Sommaire du numéro
N° 87 (3-2007)

Les processus spatio-temporels: quelques notions et concepts préalables à leur représentation

Jean-Paul Cheylan

CNRS, UMR ESPACE 6012, Avignon

Résumés  
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Introduction

Au cours des années 1990-2000 de nombreux travaux ont tenté d’approcher certaines formalisations des représentations disponibles pour restituer les processus spatio-temporels (Langran 1993, Gayte 1997, Frank 2001). Géographes et cartographes se sont également intéressés, plus récemment, à ces questions (Paque, 2004; Josselin et al., 2003). Il a semblé utile, dans le cadre de cette série d’articles consacrés à la cartographie animée, de reprendre certains résultats qui n’avaient fait l’objet que de publications dans l’univers des SIG, et de leur associer les questions de représentation «cartographique dynamique». Les travaux exposés sont issus des séminaires du groupe GCART, séminaire méthodologique de l’UMR ESPACE qui s’est réuni de 2004 à 2007. Un exposé des travaux préalables avait été suivi d’échanges qui ont largement enrichi la problématique autour des méthodes de représentation cartographique et également à propos des questions de représentation conceptuelle de l’espace-temps, comme continuum ou comme collection d’entités.

L’article vise à réexplorer les notions et concepts utiles à une conception organisée et finalisée des représentations dynamiques en cartographie, tant du point de vue de leur pertinence vis-à-vis des phénomènes observés, que de quelques questions de leur restitution cartographique en contexte d’animation des images.

Après un exposé succinct des raisons et perspectives qui conduisent à tenter d’animer des cartes pour donner à voir des situations dynamiques, certains aspects conceptuels des représentations et concepts liés à l’espace et au temps sont abordés. Le débat entre représentations continues ou organisation par des entités données à voir comme des objets fait l’objet d’un bref développement séparant les objets de l’espace et ceux du temps. Les divers types de temps mobilisés sont ensuite explicités.

Une première représentation, pragmatique, des objets spatiotemporels, issue des pratiques antérieures est exposée, elle est ensuite transposée dans un univers plus structuré ne mobilisant que trois concepts: vie, mouvement et généalogie, et qui tendent vers une meilleure conceptualisation des processus spatiotemporels dont on cherche à obtenir la visualisation dynamique. Les éléments de leur formalisation dans les bases de données spatiotemporelles sont ensuite rapidement exposés dans leurs principes.

Les questions que l’on est en droit de se poser à propos de ces processus, les requêtes susceptibles d’être adressées aux bases de données spatiotemporelles, sont abordées à l’aide d’une proposition de classification. Sont enfin explorées quelques pistes et exemples de représentations animées conjointes du temps et de l’espace, illustrant les principaux concepts abordés.

Temps et espace pour comprendre

L’une des premières raisons de s’intéresser à la représentation conjointe de l’espace et du temps réside dans le statut fréquemment perçu, et pratiqué, de facteur explicatif majeur qui est affecté aux processus ayant contribué aux situations observables. Ce mode d’explication, «génétique», c’est-à-dire par la construction historique des situations (Hägerstrand, 1985), repose sur l’idée que la connaissance, ou pour le moins une perception organisée des processus actifs, d’une part, de ceux éteints mais qui demeurent actifs par les traces qu’ils ont laissées, d’autre part, constitue l’une des façons les plus productives d’aborder l’explication géographique. Bien sûr ces traces sont incomplètes, pas toujours totalement ordonnables, ou affectable à un processus, une intentionnalité ou une situation sociale décidable, bien sûr le palimpseste (Brunet 1990) demeure. L’une de nos tâches de chercheur est de contribuer à le démêler, reconstruire et donner à voir. Nous sommes ici évidemment soumis au prisme de «l’histoire de l’histoire», le regard sur le passé: à chaque époque, on reconstruit des visions parfois complémentaires, souvent idéologiquement et implicitement contradictoires. Nous dépassons là la simple explication fonctionnelle puisque ces traces incomplètes et polysémiques, pas toutes nécessairement matérielles comme c’est par exemple le cas de l’appropriation identitaire des structures foncières n’ayant plus de rôle fonctionnel, sont également conviées à l’explication. Ces explications peuvent être de nature:

  • structurelle, les modes et types de systèmes urbains, les motifs spatiaux qu’ils ont produits antérieurement sont conviés à l’explication d’une organisation urbaine;
  • fonctionnelle (dans le temps court des fonctionnements «stables»), comme c’est souvent le cas à propos des explications argumentées par des graphes sagittaux, ou celles reposant sur les interactions entre faits sociaux et biologiques, une pratique de mise en valeur de l’espace induisant un état de la végétation, et susceptible de se traduire par des schémas spatiotemporels appris de l’observation. Pour comprendre la stratégie de gestion d’un alpage d’estive, les chercheurs sont conduits à construire des objets complexes (Pour une description structurée de l'application consulter Mappemonde 4/90), comme l’ensemble des espaces utilisés par le troupeau, avec la même structure de comportement quotidien, au cours d'une période du séjour et doté de l'ensemble des services indispensables: ce sont les circuits-types de J.-P. Deffontaines(fig. 1);
  • dynamique (dans le temps long des réorganisations et mutations) lorsqu’elles tentent de rendre compte des successions et interactions des systèmes de fonctionnement de natures différentes (1).

Ces attitudes se heurtent toutes à la faiblesse des moyens de représentation conjointe du temps et de l’espace. Ceci demeure vrai du point de vue de la formalisation et de la structuration des informations, mais affecte également les capacités de représentation cartographiques dynamiques que l’on pourrait espérer voir contribuer à l’analyse comme à l’explication.

1. Carte des circuits-types de l’alpage du Saut-du-Lair (Savini et al., 1993)

Temps et espace, continuum et objets

Le temps et l’espace se présentent à nous, d’un point de vue phénoménologique, comme des continuums, pour autant que l’informatique soit capable de simuler proprement le continu, à base de très fines discontinuités — lieux, instants — en gros. Sauf à disposer de machines et/ou de logiciels, ultra-puissants et rares, celle autorisée par les nombres en double précision et qui ne permettraient que de réduire la taille des discontinuités, ces continuités semblent inaccessibles. Le continu véritablement continu n’est donc accessible qu’à des représentations et modélisations de type analogiques, outils devenus bien rares.

Les objets de l’espace

L’espace n’est pas structuré par un ordre naturel, sauf celui des proximités à chaque observateur, c’est-à-dire une infinité d’ordres contextuels. Au cours des séances de travail du groupe GCART, une discussion réitérée a opposé les tenants d’un espace appréhendé comme un continuum «à deux dimensions» — mais à ce stade préalable c’est déjà le plonger dans une structure théorique a priori, celle de l’espace euclidien, par rapport à l’alternative le percevant comme une structure «de proche en proche» et ne mobilisant que les notions d’entité et de partie. Le simple concept de frontière, différence observable séparant deux entités suffit à structurer cet espace. Dans ce sens, une frontière n’est qu’une différence observable (fleuve, ligne de crête,…) ou même symbolique mais admise par la communauté des observateurs, le consensus ou les règles sociales (frontière politique, espace identitaire…). Ces entités, accompagnées de leurs relations restituant les situations d’inclusion et d’intersection permettent de plonger cet espace dans une «topologie» très spécifique, la «méréologie» qui semble permettre de représenter la majeure partie de nos raisonnements spatiaux, fondés sur les perceptions de parties et de relations (Casati et al., 1999). Même si elle est bien rarement utilisée seule pour le représenter, sur un plan purement conceptuel et logique, des propositions ont été faites (Casati et al., 1998). Cette position, philosophique et logique, au sens formel, permet de s’affranchir de ces hypothèses de continuum.

L’espace est susceptible d’être parcouru— tiens, voilà le temps (et son ordre) qui structure l’espace! — de façon quelconque. Jusque-là nous n’avons que bien peu d’outils pour spécifier cet espace. Si nous voulons maintenir cette structure de continuum et la représenter, les seuls artefacts disponibles conduisent à produire une représentation «fonctionnelle», au sens des fonctions mathématiques continues généralement référées à un espace habituellement — et arbitrairement? — représenté en deux ou trois dimensions euclidiennes. Les résultats obtenus, décidables en tout point, proviennent d’un calcul, généralement une fonction du temps, parfois de l’espace et du temps, des voisinages par exemple. Un autre groupe de ces représentations «continues» approchées est fourni par les nombreux relevés délivrés par les organismes d’étude de la terre et de l’univers (météorologie,...): le continuum spatial y est représenté par des courbes de niveau sécant une échelle de valeur (température, précipitations) simulant cette continuité, mais le plus souvent issues d’un calcul d’interpolation entre un petit nombre de lieux tout à fait précis (stations, ballons,...). Le continu n’y est donc que restitué, approché grossièrement, à partir de quelques objets ponctuels distribués dans l’espace.

L’espace est donc le plus souvent, et de façon plus calculatoire, représenté par des objets identifiés et délimités, construits par le sens qui leur est affecté par l’observateur, et généralement formalisés par une géométrie euclidienne, à deux, parfois trois, dimensions. Ce sont donc in fine des points, des lignes, des surfaces, voire des volumes qui sont utilisés comme entités élémentaires pour représenter l’espace (Egenhofer et al., 1995).

Les objets du temps

2. Organisation logique d’une journée de troupeau (Meuret, 1993)

De par son omniprésence rarement explicitée, le temps oppose à sa représentation, et sa formalisation des difficultés souvent inattendues:

  • un débat analogue à celui portant sur l’espace, continu ou discret, porte sur le temps, ici encore nous nous garderons d’arbitrer; nous nous en tiendrons aux pratiques qui semblent aujourd’hui les plus performantes;
  • le temps est un ordre complet… sauf pour l’historien qui ne connaît parfois que les ordres partiels «après s’être marié il eut trois enfants, Louis, Henri et Cunégonde, tandis que son demi-frère n’obtenait qu’un héritier, Xavier»: Xavier est-il né avant Louis, entre Louis et Henri, entre…? De même pour les archéologues chez lesquels le temps relatif est celui de la stratigraphie, les couches sont datées relativement les unes par rapport aux autres (A est avant B, B est après A). L’objectif est la reconstitution de l’ordre de déposition des couches;
  • le temps absolu est le rattachement de ces couches au référentiel culturellement admis, pour nous le temps calendaire. Ce rattachement utilise des méthodes variées. Les précisions obtenues, très hétérogènes, interdisent souvent l’interclassement des résultats (A contient une monnaie de 1237, B contient de la céramique fin XIIIe-début XIVe siècle, il est impossible de décider de l’antériorité, ou de la postériorité de la céramique);
  • il arrive donc souvent que l’information temporelle nous parvienne sous la forme de plusieurs ordres ou pré-ordres, non interclassables;
  • le temps est irréversible… sauf pour ceux qui font de la rétrodiction, de la simulation, ou plus simplement de la représentation remontant dans le temps… et parfois il est en boucle, cyclique, celui des migrations alternantes, des cycles météorologiques, des lunes, des assolements culturaux, et des structures d’activité organisant une journée de troupeau… (fig. 2);
  • le temps est linéarité, lieu de successions, d’instants ou de durées élémentaires et de processus, et cette ligne est unique… sauf lorsque l’on fait des scénarios, des hypothèses sur le futur, ou le passé, dès lors le temps devient embranché!

Des analogies entre espace et temps

L’exploration des relations entre objets de l’espace d’une part et objets du temps d’autre part laisse percevoir une assez forte analogie. Deux formulations logiques de ces systèmes de relations ont été présentées successivement, pour le temps : Allen (1983) puis, pour l’espace, Egenhoffer (1991). Nous en restituons un schéma simple mettant en évidence ces familiarités (fig. 3).

3. Relations logiques, spatiales et temporelles entre deux entités (ici polygones, en haut, intervalles de temps, en bas).

De quel temps parlons-nous?

La représentation de phénomènes spatiotemporels suppose que l’on s’accorde sur les temps manipulés, puisqu’ils sont multiples:

  • le temps du phénomène, de la «réalité» pour les réalistes, généralement référé au temps calendaire strict, un temps linéaire, irréversible, totalement ordonné; il peut également être vu comme un temps cyclique;
  • les temps reconstruits avec le point de vue, le regard des époques qui se sont tournées successivement sur leur passé, un temps embranché dans le passé, parcourant diverses hypothèses de processus antérieurs, pas nécessairement toutes interclassables;
  • le temps de l’observation, instantanée ou décalée, muni de ses qualités: continu, échantillonné, régulièrement au pas, d’une densité d’échantillonnage adéquate aux phénomènes. Dans l’exemple du suivi d’un troupeau en estive (Savini et al., 1993), le berger relève, à chaque changement de comportement du troupeau, des comportements prédéfinis et reconnaissables par lui, l’enveloppe spatiale occupée par le troupeau au long de la séquence précédente. L’objet construit est donc bien spatiotemporel, mais il n’existe que dans l’esprit des chercheurs qui analysent le processus, et dans le regard du berger qui partage et sait reconnaître les distinguos convenus (fig. 4). Un autre exemple des difficultés de définition préalable des observations est donné par les deux cartes d’évolution de populations communales, pour une région, ou la France entière, la première sur un intervalle intercensitaire, qui restitue assez mal les couronnes de croissance périurbaine, la seconde sur 40 ou 50 ans, dessinant parfaitement les périphéries de chaque centre doté d’une couronne périurbaine. La première échantillonne le phénomène sur un intervalle d’un quart ou un huitième de la portée temporelle de ses cycles propres, elle en donne une représentation sous-échantillonnée, le bruit y est supérieur à la trace du processus; la seconde recouvre une période suffisante pour avoir un demi-cycle du phénomène, il y devient clairement lisible. L’organisation de l’observation elle-même suppose une définition préalable des objets spatiotemporels observés;
  • du temps de l’enregistrement de l’information, qui n’est pas nécessairement celui de l’observation, par exemple lorsque l’on utilise des sources plus ou moins anciennes, ce qui est susceptible d’induire des révisions, par l’apport de nouvelles connaissances qui modifient la représentation en cours des phénomènes. Autre exemple, la diffusion du nuage de Tchernobyl, qui après s’être «arrêté» à la frontière française durant «quelques années», par simple censure, a «repris» sa diffusion dans l’espace national;
  • le temps donné à voir, celui de la représentation graphique numérique spatiotemporelle qui tente de donner à voir, de simuler le phénomène en plongeant une représentation du ou des précédents dans le temps procédural de l’ordinateur qui génère l’affichage. Si ce temps «machine» est bien linéaire, il est également susceptible d’être embranché dans le passé comme dans le futur;
  • le temps de l’analyse des données, représentant le phénomène, celui de l’activité cognitive, qui parcourt en général l’ensemble des autres temps, selon une démarche qui associe, dans la pratique, déduction et induction dans des cycles complexes qui tendent à induire à partir des observations les explications les plus vraisemblables, ou mieux, des hypothèses de régularité et de causalité entrant ensuite dans une phase déductive qui mettra ces dernières à l’épreuve. L’épreuve n’étant souvent pas totalement décisive, mais partiellement recevable, une nouvelle phase inductive va tenter d’améliorer l’explication.
4. Relevé d’une demi-journée du comportement d’un troupeau à l’estive

Construire les objets spatiotemporels

Il apparaît donc un peu simpliste d’escompter une bonne représentation conjointe du temps et de l’espace par la simple extension à quatre dimensions de la représentation euclidienne du second, même si cette solution contribue souvent à faire percevoir ces phénomènes (McBride et al., 2002). Sur un plan plus sémantique, bien peu d’objets directement spatiotemporels viennent à l’esprit, même si l’on peut dire en voiture «tu me parles depuis 20 km», et devenu piéton «il habite à 5 minutes»! Il a donc semblé utile de reprendre très en amont, avec une approche issue de nombreuses pratiques antérieures, les questions de représentation des objets spatiotemporels, en termes de construction et de représentation de l’information en premier lieu, puis en termes de représentation cartographique ensuite.

La vie d’un objet

Nous avons vu dans la première partie qu’une représentation organisée des phénomènes spatiotemporels semblait, pour l’instant, devoir passer par une représentation d’objets, éphémères mais discernables, susceptibles de se modifier dans le temps comme dans l’espace. C’est l’identification, et les règles d’observation qui lui sont associées, qui permettent de discerner ces objets.

Identification

L’identification est la décision de considérer l’existence (y compris au sens de la logique formelle, et de la méréologie au sens de l’affectation d’une frontière dotée de sens, soit encore tracée par la sémantique) d’un élément séparable du reste de l’univers. Cette opération produit des «individus» identifiables, généralement par une combinaison unique de codes divers parfois préexistants, nos numéros de sécurité sociale, les codes d’entités administratives, ou encore attribués arbitrairement par un dispositif qui gère des numéros pris à la suite, comme dans les bases de données. Mais ceci suppose une unique et permanente «autorité» d’identification.

On fait l’hypothèse qu’un objet, tronçon de réalité que l’observation a décidé de construire et de décrire de façon régulière, reproductible et univoque, est ainsi identifiable et délimitable dans le temps et dans l’espace. Ce sont des règles d’observation, qui peuvent être contextuelles et affectent l’identité, qui distinguent l’objet de tout autre objet (par exemple la définition de la forêt qui, en domaine méditerranéen, prend en compte des «arbres» de 2 m avec 10% de recouvrement des couronnes, mais en milieu tropical exige 6 m de hauteur et 60% de recouvrement) et lui affectent une frontière, le cas échéant floue (les Alpes, l’Atlantique Nord…). L’objet doit être ré-identifiable, ce qui signifie que les mêmes règles fonctionnent à des époques différentes. La vie de cet objet conduit à discerner des types de dynamiques.

Notions élémentaires de changement spatial

5. Quatre types de situation de cartographie de dynamiques (Cheylan et al., 1993)

Issues de pratiques cartographiques et de la mobilisation de systèmes d’information géographique, quatre situations semblent recouvrir une bonne partie des types de situations auxquelles le cartographe est confronté (fig.5).

Entités fixes.— Un premier cas, relativement simple concerne un ensemble d’entités spatiales permanentes, quelle que soit leur dimensionnalité, points, lignes, aires. Leur géométrie et donc leur topologie ne se modifient pas, seules changent les valeurs, ou les qualités attribuées à ces objets, la population d’une commune, le nombre de migrants entre deux communes, la hauteur des arbres sont des exemples classiques de cette situation. L’évolution de certaines liaisons, comme dans le cas des migrants, entre dans cette catégorie puisqu’elle porte sur un vecteur, représentable par un arc de graphe. De nombreuses applications de ce type travaillent avec des ensembles de polygones jointifs, formant une division de l’espace de référence, ou encore un ensemble d’arcs connectés, comme c’est le cas des réseaux hydrographiques. La représentation de l’information dynamique ne concerne ici que les descriptions des objets (l’atlas statistique en ligne des États-Unis d’Amérique en est un exemple, il permet à l’usager de construire des séquences historiques de cartes), les qualités qui leur sont affectées et qui doivent être bornées dans le temps, représentées par des versions successives des valeurs.

Entités génératives, ou modifiables.— Un certain nombre de problèmes de représentation de dynamiques peuvent être vus comme une séquence de recomposition des objets recouvrant un espace, en particulier lorsqu’il s’agit d’objets surfaciques, affectés par un processus de fusion/éclatement. Nous sommes là face à un processus de partitionnement dynamique de l’espace: les entités qui se divisent, ou respectivement se regroupent doivent pouvoir être associées entre elles par des relations de filiation qui permettront ensuite de recomposer l’histoire d’un lieu. C’est la définition d’un cadastre historicisé. Ce qui était le cas du cadastre français avant la dernière réforme: figurait au registre de l’état des sections l’enregistrement des créations et disparitions de parcelles. Ce suivi est devenu quasiment impossible aujourd’hui puisqu’il ne subsiste pas de traces des archives dans le fichier de gestion MAJIC. C’est également une situation fréquente dans les analyses agronomiques qui étudient les successions de parcelles culturales sur un même espace. Dans ces deux derniers cas l’état du processus est à chaque date une partition de l’espace observé. Les liens de filiation doivent être dénotés à la fois en direction des entités parentes, et par une temporalisation des identificateurs qui sont alors dotés d’un intervalle de vie.

Les relations de filiation, qui unissent les parcelles mère-filles, et leur recouvrements spatiaux partiels véhiculent une part importante de la sémantique du phénomène (Al-Taha, Barrera, 1994; Frank, 1994), même si elles sont souvent omises du fait des complexités de leur explicitation, comme c’est le cas des collections de découpages politiques historiques d’un même espace (par exemple ceux de l’Europe). Le problème de description est ici analogue à celui des généalogistes analysant les liens générationnels. Un graphe temporel liant les entités entre les générations est indispensable.

Entités déformables.— Une autre classe de problèmes advient lorsque les entités de l’espace se déforment ou se déplacent, sans perdre leur identité. Selon le point de vue adopté ce peut être le cas de l’espace urbain, vu comme la «tache urbaine», c’est-à-dire l’enveloppe des espaces jugés urbanisés à chaque date (la croissance de Bagdad, présentée par TimeMap), ou encore la dynamique de l’espace qui a été successivement pâturé par un troupeau (Savini 1993). Du point de vue de la représentation de l’information c’est alors la composante spatiale, géométrique, des entités qui doit être variable, la même entité étant dotée de géométries successives bornées dans le temps.

Entités transformables.— Une dernière catégorie a été identifiée, bien que sa complexité conduise la plupart du temps à ne pas la construire, par défaut d’appareil de représentation et de traitement. Il s’agit des processus au sein desquels des objets déformables sont également affectés de processus de filiation. C’est par exemple le cas d’un troupeau de moutons, formé de sous-groupes susceptibles de fusionner et de se regrouper, et conduisant des activités de pâture relativement différentes. Une autre version de cette classe de processus pourrait permettre de caractériser les dynamiques de phénomènes météorologiques… si elles étaient analysées en termes d’objets dynamiques (dépressions, anticyclones, fronts,…), ce qui permettrait d’analyser des types de situations accompagnées de leur genèse, mais il semble que la discipline se soit presque complètement rattachée aux outils et formalismes du traitement d’image et de la simulation numérique intensive, approches pseudo-continues qui ne facilitent pas les démarches exploratoires. L’exemple de la diffusion des grands empires de l’Asie du Sud-est (exemple de la Corée) en donne une illustration, quelque peu laborieuse.

Concepts élémentaires de changement spatial

L’examen de ces quatre situations et la recherche de critères plus clairement discriminants nous ont permis d’avancer trois concepts qui semblent suffisants pour caractériser le changement spatial lorsqu’il affecte des entités délimitées (Frank, 2001; Cheylan, 2001). Ces trois concepts restituent par combinaison les situations précédemment évoquées.

«Vie» d’un objet

Changement de contenu: l’objet, restant à des époques successives délimité et localisé à la même place voit certains de ses éléments descriptifs se modifier (dynamiques) alors que son identité demeure, il change de valeur pour le mode de description «permanent» adopté. Dans la même commune, la population a varié entre deux recensements, la couleur politique de la municipalité a changé; pour la même zone hydromorphe, son occupation est passée de vigne productiviste à pâture pour bovins; le même arbre a grandi, si l’objet est l’arbre; la forêt a changé de densité, si l’objet est la forêt (munie des règles de sa délimitation). Nous n’avons ici que des transformations de qualités qui ne sont pas directement spatiales, en quelque sorte l’espace n’est pas affecté par le changement, seules les qualités que nous y percevons se modifient. On pourrait également assimiler à cette situation les espaces décrits par interpolations successives à partir d’un même ensemble de points d’échantillonnage, la donnée fondamentale n’étant qu’une collection d’états ou de valeurs affectée à chaque point.

Mouvement et changement de forme

6. Opérateurs élémentaires de mouvement
7. Opérateurs de vie et de généalogie
8. Quatre notions et trois concepts de dynamiques spatiales

Mouvement: le terme regroupe ici tous les changements de forme que l’objet observé a subi mais qui n’affectent pas son identité, qu’il s’agisse de déformations locales —le lac s’est étendu — de croissance comme de décroissance «en place» — le lac à nouveau mais également la «tache urbaine» d’une même ville — ou encore le déplacement de véhicules, de nuages radioactifs certifiés, ou de cyclones, ou encore de groupes pastoraux. Dans cette acception la notion de mouvement incorpore un grand nombre de transformations élémentaires susceptibles de contribuer à ces changements: mouvement de l’objet lui-même, à géométrie constante (translations, rotations), changement de niveau d’organisation spatiale (le point devient ligne, ou polygone, le nombre de points se modifie), changement de frontière (déformations locales par déplacement de certains points, homothéties, transformations affines, objets interpolés). L’objet est demeuré «le même» du point de vue de la phénoménologie le désignant, sa localisation, sa délimitation, sa forme sont seules modifiées (fig. 6), dans une approche plus spécifique d’autres opérateurs du mouvement distinguant divers cas de «mouvement» ont été proposés (Thériault et al., 1999), voire d’autres théories du mouvement, qualitatives, proposées (Galton, 1995).

Généalogie d’un objet

La généalogie d’un objet est formée par la succession structurée des objets antérieurs qui ont contribué à le construire; c’est par exemple le cas d’une parcelle cadastrale qui peut résulter d’une séquence de divisions et regroupements partiels de parcelles antérieures (fig. 7). Dans le cas le plus simple, celui qui concerne un ensemble spatial d’extension constante, la généalogie produit une série de divisions complètes de cet espace; au-delà, cette extension elle-même peut être modifiée par les interactions avec des polygones limitrophes. Deux concepts fondamentaux structurent cette notion de généalogie: ceux de fusion et d’éclatement; tous deux sont évidents d’un point de vue phénoménologique; mais trois notions complémentaires sont utiles. L’intervalle d’observation étant rarement concordant avec l’ensemble du processus observé, il faut bien créer les unités initiales et, de façon symétrique, il faut pouvoir les faire disparaître, ce qui introduit les deux concepts de création (ex nihilo, sans «père»… ou issue d’un «père universel») et de disparition dépourvue de filiation. Une autre opération est rendue nécessaire pour rendre compte des situations de recomposition instantanée: il s’agit de la combinaison immédiate d’une fusion et d’un éclatement; c’est par exemple le cas lorsque l’on observe une création de lotissement à partir de plusieurs parcelles. Elles fusionnent dans un premier temps puis éclatent, immédiatement après, pour former les parcelles finales sans que la parcelle incluant le tout n’apparaisse à aucun moment.

Cette généalogie permet par exemple de construire des hypothèses de stratégies foncières. D’autres phénomènes peuvent trouver place ici, en particulier selon les règles de séparation des objets qui sont adoptées. On pourrait par exemple observer une dynamique urbaine non pas comme la dynamique d’une «tache urbaine» indifférenciée qui se modifie, mais comme la succession-interaction entre les tissus fonctionnels locaux qui ont contribué à la formation de l’urbain.

Recomposition des quatre situations

Les types de situation que nous avions identifiés par les pratiques cartographiques comme par celle des bases de données spatiales sont restituées par combinaison des concepts (fig. 8): celui de vie est susceptible de s’appliquer à toutes les situations, mais il caractérise, s’il est le seul mobilisé, les entités fixes. Le concept de généalogie combiné à celui de vie restitue les situations d’entités modifiables; celui de mouvement combiné avec celui de vie restitue les dynamiques des entités déformables; enfin la combinaison des trois concepts permet de rendre compte de la situation la plus complexe, celle des entités transformables.

Entités géographiques des bases de données temporelles

En termes de représentation de l’information, ces trois notions renvoient à ce que les bases de données géographiques appellent (Gayte, 1997): identifiant (et leur filiation), description géométrique, ou encore «extension spatiale», ou géométrie et enfin «thématique», soit description sémantique hors géométrie (fig. 9). Les types de dynamiques précédemment identifiés sont traductibles par la combinaison de ces concepts (fig. 10).

L’ensemble de ces dynamiques peut être schématisé par l’affectation d’une composante temporelle aux trois parties composant un objet dynamique, le mouvement se représente par des versions successives de l’extension, la généalogie par une filiation des identifiants et la vie par des versions successives des valeurs affectées à certaines composantes thématiques de l’objet.

9. Structuration d’une entité géographique 10. Dynamisation d’une entité géographique

Questions de temps et d’espace

En présence de processus spatiotemporels, quelques requêtes, questions classiques interrogeant le temps et l’espace, permettent d’envisager quelques-uns des problèmes de symbolisation auxquels nous serons confrontés:

Requêtes sur l’espace

Quel est l’état de l’espace à la date t? Le résultat est une carte statique, une coupe temporelle dans l’espace.

Requêtes sur l’histoire d’un objet

Quelles sont les parcelles qui furent possédées par A et cédées à un organisme public? Quels sont les troupeaux mélangés d’ovins et caprins, issus du regroupement de troupeaux antérieurs? Ces questions appellent pour réponse une séquence, un motif d’états temporels, une séquence d’objets ou de versions d’un objet (versions graphiques), une explicitation procédurale (instrumentée par une fonction du temps) de la séquence d’état, une chaîne d’objets liés par l’histoire (les parcelles contribuant à un lotissement). Tous ces résultats prennent la forme d’un graphe d’états et de transitions attaché à une séquence d’identifiants ou de versions.

Requêtes portant sur des instants ou des intervalles de temps

Ces questions appellent des éléments temporels pour réponse. L’espace n’y est présent que par l’énumération des identifiants. À quel moment la population est-elle devenue supérieure à x? Durant quelle période le propriétaire y a-t-il accru régulièrement son patrimoine?

Requêtes sur le temps

Ces questions sont du type: «qu’est-il advenu ici»? Le résultat est un vecteur temporel d’états, de valeurs locales de l’information fournissant les descriptions successives des entités ayant couvert un lieu. C’est une «bande dessinée» dépendant des systèmes de description adoptés; elle ordonne les états observés selon les intervalles de validité des objets, qu’ils soient temporellement jointifs ou pas. La réponse est alors de l’ordre d’un calendrier.

Quels sont les lieux qui ont connu la même histoire (en temps absolu), ou le même processus de transformation (en temps décalé), quelle que soit la date origine). Le résultat est une liste de lieux dont les changements successifs comportent le schéma de transformation recherché. Il est clair que ces schémas eux-mêmes peuvent être de complexité très diverse, supportant ou pas des répétitions, des états intermédiaires non pris en compte.

Question de représentation animée conjointes du temps et de l’espace

Capter des dynamiques significatives

Le type de dynamique ne résulte qu’en partie du processus observé, il peut être différent selon le regard porté sur ce processus, la méthode d’observation et celle de représentation adoptées.

Symboliser les dynamique spatiales

Les outils disponibles pour symboliser les dynamiques sont en nombre relativement réduit.

Affichage de séquences d’états:

  • la séquence de cartes d’un phénomène: exemple;
  • de même la séquence des seuillages d’une même série de valeurs: exemple;
  • l’affichage d’un nombre suffisamment élevé d’états pour restituer une perception de continuité, entre les cartes successives d’un phénomène: exemple.

Affichage des changements:

  • l’affichage des différences successives propose un outil d’analyse interactive des différences spatiales: exemple;
  • l’affichage des événements: exemple.

Affichage d’interactions:

l’explicitation graphique des interactions dynamiques entre deux ou plusieurs phénomènes.

Affichage de motifs temporels:

la représentation d’éléments de calendrier spatialisé, sous forme de trace historique (fig. 11).

Questions de persistance

La persistance, graphique, visuelle, mentale, est probablement le premier vecteur de l’explicitation spatiotemporelle. Elle peut s’appliquer soit aux états (animer les cartes), soit aux transitions (affichage des seuls changements entre dates). Si elle n’est que graphique, les états s’empilant dans la représentation, l’allure du processus est très vite perdue au profit de la complication du graphique lui-même. La persistance dans la mémoire du lecteur a certainement une durée de vie limitée, rapidement troublée par l’accumulation graphique. Il semble donc nécessaire de trouver des méthodes de symbolisation qui assistent, par une persistance explicite, la reconstruction mentale du processus, qui explicitent la trace connue des états antérieurs (respectivement postérieurs) sans troubler trop violemment la perception de l’état courant. On peut penser ici à une symbolisation renforcée mettant en exergue l’état affiché à chaque instant de la simulation du processus, accompagnée d’une symbolisation plus ténue des états antérieurs (grisé, traits fins, teintes atténuées…).

11. Carte de «l’herbe neuve» broutée par le troupeau au long d’une saison en alpage. Chaque polygone de la carte, «écaille», représente l’espace nouveau découvert par le troupeau chaque jour. Les couleurs sont celles associées aux circuits-types (fig. 1), les numéros des écailles sont le quantième du premier jour de fréquentation.

Questions de symbolisation du temps

Au-delà de la simplicité d’un affichage temporel analogiquement indexé sur le temps du phénomène, il peut être intéressant d’introduire le temps du spectateur, de l’autoriser à re-dérouler, voire restructurer le temps d’affichage, son activité cognitive devenant ainsi acteur du processus de symbolisation, ce serait en particulier le cas si l’on se préoccupait d’un système exploratoire d’accompagnement de l’activité cognitive, tentative sans lendemain présentée ci-dessus (Mende, 1998).

Certaines structures de temps opposent quelques difficultés spécifiques à leur symbolisation, c’est en particulier le cas des temps en ordre partiel (typiquement les «temps relatifs», ceux exploratoires des historiens et archéologues), des dispositifs de schématisation des états non inter classables demeurent à proposer.

Les temps non linéaires, cycliques en particulier, appellent également des procédures d’affichage spécifiques, il n’est pas simple de signaler, au cours du déroulement de l’affichage, chaque passage à la «même date cyclique». De plus l’habitude, déjà largement répandue, et observée de longue date, qui consiste en présence d’un intervalle de temps linéaire, à le réafficher en boucle, en espérant renforcer la persistance cognitive ne facilite pas l’explicitation des phénomènes cycliques:

  • un exemple qui montre «ce qu’il ne faut pas faire (exemple 2)
  • un exemple qui affiche en boucle un ensemble de cartes mensuelles, de janvier 2003 à décembre 2005… alors que les faits attendus seraient plutôt les comparaisons successives de mêmes mois au long des années (dynamique longue à discerner au sein d'un processus cyclique ici mis en exergue). Voir également l’historique (cyclique) des frontières au long de la Route de la Soie. Les symbolisations «en quatre dimensions» ne supportent pour être lisibles, qu’un niveau de complexité faible (voir les exemples de McBride et al., 2002, qui tentent d’illustrer une approche de type Hägerstrand).

Illustrer la «vie» des entités

À partir des attitudes classiques de symbolisation des cartes affichant des unités statistiques (Bertin, 1967; Brunet, 1987; Cheylan et al., 1989), deux grands types de situation se rencontrent ici: soit la distribution à symboliser est de type rapport, que l’on assimile généralement à une densité et qui se représente par des aplats de grisé, de couleur ou de texture couvrant chaque polygone selon sa valeur; soit elle concerne un effectif et sera représentée par une surface proportionnelle à la valeur de cet effectif.

Le premier cas pose en symbolisation dynamique deux problèmes: l’aplat recouvrent l’ensemble du polygone il ne laisse pas de trace des valeurs antérieures, et donc pas de possibilité de visualiser l’historique du lieu. On est alors conduit à des artifices de symbolisation souvent peu satisfaisants, consistant à afficher par polygone un petit histogramme de l’historique. Le deuxième problème, en partie lié concerne l’impossibilité de rendre compte des changements instantanés de valeur, et donc a fortiori de leur importance; il pourrait y être remédié en affichant la nouvelle couleur par un volet la laissant progressivement apparaître, ou encore par un renforcement de l’apparition de la nouvelle valeur indexé sur son écart à l’ancienne. Dans le second cas la restitution de l’historique est plus aisée puisque les symboles peuvent être superposés et s’ils sont recouverts n’apparaître que par leur contour.

Illustrer le mouvement des entités

C’est à l’évidence l’activité la plus répandue; les nombreux atlas interactifs affichant les successions de frontières politiques ont développé des outils très performants, y compris pour l’affichage web interactif de ces données (Gregory, 2006), et le China Historical GIS de Harvard et le Great Britain Historical GIS Project en sont de bons exemples. Les questions méthodologiques soulevées sont en grande partie résolues (Worboys, 1994; Merrick, 2003) et certains outils peuvent même être téléchargés librement. Le principe de base est toujours ici un changement de valeur de symbolisation pas toujours perceptible du fait de l’absence d’aide à la rémanence visuelle et au référencement temporel des symbolisations. Sans doute serait il intéressant de mieux mettre en exergue les ruptures par une sur-symbolisation éphémère (flash, autre couleur associée, clignotement…), laquelle peut également être accompagnée d’une symbolisation des états antérieurs atténuée par leur ancienneté, soit en transparence, soit en symbolisation des contours uniquement. Ces applications semblent toutes exploiter pour l’affichage une séquence d’images. Si l’on se préoccupait d’afficher, et de rendre interrogeables, des entités identifiées, les questions de transformation de ces entités seraient encore à résoudre techniquement. En effet la plupart des logiciels produisant des familles de formes intermédiaires supposent que le nombre de points graphiques remarquables reste le même, ce qui n’est évidemment pas souvent le cas.

Illustrer la généalogie des entités

Une représentation des processus de type généalogie devrait rendre compte simultanément des processus de division-regroupement des entités, en lieu et place, comme des liens logiques de filiation. Peu de représentations de ce type semblent avoir été tentées. Les symbolisations avancées proposent en général, sur un mode statique, de représenter les états des objets en symbolisant de façon ordonnée leur géométrie (Savini et al., 1993) (épaisseur, grisés, couleurs…). Lorsque le nombre d’objets est réduit, une représentation animée en «trois dimensions», indexant le temps sur la troisième est envisageable. Si elle permet de bien représenter les filiations, elle ne permet pas de bien percevoir les états de divisions successives de l’espace. Un exemple de processus assez simple, mais symbolisé avec insistance (et corrélativement une bien faible performance) est donné par le site TimeMap qui affiche 1 450 cartes annuelles en séquence!

Conclusion

Le domaine de la symbolisation dynamique en géographie, ou plutôt animée —puisque le terme dynamique a été usurpé par les afficheurs de cartes banales sur le web et même au-delà, en histoire, archéologie et plus loin, à propos de l’épidémiologie voire de certaines dynamiques biologiques — ce domaine donc demeure largement diffus, faiblement organisé, sans doute à l’exception du réseau des atlas historiques, principalement d’origine anglo-saxonne. Les résultats disponibles montrent à l’évidence que les avancées en la matière ne peuvent provenir que d’investissements de recherche conséquents et suivis. Les quelques réflexions avancées à propos de la symbolisation, et à partir d’une tentative de structuration conceptuelle des problèmes, conduisent à penser que la majeure partie du travail demeure à réaliser. Ceci est d’autant plus vrai que nous nous sommes limités, volontairement, et souvent par défaut d’applications entrevues, aux concepts pris isolément. Leurs croisements combinatoires sont évidemment à envisager.

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Site du projet China Historical GIS, du CGA de Cambridge-Harvard comporte une importante documentation méthodologique concernant les SIG historiques

Projet coordonné par l’Université de Sydney et animant une vaste communauté internationale sous l’égide d’ECAI (mais quasiment démunie de français)

Site TimeMap

Great Britain Historical GIS Project, University of Portsmouth.

Site de Commission de la visualisation de l’Association Cartographique Internationale (McEachren)

Site de European Research Group S4 Spatial Simulation for Social Sciences.

Site d’affichage interactif des recensements des USA depuis 1940, avec possibilité de créer des séquences historiques à façon

Site Spatial Information Research Centre

Site du «Spatio-temporal workshop» 2005

Note

1. «Les inférences linéaires ne traduisent pas la complexité des dynamiques spatiales. Avec le temps, les objets géographiques se transforment, tant dans leur mode de fonctionnement que dans leur extension spatiale. Ces trajectoires dans le référentiel tridimensionnel temps-espace-forme supposent, pour être comprises, que l’on puisse déterminer des causalités agissantes et en inférer certainement les effets. La méthode analytique et expérimentale classique conduit donc à construire des chaînes de causalités linéaires afin d’expliquer les transformations observées et leurs mécanismes.

«Mais les objets géographiques ne sont pas forcément passifs ni nécessairement déterminés causalement. Bien au contraire, ils se présentent le plus souvent comme des structures à forte organisation interne, intégrant le plus souvent une part de vivant et même d’humain et donc faisant preuve d’une certaine capacité d’autonomie, de régulation et de décision. Du coup ces organismes géographiques sont aussi déterminés par des objectifs finaux et leurs processus évolutifs relèvent de stratégies réactualisables et de tactiques adaptatives fréquemment auto-produites. (MABY J. (2000), «Connaître la complexité de l’objet géographique», L’Explication en géographie, Géopoint 2000. Avignon: Université d’Avignon, p. 233-238.).