Sommaire du numéro
N° 83 (3-2006)

La modélisation des réseaux d’habitat en archéologie:
trois expériences

Laure NuningeraLena Sandersa
avec François Favory, Pierre Garmy, Claude Raynaud, Céline Rozenblat, Lahouari Kaddouri, Hélène Mathian, Laurent Schneider

Laure Nuninger et François Favory: UMR 6565 (CNRS, Université de Franche-Comté
Lena Sanders et Hélène Mathian: UMR 8504 (CNRS, Université de Paris 1)
Pierre Garmy et Claude Raynaud: UMR 5140 (CNRS, Université de Montpellier III)
Lahouari Kaddouri, UMR 6012 (CNRS, Université d’Avignon)
Céline Rozenblat. UMR 6012 (CNRS, Université de Montpellier III)
Laurent Schneider. UMR 6572 (CNRS, Université de Aix-Marseille I).

Résumés  
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Introduction

Les travaux réunis dans cet article sont le fruit d’une collaboration entre archéologues et géographes. Ils reposent sur l’utilisation des principes d’un modèle classique d’analyse spatiale, le modèle de gravité, pour formaliser les interactions entre des établissements humains à des époques anciennes (y compris protohistoriques), dans un contexte où très peu d’informations sur les liens et les échanges entre lieux sont disponibles. Trois expériences ont été réunies afin de rendre compte de l’émergence d’une démarche et de son adaptation/enrichissement en fonction de l’époque et de l’espace considérés et des hypothèses sur l’organisation des sociétés correspondantes.

L’objectif commun à ces trois expériences a été d’identifier des réseaux d’habitat, c’est-à-dire des ensembles d’agglomérations et d’établissements (1) qui ont pu être liés, à une certaine époque, par des relations impliquant des complémentarités, des dépendances, des échanges. L’hypothèse est que ces ensembles d’habitats auraient en quelque sorte «fonctionné» ensemble, sans que l’on soit forcément capable de les associer à un cadre juridique, économique et/ou politique précis. L’enjeu a été de repérer les habitats qui auraient joué un rôle de pôle, exerçant, d’une façon ou d’une autre, une forme d’attraction sur d’autres établissements, et d’identifier les réseaux locaux associés (groupes d’établissements dominés par les pôles) à partir, pour les périodes les plus anciennes, des seules informations de nature archéologique laissées par les vestiges de ces lieux habités et de la connaissance de leur position géographique. Il s’agit ainsi de déduire quelles pouvaient être les hiérarchies locales, les liens de dépendance entre les habitats, les éventuelles complémentarités, la configuration possible des échanges, etc., à partir, d’une part, de connaissances préalables accumulées sur le fonctionnement des sociétés protohistoriques et antiques, et, d’autre part, de l’analyse des données archéologiques (datations, superficies occupées, qualité des matériaux et du mobilier, statut, etc.) recueillies au cours des fouilles et des prospections systématiques.

Le croisement d’enquêtes de terrain approfondies sur certains sites et l’application systématique de méthodes d’analyse multivariée (2) à l’ensemble des établissements et des agglomérations ayant pu être identifiés dans une région donnée, et caractérisés par un même ensemble de descripteurs archéologiques et environnementaux, ont permis aux archéologues de repérer des hiérarchies et de présumer de l’existence de liens de dépendance entre certains sites. Leur hypothèse était que ces habitats, étant donné leur configuration spatiale, les spécificités de l’environnement dans lequel ils se trouvaient implantés, leurs caractéristiques propres, ne fonctionnaient pas isolément les uns des autres et que certains avaient une véritable capacité de polarisation. Se fondant sur leurs connaissances de terrain approfondies, F. Favory et C. Raynaud (Favory et al., 1994) ont ainsi regroupé des établissements qui devaient manifestement être inter-reliés pour contrôler, valoriser, occuper un territoire commun (partagé). L’idée est ensuite venue, dans le cadre d’une collaboration interdisciplinaire, de développer un modèle d’interaction spatiale en collaboration avec des géographes. L’intérêt de cette démarche est qu’elle permet de formaliser de manière systématique ces hypothèses et ainsi de généraliser une opération, menée jusque-là à un niveau local, à partir d’informations empiriques variées, sur un petit ensemble d’établissements seulement. Il s’agissait ainsi de substituer une méthode systématique, pouvant être appliquée à un ensemble élargi de sites, à un travail d’enquêteur, fin mais lourd, mené sur le terrain.

Trois étapes principales peuvent être distinguées dans la première expérience qui concerne le peuplement du Languedoc oriental de 120 avant J.-C. au XIe siècle: la construction et l’application du modèle, sa validation sur un espace réduit dans un contexte où il n’existe aucune information directe sur les échanges «réels» ayant pu exister entre les lieux, et enfin sa généralisation à un espace élargi. Les deux autres expériences présentent un transfert à d’autres époques ou à d’autres espaces, et proposent une nette amélioration, relativement au modèle initial, quant à la prise en compte de la distance séparant les établissements.

Les hypothèses du modèle théorique sont:

  • que les agglomérations les plus «importantes» jouent un rôle de pôle, qu’elles ont une capacité d’attraction, et qu’elles se trouvent à la tête d’un réseau hiérarchisé d’habitat;
  • que la situation relative des agglomérations et des établissements isolés est telle qu’il est aisé de se rendre à cet habitat-tête de réseau avec les moyens de déplacement de l’époque considérée.

Ainsi, il s’agit d’abord d’être capable d’évaluer l’importance de chaque habitat et de mesurer sa proximité à chacun des autres. Il s’agit ensuite d’identifier quels sont les habitats qui jouent un rôle de tête de réseau, puis de mettre au point une méthode qui permette de lui associer l’ensemble des établissements qui sont polarisés par lui et qui constituent son réseau (fig. 1).

1. Modèle gravitaire

Relativement à ce qui est fait dans la plupart des applications en géographie, la procédure de validation, de par l’absence de données sur les échanges entre les lieux, est originale. Dans la première expérience, elle a consisté à comparer les réseaux théoriques fournis par le modèle d’interaction spatiale, avec les réseaux tels que les construiraient les archéologues, en combinant l’ensemble de leurs connaissances, issues de sources variées (enquête de terrain, documentation archéologique, sources écrites). La correspondance observée dans les grandes lignes a justifié ensuite sa généralisation à un espace élargi où une enquête fine n’avait pu être réalisée. Ce faisant, on suppose évidemment que les «règles» relatives aux interrelations entre les lieux habités sont de même nature que dans l’espace où le modèle a été validé.

Dans la deuxième expérience, relative à une période encore plus ancienne (VIIIe au Ier siècle av. J.-C.), les informations et connaissances sur les sociétés languedociennes sont encore plus fragmentaires. Aussi, le modèle précédent a-t-il été enrichi, d’une part, en intégrant les irrégularités topographiques dans le calcul des distances et, d’autre part, par la prise en compte de la maîtrise visuelle du territoire associé à un pôle. Celle-ci caractérise l’étendue visible à partir d’un établissement donné et introduit un élément de perception fondé sur les pratiques supposées des habitants de l’époque. Cet indicateur, calculé à partir d’un modèle numérique de terrain (MNT), a été utilisé afin de valider les contours des réseaux théoriques produits par le modèle gravitaire.

La troisième expérience concerne le Lodévois: les réseaux d’habitat sont modélisés pour quatre périodes, du haut Empire (Ier-IIe siècles) au XVIIIe siècle. Il s’agit alors d’adapter le modèle en fonction d’une part des différences dans la nature des échanges entre les lieux de peuplement, et d’autre part de la variété des informations disponibles sur ces lieux aux différentes époques.

La modélisation des réseaux locaux gallo-romains et médiévaux en Languedoc oriental

Dans cette première expérience, la modélisation a déjà été testée sur une microrégion (la Vaunage) pour être validée, puis a été généralisée à l’ensemble du Languedoc oriental dans un espace localisé entre Nîmes et Montpellier. Le cas de la Vaunage (fig. 2), petit bassin de 104 km2 situé à l’ouest de Nîmes, illustre de manière éloquente le paradoxe d’une carte archéologique dense sans que l’on puisse esquisser de manière assurée la structure hiérarchisée de ce réseau d’agglomérations, d’établissements domaniaux, de fermes et de locaux techniques. Qui dit agglomération suppose un territoire occupé et exploité par la communauté qui y réside ou s’y rattache. Comment s’organisent dans l’espace les différents territoires correspondant à ces agglomérations? À côté de ces considérations juridico-politiques, s’impose le cadre spatial maîtrisé et exploité par chacune des communautés rurales, les finages. Partons de l’hypothèse commode que l’habitat groupé est relativement centré par rapport à l’espace exploité: c’est le modèle le plus courant dans les sociétés agricoles où le déplacement entre le lieu de résidence et le lieu de travail dicte l’organisation des communications et la morphologie du finage. C’est aussi le mode d’organisation valorisé par les méthodes d’analyse spatiale: modèle des aires d’influence des sites — site catchment analysis —, modèle de Von Thünen, polygones de Thiessen, modèle des lieux centraux de Christaller. Le problème posé dans notre cas tient à la diversité des lieux de référence liée à la pluralité des échelles d’analyse (échelle spatiale), et à la traduction dans l’organisation du réseau d’habitat des étapes de la genèse de l’habitat groupé (échelle temporelle).

2. Carte de localisation de la Vaunage en bas Languedoc

Comment repérer les entités géographiques censées représenter le cadre territorial d’un établissement central, un pôle du système de peuplement? La répartition spatiale de ces différents types d’établissements, caractérisés par un semis d’habitats étendus et durables, entourés d’habitats de moindre taille, de dépendances techniques et d’abris temporaires, invite à les regrouper en systèmes hiérarchisés polarisés par un habitat majeur, villa ou village, remarquable par sa capacité à durer et à diriger l’organisation et l’exploitation de l’espace rural. Deux méthodes ont été mises en œuvre parallèlement, puis croisées pour valider la démarche automatique (Durand-Dastès et al., 1998).

La démarche empirico-inductive des archéologues

La première méthode, développée par les archéologues pour identifier les pôles et les réseaux qui leur sont hypothétiquement associés, s’apparente à la démarche empirico-inductive: elle s’appuie sur les données de terrain mais sans ignorer les classifications livrées par l’analyse multivariée (Favory et al., 1994). En outre, c’est elle qui a proposé le modèle hypothétique des réseaux polarisés. Ce sont l’analyse factorielle des correspondances et la classification ascendante hiérarchique qui fournissent le groupe des habitats majeurs, présumés constituer les têtes de réseau, et les groupes d’établissements présumés dépendants. Dans cette expérience, la classification repose sur un ensemble de 16 critères à la fois techniques et fonctionnels, chronologiques, sitologiques et situationnels (Durand-Dastès et al., 1998, annexe 1). Les résultats obtenus ont permis de distinguer 6 types d’établissements allant de l’annexe agropastorale ou aire technique à la capitale et/ou chefs-lieux majeurs.

La constitution des réseaux proprement dite, c’est-à-dire la détermination de liens entre établissements centraux et établissements satellites sous la forme de groupes, est opérée en plusieurs étapes. Elle se fonde, tout d’abord, sur un raisonnement dynamique. Ainsi, la chronologie des implantations est un élément fondamental, particulièrement décisif pour la période gallo-romaine où la datation de l’apparition et de l’abandon des établissements peut être assurée au quart de siècle près. Les réseaux ne sont donc envisagés que sur des corpus d’établissements dont on peut assurer la contemporanéité, tout au moins avec la résolution considérée (25 ans), même si l’ensemble des réseaux est présenté sur une carte synthétisant l’information sur un siècle (fig. 3). La chronologie est aussi un paramètre essentiel pour repérer un pôle, l’hypothèse étant que ce dernier doit être durable pour être attractif. Dans un deuxième temps, les établissements sont regroupés manuellement autour du pôle en tenant compte des relations de voisinage (au sens spatial du terme) qu’entretiennent les établissements. Couplée à cette notion de distance, la connaissance du terrain a également guidé le choix des archéologues qui ont considéré l’environnement de chaque pôle. Ainsi, un réseau s’inscrit dans un territoire doté d’une certaine cohérence spatiale et d’une superficie raisonnable adaptée à la fois aux exigences de la production agricole et à une mobilité réduite de la main-d’œuvre, avec la recherche d’éventuelles complémentarités de terroirs, en évitant autant que faire se peut les ruptures oro- et hydrographiques et en vérifiant qu’il se déploie dans la maîtrise visuelle du pôle (3).

3. Carte des réseaux d’habitat du Ier siècle apr. J.-C. produite par le modèle empirique

Le tracé des groupes d’établissements susceptibles de «fonctionner» ensemble résulte finalement de la convergence d’informations complémentaires résultant des analyses multivariées, de la contemporanéité des établissements et de la cohérence de leur configuration spatiale telle qu’elle peut être appréhendée sur le terrain. Ce sont de telles convergences qui amènent l’archéologue à assumer des hypothèses sur l’existence d’éventuelles connexions, fonctionnelles et hiérarchiques, entre les établissements et à constituer des réseaux d’habitat.

La méthode hypothético-déductive des géographes

La seconde approche, hypothético-déductive, appliquée par H. Mathian et L. Sanders, suppose que le système du peuplement s’organise en fonction de pôles, éléments forts dans la structuration du territoire, et d’établissements de niveau secondaire en situation de dépendance par rapport aux précédents. La première étape a consisté à identifier le niveau hiérarchique de chacun des établissements. Étant donné la nature des informations disponibles et la difficulté à construire une relation simple entre la valeur d’un descripteur et son sens en termes hiérarchiques (4), une combinaison de l’ensemble des descripteurs archéologiques instituant une relation d’ordre hiérarchique entre les établissements a été utilisée afin de déterminer un indicateur synthétique. Les critères retenus sont la superficie, la qualité des matériaux, la qualité du mobilier, et le statut présumé en fonction des traces de sépulture trouvées. Chacun de ces critères a été codé de 1 (niveau le plus faible) à 4 (niveau le plus élevé) et une analyse factorielle (5) a été appliquée au tableau de données ainsi construit. Celle-ci a permis de construire un indicateur synthétique, robuste relativement aux cas particuliers. Une note surdimensionnée relativement à un des critères est ainsi le plus souvent compensée par des valeurs faibles sur les autres, s’il ne s’agit pas véritablement d’un établissement de niveau hiérarchique important.

4. Carte des réseaux d’habitat du Ier siècle apr. J.-C. produite par le modèle théorique

 

La deuxième étape consiste à délimiter l’inscription spatiale des réseaux d’habitat induits par cette hiérarchie d’établissements. L’hypothèse est que chaque établissement entretient avec les autres un certain nombre d’interactions qui se projettent sur l’espace et le découpent en aires, ou territoires à l’intérieur desquels un établissement exerce une domination (Pini, 1995). Selon l’hypothèse de départ, on aurait pu rechercher un découpage formant une partition de l’espace, cas dans lequel, à chaque établissement est associée une aire dont la surface est proportionnelle à son niveau hiérarchique et dont les limites sont déterminées par les aires des établissements voisins (type polygone de Thiessen). Une telle modélisation se fonde sur l’hypothèse d’équivalence fonctionnelle des établissements, les différences de surfaces reflétant la diversité des niveaux. Nous sommes partis, au contraire, de l’hypothèse que les établissements n’appartenaient pas tous à une même classe fonctionnelle, et que les aires d’influence modélisées pour refléter ces différenciations s’organisaient selon une hiérarchie emboîtée. Le modèle dans ce cas doit faire apparaître des pôles auxquels sont subordonnés d’autres établissements. Une zone d’influence est calculée pour chaque établissement, traduisant le champ de force qui l’entoure, dont l’intensité est fonction de son niveau hiérarchique et décroît avec la distance. L’aire d’influence d’un établissement qui en découle est la projection de ce champ de force sur l’espace. Les établissements identifiés comme des pôles par le modèle sont ceux qui ne sont subordonnés à aucune force d’influence supérieure à la leur. Les autres établissements ont été respectivement rapportés au pôle qui exerçait sur chacun d’entre eux la plus grande influence (fig. 1). Ainsi, plus que la définition d’aires d’influence qui peuvent être assimilées à des territoires dans lesquels s’exerce un certain pouvoir, le modèle a permis d’identifier des réseaux polarisés par des têtes de réseaux. Sur le plan graphique, le réseau polarisé est représenté par un faisceau radié, figurant les liens entre les établissements dépendants et l’habitat central (fig. 4).

La validation du modèle et sa généralisation spatiale et temporelle

La validation a consisté en la confrontation de ces deux modèles, l’un formalisé par une équation exprimant la capacité de polarisation d’un lieu habité en fonction de son niveau hiérarchique et de la proximité des éventuels établissements polarisés (captés), l’autre exprimé à partir de la concordance de tout un faisceau d’indices relatifs à l’environnement, aux témoignages écrits, à ce que la présence de tel artéfact en tel lieu peut signifier. Les deux modèles présentent un certain nombre de différences qu’il est intéressant d’analyser (Durand-Dastès et al., 1998), mais pour l’essentiel, les deux méthodes distinguent les mêmes réseaux, qui contrôlent des aires variant entre une vingtaine d’hectares pour les domaines de villa jusqu’à plus de trois kilomètres carrés pour les finages d’agglomération (fig. 5). Ce qui varie, c’est la richesse relative en établissements des différents réseaux et donc leur emprise spatiale. La méthode hypothético-déductive ne laisse aucun établissement isolé: tout établissement de rang inférieur se retrouve nécessairement subordonné à un établissement majeur. Dans le détail, ce principe, qui fonde la méthode, conduit à englober dans le même réseau des établissements éloignés et séparés par des obstacles topographiques qui tendent à compromettre l’hypothèse d’une relation fonctionnelle. Dans ce modèle, c’est la simple distance à vol d’oiseau entre établissements qui est utilisée pour mesurer l’attraction exercée par une classe d’établissements sur des établissements de rang inférieur, ce qui constitue évidemment une limite dans le cas d’un environnement accidenté ou fortement différencié.

5. Confrontation des deux modèles de structuration des réseaux d’habitat du Ier siècle apr. J.-C.

Si l’on dispose en Vaunage d’une carte archéologique particulièrement bien documentée, il faut bien admettre qu’il s’agit là d’un cas particulier. Le plus souvent, et sur de plus larges espaces, les archéologues sont dans l’impossibilité de rapporter tous les établissements recensés à un établissement majeur. Le modèle théorique ayant été validé en Vaunage dans la mesure où il reproduit, dans les grandes lignes, les mêmes réseaux que le travail plus approfondi des archéologues, il a été légitime de l’utiliser sur un espace élargi (fig. 6). L’application de la méthode hypothético-déductive a ainsi permis de mieux comprendre et caractériser les structurations de l’espace associées à la prolifération de nouveaux établissements au Ier siècle dans l’ensemble des territoires situés entre Lattes et Nîmes. Reproduite sur plusieurs corpus d’établissements regroupés par période d’un siècle, elle a aussi donné la possibilité de détailler les différentes phases du processus de peuplement, à la fois au niveau régional, qui exprime les grandes tendances de l’évolution de l’habitat et des réseaux locaux, et au niveau microrégional, qui permet d’évaluer comment s’opère localement la dynamique du peuplement en repérant les permanences, les abandons et les créations d’établissements. Pour la période qui s’étend de l’Antiquité à nos jours, étudiée de cette manière, plusieurs bifurcations locales ont été observées, mais elles n’ont pas influé sur la structure spatiale globale du peuplement. À ce niveau d’organisation, un petit nombre de changements pouvant être interprétés comme de véritables bifurcations a été identifié. Ainsi, d’une structure spatiale très hiérarchisée, commandée par la cité antique, Nîmes, on est passé, au Moyen Âge, à une organisation bipolaire autour des villes de Montpellier et Nîmes (Durand-Dastès et al., 1998).

6. Carte des réseaux d’habitat théoriques au Ier siècle en Languedoc oriental

Cette première expérience a montré la pertinence du modèle théorique fondé sur les principes gravitaires pour rendre compte du système de peuplement lié à l’exploitation d’un espace agropastoral à l’époque gallo-romaine. L’hypothèse qui le fonde est l’unité et la cohérence spatiales du finage entourant l’habitat. La principale limite de cette première version du modèle réside dans l’utilisation d’une distance à vol d’oiseau qui ne tient pas compte des contraintes du milieu physique. De peu d’effet en plaine, cette limite peut entraîner des déformations dans des milieux plus accidentés.

Généralisé dans l’espace et dans la longue durée, il a permis d’aborder la dynamique territoriale du Languedoc oriental sur près de 2000 ans. Toutefois, il demeure que ce modèle manque d’efficacité pour démêler l’imbrication de rapports hiérarchiques qui s’expriment hors du strict champ de la production agricole.

Réseaux d’habitat protohistorique en Languedoc oriental

Une deuxième expérience a été menée sur la même zone géographique que celle décrite ci-dessus (fig. 2) (Nuninger, 2002b; Durand-Dastès et al., 1998). Le cadre chronologique est toutefois envisagé sur une période plus ancienne, l’âge du Fer, soit du VIIIe au Ier siècle av. J.-C. La modélisation des réseaux d’habitat visait à identifier les modes de peuplement sur lesquels se sont appuyées les communautés gallo-romaines afin de développer leurs propres structures territoriales. L’évolution de l’habitat protohistorique de la région nîmoise montre l’émergence des premiers centres de peuplement (agglomérations) dès la fin du ve siècle av. J.-C. Ces agglomérations semblent contrôler des entités territoriales microlocales puis locales dont nous savons que la légitimité a été remise en cause dès la fin du Ier siècle av. J.-C., avec l’intervention romaine qui octroie à Nîmes un statut politique et juridique particulier et l’élève au rang de capitale régionale (Nuninger, 2002a; Raynaud, 2003). C’est cette construction des territoires primitifs, suivant une logique interne des communautés protohistoriques s’adaptant à la pression des échanges (stimuli externes), que nous avons explorée à travers l’étude des réseaux d’habitat et de leur dynamique. Nous souhaitions ainsi dépasser un schéma explicatif classique, celui des changements rapides de mode de peuplement dus à la colonisation romaine. Avec l’application systématique de la même méthode, il s’agissait de tester si le modèle de peuplement polarisé, tel qu’il est validé dans la première expérience sur le peuplement au Ier siècle av. J.-C., fonctionnait ou non aux périodes antérieures. En outre, pour les périodes ne répondant pas complètement au modèle, l’objectif était d’identifier localement les éléments d’une structuration vers un système polarisé.

Niveau hiérarchique et distance pondérée

Le calcul des réseaux d’habitat protohistorique suit la démarche classique de modélisation par le modèle gravitaire (Durand-Dastès et al., 1998; Pumain, Saint-Julien, 2001). Le niveau hiérarchique des établissements est également extrait des résultats d’une typologie effectuée sur plus de 550 établissements. Toutefois, par rapport à la première expérience les critères pris en compte diffèrent légèrement. Parmi les descripteurs techniques et fonctionnels, seuls la superficie, les matériaux de construction et la fonction (ou statut symbolique et idéologique) ont été intégrés à l’analyse, le mobilier et la caractérisation d’activités artisanales étant peu significatifs pour la période qui nous intéresse (Durand-Dastès et al., 1998; Nuninger, 2002b). Un quatrième critère, la durée d’occupation, a été ajouté aux trois premiers. Considéré comme un descripteur chronologique dans la classification de la première expérience, il est utilisé ici comme une variable fonctionnelle et intemporelle, avec l’attribution d’une quantité de temps à chaque établissement comme la superficie indique une quantité d’espace. Sachant que ces deux critères sont indépendants, on assume ensuite que, plus la quantité de temps et/ou d’espace est élevée, plus l’établissement aura des chances d’être hiérarchiquement important. Dans le calcul du modèle gravitaire proprement dit, si l’inscription spatiale obtenue est similaire, il convient de noter que la détermination des aires d’influence diffère, elle aussi, sensiblement. En effet, dans cette seconde expérience, les paramètres de distance intégrés dans le modèle tiennent compte des hypothèses historiques et des connaissances que les archéologues ont fait intervenir dans leur démarche empirico-inductive. L’espace considéré n’est plus euclidien mais il prend en compte la topographie. La distance évaluée, dite distance pondérée (D’ij), reflète une valeur liée à un temps de marche. Cette distance est calculée en tenant compte des dénivelés cumulés enregistrés entre deux lieux distincts. D’un point de vue technique, nous avons d’abord calculé une carte qui rend compte de la difficulté ou de l’effort à fournir pour traverser chaque maille, de 25 m sur 25 m, constituant l’espace étudié. Ce calcul est fondé sur une relation mathématique, généralement utilisée par les randonneurs, impliquant le degré de la pente et un coefficient d’«effort». Nous avons déterminé le coefficient en fonction des conditions topographiques générales de la région et du poids moyen supposé pour le transport du matériel, des fumures ou des récoltes dans le cas de déplacements locaux à des fins agricoles ou pastorales. Les valeurs obtenues pour chaque établissement deux à deux ont permis de déterminer une meilleure configuration des réseaux locaux, notamment dans les zones vallonnées et accidentées (fig. 7).

7a, b. Carte des réseaux d’habitat du IIe siècle av. J.-C., définis avec les distances euclidiennes et pondérées

Une validation des réseaux d’habitat par la maîtrise visuelle

La forme générale du modèle utilisé est ainsi la même que pour la première expérience (fig. 1), le niveau hiérarchique H(i) étant estimé en utilisant des critères légèrement différents, plus adaptés à cette période, et la distance Dij entre deux établissements i et j tenant compte des irrégularités topographiques. En revanche, la méthode de calibrage, c’est-à-dire l’estimation des valeurs des paramètres permettant de reproduire les réseaux d’habitat les plus probables, est différente. Pour la période précédente, les archéologues avaient pu construire empiriquement ces réseaux pour la Vaunage et, d’un point de vue méthodologique, la situation était donc celle d’un ajustement entre les réseaux produits par le modèle gravitaire et les réseaux reconstitués par les archéologues. Une telle approche n’a pu être utilisée pour les réseaux d’habitat protohistoriques et une démarche reposant sur la maîtrise visuelle a été mise au point. Elle s’appuie sur l’hypothèse qu’un pôle doit pouvoir contrôler l’ensemble de son territoire du regard. Concernant les domaines agricoles, les agronomes latins, comme Columelle (ier siècle) et Palladius (ve siècle), mentionnent que les aires de stockage, les jardins, les plantations et l’espace forestier doivent demeurer dans le champ de vision du propriétaire ou de son intendant (Clerget, 2004). Bien qu’il soit difficile de transposer directement une situation romaine à un contexte plus ancien et culturellement différent, l’emprise visuelle associée à l’implantation stratégique des oppida de l’âge du Fer (habitats fortifiés de hauteur), sur des rebords de plateau ou des éperons dominant plaines et vallées, constitue une dimension suffisamment importante pour être retenue. Ainsi, dans cette seconde expérience, la maîtrise visuelle, jusque-là considérée empiriquement, a été formalisée et calculée de manière à être intégrée dans le modèle des réseaux d’habitat. Il s’agissait en quelque sorte de créer un jeu de données sur une hypothèse théorique, celle du contrôle visuel du territoire, qui permette de valider le modèle.

La portée de l’influence. Comme l’illustre la figure 1, les valeurs des paramètres du modèle (notamment le paramètre «a» mesurant la sensibilité à l’effet de la distance sur l’intensité de l’influence d’un établissement sur un autre) sont liées à ce qui est appelé la «portée de l’influence», soit la distance à laquelle celle-ci est divisée par deux (Pumain, Saint-Julien, 2001). Des hypothèses tirées de l’observation empirique sur une valeur plausible de cette portée permettent donc d’estimer les valeurs d’un premier jeu de paramètres. Les pôles ont ensuite été déterminés suivant les mêmes principes que pour la première expérience. La constitution des réseaux associés est en revanche systématiquement confrontée à la maîtrise visuelle des pôles.

La maîtrise visuelle. L’emprise visuelle de chaque pôle a été calculée de manière systématique à partir d’un modèle numérique de terrain et en prenant en compte le point culminant de chaque site, généralement matérialisé par une tour, dont nous pouvons évaluer la hauteur moyenne à 15 mètres (Nuninger, 2002b). Il s’agissait ici de mettre en œuvre le rôle des places fortes perchées comme outil de contrôle du territoire. Dans ce sens, nous avons admis que la végétation ne pouvait avoir un rôle déterminant en tant que masque. En revanche, notre méconnaissance de l’occupation du sol ne nous a pas autorisés à travailler sur l’intervisibilité entre établissements et pôles. Pourtant, le rôle ostentatoire des oppida, leur donnant un pouvoir symbolique de domination territoriale, est une dimension qu’il aurait été intéressant d’intégrer. Le résultat obtenu pour chaque pôle est binaire, l’espace considéré est vu depuis le pôle ou ne l’est pas, l’emprise visuelle EV est donc égale à 1 ou 0.

Construction des réseaux et calibrage du modèle. Pour constituer les réseaux d’habitat, il s’agit de déterminer, pour chaque établissement, quel pôle exerce la plus forte influence sur lui. Pour un établissement j donné, il s’agit donc de rechercher le pôle i qui maximise F(i,j). Une fois celui-ci déterminé, la condition de la maîtrise visuelle est testée. Si l’établissement se trouve dans le champ visuel du pôle, il est affecté au réseau d’habitat de ce pôle. Dans le cas contraire, il en est exclu et l’influence du pôle est considérée comme nulle. L’influence de i sur j est donc évaluée suivant la formule suivante:

F’ij = [Hi / (1 + a Dij2)] . EV(i,j) où EV(i,j) vaut 1 si l’établissement j est sous le contrôle visuel de l’établissement i et, sinon, 0.

Cette procédure a été réitérée pour différentes valeurs du paramètre a, afin d’obtenir la meilleure adéquation entre espace vu et espace occupé par le réseau. L’objectif était que soient associés à chacun des pôles un maximum d’établissements se trouvant effectivement dans son champ visuel et que, parallèlement, un minimum d’établissements apparaissent isolés. La figure 8 représente les réseaux obtenus suivant ce principe, avec le meilleur jeu de paramètres.

8. Cartes de maîtrise visuelle depuis les pôles de Nîmes et Mauressip (Gard) avec les réseaux d’habitat du IIe siècle av. J.-C.

Réseaux et pôles concurrents

L’application systématique de la méthode pour chaque siècle du Ve au Ier siècle av. J.-C. a permis de saisir les changements dans les modes d’organisation spatiale. Les mutations d’un système à un autre sont particulièrement perceptibles dans la transition entre le premier et le second âge du Fer par exemple (Nuninger, 2002b). D’un point de vue méthodologique, l’approche complètement systématique a permis de souligner des particularités qui n’étaient pas évidentes à travers le filtre de la perception humaine des archéologues, par définition sélective. L’étude de ces anomalies a permis de mettre en évidence des phénomènes de concurrences locales qui prennent très probablement leurs racines lors de la création des pôles majeurs de peuplement à la fin du premier âge du Fer (VIe-Ve siècles av. J.-C.), s’exprimant à la fois dans la construction monumentale et dans les stratégies d’occupation de l’espace.

9. Cartes de maîtrise visuelle et espaces «conflictuels» en Vaunage du Ve au IIIe siècle av. J.-C.

En Vaunage par exemple, au IVe siècle av. J.-C., la création d’une communauté sur un éperon rocheux (Roque de Viou) entre en conflit visuel direct avec un établissement précédemment installé (Mauressip) qui semble le contraindre à déménager une centaine de mètres au sud (Nages), partageant ainsi en deux parts égales l’espace vaunageol contrôlé par les deux pôles en présence (fig. 9). À partir du IIe siècle av. J.-C. et surtout au Ier siècle av. J.-C., la concurrence entre ces deux pôles s’exprime par une occupation physique de l’espace sous la forme d’une nébuleuse de petits établissements. L’application du modèle gravitaire selon les mêmes contraintes que celles appliquées pour les périodes précédentes, révèle toute une série de liens entre ces établissements et les pôles, ne laissant quasiment aucune occasion pour l’implantation d’habitats isolés, contrairement à ce que l’on a pu mettre en évidence au cours des périodes précédentes, notamment au Ve siècle av. J.-C. (fig. 10). À la fin du Ier siècle av. J.-C., l’expansion territoriale des deux pôles apparaît fortement contrainte et elle semble préparer l’étouffement de la communauté de Mauressip, perceptible au Ier siècle apr. J.-C., par la montée en puissance d’un nouveau pôle, secondaire, en limite de l’emprise visuelle de Nages, à Sinsans (fig. 5). L’influence de Mauressip se voit ainsi comprimée sur un espace de plus en plus réduit, jusqu’à la régression puis la disparition de l’agglomération à la fin du Haut Empire. Tandis que tous les autres oppida perdurent actuellement sous la forme d’un village sur ou en piémont de l’agglomération protohistorique, Mauressip figure, avec Sextantio au nord de Montpellier et Ambrussum au sud de Sommières, parmi les trois exceptions.

10. Cartes des réseaux d’habitat du Ve siècle av. J.-C. au Ier siècle av. J.-C.

Par cet exemple, nous pouvons vérifier l’hypothèse sous-jacente de notre modélisation où «le jeu des interactions spatiales, obéissant à des mécanismes de compétition et de concurrence, structure le changement, et pérennise ainsi certaines formes d’organisation tandis qu’elle entraîne ailleurs des recompositions» (Durand-Dastès et al. 1998). Toutefois, l’approche demeure limitée par une compréhension encore difficile des processus en œuvre, liée à la formalisation des données intégrées dans le modèle utilisé.

Quand l’hypothèse de base est rejetée, c’est-à-dire quand l’habitat ne suit pas une organisation polarisée, la hiérarchisation de l’habitat n’apparaît pas forcément de même nature. Dans ce cas, les critères utilisés pour classer les établissements sont-ils toujours pertinents?

Considérant la longue durée, le second problème est lié à une description statique des pôles (instantané à leur apogée), d’où la nécessité d’élaborer un modèle d’analyse de leur trajectoire pour prendre en compte leur dynamisme dans l’application du modèle gravitaire.

Enfin, si notre expérience, ciblée sur une approche locale des phénomènes territoriaux, avec une orientation agraire fortement marquée, livre quelques éléments pour expliquer des stratégies territoriales au niveau régional, elle demeure insuffisante pour comprendre la part des processus internes et externes actifs dans l’évolution des modes d’organisation territoriale des populations étudiées.

À ce stade de notre étude, l’analyse et la modélisation des réseaux territoriaux doivent être développées à différentes échelles (de locale à supra-régionale) et selon différents points de vue (politique, commercial, religieux) supposant une adaptation des critères descriptifs pour la typologie hiérarchique.

Réseaux fonctionnels en Lodévois

Un troisième exemple du modèle gravitaire a été appliqué autour de Lodève, à moins de 100 km à l’ouest de la zone étudiée précédemment. Ce territoire fait l’objet depuis quelques années d’un programme collectif de recherches archéologiques, de la Protohistoire à la fin du Moyen Âge. Après la mise à jour des corpus (Schneider, Garcia, 1998; Garmy et al., 2004), une approche interdisciplinaire intégrant la démarche de la géographie a permis d’aborder les questions relatives aux structures spatiales du peuplement (Garmy et al., 2005a et b).

11. Carte de localisation de la région de Lodève (en haut) et topographie (en bas)

L’aspect original de ce programme de recherche repose sur l’inscription dans le périmètre géographique fini d’une entité géopolitique stable dans le temps qui constitue l’objet central de la recherche. En effet le territoire étudié est celui, bien attesté, de l’évêché médiéval de Lodève que l’on considère également, par récurrence, être celui de la cité antique. Il couvre environ 800 km2 (fig. 11). Il s’agit, dans cet espace, d’observer les capacités de résilience et/ou les ruptures du «système de villes» en Lodévois sur la longue durée et d’en décrire les logiques spatiales et territoriales. L’expression «système de villes» est utilisée ici dans la mesure où l’on fait référence à des unités hiérarchisées par leur taille et leurs fonctions, auxquelles on attribue des propriétés d’imitation, d’innovation dans un contexte d’interaction. Cette question a donné lieu au développement spécifique du modèle gravitaire (définition d’une fonction d’espace-temps distincte de la fonction de mobilité). L’objectif de l’application de ce modèle est, comme pour les deux autres exemples, de montrer de manière diachronique l’évolution du fonctionnement potentiel de l’espace lodévois (Haggett, 1973). La simulation des interactions spatiales entre les établissements peut ainsi apporter des éléments d’explication au développement inégal du peuplement de ce territoire.

Une hiérarchie fondée sur un indicateur de taille

Contrairement aux deux premières expériences, l’importance relative de chaque lieu n’est pas déterminée par une classification typologique des établissements, mais repose sur une hiérarchisation classée fondée sur une évaluation relative de la taille des établissements. Les données archéologiques et historiques disponibles et exploitées à cette fin appartiennent à quatre périodes:

  • Haut Empire: 72 habitats répartis en cinq classes de taille suivant la dispersion apparente des vestiges mobiliers en surface (critique de l’échantillon dans Garmy et al., 2005b);
  • 1342-1344: 47 communautés recensées à partir du dépouillement d’un document des archives municipales de Pézenas aujourd’hui disparu (Bourin, 1987), qui livre le décompte le plus ancien de la population pour l’ensemble du Lodévois;
  • 1709: données provenant du «Dénombrement du Royaume par généralités, élections, paroisses et feux» (Motte, 1989, p. 41);
  • 1792: premier recensement véritable de la population des districts de Montpellier, Lodève et Saint-Pons (Motte, 1989) lors de la période révolutionnaire, concomitant avec la naissance de la commune.

La nature des masses de «populations» et par conséquent des critères de hiérarchie est donc très diverse d’une période à l’autre:

  • superficie des habitats, tous types pris en compte, pour le Haut Empire;
  • décompte des feux de chaque communauté (agglomération et éventuellement écarts) en 1342-1344 et en 1709 mais la notion peut recouvrir des réalités dissemblables aux deux périodes;
  • vrai recensement de la population en 1792, par tête et non plus par foyer comme précédemment.

Aussi les données ne sont-elles jamais comparées directement d’une période à l’autre. Elles servent uniquement à construire la distribution rang-taille des lieux d’habitat pour une période donnée et les tailles proportionnelles des habitats sont exprimées en pourcentage de la taille maximale à chaque période.

Réseau de communication et distance temps

Le poids des lieux et leur position relative par rapport à tous les autres sont les deux critères qui permettent de formuler, pour chaque période, des hypothèses sur les systèmes «urbains» du territoire lodévois. Les poids relatifs ont été décrits précédemment; la «position relative» est établie en deux temps.

La première étape consiste à définir l’accessibilité entre tous les lieux. L’espace est ici considéré comme non-homogène (parce que les établissements humains sont différenciés du reste de l’espace) et non-isotrope (parce que les déplacements sont freinés différemment par le relief ou facilités par certaines «voies naturelles» comme les cours d’eau par exemple). Grâce à un modèle numérique de terrain sur la région considérée (MNT issu de la BD Carto, fig. 11), nous avons appliqué une fonction de déplacement pédestre (fig. 12) permettant de calculer les chemins les plus courts en temps entre tous les couples de lieux (Garmy et al., 2005b). Les chemins mis en évidence par la démarche théorique recoupent une partie des chemins connus par l’archéologie (lignes de crête notamment), ce qui constitue une première validation empirique du modèle de déplacement. Faute de données extérieures au territoire lodévois, les chemins sortant de l’espace étudié n’ont pas été pris en compte. L’approche s’est donc focalisée sur les relations internes au système spatial considéré, intégrant des effets de bordure dont il faut tenir compte pour les interprétations.

12. Fonction de distance temps 13. Fonction d’interaction

La seconde étape de la démarche hypothético-déductive a posé les hypothèses sur les interactions possibles entre les lieux (Sanders, 2001). Cette étape est cruciale, puisqu’elle oblige à envisager la nature et la fréquence des déplacements, ce qui demeure, en l’état, largement théorique faute d’informations sur les modes de vie, leurs disparités spatiales et leur vitesse de transformation.

Interactions dans le système de peuplement

On connaît mal les modes d’échanges réguliers que les populations pouvaient entretenir entre villes et autres lieux de peuplement aux époques considérées. Deux types d’hypothèses sur les liaisons entre établissements ont été privilégiés: des hypothèses sur les échanges de marchandises agricoles ou artisanales entraînant des interactions symétriques entre les lieux (a), et d’autres hypothèses sur les relations de contrôle administratif desquelles peuvent découler des relations hiérarchiques orientées, donc dissymétriques (b) (Kaddouri, 2004).

14. Cartes des interactions potentielles entre les sites

Interactions potentielles. Pour les échanges de biens, des interactions potentielles privilégient les déplacements possibles en aller-retour dans la journée, avec quelques heures sur place permettant des rencontres ou des échanges multiples. C’est donc la distance de cinq heures de route aller que nous avons choisie comme limite de la fonction d’interaction (fig. 13). Cette fonction reste relativement stable sur les distances courtes, jusqu’à une heure de marche, puis décroît de plus en plus rapidement. Les interactions ont diminué de moitié lorsque la distance atteint trois heures de déplacement. Elles deviennent quasi nulles à partir de cinq heures. Le poids des interactions entre chaque couple de lieux est ensuite défini en faisant le produit de leurs masses respectives à chaque période avec la fonction décroissante de la distance.

La représentation des interactions potentielles (fig. 14) montre de manière comparable ces interactions (qui ont été normalisées à chaque date par rapport aux interactions maximales). On voit ainsi deux systèmes spatiaux qui, peu à peu, s’intègrent pour n’en former plus qu’un à la dernière période. Les liaisons s’intensifient notamment autour de Lodève et de Clermont-l’Hérault avec un système qui se hiérarchise à la dernière date, et où apparaissent des villes-relais entre les deux systèmes.

Relations hiérarchiques. Une seconde série d’hypothèses sur les relations hiérarchiques entre les lieux (administratives ou de services ou de biens rares) apporte la vision d’une autre dimension de ce système de «villes». En se fondant sur le modèle des places centrales de Christaller (1933), on augmente le niveau d’hypothèses en considérant qu’à mesure que le niveau de taille des villes augmente, apparaissent des fonctions de plus en plus rares (Berry, 1967). On s’intéresse ainsi à des déplacements d’un niveau vers les niveaux supérieurs permettant d’accéder à des fonctions qui n’existent pas sur place. À partir des classes des villes et des distances temporelles les séparant, on a défini des liens fonctionnels de voisinage reliant chaque ville à la ville la plus proche de taille supérieure.

15. Cartes des interactions hiérarchiques entre les sites

Cette fois, ce sont trois puis deux systèmes de villes qui se concurrencent pour leur influence spatiale (fig. 15). Dans un premier temps, on observe l’expansion de l’aire d’influence de Lodève. Puis, entre 1709 et 1792, Clermont-l’Hérault capte les établissements intermédiaires situées entre Lodève et la vallée de l’Hérault. Le système forme des arbres de dépendance hiérarchique dont on peut représenter la forme et l’amplitude en abandonnant la dimension spatiale (fig. 16) (Kaddouri, 2004). On observe ainsi l’évolution de la hiérarchie (nombre de «villes» par niveau) qui tantôt s’accroît (1342-1344 et 1792) tantôt s’atténue (1709). Cette vision diachronique offre à voir deux systèmes relativement stables et hiérarchisés vers 1342-1344 puis vers 1792.

Apports du modèle gravitaire à l’étude de la dynamique du Lodévois

D’un point de vue historique, l’étude montre, en première approche, qu’au profond déséquilibre spatial du territoire antique entre Causse et bassin permien, d’un côté, vallée de l’Hérault, de l’autre, succède une organisation plus continue du peuplement, sensible dès le XIVe siècle, mais sans doute antérieure. Meilleures accessibilités moyennes des lieux de peuplement, disparition des terroirs de marge sont alors les signes manifestes d’une diffusion uniforme de l’occupation de l’espace selon un schéma de type «christallérien».

16a. Arbres des relations hiérarchiques entre les lieux (cinq niveaux de villes sont considérés)

Cependant le caractère fortement multipolaire du réseau est continu. Il manifeste la marginalité spatiale de la capitale qui, à toutes les époques, n’arrive à polariser que son propre sous-réseau et pâtit de la concurrence d’autres pôles sur le même territoire.
Lodève, chef-lieu de cité créé et promu «artificiellement» par le pouvoir romain, mais capitale pérenne (siège épiscopal dès la fin de l’Antiquité et jusqu’à la Révolution, puis sous-préfecture et chef-lieu d’arrondissement), offre un exemple manifeste de surclassement dans la hiérarchie administrative urbaine, en décalage permanent avec sa nature économique et sa portée.

16 b. Arbres des relations hiérarchiques entre les lieux (cinq niveaux de villes sont considérés)

D’un point de vue méthodologique, l’analyse spatiale, en mettant en position relative et en relation des lieux, enrichit une information au départ rudimentaire et disparate. L’approche standardisée rend, en effet, comparables des séries hiérarchisées selon des critères différents. Les seuls éléments relatifs de taille et de position permettent de suggérer des hypothèses sur les interactions débouchant sur la production de systèmes spatiaux cohérents. Ces systèmes spatiaux, par leur vision diachronique, apportent de nouvelles hypothèses qui précisent des questions relatives aux processus dynamiques de transformations des systèmes sociaux et au rôle de certaines «villes» dans ces systèmes. Ces nouvelles questions motivent le développement de recherches complémentaires autour de certains lieux montrés comme «stratégiques» (comme les villes-relais) ou autour de questions sur l’interaction et l’échange.

Conclusion

Entre la première et la troisième expérience, dix années ont permis d’expérimenter plus à fond l’utilisation du modèle gravitaire dans des thématiques archéologiques. D’un point de vue méthodologique, l’utilisation d’un système d’information géographique (SIG) a permis d’améliorer le modèle en intégrant systématiquement la dimension topographique dans le calcul des réseaux. Comme l’avaient argumenté les archéologues dans la première expérience, le terrain, alors considéré de façon empirique, constitue un critère essentiel en particulier aux échelles régionale et microrégionale et dans les zones au relief contrasté. Le progrès réalisé concerne d’abord le calcul de la distance. Ainsi, d’une distance euclidienne, kilométrique à vol d’oiseau, on est passé à une distance pondérée, toujours à vol d’oiseau mais exprimée en temps de déplacement pédestre tenant compte des dénivelés. Dans la troisième expérience, les chercheurs vont encore plus loin en considérant une distance temps calculée sur la base d’un réseau de communication théorique partiellement validé par les recherches historiques et archéologiques. Aux échelles locale et microrégionale abordées dans les deux premières études, l’apport du SIG réside également dans le calcul des emprises visuelles qui fonctionnent comme un corpus de données complémentaires participant au calibrage du modèle.

Sur le plan conceptuel, les changements observés sont liés pour l’essentiel au repérage des interactions et des relations hiérarchiques entre les établissements. Dans les deux premiers cas, la valeur hiérarchique des établissements est mesurée par un ensemble de critères renseignés par les vestiges archéologiques, de manière directe (matériaux de construction) ou indirecte (durée d’occupation). Comme nous l’avons vu, cette démarche pose le problème de la description statique de certains établissements dont l’occupation est très longue. La troisième étude permet de répondre partiellement à ce problème en considérant un corpus de données par essence beaucoup plus dynamique, fondé sur des évaluations de population, des décomptes de feux et des recensements. Ainsi, chaque établissement ne participe pas au calcul des réseaux avec son profil déterminé et son appartenance ou non à la période considérée, mais il est intégré comme un lieu occupé ou non et dont l’importance dépend des données relatives à la période abordée. Chaque période demeure néanmoins comparable dans la mesure où l’indicateur, considéré ici comme une «masse de population», est systématiquement rapporté à l’ensemble des valeurs observées sur une période, c’est-à-dire exprimé en pourcentage de la population totale observée par période. Malgré l’intérêt indéniable de cette approche, il faut souligner que l’on a perdu tant en précision chronologique qu’en finesse dans la typologie hiérarchique des établissements. Si les données sont relativement précises pour les périodes historiques, les périodes renseignées par les données archéologiques sont beaucoup moins bien cernées, sur au moins deux siècles (Haut Empire).

L’autre innovation de la troisième expérience, et probablement la plus intéressante aux yeux des archéologues, réside dans la définition de la relation hiérarchique entre les différents rangs d’établissement identifiés. Les chercheurs considèrent alors plusieurs niveaux d’intégration des réseaux de peuplement et sont à même de décrire une évolution des dynamiques territoriales à l’échelle régionale. Ils mettent ainsi en évidence le développement de certains pôles comme Clermont-l’Hérault à partir de ses capacités d’attraction et d’intégration progressive de nouveaux réseaux, tandis qu’ils révèlent la nature artificielle, par promotion politique et historique, du statut de Lodève qui, au XVIIIe siècle, peine à capter plus d’établissements que les quelques habitats de moindre importance qui l’entourent (excepté une petite agglomération: Soubès — fig. 15 et fig. 16). De cette manière, la troisième démarche apporte une véritable piste de recherche complémentaire des deux premières expériences qui se sont concentrées sur l’étude de l’emprise territoriale des agglomérations identifiées comme des pôles. Dans ce dernier cas, l’approche fondamentalement rurale s’intéressait moins aux liens entre les pôles (primaires, secondaires…) qu’aux liens qui permettent de définir un pôle à l’échelle locale, pour avoir une perception de l’ensemble des entités territoriales qui animent un espace à l’échelle régionale. C’est pourquoi dans la troisième partie on ne parle plus de simples réseaux d’habitat mais de «système de villes». Même si dans les trois cas les résultats peuvent être observés à l’échelle régionale, il est ainsi primordial de noter que, malgré l’utilisation justifiée du même type de modèle, le modèle gravitaire, l’analyse n’a pas du tout été conduite au même niveau, ni selon les mêmes ambitions.

Dans les deux premiers cas, il est évident que le modèle territorial exploité rend compte d’un niveau de structuration de l’espace, celui où s’opère la mise en valeur agricole et pastorale, plus agricole que pastorale d’ailleurs, puisque l’activité pastorale requiert plus d’espaces et des espaces très différenciés, à peu près impalpables pour l’archéologie. En revanche, ce modèle manque d’efficacité pour démêler l’imbrication de rapports hiérarchiques qui s’expriment hors du strict champ de la production agricole. L’essai de la troisième équipe est à ce titre fort louable, mais demeure malheureusement insuffisant eu égard à l’indigence des données mobilisées pour établir la hiérarchisation des établissements, même si l’expérience comportait dans ses attendus initiaux la volonté explicite de «faire avec ce que l’on a», c’est-à-dire de raisonner en termes spatiaux sur un échantillon archéologique de qualité minimale. Le modèle doit être enrichi de nouvelles variables, susceptibles de fonder une nouvelle hiérarchie, renseignées par rapport à d’autres champs — politique, idéologique, commercial — qui ne se livrent pas avec la même évidence dans les données archéologiques (Favory, Raynaud, 1999). Toutefois, ces mêmes données archéologiques peuvent sans doute être mises à contribution pour engendrer des variables inédites, connotant les dimensions superstructurelles du réseau d’habitat. Il est toujours risqué d’utiliser un qualificatif aussi fortement connoté, mais on ne craint rien si on en précise le sens. Nous entendons par superstructure l’ensemble des rapports, difficilement perceptibles dans les artéfacts collectés par l’archéologue, qui structurent l’organisation d’un réseau d’habitat et fondent sa hiérarchie: position de chaque agglomération par rapport au réseau des échanges, à la circulation des produits et des informations (où se trouvent les marchés? qui en contrôle le calendrier, l’emplacement, la durée, la périodicité? où se rassemble-t-on? comment se gère et se répartit la ponction fiscale? où siègent les collecteurs de l’impôt?), rôle spécifique dans la production du symbolique (où se trouvent les monuments sacrés et les sanctuaires? qui en la charge?), dans le fonctionnement des juridictions (où rend-on la justice? qui la rend?), dans la démonstration sociale (où résident les notables? où sont localisées leurs sépultures?) et dans la gestion du politique (quelle agglomération fonctionne comme chef-lieu de telle entité territoriale? sur quels habitats exerce-t-elle son hégémonie politico-administrative?). De telles questions exigent que l’on élargisse le cadre de l’analyse du réseau d’habitat à celui du «système de villes» tel qu’il est envisagé dans la troisième partie tout en approfondissant les modes de hiérarchisation.

De cet aperçu de l’évolution d’une démarche, il ressort que, même si des progrès méthodologiques et technologiques peuvent encore être envisagés, le véritable défi scientifique concernant la modélisation des réseaux de peuplement reste conceptuel. Il implique de poursuivre une réflexion interdisciplinaire de fond pour savoir intégrer des analyses à plusieurs niveaux spatiaux, temporels et fonctionnels en concevant des variables synthétiques et significatives complexes adaptées et fondées sur des informations historiques et archéologiques riches.

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Notes

1. Dans cet article, nous parlons en termes d’établissement et non de site archéologique. La notion de site est ici définie en tant qu’entité correspondant à une concentration de vestiges archéologiques, localisée et délimitée. Les vestiges retrouvés sont suffisamment caractéristiques pour être datés, même de manière large (grande période chrono-culturelle). En ce sens, le site archéologique est entendu comme une référence géographique: c’est une entité spatiale, repérée dans l’espace comme une référence en termes d’acquisition des données; c’est l’une des entités de base repérables en prospection, à côté des indices de sites archéologiques ou du mobilier retrouvé hors site (semis de mobilier archéologique sans concentration évidente). Le terme de site est à différencier du terme d’établissement, qui fait plus précisément référence à l’occupation humaine. Un établissement est un lieu où l’homme s’est établi (dans un sens large, sans connotation structurelle ou fonctionnelle: il peut s’agir d’un habitat ou d’un bâtiment annexe) à un moment donné et de manière plus ou moins durable. Un établissement peut donc correspondre à un site ou à une partie de site: en un même point de l’espace (c’est-à-dire sur un même site), plusieurs occupations humaines (c’est-à-dire plusieurs établissements) ont pu se succéder. Ainsi, l’établissement se distingue de la notion de site en représentant une seule phase d’occupation. Par ailleurs, si dans certains cas un «établissement» ne désigne qu’une simple annexe, ce même terme est utilisé par les archéologues pour désigner une «agglomération», dans le sens d’un groupement d’habitats.

2. Chacune des recherches évoquées dans cet article est fondée sur plusieurs centaines d’établissements, pour lesquels une base de donnée constituée de descripteurs homogènes a été constituée et analysée à l’aide d’analyses factorielles et de classifications automatiques afin d’appréhender les principaux traits de la structuration de l’habitat.

3. Outre le souci évident de sécurité, la maîtrise visuelle de l’espace agraire s’entend, dans les société fortement hiérarchisées, comme une des conditions du contrôle et de la surveillance des groupes de travailleurs placés sous l’autorité d’un propriétaire foncier.

4. Par exemple, la superficie d’un site archéologique est globalement fonction de son importance, mais la relation n’est pas systématique et de plus elle varie relativement à la période considérée.

5. Il s’agit d’une analyse en composantes principales (ACP), et assez naturellement la première composante traduit l’existence d’un «effet de masse» et range les établissements globalement, des notes les plus faibles aux plus fortes. Les coordonnées des établissements sur cette composante principale définissent un indicateur synthétique du niveau hiérarchique des établissements.