N° 82 (2-2006)
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Sur les pistes de la mondialisation
Université Montpellier-III, UMR Espace |
La diffusion des grandes compétitions d’athlétisme à la télévision tourne parfois à une leçon de géographie. Des journalistes plus ou moins calés tentent de localiser les États ou fédérations que représentent les athlètes. Le grand public découvre les îles Caïmans, Saint-Kitts-et-Nevis, Vanuatu ou le Botswana. La mission inattendue assignée aux commentateurs de ces retransmissions s’explique par l’universalité de la compétition. La Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) compte actuellement 211 membres, soit plus que d’États souverains, car il existe des fédérations dans des territoires sous tutelle, la Polynésie française, les îles Vierges britanniques, les Antilles néerlandaises ou les Samoa américaines par exemple. Certes, de nombreux micro-États n’ont qu’une représentation symbolique aux championnats du monde ou aux jeux Olympiques, et y envoient des athlètes de niveau modeste. Lors des qualifications, les chroniqueurs font leur miel de leurs faibles performances, d’un gabarit sans rapport avec les mensurations des meilleurs ou d’une tenue hors des canons de la mode sportive. Force est pourtant de constater qu’à chaque édition des Mondiaux de ces dix dernières années, plus de soixante fédérations ont réussi à placer au moins un athlète en finale, c’est-à-dire dans les huit premières places d’une épreuve, faisant de l’athlétisme un des sports de compétition les plus mondialisés, avec le football et le tennis (1). Ce processus de diffusion est ancien. Né en Angleterre, l’athlétisme moderne est très tôt adopté en Amérique du Nord. À la fin du XIXe siècle, il se répand également rapidement en Europe continentale et dans les colonies européennes. Les Occidentaux voient arriver dans l’entre-deux-guerres des athlètes japonais de niveau mondial et, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, c’est au tour des Jamaïcains d’accéder à l’élite. Outre les Maghrébins qui courent sous les couleurs françaises notamment et qui obtiennent les titres olympiques sur marathon en 1928 (B. El Ouafi) et 1956 (A. Mimoun), l’Afrique arrive sur la scène mondiale dans les années 1960, avec des Éthiopiens, A. Bikila ou M. Wolde par exemple, et des Kenyans, tels W. Kiprugut et K. Keino, sur les moyennes et longues distances. Toutefois, cette extension cache de notables disparités et des spécialisations accusées. Plutôt que d’opter pour la pratique de masse, que le nombre de licenciés par fédération décrit mal, nous avons choisi de travailler sur les résultats des compétitions mondiales récentes, championnats du monde, et jeux Olympiques secondairement. Notre dessein est de montrer que l’athlétisme de haute compétition révèle la structuration de notre planète, avec ses inégalités, ses flux et ses turbulences. Pleins et vides Les États-Unis dominent aujourd’hui l’athlétisme. Trois fois et demi plus peuplée, l’Union indienne est quasi absente de la scène internationale. De petits États acquièrent une visibilité sans commune mesure avec leur poids démographique ou économique, au point de signer d’avantageux contrats avec de grandes marques d’articles de sport, comme Puma parrainant la fédération jamaïcaine d’athlétisme. Pour évaluer les déséquilibres actuels, nous avons exploité les résultats des championnats du monde d’athlétisme de 1995 à 2005, en ne nous contentant pas des podiums, comme le fait généralement la presse, car cela donne une image beaucoup trop restreinte et grossière de l’élite. Pour avoir une mesure précise de la diversité de celle-ci, nous avons donc utilisé les résultats complets des championnats du monde, en accordant huit points au vainqueur, sept au deuxième… et un point au huitième, soit trente-six par épreuve, barème utilisé par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) dans ses publications statistiques (Statistics Handbook). Sachant que le programme comporte actuellement près de cinquante épreuves, c’est plus de 1 600 points qui ont été attribués à chaque édition d’une compétition créée par l’IAAF en 1983.
La carte 1 présente pour les six dernières éditions des championnats du monde (1995, 1997, 1999, 2001, 2003 et 2005) les totaux par fédération. Le choix de ces six éditions est justifié par la stabilité de la carte politique du monde entre 1995 et 2005. Nous considérons qu’il s’agit d’un tableau assez fidèle de la localisation de l’excellence athlétique, bien que le système de qualification aux championnats du monde favorise les sportifs des petits États au détriment de ceux des grands États, car, que le pays compte un million ou un milliard d’habitants, chaque fédération ne peut envoyer plus de trois compétiteurs par épreuve, en plus du champion du monde en titre qui bénéficie d’une invitation (wild-card). Toutes choses égales par ailleurs, il est donc plus facile d’être finaliste mondial lorsque l’on est suisse que lorsque l’on est citoyen des États-Unis. À n’en pas douter, cette carte serait différente sans cette règle des trois compétiteurs, qui nous rappelle que le cadre national est encore prégnant, même s’il peut paraître anachronique. L’existence de ce biais nous a conduit à nous appuyer dans la suite de l’article sur une source complémentaire: les bilans mondiaux par épreuve, publiés par l’Association of Track and Field Statisticians (ATFS). La liste des cinquante meilleurs performers mondiaux de tous les temps pour chaque discipline permet en effet d’estimer plus sûrement le poids des nations majeures de l’athlétisme. En l’état, les résultats bruts des compétitions mondiales sont néanmoins parlants: les grandes puissances apparaissent avec force sur cette carte, et d’abord les États-Unis, qui, malgré un système qui les désavantage, concentrent à eux seuls le huitième des points, devant la Russie (10%) et l’Allemagne (6,5%). Derrière ce podium, on a quelques surprises avec le Kenya en 4e position, la Jamaïque à la 5e place, Cuba 7e, l’Éthiopie 13e ou le Maroc 14e (la France est 8e). Plus de la moitié des points sont gagnés par des États européens, tandis que ceux d’Asie n’en obtiennent que 5%. À l’échelle mondiale, on voit ainsi apparaître de nettes disparités, avec d’un côté les foyers européen ou nord-américain, ainsi que quelques foyers secondaires situés en Afrique de l’Est (Kenya, Éthiopie) et dans le Bassin caraïbe (Jamaïque, Cuba), et de l’autre des aires alimentant peu l’élite mondiale, spécialement l’Asie du Sud et du Sud-Est très discrète également dans la plupart des autres sports et l’Amérique du Sud, bien présente en revanche en football ou en tennis (on compte 12 Sud-Américains parmi les 100 meilleurs joueurs ATP en mai 2006). On peut noter l’absence de l’Indonésie (222 millions d’habitants), du Pakistan, du Bangladesh, du Viêt-nam ou de la Thaïlande, qui font pourtant tous partie du groupe des vingt États les plus peuplés du monde, tandis que l’Union indienne (1,1 milliard d’habitants) ne représente que 0,01% du total mondial.
Ceci nous conduit à pondérer par la population les valeurs brutes représentées sur la carte 1. Nous avons calculé le nombre de points obtenus entre 1995 et 2005, par dizaine de millions d’habitants et par championnat, en utilisant les estimations démographiques à la mi-2005 publiées par l’INED (Pison, 2005). La moyenne mondiale s’établit à 2,5 points/10 millions d’habitants/championnat. Comme l’on pouvait s’y attendre (cf. supra), plusieurs petits États ou fédérations se situent très largement au-dessus de la moyenne mondiale (plus de 40 points) et ont donc de très forts rendements (carte 2). Aucun d’entre eux ne dépasse les 11 millions d’habitants et certains n’en comptent que quelques dizaines de milliers. Dans ce dernier cas, un seul athlète bien classé suffit à donner un quotient élevé; il s’agit de la Grenade, de Saint-Kitts-et-Nevis ou des Samoa américaines. Plus intéressants sont les États qui ont obtenu beaucoup de points (carte 1) et qui ont un rendement élevé, comme les Bahamas, la Jamaïque, Cuba, le Belarus, l’Estonie ou la Finlande. Ce sont des contrées dans lesquelles l’athlétisme est un sport populaire bénéficiant des exploits de l’élite nationale, exploits qui révèlent ainsi que l’on peut s’élever socialement, voyager, s’enrichir en devenant un athlète de haut niveau. Des pays communistes qui avaient fortement investi dans les sports olympiques pour affirmer leur existence et leur puissance, il ne reste que Cuba, qui continue d’obtenir des résultats honorables, quoique en retrait depuis quelques années. La majorité des pays dominant la scène athlétique a des rendements supérieurs à la moyenne mondiale (entre 6,6 et 26 points). Il s’agit de la plupart des pays européens, de l’Amérique du Nord, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. À l’opposé, cette carte accentue les contrastes entre ce groupe occidental et l’Asie ou l’Amérique centrale et du Sud, qui ne brille que dans les épreuves de marche athlétique avec les Mexicains et les Équatoriens. Le cas de l’Union indienne pose problème. Comment une ancienne colonie britannique aussi peuplée peut-elle avoir des résultats aussi faibles (0,01 point par million d’habitants), alors qu’au temps du British Raj l’athlétisme était le sport le plus pratiqué, avec le cricket et le football? Lors de sa première participation officielle aux jeux Olympiques, en 1920, cette colonie envoya trois athlètes et trois lutteurs, mais l’Inde n’a jamais eu de médaillé olympique en athlétisme (à l’exception de N. Pritchard en 1900 qui portait les couleurs britanniques) et, depuis la création des championnats du monde, cet État n’a obtenu que deux places de finaliste, de surcroît par la même athlète. Ses résultats aux Jeux du Commonwealth ou aux Jeux Asiatiques sont tout aussi médiocres. À l’évidence, l’État indien n’a jamais cherché à se faire reconnaître par ce sport. Les infrastructures nécessaires à la pratique de l’athlétisme y sont notoirement insuffisantes et si les records nationaux indiens ne sont pas ridicules, l’insuffisante prise en charge des meilleurs ne leur permet pas d’atteindre le plus haut niveau mondial. De manière plus générale, les seuls sports où l’Inde a atteint l’excellence internationale sont le cricket (vainqueur de la coupe du monde en 1983 et finaliste en 2003) et le hockey sur gazon (champion olympique à huit reprises, notamment six fois de suite entre 1928 et 1956). L’organisation à New Delhi, en 2004, du championnat du monde de semi-marathon témoigne néanmoins de la volonté de l’IAAF de promouvoir l’athlétisme sur le sous-continent indien. Le cas chinois est différent, car, bien qu’ayant un rendement pareillement très faible (0,12 point par million d’habitants), ce pays est présent dans les grandes compétitions, avec 13 médailles olympiques et 7 titres mondiaux en athlétisme mais des résultats irréguliers. La première compétition nationale remonte à 1959 seulement mais l’athlétisme progresse vite au début des années 1960. La Révolution culturelle stoppe le mouvement et l’athlétisme met longtemps à s’en remettre. Dans les années 1980 il est encore très discret, sauf en saut en hauteur où Zhu Jianhua bat à trois reprises le record du monde. La Chine écrase le demi-fond féminin aux championnats du monde de Stuttgart en 1993. Cette année-là, les athlètes du mystérieux entraîneur Ma Juren établissent des records du monde du 1 500 m au 10 000 m qui tiennent toujours aujourd’hui, à l’exception de celui du 5 000 m. Deux ans plus tard, les Chinoises avaient disparu, amplifiant les doutes sur leur préparation. On constate, depuis deux ou trois ans, un retour de l’athlétisme chinois, notamment chez les moins de 20 ans, ce qui tend à prouver que les autorités préparent avec soin le rendez-vous olympique de Beijing en 2008. Les épreuves dans lesquelles ce pays brille, essentiellement les lancers, la marche athlétique et le demi-fond féminins, nous rappellent les années 1980 et l’athlétisme d’État développé par les pays d’Europe de l’Est (cf. infra). Recompositions géopolitiques Comment l’athlétisme a-t-il répercuté les bouleversements politiques du monde du début des années 1990? Le paysage athlétique mondial a beaucoup changé en vingt ans. On peut pour s’en convaincre comparer les résultats globaux des deux premiers championnats du monde 1983 à Helsinki et 1987 à Rome (carte 3) avec ceux des deux derniers - 2003 à Paris et 2005 à Helsinki (carte 4). Dans les années 1980, l’athlétisme mondial était bipolaire, à l’image du monde. Les deux blocs s’affrontaient sur les stades, quand ils ne se boycottaient pas comme aux jeux Olympiques de 1980 à Moscou et de 1984 à Los Angeles. États communistes et États-Unis collectionnaient titres et podiums. Les États communistes européens dominaient l’athlétisme, concentrant 44% des points (cf. barème supra). Quintessence de la stratégie de promotion politique fondée sur le sport, la RDA, avec ses 16 millions d’habitants, devançait les États-Unis et faisait jeu égal avec l’URSS (280 millions d’habitants). Un tel rendement était obtenu par un système ne laissant pas de place au hasard: détection précoce, recherches en biomécanique ou en physiologie, création d’un corps d’entraîneurs de très haut niveau, centres d’entraînement aux infrastructures de qualité comme à Magdeburg… Le dopage faisait partie du système mis sur pied, mais les démocraties populaires n’en avaient pas l’exclusivité. Pour s’en convaincre, on peut se remémorer l’affaire Ben Johnson, les performances et le physique improbables de l’États-unienne Florence Griffith Joyner, en 1988, ou regarder la liste des records du monde féminins actuels pour comprendre la course à l’armement chimique à laquelle on se livrait, les stéroïdes anabolisants remplaçant, sur la scène sportive, les têtes nucléaires. Nombre de records datent de cette époque-là et semblent intouchables aujourd’hui, ce qui ne signifie pas que le dopage ait disparu, loin s’en faut. L’arrivée de l’EPO dans les années 1990 et le scandale de la THG (affaire Balco) plus récemment le prouvent.
Les deux derniers championnats du monde révèlent un paysage fort différent. L’athlétisme est devenu multipolaire avec l’émergence de l’Afrique de l’Est, du Maghreb et du Bassin caraïbe (cf. supra). Dans les années 1980, les huit premiers États du bilan mondial réunissaient presque trois quarts des points contre la moitié aujourd’hui. Le nombre d’États plaçant au moins un athlète en finale a augmenté beaucoup plus que le nombre de fédérations, preuve d’une diffusion de l’excellence athlétique. On peut noter que, contrairement à ce que certains prédisaient, le sport en ex-URSS ne s’est pas effondré; les résultats du Belarus en témoignent, mais également ceux de l’Ukraine ou de la Russie, puisque de nombreux entraîneurs sont restés en place et que les infrastructures, certes dégradées, continuent d’être utilisables. Ceci n’est pas vrai pour les autres pays de l’Europe de l’Est, dont certains ont connu des reculs spectaculaires, ex-Tchécoslovaquie et Bulgarie spécialement. Quant à l’Allemagne réunifiée, elle ne représente plus que 4% des points en 2003-2005 contre 22% pour le couple RFA-RDA dans les années 1980. De telles évolutions semblent attester de mutations sociales et économiques plus faibles dans l’ex-URSS que dans les autres pays de l’Europe de l’Est. Ces transformations globales cachent toutefois des évolutions plus fines à l’échelle des différentes familles de spécialités, voire des spécialités elles-mêmes.
Une division internationale du travail La «grande famille de l’athlétisme» est très panachée. Colosses nordiques, frêles coureurs ou coureuses d’Afrique de l’Est, sprinteurs «bodybuildés» à la peau d’ébène, grandes, minces et pâles sauteuses d’Europe de l’Est se côtoient sur le stade. Ces morphotypes reflètent la diversité des qualités nécessaires suivant la discipline, ainsi qu’une forme de division internationale du travail à l’échelle du monde, qui n’est pas nouvelle, mais qui s’est renforcée ces deux dernières décennies. Pour mieux cerner ce phénomène, nous nous sommes concentré sur trois familles d’épreuves: le sprint (100 m, 200 m, 400 m, 100 m haies féminin, 110 m haies masculin, relais 4 fois 100 m et relais 4 fois 400 m); le demi-fond et le fond (800 m, 1 500 m, 5 000 m, 10 000 m, 3 000 m steeple, marathon); les lancers (poids, disque, javelot, marteau). Nous avons construit les cartes 5, 6, et 7 de la même manière que les cartes 1 et 2, c’est-à-dire sur la même période (1995-2005) et avec le même barème, mais nous avons rajouté les résultats aux jeux Olympiques d’Atlanta (1996), de Sydney (2000) et d’Athènes (2004). Un rapide coup d’œil sur ces cartes suffit à appréhender les grandes différences de répartition de l’excellence athlétique.
Le sprint (carte 5) est dominé par les États-Unis (26% des points), bien que la limitation à trois concurrents par épreuve (cf. supra) minore cette suprématie. Il faut savoir que certaines finales des championnats des États-Unis sont presque de même niveau que les finales mondiales et le système de sélection est impitoyable. Afin de mieux cerner la force des États-Unis dans ce domaine, il suffit de se reporter aux bilans mondiaux. Au 1er janvier 2005, sur les 50 meilleurs coureurs de tous les temps sur 100 m, 22 sont États-uniens, 33 sur 200 m, 27 sur 400 m, 25 sur 110 m haies… Derrière cette superpuissance du sprint, les pays du Bassin caraïbe obtiennent des résultats surprenants, en considération de leur population. Leurs fédérations, représentant des États ou territoires dont le poids démographique est inférieur à 0,5% de l’humanité, glanent près du quart des points. De surcroît, comme terres d’émigration et comme espaces encore partiellement sous souveraineté étrangère, nombre d’athlètes antillais courent sous les couleurs canadiennes, britanniques ou françaises. En prenant en compte ces sprinteurs (D. Bailey, B. Surin, Ch. Arron, M.-J. Pérec, L. Christie pour ne citer que les plus célèbres) on arrive, selon notre estimation, à près du tiers des points. Sur les 50 hommes et femmes les plus rapides du monde sur 100 m de tous les temps, au 1er janvier 2005, respectivement 10 et 12 sont originaires du Bassin caraïbe. Sachant que le sprint est presque exclusivement entre les mains des Africains-Américains aux États-Unis et que le Nigeria constitue un foyer secondaire notable pour les distances les plus courtes, les Noirs écrasent le sprint mondial. La première finale olympique du 100 m avec un athlète noir remonte à 1912. En 1932, un Noir est pour la première fois champion olympique sur 100 m et la première finale olympique de 100 m complètement noire remonte à 1968. C’est devenu un phénomène courant aujourd’hui, mais on ne peut pas dire qu’il y a eu un fort déplacement du centre de gravité du sprint au cours des cent dernières années, spécialement chez les hommes. Les États-Unis on toujours dominé (tableau 1), les Africains-Américains remplaçant progressivement, entre les années 1930 et 1950, les coureurs d’origine européenne. Cette stabilité contraste avec l’évolution du demi-fond et du fond. Entre 1995 et 2005, le Kenya et l’Éthiopie ont raflé un tiers des points (carte 6). Les athlètes masculins originaires de ces deux États ont obtenu 32 titres mondiaux sur 70, huit sur 49 pour les féminines. Plus frappant encore, 36 des 50 meilleurs performers de tous les temps sur 10 000 m au 1er janvier 2005 sont originaires de ces deux États, 28 sur 50 (dont 26 Kenyans!) au 3 000 m steeple. La victoire par équipe aux championnats du monde de cross-country compétition organisée tous les ans n’a pas échappé à l’Éthiopie ou au Kenya depuis 1981 chez les hommes et depuis 1995 chez les femmes. Au sein même de cette famille du demi-fond, des spécialisations apparaissent: aux Kenyans et Éthiopiens les longues distances sur piste, Marocains et Ibériques sont mieux répartis, alors que les Japonais ou les Coréens sont plutôt sur le marathon.
Si ces Asiatiques brillent depuis longtemps dans cette épreuve (un Coréen, portant le maillot de l’occupant japonais, gagna le marathon olympique de Berlin en 1936), le tableau global du demi-fond et du fond actuel aurait de quoi surprendre l’amateur se réveillant après un sommeil de cinquante ans. En effet, ces épreuves se caractérisent par des déplacements importants du foyer dominant au cours du XXe siècle (carte 8). Des années 1910 à 1940, la Scandinavie et la Finlande produisent de très nombreux bons coureurs, dont quelques-uns sont désormais au panthéon athlétique (P. Nurmi, G. Haegg…). Au bilan mondial du 10 000 m de l’année 1925, on compte, parmi les 50 premiers, 32 Scandinaves et Finlandais. Après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’aux années 1970, le relais est pris par les pays de l’Est (E. Zatopek, V. Kuts, P. Bolotnikov…), le Royaume-Uni (R. Bannister, Ch. Chataway, G. Pirie…), l’Australie et la Nouvelle-Zélande (H. Elliott, P. Snell, R. Clarke, J. Walker…). En 1950, le classement mondial de l’année sur 10 000 m fait apparaître dans les 50 premiers 19 Européens de l’Est (Soviétiques, Tchécoslovaques, Hongrois surtout) et encore 17 Scandinaves et Finlandais. À la suite des pionniers des années 1960 (cf. supra), l’Afrique subsaharienne monte en puissance après le boycott des jeux Olympiques de 1976 par la très grande majorité de ses délégations. Les exploits de l’Éthiopien M. Yifter à Moscou en 1980 inaugure cette domination, qui devient synonyme de raz-de-marée au début des années 1990 (tableau 2) et seuls les athlètes marocains arrivent à leur tenir tête. À l’instar du Bassin caraïbe en sprint, les lancers consacrent des aires restreintes (carte 7). Avec 36 millions d’habitants (0,55% de la population mondiale), l’Europe septentrionale (Scandinavie, Finlande et pays Baltes) obtient plus de 11% des points, tandis que l’ensemble Russie-Belarus-Ukraine et ses 200 millions d’habitants (3,1% de la population mondiale) arrive à 28%. Si l’on rajoute l’Allemagne qui, à elle seule, s’empare de 17% des points, c’est plus de la moitié de l’élite mondiale qui se concentre dans ces quelques États du Nord et de l’Est de l’Europe. Hors d’Europe, qui enlève plus des trois quarts des points, seuls les États-Unis tirent leur épingle du jeu chez les hommes, et la Chine ou Cuba chez les femmes.
Mais pourquoi les Jamaïcains courent-ils si vite, les Biélorusses lancent-ils si loin et les Kenyans courent-ils si vite aussi longtemps? Aux sources des disparités Expliquer ces répartitions n’est pas chose facile. Cela revient à comprendre la performance sportive; or celle-ci est produite par un système dans lequel intervient le politique, l’économique, le social, les médias, l’école, la science, l’armée… (Digel, 2005). Nous nous contenterons ici, compte tenu de la complexité de la question, d’esquisser quelques pistes. Des qualités innées? Tout d’abord, un certain nombre de chercheurs dans le champ des sports rejette toute idée de «dons raciaux» (Yonnet, 1998, p. 183). Sans tomber dans un déterminisme génétique, nous contestons cette position. Tout entraîneur d’athlétisme ayant séjourné aux Antilles évoquera le réservoir de talents, dans le domaine de la vitesse et de la détente, que constituent les CARIFTA Games, une compétition annuelle rassemblant les athlètes de moins de 20 ans des membres de la Caricom (Communauté des Caraïbes). Nombre d’adolescents non entraînés ont des qualités neuromusculaires étonnantes. Des populations à la force et au gabarit exceptionnels peuvent briller dans les lancers, nous pensons aux insulaires du Pacifique, comme les lanceurs de javelot venant de Wallis-et-Futuna (15 000 habitants) pour la France ou, parvenues au niveau mondial, les lanceuses maories. Cependant, les considérations sociologiques, culturelles, économiques ou politiques (Gay, 1993) sont bien plus importantes pour comprendre l’élite athlétique mondiale. L’offre sportive Dans les pays développés, les sports sont en forte concurrence. La progression des activités physiques ludiques et de loisirs (escalade, VTT, roller…) a détourné une partie des jeunes des classes moyennes et supérieures de certains sports individuels ou disciplines dans lesquels la progression ne passe que par un entraînement particulièrement dur. C’est le cas en demi-fond et fond, où le niveau de plusieurs États occidentaux a régressé ces deux dernières décennies faute de coureurs, laissant le champ libre aux pays africains. Dans d’autres États, ces spécialités sont devenues l’apanage des populations immigrées, pour lesquelles l’athlétisme est une des rares voies d’ascension sociale, en France particulièrement avec les jeunes d’origine maghrébine. En fonction de leur médiatisation, de leur professionnalisation et donc de la possibilité d’y gagner de l’argent, certains sports constituent de sérieux concurrents. Le rugby ou le handball ont de ce fait soustrait à l’athlétisme de nombreux bons lanceurs faisant merveille en rugby aux postes d’avant, surtout comme deuxième ligne. Aux États-Unis, football américain et athlétisme sont couplés, celui-ci étant un réservoir de celui-là, celui-là bénéficiant de la formation acquise dans celui-ci. Ainsi de grands sprinteurs sont devenus des footballeurs américains de renom aux postes de wide receiver ou de running back, tel Bob Hayes, champion olympiques du 100 m en 1964 et ensuite vedette des Dallas Cowboys. Par ailleurs, les linemen, ces colosses s’opposant sur la ligne de scrimmage, sont fréquemment de bons lanceurs. Une véritable culture de la force existe en Amérique du Nord de même que dans les pays de l’Europe septentrionale. Les sports de force y sont populaires, tel le powerlifting ou dynamophilie (en québécois), induisant un grand intérêt pour les lancers. Le poids de la religion L’inégale représentation des sexes dans certaines disciplines peut traduire des attitudes religieuses, en particulier dans les pays musulmans plus ou moins rigoristes où le corps féminin doit être caché. En comparant les cas marocain, kenyan et éthiopien, on constate que pour ces deux derniers les femmes contribuent plus aux performances en demi-fond et en fond qu’au Maroc: 31% des points gagnés par l’Éthiopie, 15% par le Kenya et seulement 3% par le Maroc. L’exploitation de domaines négligés Inversement, des résultats meilleurs chez les femmes que chez les hommes sont l’indice d’une volonté politique forte, se traduisant par une «stratégie de niche» (Augustin, Gillon, 2004, p. 122). Voilà pourquoi les pays communistes européens, à partir des années 1950-1960, à une époque où l’athlétisme féminin était moins relevé que chez les hommes, ont commencé à accumuler les succès, d’abord en lancers avec les Soviétiques qui simultanément chez les hommes investissaient des épreuves délaissées (3 000 m steeple, triple saut et lancer du marteau) , puis dans presque toutes les disciplines, au point d’écraser les compétitions féminines dans les années 1980. Lors des premiers Championnats du monde, en 1983, les Allemandes de l’Est, malgré un programme plus réduit que chez les hommes, remportèrent 61% des points de leur équipe et les délégations de l’Europe de l’Est récoltèrent 59% des points féminins. Les célèbres Wundermädchen (demoiselles extraordinaires) est-allemandes, qui collectionnaient les victoires dans les bassins de natation et sur les pistes d’athlétisme, ont disparu. Certains de leurs entraîneurs et de leurs dirigeants, passés maître dans l’art du dopage (cf. supra) et de sa dissimulation, ont été condamnés depuis par la justice de l’Allemagne réunifiée pour empoisonnement ou administration de produits interdits sur personnes mineures. Riches et pauvres Le coût des infrastructures et des équipements est un autre facteur à prendre en compte. Le sprint ou les sauts nécessitent des pistes en matériau synthétique et de nombreux États n’en ont pas. Très récemment, c’est l’IAAF qui a pris en charge la réfection de la seule piste de ce type en Éthiopie. Le saut à la perche est la discipline la plus coûteuse car, outre une piste, il faut un bac d’appel, un grand tapis de réception, des perches sophistiquées… Il n’y a rien d’étonnant à constater que seuls les pays développés y brillent, à l’instar des épreuves combinées (heptathlon féminin et décathlon masculin). Quelques États en voie de développement ont investi dans le demi-fond et le fond parce que ces disciplines demandent des infrastructures peu onéreuses. Le Maroc s’est ainsi engagé dans un programme de développement, fondé sur la détection et un ensemble hiérarchisé de centres d’entraînement, avec, au sommet de la pyramide, l’Institut national d’athlétisme d’Ifrane (1 600 m d’altitude). L’élite bénéficie de facilités (salaires, logements…) lui permettant d’arriver au plus haut niveau mondial et les exploits de S. Aouita, dans les années 1980, ou de H. El Guerrouj, aujourd’hui, motivent de nombreux jeunes Marocains. On retrouve cet enthousiasme en Éthiopie, où la course à pied est très populaire. Il y a plus de 15 000 concurrents aux 10 km d’Addis-Abeba, organisés dans les rues de la capitale éthiopienne et la place de la Croix (ex-place de la Révolution) est investie par toutes sortes de coureurs le dimanche. À la différence du Maroc, les autorités kenyanes n’ont pas planifié la réussite de leurs coureurs. Dans les années 1970, l’élite (H. Rono, S. Kimobwa…) s’entraînait aux États-Unis. Le principe des camps d’entraînement au Kenya ne s’est imposé que dans la décennie suivante. La course à pied y est devenue une activité profitable entre les mains des managers et des équipementiers, qui s’appuient sur ces structures spartiates, telle celle de M. Kiptanui, champion du monde sur 3 000 m steeple en 1991, 1993 et 1995, à Nyahururu (2 400 m d’altitude), mais surtout sur le Centre de hautes performances d’Eldoret, dû à la volonté du légendaire K. Keino (cf. supra) et à l’IAAF. Quoique très différentes, les réussites du Maroc, de l’Éthiopie, du Kenya ou de la RDA ont au moins un point commun: la détection. La prime à l’innovation Dans l’histoire de l’athlétisme, les nouveautés en matière d’entraînement ou de techniques (apparition de nouveaux gestes par exemple) ont favorisé les athlètes des États où celles-ci se sont produites. L’amélioration du rouleau ventral par les entraîneurs soviétiques, à la fin des années 1950, éclaire les succès de l’URSS au saut en hauteur, incarnés par V. Brumel. L’histoire du demi-fond et du fond est jalonnée par les évolutions des procédés d’entraînement, engendrant de véritables écoles de course. Elle explique le déplacement du foyer dominant cette famille d’épreuve (carte 8). À la suite des découvertes de l’exceptionnel coureur P. Nurmi, neuf fois champion olympique dans les années 1920, deux entraîneurs suédois font évoluer les méthodes d’entraînement: G. Holmer et G. Olander. Ils mettent au point le célèbre fartleck, un parcours en pleine nature utilisant toute sa diversité (côtes, troncs d’arbres…). Au cœur de la Suède, à Volodalen, G. Olander crée un camp d’entraînement, qui devient vite célèbre, eu égard aux résultats des Suédois qui s’y entraînent. G. Olander fait des adeptes, diffusant l’excellence en matière de course à pied au-delà de la Scandinavie. Par exemple, c’est un Suédois, membre de la Croix-Rouge et ami de G. Olander, qui découvre et entraîne A. Bikila (cf. supra), double champion olympique du marathon en 1960 et 1964. En Australie, P. Cerruty, se réclamant de l’école suédoise, crée un camp d’entraînement à Portsea, près de Melbourne, fréquenté notamment par H. Elliott. Mais le monde de la course à pied se divise à la fin des années 1930. Face à la méthode naturelle suédoise, l’entraînement par intervalles (interval training) naît en Allemagne, à la suite des travaux du docteur H. Reindell et de leurs applications au domaine sportif par W. Gerschler. Quelques Allemands vont en bénéficier, notamment R. Harbig, auteur d’un impressionnant record du monde sur 800 m, en 1939. Toutefois, la guerre et la défaite allemande expliquent la réussite de l’interval training hors du foyer d’innovation. Ce sont, en effet, les pays de l’Europe de l’Est qui en tirent le plus profit. Zatopek et Kuts l’utilisent, alors qu’à l’Ouest on juge cette méthode trop dure et seuls quelques Britanniques l’appliquent. Dans l’hémisphère sud, un entraîneur néo-zélandais, Arthur Lydiard, lance le jogging et met au point un programme d’entraînement reposant sur un important travail d’endurance, à l’origine des performances de P. Snell et d’autres.
Il y aurait encore beaucoup à écrire pour comprendre la réussite athlétique, mais une chose est sûre aujourd’hui: le cadre national a perdu de sa force, par la mobilité des athlètes et des entraîneurs ou la mise en place d’un circuit mondial de compétitions. Athlétisme sans frontières Dès la fin des années 1940, les Jamaïcains qui dominaient le 400 m (H. McKenley…) s’entraînaient dans des universités états-uniennes. Aujourd’hui, à qui attribuer la réussite de l’athlétisme antillais? La majorité des meilleurs Jamaïcains, Trinidadiens, Bahamiens, Barbardiens se prépare dans des universités du Sud-Est des États-Unis. Les athlètes jouent de plus en plus souvent à saute-frontière, pour s’entraîner, mais aussi pour changer de nationalité. La carte 9 analyse les naturalisations concernant l’élite pour ces six dernières années. Les pays du Nord en bénéficient, alors que les pays du Sud sont les espaces émetteurs.
Les liens culturels et historiques jouent pour instruire certains flux, comme celui des Cubains vers l’Espagne, des Marocains vers la France ou des Ukrainiens et Russes d’origine juive vers Israël. Par les conditions d’entraînement qu’elle propose, l’Australie, avec son Institut national des sports de Canberra, a séduit nombre d’athlètes et d’entraîneurs, alors que le Bahreïn et le Qatar se sont lancés dans une politique sportive ambitieuse pour être mondialement reconnus. On vient d’inaugurer au Qatar une académie pour l’excellence des sports (Aspire, Academy for Sports Excellence), dotée d’installations exceptionnelles sous un dôme géant. On organise dans ces deux États du golfe Persique des compétitions de très haut niveau: Grand Prix de moto du Qatar, Grand Prix de formule 1 du Bahreïn, Jeux Asiatiques à Doha en 2006… En athlétisme, une étape du Super Grand Prix y est programmée en 2006 (carte 10) et on naturalise de bons athlètes, voire des vedettes, pour briller sur la scène internationale. Selon le barème de l’IAAF (cf. supra), le Bahreïn a terminé à la 22e place des championnats du monde d’Helsinki, en 2005, surtout grâce aux deux titres de R. Ramzi, coureur d’origine marocaine, alors que le Qatar a remporté le 3 000 m steeple grâce à S.S. Shaheen, naguère encore nommé S. Cherono et Kenyan. À l’occasion de ce transfert, le Qatar a promis de construire une piste d’athlétisme en matériau synthétique à Eldoret (cf. supra), ce qui a permis, par le consentement des deux fédérations concernées, de ramener de trois à un an la période durant laquelle le néo-Qatari ne pouvait pas représenter sa nouvelle fédération dans un championnat du monde, une coupe du monde ou aux jeux Olympiques (règle 5 de l’IAAF). Sur la carte 9, on remarque que les États-Unis sont curieusement absents. S’ils accueillent de nombreux athlètes pour s’entraîner, il y en a relativement peu, eu égard au pouvoir d'attraction de ce pays, qui souhaitent acquérir la nationalité états-unienne, tant il est difficile de se qualifier pour les grands championnats, avec seulement trois sélectionnés par épreuve (cf. supra). Il n’y a pas que les athlètes qui se déplacent, les entraîneurs et/ou leurs méthodes aussi, spécialement ceux des anciens pays communistes d’Europe de l’Est qui ont repris du service dans des États cherchant à progresser. On peut citer l’exemple de la Grèce, qui, dans les années 1990 et s'inspirant des méthodes est-allemandes et bulgares, a connu une surprenante amélioration de ses résultats (0 point aux championnats du monde en 1993, 3 en 1995, 29 en 1997, 46 en 1999) et un recul dans les années 2000 (40 en 2001, 41 en 2003, 8 en 2005) avec pour toile de fond une suspicion grandissante de dopage, parachevée par l’affaire Kenteris-Thanou aux jeux Olympiques d’Athènes, en 2004. La mondialisation ne remet pas seulement en cause le cadre national, puisque, par le bas, ce sont les clubs qui vacillent. La mise en place de la structure d’entraînement la plus fameuse de l’athlétisme, avec ses sprinteurs vedettes de nationalités différentes (M. Greene, A. Boldon, M.-J. Pérec…), la HSI, sorte de petite multinationale portant les initiales d’un avocat d’affaires (E. Hudson) et d’un entraîneur (J. Smith), le I final signifiant «International», semble le montrer. Cette écurie n’augure-t-elle pas d’un renforcement de l’internationalisation de l’athlétisme? Dans ce contexte, et à l’instar du football, une véritable exploitation de certains coureurs africains, kenyans surtout, s’est mise en place. Elle provoque une usure prématurée des athlètes, se surentraînant pour gagner le plus vite possible de l’argent dans des courses sur route organisées en Europe ou en Amérique du Nord. Détectés par des recruteurs écumant la vallée du Rift, des champions, entre les mains d’agents plus ou moins scrupuleux, peuvent se retrouver dans des situations difficiles, entassés par exemple dans des logements mal équipés en Europe, rappelant le sort de certains sans-papiers. De nombreux scandales ont amené la fédération kenyane à interdire d’exercice certains managers (Le Monde du 3 février 2006). Ainsi s’explique le renouvellement rapide de l’élite de ce pays, soumise à une charge de travail considérable et avec de difficiles conditions de vie.
Les athlètes aujourd’hui sont des globe-trotters qui jouent des latitudes et des altitudes pour bénéficier des conditions d’entraînement les plus favorables. Sprinteurs, sauteurs, lanceurs et décathloniens s’installent dans les îles tropicales ou les contrées australes (Afrique du Sud, Australie…) lorsque l’hiver européen et ses rigueurs gênent la préparation. Mais ils peuvent aussi séjourner dans des centres d’entraînement bien équipés, tel le Centro de alto rendimiento de la Sierra Nevada (Espagne) situé à 2 300 m d’altitude, à l’instar des coureurs de demi-fond et de fond qui effectuent de longs stages vers 2 000 m d’altitude (carte 8), à Boulder, Flagstaff, Albuquerque, Font-Romeu, Ifrane, Eldoret, Nyahururu… (Inizan, 2003), avant de courir les grands meetings, la saison sur piste arrivée. La carte 10 localise ces compétitions, en nous présentant une situation moins internationalisée qu’attendue, car si les athlètes proviennent d’un nombre toujours croissant de pays, les grandes compétitions restent cantonnées à l’Europe. La couverture médiatique, l’engouement du public, des collectivités locales et des grandes entreprises y est plus fort qu’ailleurs et ce n’est peut-être pas un hasard si c’est à Zurich, haut lieu du capitalisme transnational, que se trouve le temple de l’athlétisme, le célèbre stade du Letzigrund, qui accueille chaque année le meeting le plus réputé (Gay, 1997). Cette piste symbolise la mondialisation de l’athlétisme, professionnalisé et bigarré. Bibliographie ASSOCIATION of TRACK and FIELD STATISTICIANS (ATFS), documents divers. ATFS (2005). Athletics 2005. The International Track and Field Annual. Cheltenham: SportsBooks Ltd, 608 p. AUGUSTIN J.-P. (1995). Sport, géographie et aménagement. Paris: Nathan, 254 p. ISBN: 2-09-190306-X AUGUSTIN J.-P., GILLON P. (2004). L’Olympisme. Bilan et enjeux géopolitiques. Paris: A. Colin, 173 p. ISBN: 2-200-26626-X BALE J., 1989, Sports Geography, Londres-New York, E & F. Spon, 268 p. ISBN: 0-419-14380-7 ou ISBN: 0-419-14390-4 BALE J., Sang J. (1996). Kenyan Running: Movement Culture, Geography and Global Change. Frank Cass & Co, 209 p. ISBN: 0-7146-4218-5 BERTRAND G. (1999). Kenya. Les coureurs du siècle. Millau: VO2 Diffusion, 159 p. ISBN: 2-9514148-1-1 DIGEL H. (2005). «Comparison of successful sport systems». New Studies in Athletics, p. 7-18. Encyclopédie mondiale du sport (1981). Paris: Unide, 740 p. GAY J.-Ch. (1993). «Le sport en Polynésie française». In Dupon J.-F., dir., Atlas de la Polynésie française. Paris: ORSTOM. ISBN: 2-7099-1147-7 GAY J.-Ch. (1997). «Le sport: une mise en limites de l’activité physique». L’Espace géographique, n° 4, p. 327-340. IAAF (International Association of Athletics Federations), documents divers. IAAF (2005). Statistics Handbook. Monaco: IAAF Media, 630 p. PISON G. (2005). «Tous les pays du monde». Population & sociétés, n° 414 INIZAN F. (2003). «Altitude et entraînement». L’Équipe Magazine, n° 1077. MEYER G. (1975). Le Grand Livre de l’athlétisme français. Paris: Calmann-Lévy, 320 p. ISBN: 2-7021-0047-3 PARIENTÉ R., BILLOUIN A. (2003). La Fabuleuse Histoire de l’athlétisme. Genève: Minerva, 1 023 p. ISBN: 2-8307-0727-3 PINAUD Y. (2002). L’Athlétisme africain. African Athletics. Charenton-le-Pont: Polymédias, 152 p. ISBN: 2-909528-20-0 POCIELLO Ch. (1995). Les Cultures sportives. Paris: PUF, 287 p. ISBN: 2-13-047143-9 VIGARELLO G. (1988). Techniques d’hier… et d’aujourd’hui. Paris: R. Laffont-Revue EPS, coll. «Une histoire culturelle du sport», 207 p. ISBN: 2-221-05540-3 YONNET P. (1998). Systèmes des sports. Paris: Gallimard, 254 p. ISBN: 2-07-075372-7 Note 1. Pour fournir un point de comparaison, on compte actuellement en tennis (mai 2006) quarante-deux nationalités différentes dans les cent premiers des classements ATP (hommes) et WTA (femmes). |