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 Sommaire

Analyse spatiale, Archéologie et Histoire:
réflexion autour des rencontres interdisciplinaires de MoDyS

Modélisation des Dynamiques Spatiales

Les rencontres doctorales organisées les 8 et 9 novembre 2006 à Lyon par le Réseau Thématique Pluridisciplinaire Modélisation et Dynamiques Spatiales (MoDyS) proposaient aux doctorants en archéologie, en histoire et en géographie de présenter leurs travaux ayant pour point commun l’analyse spatiale et la modélisation des dynamiques spatiales.

Créé par la direction du département SHS pour une durée de trois ans, le RTP MoDyS est un outil d'assistance à la politique scientifique et une instance chargée d’émettre des propositions pour favoriser le développement de la modélisation spatiale en SHS et renforcer les collaborations interdisciplinaires. Il a également pour mission de favoriser la diffusion et le partage des concepts, des modèles et des outils de l’analyse spatiale appliquée à la recherche sur les sociétés du passé et du présent.

Le Réseau Thématique Pluridisciplinaire MoDyS souhaite jouer un rôle d’interface entre les réseaux existants dans les différentes disciplines des SHS.

Ses objectifs sont les suivants:

  • faire un état des lieux
  • faire remonter à la direction scientifique du département SHS des propositions en termes d’investissements et de politique de l’emploi
  • répondre aux demandes d’expertise ou d’enquête de la direction scientifique
  • faire émerger des projets susceptibles de répondre à des appels d’offres nationaux ou internationaux, et aider à leur formalisation
  • organiser des rencontres périodiques de doctorants travaillant dans la thématique du réseau
  • organiser ou susciter des séminaires, ateliers ou colloques interdisciplinaires
  • susciter et promouvoir des offres de formation continue pour les chercheurs et les ITA
  • favoriser la mobilité, nationale et internationale, des chercheurs, doctorants et post-doctorants dans les laboratoires.

Les activités du RTP sont présentées sur le site web http://modys.univ-tours.fr

Les objectifs de cette rencontre de doctorants issus de différentes disciplines étaient:

  • de proposer un tour d’horizon des modèles utilisés ou développés pour aborder les dynamiques spatiales: quels sont les choix, les formalisations et les résultats obtenus ou attendus de chacune des expériences?
  • de débattre des modèles, des méthodes et des outils utilisés ou développés selon les types de données et de problématiques abordées.
    Il était demandé aux doctorants de présenter d’une part, de manière succincte, le contexte de la recherche (géographique, historique, scientifique) et le type de données étudiées, et d’autre part, de manière plus approfondie, les aspects méthodologiques: les analyses spatiales réalisées, les modèles utilisés ou développés et leurs résultats. Chacun devait également produire un article court qui sera en ligne sur le site du RTP d’ici la fin de l’année 2006.

La modélisation des dynamiques spatiales au centre de cette interdisciplinarité

Si les thématiques et les problématiques, d’une part, les échelles spatiales et temporelles, d’autre part, propres à chacune des disciplines et à chaque jeune chercheur, sont plus ou moins différentes, elles demeurent cependant très proches d’un point de vue des méthodes et des outils utilisés pour modéliser les dynamiques spatiales. Parmi les outils, on soulignera la place prépondérante des systèmes d’information géographique (SIG) dans les modélisations et les analyses spatiales. Si le SIG est un bon outil pour visualiser des structures et des organisations spatiales dans le temps (succession ou superposition de modélisation à des dates différentes), il ne permet cependant la modélisation des interactions spatiales et de la 3D (et non la 2,5D) qu’au prix d’une gymnastique algorithmique et technique difficile à pratiquer (souvent par un couplage avec d’autres outils). D’autres outils, comme les SMA et les Automates Cellulaires, rendant possible la modélisation de ces interactions spatiales, restent quasi-exclusivement utilisés par les géographes.

Cependant, il ne serait pas étonnant de voir les SMA appliqués dans des problématiques archéologiques de reconstitution de réseaux d’échanges, de réseaux d’habitats par exemple. Les SMA en archéologie par la simulation des comportements des individus dans des temps anciens permettraient peut-être de répondre à des questions plus générales sur l’émergence de sites, de villages, de mieux comprendre certaines localisations ou position.

Les remarques et les questionnements soulevés par les modélisations des dynamiques spatiales et l’interdisciplinarité

Transfert de modèle, transfert de méthode

Le problème du transfert est récurrent en sciences humaines et sociales. Il s’est révélé dans les travaux présentés par des transferts de modèles, de concepts, et dans une moindre mesure de méthodes, appliqués à des objets spatialisés de nature «différente» de ceux pour lesquels ces modèles et concepts ont été conçus. L’exemple le plus immédiat est celui de l’analogie parfois abusive entre un réseau d’habitat et un système de villes. Il revient à chaque chercheur d’argumenter cette analogie et de faire comprendre pourquoi le réseau d’habitat peut s’apparenter à un système de villes.

L’analyse spatiale: ce n’est pas l’analyse d’un espace

Des problèmes de vocabulaire et de définition portant sur certains concepts «poly-disciplinaires» sont apparus. Bien qu’ils ne soient pas insurmontables, comme nous avons pu le constater lors des discussions, il est toutefois bon de rappeler que l’analyse spatiale n’est pas l’analyse de l’espace ou d’un espace. Les concepts-clés, au cœur des relations horizontales, privilégiées dans l’analyse spatiale, que sont l’espacement, la distance, la position relative ou encore l’interaction spatiale, ne sont pas toujours présents dans les modélisations présentées.

Une modélisation (trop) détaillée ?

Certaines modélisations ont soulevé le problème de la recherche systématique (et non systémique) et de l’inventaire, de l’introduction de paramètres de plus en plus nombreux, de facteurs, de variables pour tenter de comprendre et d’expliquer certaines dynamiques, certains processus en oubliant un peu l’essence même de la modélisation: la représentation simplifiée d’une réalité complexe, de processus. À cela s’ajoute la modélisation d’espaces de plus en plus réduits (à un niveau «micro-local»), cause ou conséquence d’une modélisation destinée à de la gestion de territoire. Peut-on considérer que ces modélisations font partie de la géographie?

Les moyens offerts par les développements technologiques conduisent les chercheurs, jeunes et moins jeunes, à introduire de plus en plus de facteurs pour modéliser la complexité. Le paradoxe, bien montré par les SMA, est que des règles simples peuvent conduire à mieux comprendre la complexité des phénomènes sans toutefois introduire de manière indéfinie des variables. Doit-on freiner les ardeurs des jeunes doctorants ou au contraire les encourager en ce sens? Le problème posé n’est pas tant celui du rendement mais celui de l’apport de connaissances sur les phénomènes modélisés. Tout est bon à prendre, même le mauvais, l’essentiel est de prendre du recul et de faire son autocritique pour rectifier le tir.

Quelques remarques aux doctorants

On regrettera d’abord le manque parfois d’un positionnement clair de la recherche dans différents contextes (historique, spatial, …) et de la définition d’une problématique à laquelle la modélisation cherche à répondre. On regrettera souvent le manque d’explication du choix de certaines méthodes utilisées par rapport à d’autres méthodes.

Nous n’avions là qu’un échantillon de modélisations, un «bon» échantillon, mais est-il représentatif de l’ensemble des modélisations produites par les doctorants en archéologie, en histoire et géographie? Voilà au moins une raison de poursuivre ces rencontres.

Lahouari Kaddouri, Xavier Rodier