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Quand le «quotidien de référence» fait dans la dentelle russe

À la «une» du Monde daté du 25 février 2004: «La Russie se dépeuple. Le pays vit une grave crise démographique. En 2050, il ne comptera plus que 101 millions d'habitants contre 145 millions en 2002. Notre enquête sur le désert russe».

Le désert… Cent un millions en 2050… à la forme affirmative, nullement au conditionnel. Et l'entière page 14 reprend en détail ces affirmations péremptoires en attribuant la prédiction aux «experts de l'ONU». La journaliste donne force anecdotes sur des hameaux de la région de Novgorod, à la fois très accessible pour un touriste et, en effet, particulièrement déprimée depuis quelques décennies. Déjà, «les usines de l'époque (soviétique) ont toutes fermé». Toutes !… On apprend pourtant que «les entreprises privées» s'appliquent au «non-respect du code du travail»: c'est donc qu'il y en a de nouvelles? «À ce rythme, ne resteront, dans quelques décennies, que les chasseurs et les ours». Vision optimiste: il y aura donc encore des chasseurs.

La crise démographique en Russie, à la fois par faible natalité, forte et précoce mortalité, est un fait, et bien connu depuis plus de 20 ans. Elle est particulièrement accusée dans les campagnes du Nord-Ouest, vieillies, vidées par les proches capitales et aux résultats agricoles particulièrement médiocres. Les données pour le Sud de la Russie et la plupart des grandes villes sont néanmoins fort différentes. Et quant à savoir ce que sera la population de la Russie dans cinquante ans, cela relève de l'astrologie. On sait que le journalisme contemporain ne s'accommode pas de nuance: il lui faut du sensationnel. Espérons seulement que les professeurs, et les auteurs de manuels de géographie de l'enseignement secondaire, cesseront un jour de prendre de tels textes pour «référence», sauf s'il s'agit d'illustrer les mœurs et fantasmes de chez nous, et non pas le pays évoqué.

J'allais oublier: l'auteur de l'article se nomme… Marie-Pierre Subtil.

Roger Brunet