Sommaire du numéro
N° 82 (2-2006)

Angleterre-Italie: les districts industriels de la Formule 1

Raymond Wœssnera

IUFM d’Alsace, Strasbourg - CRESAT-UHA, Mulhouse

Résumés  
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Depuis 1950, les titres de Champion du monde des conducteurs et de Champion du monde des constructeurs sont décernés chaque année au terme d’une série de Grands Prix (GP). Ces courses sont réservées aux voitures dites de Formule 1 dont les spécifications sont définies par une réglementation internationale précise. Cette activité a pour point d’ancrage, depuis les débuts, l’Europe occidentale et reste pilotée par un réseau social d’origine britannique (carte 1). Les Grands Prix se courent principalement en Europe (dix épreuves sur dix-huit disputées en 2006), secondairement en Amérique, en Asie et en Océanie. La Formule 1 est aujourd’hui une activité de haut niveau, qui s’appuie sur des fonctions supérieures diversifiées, alliant technologie, finance et médias, et dont on pourrait penser qu’elle est fortement mondialisée. Or l’on s’aperçoit que les voitures sont conçues et produites dans un très petit nombre de sites européens, surtout en Angleterre et en Italie padane, en des lieux où l’industrie automobile a paradoxalement connu de sévères déconvenues depuis plusieurs dizaines d’années, mais où la production de voitures de prestige, de grand tourisme et de compétition s’est maintenue et développée.

1. La Formule 1 dans le monde en 2005

On verra qu’il s’agit de deux districts industriels, territoires riches d’entreprises de petite taille, adossées au monde de la grande industrie, vouées à un même secteur d’activité et partageant une culture commune. Rivaux à l’époque des États-nations, ces deux districts sont confrontés à un processus d’intégration, d’échelle européenne, autour de certaines métropoles au rôle grandissant. La mondialisation semble en effet, par une combinaison de facteurs industriels, financiers et juridiques, favoriser la constitution d’un univers européen intégré de la Formule 1.

Du génie des ingénieurs à la haute technologie

Dans les années 1950, en Angleterre comme en Italie, la Formule 1 s’est développée dans un contexte industriel très particulier où, comme aujourd’hui, l’équilibre financier des constructeurs était précaire.

Photo 1. Disques de frein et coque de F1 en fibre de carbone
Galleria Ferrari, Maranello,(Cliché R. Wœssner, 2004)

Les entreprises y ont été fondées, à la force du poignet, par des ingénieurs. En Italie, l’ingénieur et pilote de course Enzo Ferrari, né à Modène, avait édifié pendant la Seconde Guerre mondiale une usine de composants aéronautiques à Maranello, loin des bombardements de l’aviation alliée. On commença à y produire peu après la guerre (1947-1948) des voitures de sport et de compétition. C’est également après la guerre que le fondateur de la firme Lotus (officiellement créée en 1952), Colin Chapman, ingénieur de travaux publics spécialisé dans les structures et ancien pilote de la RAF, se lia avec les spécialistes de l’aviation et commença à construire à Londres, à partir de 1948, des voitures de course.

Mais la rentabilité de ces entreprises s’est avérée aléatoire. Les succès en compétition ont certes permis de vendre des voitures de sport auprès d’une clientèle de riches amateurs. Ces fabrications en très petites séries étaient néanmoins un exercice risqué. Peu à peu, ces constructeurs, dont bon nombre (Lotus, Lamborghini, Maserati, par exemple) a quitté le monde de la Formule 1, ont disparu ou ont été rachetés par de grands groupes. Ils sont devenus de coûteuses vitrines de prestige. Lotus a été repris par des investisseurs malais; Maserati a fait faillite à plusieurs reprises et a rejoint finalement Ferrari (2 000 salariés, dont 700 pour la seule Formule 1), lui-même racheté par Fiat; avec Audi, le groupe Volkswagen contrôle Lamborghini (1 300 salariés). De ce fait, la construction des voitures de Formule 1 et des voitures de sport destinées aux riches particuliers est passée en Europe, pour l’essentiel, dans l’orbite des grands constructeurs automobiles.

Les nécessités technologiques ont aussi modifié la donne et contribué à mettre un terme à l’autonomie des entreprises. En effet il est vite devenu nécessaire de recourir à des compétences externes aux constructeurs de Formule 1.

À partir des années 1970, le rôle prépondérant de l’aérodynamique, l’utilisation de nouveaux matériaux et l’irruption de l’informatique ont exigé de nouveaux savoir-faire. Une voiture de Formule 1 est devenue une aile d’avion à l’envers qu’il s’agit de plaquer au sol avec un minimum de traînée. Les centaines d’heures de recherche nécessaires en soufflerie expliquent les relations étroites nouées avec l’industrie aérospatiale.

En ce qui concerne l’utilisation des fibres de carbone (photo 1), l’Angleterre a progressé plus vite que l’Italie grâce aux compétences de la British Aerospace et d’experts français venus de Toulouse. Dans le Derbyshire, la firme Advanced Composites a construit des centaines de châssis pour la compétition avant que les constructeurs de Formule 1 n’internalisent cette technologie, sauf pour les freins fabriqués par des fournisseurs spécifiques. En 2004 enfin, Ferrari fabrique sa première voiture de sport en fibre de carbone et Mac Laren fait de même pour le compte de Mercedes.

East Midlands et Émilie-Romagne:
les lieux actuels de la Formule 1

Née dans l’agglomération de Londres, l’industrie de la Formule 1 se structure par la suite progressivement dans les East Midlands (carte 2). De nombreux constructeurs de Formule 1 quittent en effet la banlieue londonienne pour le triangle Northampton-Oxford-Milton Keynes, dans une campagne anglaise devenue péri-métropolitaine, parsemée de cités historiques et de hauts lieux touristiques et résidentiels (les collines des Cotswolds, le château des Churchill à Blenheim…), de villes universitaires de prestige (Oxford, Cambridge) et de villes nouvelles, à proximité du circuit de Silverstone, de nouvelles autoroutes et d’aéroports. C’est ainsi que se constitue la Motorsport Valley, qui repose sur l’association de fabricants de voitures de Formule 1 et de voitures de prestige (un temps construites sous les mêmes marques), de lieux de compétition de tous niveaux, de musées et d’écoles de pilotage, enfin d’industries de haute technologie offrant des compétences indispensables à la Formule 1.

2. La Motorsport Valley (East Midlands) et son environnement régional

Ainsi, dans la banlieue de la dynamique ville nouvelle de Milton Keynes (créée en 1967), le parc technologique de Cranfield, adossé à une école d’ingénieurs de l’aéronautique fondée dès 1943 (en complément de celles de Londres et de Cambridge), a fixé d’une part le centre de recherches de Nissan pour l’Europe, mais la plupart des équipes de la Formule 1, y compris celles installées sur le continent, utilisent aussi les compétences rassemblées sur le site.

L’Angleterre rassemble aujourd’hui 2 200 entreprises et 38 500 salariés actifs dans l’univers de la voiture de sport, dont l’essentiel dans la Motorsport Valley; 70% de ces entreprises comptent moins de 50 salariés et les trois quarts d’entre elles ont été créées il y a moins de vingt ans. On voit donc que la Formule 1 n’est que la partie la plus visible d’un ensemble industriel d’une certaine ampleur.

Le dynamisme de la Motorsport Valley s’appuie aussi sur une politique régionale affirmée, celle des Regional Development Agencies (RDAs) qui réunissent, depuis les années 1990, l’État, les communes et des entreprises, afin de faire émerger des métropoles compétitives en phase avec leur région (Jonas, Ward, 2002). Aujourd’hui, l’East Midlands Development Agency (EMDA) joue un rôle de pivot dans la Motorsport Industry Association (MIA), une société de droit privé qui rassemble toutes les «forces vives» du secteur: industriels, clubs de sportifs, mécènes, services, logisticiens, recherche scientifique, circuits et enfin musées. En 2003, le MIA a conçu le Workforce Development Plan (WDP) afin de renforcer la suprématie des East Midlands. Le système de formation y tient une grande place avec un consortium de colleges situés dans différentes villes (MIA, 2003). On est là dans une politique typiquement technopolitaine.

La région padane représente aussi une forte concentration d’acteurs de la Formule 1 et de la voiture de sport (carte 3). Naguère nombreux, disséminés depuis Turin jusqu’en Émilie-Romagne, les constructeurs de Formule 1 ne sont aujourd’hui plus que deux (Minardi et Ferrari), situés dans des localités proches de Bologne. Les constructeurs de ces voitures si particulières ont ainsi déserté les deux bastions historiques de l’industrie automobile italienne que sont Milan et Turin.

3. Formule 1 et complexe automobile de prestige dans la région padane

C’est, toujours dans une logique de district industriel, autour de Bologne et du réseau urbain polycentrique de l’Émilie-Romagne que s’observe la plus grande concentration d’installations liées à la Formule 1 et aux voitures de sport (souffleries, circuit, musées). Comme en Angleterre, le secteur de la Formule 1 a quitté les aires métropolitaines principales pour investir un espace proche, structuré par un réseau urbain plus polycentrique — celui des villes moyennes décrites par G. Dematteis (1992). Mais cela n’empêche pas les entreprises du secteur de recourir aux compétences spécifiques présentes dans les aires métropolitaines de Turin et Milan (design, aérodynamisme, matériaux, électronique, services).

Le district industriel italien de la Formule 1 ne fonctionne donc pas en circuit fermé: lorsqu’une compétence indispensable fait défaut, on peut certes se mobiliser pour la créer in situ, mais le recours à Milan ou Turin, ou aux ressources de la Motorsport Valley britannique est également fréquent.

Les deux districts industriels de la Formule 1 européenne ne sont pas isolés, mais en contact l’un avec l’autre, et adossés à de puissantes régions métropolitaines qui constituent autant de ressources stratégiques. Les régions de Milton Keynes et de Modène présentent une intéressante symétrie, avec en arrière-plan des métropoles de premier ordre (Londres, Milan) auxquelles sont associées des villes de deuxième rang (Birmingham, Turin), enfin des villes moyennes et grandes au sein de campagnes industrieuses et densément peuplées (tableau 1). Les fonctions métropolitaines sont présentes à des niveaux de taille modestes: ainsi, une ville moyenne comme Parme vient de recevoir le siège de l’agence européenne pour la sécurité alimentaire.

La force de la culture et des réseaux sociaux

L’émergence des districts industriels de la Formule 1 tient aussi au capital psychosocial constitué autour de cette activité. Celui-ci peut se définir par la confiance d’un groupe donné dans le développement potentiel d’un territoire. Il s’en dégage une capacité à instaurer un cadre de coopération pour une action collective (Albuquerque, 1999). Les valeurs partagées par les acteurs de la Formule 1 constituent ainsi pour nous une clé pour la compréhension de la constitution et du fonctionnement des deux districts industriels.

Photo 2. Silverstone, un mardi d’avril 2005
Les sportsmen pilotent des engins neufs ou de collection (Ferrari, Lotus, Porsche…), sur le circuit utilisé par les voitures de Formule 1. (Cliché R. Wœssner, 2005).

En Angleterre, la Motorsport Valley fonctionne comme un patrimoine vivant. Les phénomènes très contemporains s’enracinent dans le passé. Par leur capacité d’attraction, les musées et les courses de voitures anciennes donnent une image forte à la région. L’archétype du sportsman britannique en fait partie: amateur riche et plutôt oisif, gentleman farmer à ses heures, il entend conserver un idéal de vie qui a la campagne anglaise comme centre de gravité, loin de l’agitation de la métropole londonienne comme de l’atmosphère laborieuse des villes industrielles (photo 2).

À ses débuts, «l’atmosphère des Grands Prix était complètement différente de ce qu’elle est aujourd’hui. La rétribution financière était très inférieure et la plupart des gens n’étaient là que parce que ça les amusait. L’ambiance était beaucoup plus amicale, c’était un club ou même une famille» (Crombac, 1987). Dans les années 1950, des clubs de sportsmen ont donc structuré la Formule 1, à l’image du 750 Motor Club britannique, pépinière de talents, dont les derniers représentants sont encore en activité. Cette génération a elle-même formé les responsables actuels dans les domaines techniques et financiers. Ce réseau social a fait émerger la Formula One Association (FOA, Londres). Même si la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA, Paris) a vocation à établir la réglementation sportive et financière pour l’ensemble des compétitions automobiles, la FOA, dirigée par Bernie Ecclestone, a pris le pouvoir réel sur la Formule 1; Bernie Ecclestone a d’ailleurs pu faire élire et réélire un autre Anglais, Max Mosley, à la tête de la FIA.

Les réseaux sociaux de la Formule 1 padane n’ont pas connu la même spectaculaire réussite. Le développement de la Formule 1 en Italie du Nord n’en repose pas moins sur l’imbrication de comportements qui produisent leur effets à plusieurs échelles de temps: le temps long de la tradition artisanale et artistique; celui plus ramassé du fonctionnement des réseaux sociaux, enfin le temps court de l’entreprise. Tout comme en Angleterre, l’histoire a vu émerger une bourgeoisie urbaine cultivée, qui a soutenu l’esprit de création. La chambre de commerce de Modène ne reprend-elle pas à son compte la citation de Baldus di Teofilo Folengo, qui écrivait à la Renaissance que: «Non modenensus erit cui non fantastica testa» [il n’est pas d’habitant de Modène sans tête fantastique]? Si naguère le mécénat et l’intérêt accordé à la création étaient l’apanage des familles patriciennes, aujourd’hui ce rôle est assumé par les municipalités et surtout les entreprises. L’attention accordée à la Formule 1, activité économique mineure mais de prestige, relève en partie de cette tradition du mécénat et du luxe. Au xviiie siècle, Stradivarius fabriquait des violons à Crémone; aujourd’hui, autour de Modène, ce sont des voitures de sport… Dans les deux cas, les artisans sont des créateurs à la recherche de la perfection technique, l’objet est voué au plaisir, peu importe son prix, et la clientèle est internationale.

Le culte de la voiture et de la compétition automobile a été et reste une valeur sûre en Italie: «Une automobile de course est plus belle que la Victoire de Samothrace», écrivait le futuriste italien Marinetti dès 1909 (Fride, 1991). Passer par le monde de la voiture de sport peut être ainsi, dans ce système de valeurs, un fantastique tremplin: succédant aux Agnelli en 2004, Luca Cordero di Montezemolo, le directeur de Ferrari, est arrivé à la tête de Fiat; il dirige également la Cofindustria, la chambre syndicale des patrons italiens. À la base, les tifosi de Monza et d’Imola, enthousiastes, indisciplinés et partiaux dans leurs jugements, reproduisent et alimentent à chaque compétition la culture associée à la course automobile. Ils soutiennent en fin de compte aussi une culture urbaine et une identité régionale spécifiques.

On peut, pour identifier les districts industriels de la Formule 1, utiliser trois cribles successifs: il faut tout d’abord une région marquée par le fait industriel; que cette région soit riche en fonctions métropolitaines; enfin, une culture locale propice. Il y a donc, au bout du compte, une indéniable ressemblance entre la Motorsport Valley britannique et l’Émilie-Romagne. Une forte personnalité culturelle, volontiers élitiste mais avec un fort écho populaire, a permis dans les deux cas l’éclosion de districts industriels tournés vers la haute technologie, dans un univers de campagnes urbanisées, ouvertes aux métropoles et aux marchés internationaux. La région de Modène paraît davantage livrée à elle-même que son homologue anglaise: elle peut moins compter sur les impulsions de l’État et ne bénéficie pas des ressources du monde anglo-saxon.

Vers une région européenne de la Formule 1

La prédominance de la Motorsport Valley et de l’Émilie-Romagne est-elle durable? Selon l’ingénieur Patrick Head, «il n’est plus très logique de fabriquer des voitures de Formule 1 en Angleterre» (ARTE, 2004). L’on voit d’ailleurs émerger des lieux concurrents (l’Île-de-France, Munich, Zurich et Cologne). À l’exception de Zurich, ces agglomérations comptent parmi les plus importantes en termes d’activités de recherche dédiées à l’automobile en général. Elles bénéficient de la proximité des centres de commandement, des aéroports intercontinentaux, des fournisseurs de haute technologie. Ainsi Renault développe son moteur Formule 1 à Viry-Châtillon et BMW à Munich, Toyota réalise intégralement sa Formule 1 dans la région de Cologne et l’entreprise de Peter Sauber construit ses châssis à Hinwil-Zurich (BMW l’a rachetée à la fin de l’année 2005). En France, il y a eu relocalisation des activités de recherche et de conception depuis la province vers l’Île-de-France: Renault Sports a quitté Dieppe et, en son temps, Alain Prost Magny-Cours (Nièvre) pour Guyancourt, commune proche de Saint-Quentin-en-Yvelines et où a été installé le centre technique de Renault.

Il ne faudrait pourtant pas penser que cette évolution met en danger à court terme les districts industriels anglais et italien. Au cours des dernières années, on a vu par exemple, à l’inverse, la Motorsport Valley attirer. La prestigieuse Scuderia Ferrari elle-même a déjà fait construire dans le passé sa Formule 1 en Angleterre; et, bien que la région de Stuttgart soit l’une des technocités de l’automobile les plus performantes d’Europe, DaimlerChrysler a préféré déléguer la conception et la réalisation de sa Formule 1 à la Motorsport Valley.

Il semble aussi que la région padane et les East Midlands expérimentent des formes d’intégration: les Britanniques et les Italiens entretiennent des relations de plus en plus étroites. Les ingénieurs et les responsables d’équipe passent aisément d’un pays à l’autre. Minardi dépend principalement d’un sponsor basé à Ledbury. Certaines entreprises prestataires se rapprochent par le jeu des fusions ou des acquisitions, à l’image de Brembo (spécialiste italien des freins de compétition, basé à Bergame), qui a racheté son concurrent AP Racing de Coventry.

Mais le phénomène majeur est sans doute ailleurs: l’on voit de plus en plus les régions les plus métropolisées d’Europe se constituer en une aire intégrée, fonctionner comme un centre mondial de la Formule 1 d’échelle continentale. Autour du circuit de Silverstone, la Motorsport Valley anglaise en est le cœur, et l’Émilie est tantôt sa concurrente, tantôt son égale. Brembo par exemple a su attirer DaimlerChrysler dans son site historique de Bergame pour fonder une filiale commune dans le parc scientifique et technologique de Kilometro Rosso (2004). Se fondant sur la haute technologie, en particulier dans le domaine de la motorisation, et grâce à leurs capacités d’organisation dans le cas de Londres et de Paris, certaines métropoles européennes, ayant une liaison déjà ancienne avec Honda et le Japon, apparaissent de plus en plus comme des donneuses d’ordres pour les entreprises de la Motorsport Valley et de l’Émilie.

La Formule 1: une activité industrielle en voie de mondialisation?

Jusqu’à présent, la mondialisation a fonctionné comme une opportunité pour la Formule 1 et ses initiateurs européens. À partir des années 1980, les budgets des équipes ont considérablement augmenté, d’une part parce que l’innovation technologique est de plus en plus coûteuse, d’autre part parce que la FIA et la FOA ont su mettre en valeur le potentiel financier des Grands Prix auprès des entreprises et des médias du monde entier (tableau 2). En 2001, les sponsors avaient dépensé 788,1 millions de dollars et les télévisions 215 millions pour la Formule 1. La capacité à drainer des capitaux est devenue primordiale et le financement s’internationalise de plus en plus. Des hommes d’affaires, responsables de chaînes de magasins, propriétaires de sociétés pétrolières au Moyen-Orient, d’aciéries au Canada, en Russie et en Inde, de clubs de football, de casinos à Macao ou de boîtes de nuit à Saint-Tropez se sont introduits dans le monde de la Formule 1. Corrélativement, pour une poignée de pilotes, les revenus sont devenus gigantesques (Michael Schumacher a gagné entre 50 et 80 millions d’euros en 2003) alors que les «seconds couteaux» paient leur volant (le montant de 5 millions de dollars pour une saison est couramment avancé).

La Formule 1 a pu aussi étendre son terrain de jeu vers les pays émergents, en Asie en particulier, et sans craindre la concurrence des États-Unis affairés à leurs sports nationaux. Avec la construction de circuits et l’irruption de leurs financiers, Kuala Lumpur, Bahrein, Shanghai, Istanbul, Mumbay et Moscou sont pressées de devenir des métropoles à part entière. Elles ont soif d’afficher les symboles de la réussite comme la Formule 1, les Jeux Olympiques ou les Expositions universelles.

Cette extension géographique des compétitions n’a pas pourtant remis en cause l’ancrage industriel de la Formule 1, qui reste une activité d’excellence européenne. Pourtant l’on entend les dirigeants du pôle automobile d’Anting (Shanghai) proclamer la possibilité de concevoir et construire une voiture de Formule 1 en Chine. S’agit-il d’une fanfaronnade ou les villes émergentes vont-elles être prochainement en mesure de concurrencer les districts industriels européens de la Formule 1?

Références bibliographiques

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