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 Sommaire

Évolution de la participation électorale en 2007.
Au-delà de la «bulle démocratique» des présidentielles 2007

Le regain de la participation électorale observé lors du premier et du second tour de l’élection présidentielle avait fait l’objet de commentaires et analyses détaillés de la part des journalistes et des politistes. Pourtant, en frôlant le seuil fatidique de 40% des électeurs inscrits en métropole, l’abstention a atteint un record historique pour des élections législatives sous la Cinquième République. Après l’élan participatif exceptionnel de la présidentielle, l’abstention montre au premier tour des élections législatives, un nouvel effondrement de la participation et reprend sa courbe, croissante depuis le début de la décennie 1980 quel que soit le type de scrutin. Pour une couverture du territoire français dans son intégralité, cette réflexion peut être proposée seulement pour le premier tour de ces élections. En effet, 17,5% des circonscriptions n’étaient plus concernées par le vote au second tour.

1. Taux d'abstention au premier tour des législatives de 2007

Cependant, la géographie de l’abstention reste stable (carte 1), les circonscriptions les moins civiques étant celles situées dans les parties septentrionales et orientales de la France, en particulier dans les circonscriptions frontalières nordistes, lorraines, alsaciennes et savoyardes. Cette faible participation s’explique avant tout par le faible enjeu de ces législatives. L’élection paraissait jouée d’avance pour de nombreux électeurs. En effet, selon les médias et les prévisions des grands instituts de sondages nationaux, ce scrutin devait confirmer le résultat de la présidentielle et dessiner une vague bleue. De plus, au moment où se déroule le premier tour, le nouveau chef de l’État, Nicolas Sarkozy, tout comme le gouvernement, bénéficie encore de la popularité associée à la période de l’état de grâce. Les principales conséquences de cette abstention massive sont le faible nombre de triangulaires possibles pour le second tour (car il convient de le rappeler, pour pouvoir se maintenir, tout candidat doit nécessairement avoir obtenu au minimum 12,5% des suffrages exprimés), mais aussi une augmentation des député(e)s élu(e)s dès le premier tour. Autre explication, après la forte médiatisation des élections présidentielles de 2007, où le débat politique fut souvent réduit à une opposition de personnalités, il a semblé très difficile de revenir à un débat d’idées entre partis, compliqué par 577 contextes locaux. La « bulle démocratique » de l’élection présidentielle a logiquement crevé à l’occasion d’un scrutin moins médiatique. Avec une progression de +0,68 points du nombre des abstentionnistes (39,7%), les résultats du second tour confirment le caractère éphémère de l’engouement démocratique des électeurs manifesté lors de la présidentielle.

2. Évolution de l'abstention entre les premiers tours des législatives
de 2002 et de 2007

En comparaison avec les élections législatives de 2002 (carte 2) qui se déroulaient dans un contexte identique, les progrès de l’abstention au premier tour sont les plus nets dans les espaces urbains, les banlieues (notamment la première couronne parisienne), les zones périurbaines des grandes agglomérations. Il s’agit des zones où les taux d’inscriptions ont le plus progressé en 2006-2007. L’abstention augmente également dans les bastions traditionnels de la gauche socialiste, dont une frange de l’électorat s’est retirée du jeu politique en raison d’un sentiment de déception suite à la défaite de Ségolène Royal quelques semaines plus tôt. De même, notons aussi le reflux de la participation dans les fiefs du Front national après l’effet Sarkozy dans ces espaces que nous avons pu mettre en lumière lors de nos analyses relatives à l’élection présidentielle (1). Si l’effondrement du score frontiste s’explique principalement par un transfert de voix vers l’UMP, il semble également lié à un retour vers l’abstention de partisans qui ne voient plus dans le Front national une force suffisante pour perturber le jeu politique traditionnel. À l’inverse, on constate une forte mobilisation dans un certain nombre de circonscriptions où les résultats s’annonçaient serrés comme par exemple à Dieppe en Seine-Maritime où les enjeux locaux sont particulièrement forts, ainsi que dans des espaces où le parti frontiste avait fortement progressé depuis vingt ans (autour de Nice ou en Corse).

3. Évolution de l'abstention entre les premiers tours des présidentielles et des législatives de 2007

Au final, sur le plan géographique, les progrès de l’abstention, au premier tour, semblent surtout avoir profité à l’UMP, notamment dans les circonscriptions urbaines où Ségolène Royal avait réalisé un score élevé (carte 3), même si cette tendance s’est assez largement inversée au second tour. Grâce à une remobilisation de l’électorat et un meilleur report des suffrages, plusieurs circonscriptions de centre-ville, notamment dans l’Ouest (par exemple à Rouen, à Caen, à Bordeaux, à Toulouse…) basculent ainsi à gauche après plusieurs années de domination de la droite. Le Front national, qui jusqu’à présent tenait le rôle d’arbitre dans plusieurs circonscriptions sensibles ou instables, s’est définitivement effondré, une majorité des électeurs conquis ces quinze années passées ne se reconnaissant plus dans le discours de cette formation ont rejoint la majorité présidentielle ou se sont réfugiés dans l’abstention. Dans le contexte de forte abstention commun aux deux tours de ces élections législatives, il y a eu une mobilisation très différenciée des électorats de chaque camp. En conclusion, nous pouvons affirmer qu’il y a dans chaque famille politique des électeurs susceptibles de s’abstenir ou de revenir voter. Nous sommes donc bien dans un contexte de comportement général de volatilité de la participation amorcé depuis maintenant près de deux décennies (2).

Céline Colange, Jean-Paul. Gosset, Michel Bussi (UMR IDÉES 6228)

Notes

(1) BUSSI M., COLANGE C., GOSSET J.-P. (2007). «Élections présidentielles, 1er tour 2007: Nouveaux candidats, nouvelle géographie des votes ? Une analyse de l’évolution 2002-2007 par canton». Géoconfluences, brève n°1, 2007.

(2) Sur cette thématique, le lecteur peut se référer à mes travaux de maîtrise : COLANGE C. (2000). Géographie du non vote en France. Les effets des échelles et des types de scrutin. Mémoire de maîtrise en géographie sous la direction de Monsieur Michel Bussi, Université de Rouen, 178 p.