La rubrique Internet |
L'exposition virtuelle des «Trésors photographiques de la Société de géographie»
Une exposition passionnante, intitulée Trésors photographiques de la Société de géographie (1), est présentée actuellement à la Bibliothèque nationale de France (Paris, site Richelieu, Galerie de photographie, 18 septembre au 16 décembre 2007). La Société de géographie, fondée en 1821 (2), a pour ambition de parfaire la connaissance du monde en stimulant l’exploration de celui-ci (concomitante à la colonisation par bien des aspects). Société savante, elle utilise efficacement le medium photographique dès sa mise au point (généralement datée de 1839) en le mettant au service d’une géographie scientifique et naturaliste. Expéditions scientifiques, missions religieuses, diplomatiques ou militaires offrent des conditions propices à ce vaste projet. Canyons de l’Arizona, femmes abyssines, Toungouses avec leurs rennes près des mines d’or de Boutine en 1879-1880, mais aussi le port de Liverpool, le creusement du canal de Suez, le Transsibérien, le Japon à l’aube de l’ère Meiji ou les fronts pionniers du Queensland australien font l’objet de reportages photographiques exceptionnels sur le monde et son évolution. Cette collecte d’images du réel, souvent réalisée dans des conditions techniques difficiles, est liée à une volonté de classement des hommes et des lieux, à un désir de connaître hérité de l’esprit des Lumières du XVIIIe siècle, à une soif de comprendre véhiculée par le positivisme tout au long du XIXe siècle. Cette démarche rationnelle renouvelle la science géographique à laquelle elle fournit des supports visuels (présumés objectifs sans qu’ils ne puissent jamais l’être totalement) qui vont être reproduits dans un grand nombre de livres savants, contribuant ainsi à dessiner un imaginaire partagé, bien au-delà de la sphère des géographes. La recherche anthropologique de l’autre s’exprime par la monstration de l’humain dans sa diversité. L’esprit des expositions coloniales est proche. La quête scientifique de l’ailleurs trouve aussi des échos dans l’orientalisme ou l’exotisme si présents dans les arts tout au long du XIXe siècle. L’album réalisé par Maxime Du Camp, lors d’une mission en Égypte, Syrie et Palestine, par exemple, est passionnant car s’il développe un genre de publication documentaire qui choisit la fidélité au réel plutôt que les effets esthétiques (vues frontales, indication de l’échelle), il est aussi une source d’inspiration pour Gustave Flaubert, ami du photographe.
Fidèle à sa volonté de diffuser le plus largement possible ses activités, la Bnf a mis en ligne sur Internet les Trésors photographiques de la Société de géographie. Cette exposition virtuelle est de grand intérêt. Elle reprend l’essentiel des documents présentés sur le site Richelieu avec un accompagnement textuel utile. Trois parties sont autant d’axes de réflexion: «l’exploration du monde», «un siècle de bouleversements» et «la passion de l’inventaire». Les 256 images proposées sont autant de trésors pour le géographe comme pour le curieux du monde. Laurent Grison (1) Le catalogue est publié par BnF/Glénat. On peut remarquer que la Bnf a déjà présenté une exposition sur un thème proche en 1998 : Les Voyageurs photographes et la Société de géographie, 1850-1910. (2) La Société de géographie existe toujours. On peut notamment consulter: Fierro A. (1983). La Société de géographie 1821-1946. Genève, Paris : Droz, Champion. |