L'évolution de l'armature urbaine en Arabie du Sud: la vallée du Jawf du VIIIe siècle av. au VIe siècle apr. J.-C.

Sommaire du numéro
N° 84 (4-2006)

L'évolution de l'armature urbaine en Arabie du Sud: la vallée du Jawf du VIIIe siècle av. au VIe siècle apr. J.-C.

Jérémie Schiettecattea

Centre d'anthropologie, École des hautes études en sciences sociales, Toulouse

Résumés  
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L'Arabie du Sud antique n'est souvent connue que par les événements qu'en relatent les sources religieuses: le personnage de la reine de Saba' apportant des richesses au roi Salomon, évoqué par la Bible (I Rois 10), ou la rupture du grand barrage de Ma'rib, mentionnée par le Coran (Sourate 34, 15-16). Ces événements, d'une historicité incertaine, évoquent en filigrane les éléments majeurs qui caractérisent cette région antique: une région riche en aromates, divisée en royaumes, qui a tiré profit du développement de systèmes hydrauliques importants pour l'agriculture. L'Arabie du Sud s'étend sur le territoire actuel du Yémen, le débordant très légèrement dans le Sud-Ouest saoudien (région du 'Asîr, wâdî Najrân) et omanais (région du Dhofâr) (fig. 1). L'apparition dans toute cette région, vers les XIIe-Xe siècles av. J.-C., d'un alphabet commun et de traits architecturaux et artistiques identiques a amené les chercheurs à qualifier de «sudarabiques» la période et la culture qui s'ensuivent. Cette culture s'éteint à la fin du VIe siècle apr. J.-C., peu de temps avant le début de la période islamique. C'est donc par une acception à la fois culturelle, géographique et chronologique que l'on entendra le terme «sudarabique».

1. Carte de localisation de l'Arabie du Sud

La majorité des bourgades et des villes sudarabiques se développent dans un premier temps au débouché des vallées, sur le pourtour du désert intérieur, le Ramlat as-Sab'atayn. Dans ce milieu aride, l'agriculture sèche n'est pas possible. Les populations tirent profit des crues provoquées par les pluies de mousson sur les Hautes Terres au printemps et en été en développant des réseaux d'irrigation de plus en plus vastes (1) qui sont à l'origine d'une complexité sociale croissante (Schiettecatte, à paraître).

Le Jawf, qui nous intéresse plus spécifiquement, est la plus grande de ces vallées, débouchant à l'ouest du désert intérieur. Cette région, au milieu favorable à l'installation de populations sédentaires, est l'une des premières où apparaît le phénomène urbain en Arabie du Sud. Des villes y sont attestées dès le début du Ier millénaire av. J.-C., sous la forme originale d'entités autonomes dont le nom désigne à la fois le territoire, la ville et la tribu qui y habite. Pour les qualifier, nous adopterons le terme de cité-tribu (2). La formation de ces cités remonte à la transition entre âge du Bronze et âge du Fer (fin du IIe-début du Ier millénaire av. J.-C.). Leur disparition s'étale entre le milieu du Ier millénaire av. J.-C. et le début de l'ère chrétienne. Par ailleurs, au début de l'ère chrétienne, ce ne sont pas uniquement les cités du Jawf qui disparaissent mais la quasi-totalité des villes du pourtour désertique intérieur. Ce phénomène excite naturellement la curiosité. Avec l'étude de l'évolution de l'armature urbaine au sein de la vallée du Jawf, notre propos sera avant tout de mettre en évidence les facteurs qui conduisent au déclin et à la disparition de ces cités. Nous tenterons de montrer qu'aux motifs habituellement invoqués d'autres peuvent y être substitués.

Les recherches philologiques ont commencé il y a un siècle et demi, les recherches archéologiques il n'y a guère plus de trente ans, exception faite de rares missions de fouilles, de l'ordre d'une par décennie depuis 1928. À cela deux corollaires: les analyses des philologues ont eu tendance à se concentrer sur une expression historicisée des liens de causalité; les archéologues essaient d'apporter les données de terrain dans ces cadres préformés, tentant d'en remanier les contours par l'insertion de données chronologiques absolues, de données environnementales et de données sur l'évolution des cultures matérielles.

C'est du croisement de ces types de données qu'il nous faut tirer nos conclusions en nuançant la réflexion portée sur les seuls événements historiques dans l'établissement des rapports de cause à effet. Ceci peut être fait de diverses manières. La cartographie historique en est une que nous avons choisi d'illustrer par une étude de cas: l'évolution de l'armature urbaine et le déclin des cités de la région du Jawf (Yémen), du VIIIe siècle av. J.-C., date des premières attestations épigraphiques de leur existence (3), jusqu'au VIe siècle apr. J.-C., date de la dernière mention de ces cités.

Plusieurs facteurs expliquent ces disparitions; nous les exposerons avec leurs limites. Nous présenterons ensuite la manière dont nous avons cartographié l'évolution de l'armature urbaine dans cette région, en prenant en compte les poids hiérarchiques des sites considérés, dans une perspective diachronique. On en arrivera à ce que peuvent apporter les cartes, à la fois pour étudier les relations de causalité et pour réinterpréter certaines conclusions sur la nature de leur déclin.

Vie et mort des cités du Jawf, vision traditionnelle

Cadre géographique

La vallée du Jawf est une large plaine orientée d'ouest en est, formée par subsidence. Deux failles sur ses bordures nord et sud délimitent un vaste graben d'environ 70 km de long pour 20 km de large à son débouché. Cette plaine sédimentaire draine les eaux d'un vaste bassin hydrographique (env. 18 000 km2) et s'ouvre sur les marges du Ramlat as-Sab'atayn, erg aux longues dunes séparées par des couloirs interdunaires qui offrent, avec les zones de déflation et les regs en marge, des voies de circulation privilégiées.

Ce milieu est favorable à la sédentarisation: une large plaine sédimentaire, à faible coefficient d'écoulement, bénéficiant de crues abondantes, bordée de reliefs, où les matériaux de construction peuvent être extraits, et à proximité de voies de communications potentielles. On y trouve logiquement quelques-uns des sites les plus importants de la civilisation sudarabique.

Les cités du Jawf

À l'aube de la période sudarabique, les inscriptions monumentales mentionnent, dans la région du Jawf, plusieurs entités territoriales que nous avons définies comme des cités-tribus. Celles-ci sont structurées en clans, eux-mêmes fédérés en tribus. Ces tribus partagent une même langue, chacune dispose de son propre panthéon. Certaines occupent un territoire autonome dont elles tirent leur subsistance, et qui est intimement associé à la tribu; territoire et tribu portent le même nom, résultat d'un ancrage territorial profond. Ces chefferies, politiquement indépendantes, reconnaissent l'autorité d'un dirigeant.

Ces cités-tribus sont d'amont en aval: Nashshân avec deux villes, Nashq (aujourd'hui al-Bay/dâ') et Nashshân (aujourd'hui as-Sawdâ'); Kaminahû avec la ville du même nom (aujourd'hui Kamna); Haram avec la ville du même nom; Ma'în avec la ville de Qarnaw (aujourd'hui Ma'în); et Inabba' avec la ville du même nom. À cela, il s'ajoute deux villes sous tutelle du royaume voisin de Saba': Yathill (aujourd'hui Barâqish) et Kuhâl (aujourd'hui Jidfir Ibn Munaykhir) (fig. 2).

2. La vallée du Jawf au VIIIe siècle av. J. C.

Toutes les villes qui constituent au cours de la période dite sudarabique (VIIIe siècle av. J.-C.- VIe siècle apr. J.-C.) l'armature du réseau urbain du Jawf ont déjà atteint leur maturité alors qu'apparaissent les premières inscriptions monumentales et les premiers témoignages d'une forte hiérarchisation sociale (VIIIe siècle av. J.-C.). Elles sont traditionnellement perçues comme des centres stables, aux fonctions défensives (rempart), religieuses (sanctuaire de la divinité tutélaire du panthéon tribal), administratives (présence d'une élite assumant la gestion du périmètre agricole irrigué et son entretien) et économiques (relais sur les voies commerciales). Certaines d'entre elles ont aussi une fonction politique, avec la présence du dirigeant de la tribu et du territoire de la cité.

Un premier repli du réseau urbain contemporain d'un déclin du royaume de Saba'

Les deux premières villes à disparaître sont Kuhâl et Inabba'. Dans la première, Kuhâl, les inscriptions et la céramique observées en surface sont caractéristiques de la période sudarabique ancienne (VIIIe-VIIe siècles av. J.-C.). L'emploi exclusif de la langue sabéenne, le culte de divinités sabéennes (Sami', Almaqah) et la mention de souverains sabéens dans les textes permettent de rattacher ce site du Jawf méridional à la sphère sabéenne, probablement dès son occupation la plus ancienne. Le site semble abandonné à une haute époque, probablement dès les VIIe-VIe siècles av. J.-C. pour des raisons inconnues.

Inabba', au début du Ier millénaire av. J.-C., apparaît comme une entité autonome, son indépendance reste incertaine. Si elle est dirigée par un souverain et que la langue employée y est celle des tribus du Jawf, le madhâbien, certaines des divinités de son panthéon sont sabéennes, en particulier Sami', objet d'un culte dans le grand sanctuaire confédéral sabéen du jabal al-Lawdh (à 14 km au nord-est d'Inabba') et à Ma'rib, capitale sabéenne. Cette communauté, bien qu'autonome, pourrait avoir été placée sous tutelle sabéenne. La localisation du site, à mi-chemin entre Yathill et le jabal al-Lawdh, tous deux dans la sphère sabéenne aux VIIIe-VIIe siècles av. J.-C., va dans ce sens. L'occupation du site décline rapidement, aucune inscription n'atteste l'occupation postérieure au VIIe siècle av. J.-C.

Kuhâl et Inabba' sont toutes deux dans la mouvance sabéenne, l'une autonome, l'autre non. La période de leur déclin et de leur abandon correspond à celle durant laquelle ce même royaume se replie sur lui-même, à la suite de la montée en puissance de ses voisins. Le sanctuaire sabéen du jabal al-Lawdh est abandonné. L'abandon des deux villes peut être ainsi perçu comme la conséquence du repli sabéen. Cela paraîtrait d'autant plus crédible que le site sabéen de Hizmat Abî Thawr, en amont du Jawf, semble disparaître à la même époque. Cette explication est toutefois insuffisante si l'on considère la continuité de l'occupation de Yathill, également sous autorité sabéenne durant la période antérieure. Cette ville se maintient et connaît même une forte croissance dans les siècles qui suivent. Les causes du déclin de Kuhâl et d'Inabba' sont peut-être à chercher ailleurs.

Un second repli qui résulterait des migrations de populations arabes et d'une expédition romaine

Entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle apr. J.-C., quatre villes majeures disparaissent de la région: Yathill, Kaminahû, Qarnaw et Haram. Deux événements sont privilégiés pour expliquer ce phénomène: la pénétration de tribus arabes venues du Nord et l'expédition menée en 25 av. J.-C. par le préfet romain d'Égypte, Ælius Gallus, qui a entrepris la conquête de l'Arabie du Sud, l'Arabie réputée heureuse dans l'empire, pourvoyeuse d'aromates (fig. 3).

3. La vallée du Jawf aux IIe-Ier siècles av. J. C.

Yathill, au IIe siècle av. J.-C., fait partie intégrante du royaume de Ma'în, dont le déclin commence. La ville demeure une place défensive et religieuse; un nouveau réseau d'irrigation est mis en service; le site est désormais occupé par une population d'origine arabe y ayant transféré son panthéon. Les sources classiques du Ier siècle av. J.-C. montrent toutefois que le site n'est plus la grande ville fortifiée des siècles précédents. Dans le récit de l'expédition que fait Strabon (Géographie, XVI, 4, 24), la ville d'Athroula, identifiée à Yathill, se rend sans coup férir; l'armée romaine peut s'y réapprovisionner en blé et en dattes. Toutefois, un épais niveau d'incendie marque le début de l'abandon du site dans le courant des Ier siècle av. J.-C.- Ier siècle apr. J.-C. (Maigret, 1991, p. 4). L'armée romaine dévaste-t-elle le site sur la route du retour? Sans que le lien puisse être fait, cette hypothèse a parfois été avancée pour justifier ce niveau de destruction. Si le toponyme est mentionné au Ier siècle apr. J.-C. et au IIIe siècle apr. J.-C. dans deux inscriptions monumentales, il ne l'est plus que comme un repère topographique. Quoi qu'il en soit, les causes de l'abandon du site ne sont pas clairement déterminées.

Kaminahû, entre le VIIe siècle et le IIe siècle av. J.-C., est le centre d'une petite entité territoriale indépendante. Aux IIe-Ier siècles av. J.-C., celle-ci connaît une renaissance liée au déclin du royaume voisin de Ma'în, qui avait étouffé jusque-là les velléités indépendantistes régionales, et à l'installation de tribus arabes dans la région qui profitent de cette redéfinition des équilibres politiques pour prendre le contrôle du royaume de Kaminahû. Au Ier siècle apr. J.-C., plus aucune inscription n'est frappée sur le site; le toponyme n'apparaît plus dans les textes des cités voisines. Si l'on accepte l'identification de la Caminacum de Pline l'Ancien (Histoire naturelle, VI, 32, 160) avec Kaminahû, on peut supposer que le site fut détruit lors de l'expédition d'Ælius Gallus comme l'évoque ce récit. La ville ne se relève pas de cette tragédie.

Qarnaw est la capitale du royaume de Ma'în, qui disparaît entre le Ier siècle av. et le Ier siècle apr. J.-C.; on n'y trouve aucune inscription postérieure à cette période. La ville est mentionnée une dernière fois quelques décennies plus tard. On pourrait voir dans sa disparition les conséquences d'un affaiblissement lié à la pénétration des tribus arabes dans les villes voisines, qui accaparent progressivement le contrôle du commerce caravanier sur lequel le royaume de Ma'în et sa capitale Qarnaw fondaient leur richesse. Le site n'est pas évoqué dans le cadre de l'expédition d'Ælius Gallus, qui passe pourtant à proximité. Lorsque Strabon l'évoque en tant que metropolis (Géographie, XVI, 4, 2), c'est en s'appuyant sur le récit d'Ératosthène de Cyrène datant du IIIe siècle av. J.-C.; la mention qu'en fait Pline (Hist. nat., VI, 157) dans sa description de l'Arabie s'inspire probablement de ces anciennes sources. Il en va probablement de même chez Cl. Ptolémée ( Géographie, VI, 7, 34) qui définit Ma'în au IIe siècle av. J.-C. comme basileion alors que les données locales ont cessé de mentionner le site depuis deux siècles. Le site existe-t-il seulement encore à l'époque d'Ælius Gallus? Rien ne permet de l'affirmer. Si tel fut le cas, l'abandon de la ville pourrait être expliqué par la pression des populations voisines des Hautes Terres au tournant de l'ère chrétienne (Robin, 1998, p. 185-186).

Haram, à partir du IIe siècle av. J.-C., connaît de grands changements: changements linguistiques, remplacement des anciens cultes par ceux de divinités arabes (Halfân et dhû-Samâwî), changements dans la structure sociale (le souverain fait place à un conseil tribal). Tout ceci est le résultat d'un changement de population et d'un développement des liens avec le monde nomade arabe (Robin, 1991a, p. 77; 1992, passim). Les tribus 'Athtar et Amîr, nouvellement établies, dominent le commerce caravanier, prenant la place du royaume déclinant de Ma'în. Haram est au centre d'un territoire autonome. Cette ville, dans laquelle on peut reconnaître la Carmei de Pline (Hist. nat., VI, 157), ne figure pas parmi les sites traversés par l'expédition d'Ælius Gallus. Une activité, encore grande, y serait attestée au courant du Ier siècle: présence des clans Amîr et 'Athtar, périmètre irrigué en service. Le site ne survit toutefois pas longtemps: aucun texte postérieur n'y a été trouvé, il n'est plus mentionné par ailleurs. Est-il également victime de la montée en puissance des royaumes des Hautes Terres?

Nashshân et Nashq, dans l'ensemble des villes qui constituaient l'armature urbaine de la région du Jawf, sont seules à rester en place, désormais intégrées dans un royaume sabéen qui connaît une véritable renaissance entre les Ier et IIIe siècles, mais entre le IVe et le VIe siècle elles semblent abandonnées pour des raisons jusqu'ici inexpliquées.

Cartographie et analyse thématique: la hiérarchie urbaine dans une perspective diachronique

L'étude des causes du déclin des villes du Jawf s'appuie sur les modes d'analyse traditionnels, fondés sur des données principalement épigraphiques. Précisons que pour des raisons de sécurité, cette région reste largement inaccessible aux missions archéologiques. Seuls deux sites y ont fait l'objet de fouilles: Yathill, en bordure méridionale (Maigret, 1991, 1993, 2004), et Nashshân sur deux secteurs extrêmement restreints, un temple extra-muros (Breton, 1992) et un temple intra-muros (Arbach, Audouin, 2004).

Gestion et quantification des données

Nous avons abordé l'évolution de l'armature urbaine sudarabique en adaptant la démarche qui a inspiré le projet Archeomedes (Archeomedes, 1998; Van der Leeuw, Favory, Fiches, 2003). La méthode utilisée consiste à étudier les variations des poids hiérarchiques des sites, de manière à représenter, par une vision cartographique globale, les trajectoires individuelles de chacun de ces sites (voir encadré). Ces poids sont ensuite matérialisés sous la forme d'implantations cartographiques ponctuelles reflétant dans leur ensemble l'état de l'armature urbaine au cours de son évolution. Précisons que les descripteurs utilisables ne sont pas aussi abondants que ceux que l'on peut attendre d'une étude effectuée en France, du fait d'un nombre de sites beaucoup plus limité ou de données indisponibles (absence de données pédologiques, mobilier mal connu, impossibilité de connaître la distance à la voirie ou les relations linéaires avec les autres sites pour reprendre les critères de hiérarchisation appliqués aux sites d'habitat gallo-romains de l'étang de l'Or dans l'Hérault, Favory et al., 1994).

L'impossibilité d'obtenir des descripteurs quantitatifs applicables aux sites (variations de population ou de superficie) et la nature limitée des données exploitables nous imposent de rester cantonné à ce que D. Pumain et Th. Saint-Julien qualifient d'«analyse typologique et statique», les sites étant considérés comme «des systèmes clos» où «toutes les activités sont traitées de la même manière, qu'elles soient l'expression de systèmes de production différents, de dépendances extérieures ou produit urbain proprement dit» (Pumain, Saint-Julien, 1976, p. 414-415). Nous reconnaissons ici la limite de notre analyse.

Intégrer la variable chronologique

Afin de pouvoir refléter l'évolution de ce poids dans le temps, nous avons dû considérer, pour chacun des descripteurs renseignés, la durée durant laquelle il convenait d'en attester la présence. Un site cumule rarement l'ensemble de ses fonctions sur la totalité de la période d'occupation que nous lui connaissons. Nous avons donc dupliqué le modèle par tranche d'un siècle, depuis le VIIIe siècle av. J.-C. jusqu'au VIe siècle apr. J.-C.; chaque rubrique est ainsi renseignée siècle par siècle. Reconnaissons que dans de nombreux cas de figure, il est difficile de tenir la précision de l'ordre du siècle; nous avons pris le parti de faire figurer, sur les cartes, la catégorie nommée «occupation de nature indéterminée » pour compenser les lacunes de la documentation.

Cartographie et analyse thématique

Ayant déterminé les seuils de représentation des hameaux, villages, bourgades et villes, nous avons obtenu quatre grandes catégories de sites. .

Hameaux et villages sont figurés par un unique symbole. Ce sont les sites dont la valeur du poids oscille entre 2 et 6 et ayant une superficie de l'habitat aggloméré inférieure à 0,3 ha pour les hameaux, à 0,8 ha pour les villages. Les populations y vivent d'une économie de subsistance marquée par la mise en culture et l'entretien d'un périmètre irrigué; cela correspond généralement à l'association d'un site d'habitat isolé avec un système hydraulique et des terrasses de culture/champs irrigués; peuvent y être associés un puits ou un sanctuaire.

Les bourgades ont un poids dont la valeur oscille entre 7 et 10. La superficie de l'habitat aggloméré excède 0,8 ha; aux fonctions évoquées précédemment s'ajoute la présence de fortifications, parfois de maisons-tours. Ces sites se caractérisent par une fonction de subsistance, une fonction défensive et une fonction administrative liée à l'entretien du périmètre irrigué.

Les centres urbains locaux sont des sites dont le poids varie entre 11 et 15 et dont la superficie est supérieure à 2 ha. Ils réunissent généralement les fonctions défensives, la gestion d'un terroir caractérisé par la présence de structures d'irrigation, la fonction cultuelle marquée par la présence d'un sanctuaire fédérateur, la fonction politique qui transparaît dans la résidence d'une élite locale.

Au-delà de ces valeurs, nous avons généralement affaire à une grande ville, comportant un sanctuaire tribal fédérateur, un siège du pouvoir supra-local, etc.

Apport de l'analyse cartographique à l'interprétation des causes du déclin des cités du Jawf

La projection cartographique des données apparaît dans une perspective diachronique sur les cartes (fig. 4a à 4e). Différents éléments nous ont incité à déterminer les cinq périodes représentées. La figure 4a représente la situation du VIIIe siècle av. J.-C. C'est à cette période qu'apparaissent les cités-tribus du Jawf dans la documentation épigraphique et que l'on commence à cerner leur structure sociale. La situation se modifie sensiblement entre la fin du VIIe siècle et le début du IIe siècle av. J.-C. avec le retrait du royaume de Saba' de la région et le développement du royaume de Ma'în. Durant cette phase, le IVe siècle est le mieux documenté. Il a donc été représenté sur la figure 4b . La figure 4c montre la situation aux IIe et Ier siècles, période du déclin du royaume de Ma'în et de la pénétration de tribus arabes dans la région qui provoque une rupture culturelle majeure sur les sites de Kaminahû et Haram. La figure 4d représente la situation au lendemain du passage de l'expédition romaine d'Ælius Gallus (25 av. J.-C.). La dernière carte (fig. 4e), enfin, fait un état des lieux au IIIe siècle apr. J.-C., période où, pour la dernière fois, les cités du Jawf sont explicitement mentionnées dans la documentation épigraphique sudarabique.

4a. Le réseau urbain dans la vallée du Jawf au VIIIe siècle av. J.-C.

Plusieurs observations peuvent être faites. La première est le constat d'une forte résilience des sites urbains face aux changements sociopolitiques. Les premiers événements susceptibles d'avoir perturbé le réseau urbain du Jawf sont les interventions militaires sabéennes du VIIe siècle av. J.-C. Si l'armature urbaine s'en trouve légèrement modifiée et que le tracé des frontières des territoires tribaux est redéfini, le réseau urbain n'en sort que légèrement altéré. Yathill et Qarnaw passent respectivement du statut de bourgade et de ville à celui de grande ville, Nashq conserve son statut de ville alors que Nashshân perd l'importance qu'elle avait acquise précédemment, prenant un statut équivalent à celui de sa voisine Nashq. Seules les villes d'Inabba' et de Kuhâl disparaissent pour des raisons indéterminées.

4b. Le réseau urbain dans la vallée du Jawf au IVe siècle av. J.-C.

Le second événement socioculturel majeur est la part active que prennent les Minéens (habitants du royaume de Ma'în) dans le commerce caravanier à partir du VIe siècle av. J.-C. Les habitants de Yathill, Qarnaw et Nashshân font le commerce des aromates à travers toute la péninsule Arabique, jusqu'en Grèce et en Égypte; ces Minéens sont établis dans plusieurs villes d'Arabie. Ne sont-ils pas tentés de mettre à profit ces richesses pour entreprendre une politique expansionniste, accroître leur importance au détriment des voisins? Le réseau urbain ne reflète aucun changement dans ce sens, affichant au contraire une relative stabilité des différentes villes alentour (fig. 4b). L'explication historique se trouve probablement dans une émancipation incomplète de ce royaume. Son activité semble menée avec l'aval des grands royaumes voisins sous l'influence desquels Ma'în semble placée par intermittence. Ainsi, au milieu du IVe siècle av. J.-C., un souverain du royaume du Hadramawt (région orientale du Yémen) finance la construction d'une portion du rempart de Ma'în tandis que pèsent les menaces sabéennes; au IIIe siècle av. J.-C., le souverain minéen consacre un ouvrage hydraulique aux divinités de Ma'în et de Saba'; quelques années plus tard, dans une dédicace de restauration du temple de Nakrah à Yathill, le roi de Ma'în invoque les divinités de Ma'în et de Yathill mais aussi les dieux, patrons, rois et tribus de Saba'. Enfin, les Minéens bénéficient, à différentes périodes, de traitements de faveur de la part du souverain de Qatabân (royaume établi en bordure sud du désert intérieur).

4c. Le réseau urbain dans la vallée du Jawf au Ier siècle av. J.-C.

Au cours de cette domination minéenne sur le Jawf, seule la bourgade Tahtay disparaît pour des raisons inconnues.

Qu'en est-il des pénétrations arabes dans le Jawf qui semblent déstabiliser la région à partir du IIe siècle av. J.-C.? La carte du Ier siècle av. J.-C. (fig. 4c) ne révèle pas de grands changements dans l'organisation du tissu urbain, si ce n'est une perte d'importance de Yathill, qui du statut de grande ville reprend celui de centre urbain local. Les entités politiques se recomposent et les populations changent profondément (cf. supra); néanmoins, le réseau urbain se maintient tel quel.

L'expédition d'Ælius Gallus (fig. 3) n'affecte pas sensiblement le tissu urbain de la région. Comparant la situation du Ier siècle av. J.-C. à celle du Ier siècle apr. J.-C., on constate l'abandon de deux grandes villes, Qarnaw et Kaminahû, et de la désormais petite ville de Yathill (fig. 4c, d). Or seule Kaminahû fut assurément détruite par l'armée romaine. Qarnaw ne fait pas partie des villes touchées par l'expédition et sa disparition autant que celle de Yathill ont vraisemblablement d'autres raisons. Nashq et Nashshân, toutes deux sur le passage de l'expédition romaine, ainsi que Haram survivent à cet événement. Yathill et Qarnaw sont probablement encore occupées pour quelques décennies.

On constate donc une résilience assez forte du tissu urbain du Jawf face aux événements politiques, économiques ou militaires. Certes, des villes disparaissent au cours du Ier millénaire av. J.-C., mais pour des raisons visiblement autres que celles généralement avancées, à l'exception de Kaminahû, victime de l'expédition d'Ælius Gallus.

La cause principale du déclin des cités du Jawf nous semble résider ailleurs. Au regard des cartes de l'évolution du réseau urbain (fig. 4a, b, c, d, e), un fait est manifeste: les premiers sites à décliner sont ceux implantés le plus en aval, en deçà de la courbe isométrique des 1 100 m; ces sites disparaissent ensuite les uns après les autres en remontant vers l'amont du wâdî Madhâb. Comment comprendre ce phénomène autrement que par une lecture environnementale? En effet, la diminution progressive du poids hiérarchique des sites puis leur disparition complète, progressivement et exclusivement de l'aval vers l'amont d'un même cours d'eau temporaire, nous amène à corréler ce déclin avec une diminution du débit du cours d'eau temporaire: les crues parviennent de moins en moins loin. Rappelons que la subsistance des populations de ces cités est principalement assurée par les deux crues annuelles qui permettent l'irrigation et la culture des terres. Or les terres les plus en aval ont pu s'assécher progressivement et consécutivement à un recul progressif du front de la crue, entraînant le déclin des cités puis leur disparition, parfois précipitée par un événement historique (expédition romaine par ex.).

C'est Inabba' (1 083 m d'altitude), tout d'abord, qui disparaît entre le VIIe et le IVe siècle av. J.-C., ainsi que Kuhâl, Kutal et 'Ararât, trois sites dépendant de deux autres bassins-versants pour des raisons peut-être similaires. Pour cette période et dans la seule vallée du Jawf (wâdî Madhâb), nous pouvons postuler le recul du front de crue de l'isomètre des 1 080 m au VIIIe siècle av. J.-C. à celui des 1 090 m au IVe siècle av. J.-C. (fig. 4a, b).

4d. Le réseau urbain dans la vallée du Jawf au Ier siècle apr. J.-C.

Au Ier siècle av. J.-C., on peut envisager un recul sur la courbe des 1 100 m. L'affaiblissement du poids hiérarchique de Barâqish pourrait en être une conséquence et un révélateur (fig. 4c). Au siècle suivant, le front de crue semble s'arrêter à l'isomètre des 1 110 m (fig. 4d). Qarnaw et Yathill, installées dans cet intervalle (1 100-1 110 m), disparaissent alors, ainsi que Kaminahû, implantée plus en amont (env. 1 130 m), dont la disparition est indépendante du recul du front de crue et semble liée au passage de l'expédition romaine (cf. supra).

Enfin, entre le Ier siècle et le IIIe siècle, le front de crue semble reculer dans l'intervalle compris entre 1 120 et 1 140 m d'altitude; ce recul est marqué par la disparition au Ier siècle de Haram, installée à environ 1120 m d'altitude (fig. 4d, e).

4e. Le réseau urbain dans la vallée du Jawf au IIIe siècle apr. J.-C.

Sans souscrire à un quelconque déterminisme environnemental, on ne peut nier l'influence d'un phénomène naturel sur l'organisation du réseau urbain. C'est un recul du front de crue qui transparaît ici et que reflète une inscription du Ier siècle mentionnant une année sans eau (4). Si des causes événementielles semblent précipiter le sort de certaines villes, la cause profonde de leur disparition doit probablement être recherchée dans un affaiblissement de la structure même de la société urbaine du fait des changements environnementaux (fig. 5). Il convient dès lors de relativiser la portée destructrice de l'expédition d'Ælius Gallus -- qui ne semble affecter que Kaminahû -- ou celle des pénétrations arabes. Si ces dernières transforment la structure sociale des villes de Haram et Kaminahû, elles n'entraînent pas la disparition de ces villes ni de leurs voisines.

5. L'impact du recul du front de crue

Nashq et Nashshân, installées plus en amont (à respectivement 1 146 m et 1 153 m d'altitude), sont encore occupées quelques siècles. Si la persistance d'une occupation peut en partie s'expliquer par cette implantation plus élevée, notons par ailleurs que les populations de ces villes sont héritières d'un savoir-faire plurimillénaire en matière d'irrigation. Ceci justifie peut-être la continuité de l'occupation de ces deux sites contrairement à ceux touchés par la pénétration arabe et occupés à partir du IIe siècle av. J.-C. par des populations allogènes dont la moindre maîtrise de l'irrigation transparaît peut-être dans le tracé du second périmètre irrigué de Yathill (5). Enfin, ces deux villes de Nashshân et Nashq sont également soutenues par la volonté du pouvoir royal sabéen de préserver des cités dont l'histoire et l'héritage consolident la légitimité du pouvoir. Ce volontarisme sabéen s'insère dans ce que A. Avanzini (1995, p. 60) évoquait comme «un besoin idéologique de refondation de l'État sabéen», qui s'accompagne notamment de la remise en place des cultes archaïques du jabal al-Lawdh, au nord-est du Jawf.

Dans le nouveau contexte politique du début de l'ère chrétienne opposant Saba' à Himyar sur les Hautes Terres et dans lequel les anciennes entités politiques du Jawf ont disparu, Nashq et Nashshân, associées à Ma'rib, apparaissent comme les héritières politiques de la vieille aristocratie sabéenne (Avanzini, 1995, p. 59). Elles survivent cinq siècles durant à leurs voisines.

En guise de conclusion…

L'impact environnemental sur le déclin des cités du Jawf semble, au regard de cette cartographie historique, très vraisemblable. Nous ne pouvons toutefois pas rejeter les causes traditionnelles de l'effondrement des villes du Jawf sur la base de considérations frôlant le déterminisme environnemental. Si l'argument environnemental doit être justifié, le déterminisme doit, quant à lui, être relativisé.

6. Les causes du recul du front de crue

Justifier l'hypothèse d'un recul du front de crue, tout d'abord, peut se faire par divers arguments qu'une étude géomorphologique devrait pouvoir étayer. Les précipitations se concentrent sur l'impluvium montagneux des Hautes Terres; de fortes pentes, dénudées et imperméables, induisant de forts coefficients d'écoulement, permettent aux crues d'atteindre les vallées en aval, dont celle du Jawf. Chaque année, les crues transportent des sédiments qui s'accumulent progressivement. Or l'accumulation de ces sédiments absorbe une quantité d'eau croissante à surface irriguée équivalente. Second point, le développement progressif des cultures en terrasses sur les Hautes Terres, particulièrement important au tournant de l'ère chrétienne, avec la réalisation de barrages, prive très certainement les vallées en aval d'une grande partie des écoulements (fig. 6).

Relativiser le déterminisme environnemental ensuite: la cause profonde du déclin des villes du Jawf est avant tout environnementale, nous en voulons pour preuve la forte résilience du tissu urbain face aux événements historiques; ce sont toutefois les événements historiques qui précipitent le déclin des cités affaiblies par le recul du front de crue. Il convient alors de faire la part des choses; l'analyse cartographique nous en offre ici les moyens.

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Notes

  1. Dans son extension maximale, la plus grande oasis connue, celle de Ma'rib, atteint durant la période sudarabique la superficie de 10 000 ha.
  2. Ces cités ont parfois été qualifiée de cités-États (Arbach, 2001, p. 14; Arbach, Audouin, 2004, p. 50; Breton, 1994, p. 165; Robin, 1991b, p. 52; von Wissmann, 1976, p. 337). Elles présentent, à une exception près, tous les critères de la cité-État définis par M.H. Hansen (2000, p. 19): « A city-state is a highly institutionalised and highly centralised micro-state consisting of one town (often walled) with its immediate hinterland and settled with a stratified population, of whom some are citizens, some foreigners and, sometimes, slaves. Its territory is mostly so small that the urban center can be reached in a day's walk or less, and the politically privileged part of population is so small that it does in fact constitute a face-to-face society. The population is ethnically affiliated with the population of neighboring city-states, but political identity is focused on the city-state itself and based on differentiation from other city-states. A significantly large fraction of the population is settled in the town, the others are settled in the hinterland, either dispersed in farmsteads or nucleated in villages or both. The urban economy implies specialisation of function and division of labour to such an extent that the population has to satisfy a significant part of their daily needs by purchase in the city's market. The city-state is a self-governing but not necessarily an independent political unit.» («Une cité-État est un micro-État fortement institutionnalisé et fortement centralisé, formé de l'association d'une ville (souvent fortifiée) et de son arrière-pays immédiat, comportant une population divisée en une classe de citoyens, quelques étrangers et, parfois, des esclaves. Son territoire est généralement réduit au point que le centre urbain peut être atteint en un jour de marche ou moins et la frange de population politiquement favorisée est si petite qu'elle constitue en fait une société en vis-à-vis. La population est ethniquement affiliée à celle des cités-États voisines, mais l'identité politique se concentre sur la cité-État même par l'expression de son altérité au regard des autres cités-États. Une fraction relativement importante de la population est établie dans la ville, le reste résidant dans l'arrière-pays, tantôt dispersé dans des fermes isolées, tantôt regroupé dans des villages. L'économie urbaine comporte une spécialisation fonctionnelle et une division des tâches telles que la population doit satisfaire à une large part de ses besoins quotidiens en se les procurant dans le marché de la ville. La cité-État est gouvernée de manière autonome mais pas nécessairement une entité politique indépendante.»). Le problème réside toutefois dans la définition du concept de «hautement institutionnalisé». En effet, l'Arabie du Sud au Ier millénaire av. J.-C., à l'exception près du royaume de Qatabân à partir du IIIe siècle av. J.-C., est une société pré-étatique, segmentaire et lignagère. Il nous semble donc tout à fait anachronique de qualifier de cités-États ces petits territoires autonomes centrés autour d'une ville. Comme nous l'avons évoqué, leur nom désigne à la fois et indistinctement celui de la tribu, du territoire et de la ville, d'où l'emploi du terme de cité-tribu que nous avons eu l'occasion de formuler précédemment (Schiettecatte, 2006).
  3. Les fouilles archéologiques dans la région se sont raréfiées. Si l'origine des villes du Jawf est assurément antérieure au VIIIe siècle av. J.-C., compte tenu de l'épaisseur des tells sur lesquels les structures du VIIIe siècle av. J.-C. reposent, nous ne disposons pour le moment d'aucune donnée tangible.
  4. Cette inscription porte le sigle Haram 10 et est publiée par Ch. Robin (1992).
  5. B. Marcolongo (1996, 1997) a mis en évidence deux périmètres irrigués utilisés à deux époques différentes, s'adaptant aux changements des conditions hydrographiques. Le premier système est le plus méridional, présentant des accumulations de limon sur une épaisseur excédant parfois 10 m et couvrant une superficie de 400 ha. Un second périmètre le complète à partir du IIIe siècle av. J.-C.: les canaux y délimitent des parcelles plus larges et plus irrégulières; l'épaisseur des limons y est moins grande, diminuant jusqu'à moins d'un mètre sur la bordure orientale; cette extension de la zone irriguée couvre environ 300 ha.