre valorisation et resta un peu en marge.


Photo 1. L'Église (cliché D. Eckert, 2005)
Photo 2. Le parvis (cliché D. Eckert, 2005)

La donne change sensiblement en l'an 2000. L'Église orthodoxe russe prend la décision, assez controversée d'ailleurs, de canoniser l'ensemble de la famille impériale, dont les membres sont désormais déclarés saints et morts exemplaires. En même temps, elle entreprend la construction d'une église commémorative sur les lieux mêmes de l'exécution, dont les travaux sont achevés en moins de trois ans.

L'«Église sur le Sang Versé», bâtiment impressionnant par ses dimensions (60 m de haut) mais sans grande originalité architecturale, est consacrée en 2003. Visible de loin, dominant la rive de l'Étang central d'Ékatérinbourg, c'est désormais l'un des lieux symboliques de la ville et une étape obligée des circuits touristiques.

Ce lieu commémoratif est, dans sa disposition intérieure, très semblable à l'Église du Saint-Sauveur reconstruite au milieu des années 1990 à Moscou. La partie supérieure de l'église est consacrée au culte ordinaire, tandis que la crypte est à la fois musée (on y présente des documents d'archives et des objets liés au séjour de la famille impériale dans la maison Ipatiev) et lieu de pélerinage: c'est là qu'icônes et stèles invitent le visiteur au recueillement.

En sortant sur le parvis, on a une vision panoramique des nombreux chantiers qui se sont ouverts dans le centre-ville depuis le redémarrage économique: les nouveaux buildings et les récents monuments religieux font partie, comme à Moscou, d'un seul et même paysage (Vidalenc, 2003). Renaissance du capitalisme et de l'orthodoxie vont, semble-t-il, de pair, et l'establishment de la Russie nouvelle recycle d'un même mouvement la famille impériale, la religion et la spéculation immobilière.


Denis Eckert

LAURENT Natacha (1995), «La vérité sur l'assassinat de Nicolas II», L'Histoire n°187, p. 64 -69

VIDALENC S. (2003), Le Renouveau des églises orthodoxes à Moscou: Localisation, insertion urbanistique et sociale, mémoire de maîtrise, Th. St-Julien et D. Eckert (sous la dir. de), Université de Paris-I Sorbonne, 124 p.