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Atlas de la Chine, les mutations accélérées

La belle collection d’atlas publiée par Autrement s’enrichit d’un nouvel opus consacré à la Chine, réalisé par Thierry Sanjuan, professeur à l’université Paris I, avec l’aide cartographique de Madeleine Benoit-Guyod.

L’éditeur a pendant longtemps privilégié des thèmes transversaux, situés à des échelons généralement macros (les langues, les migrations, les religions, le développement durable…) ou bien ciblés (la francophonie, les minorités en Europe, telle ou telle ville). Depuis quelque temps, il opte également pour des ouvrages portant sur des pays (récemment la Russie, les États-Unis).

Cet échelon est certes classique, mais il est revisité par de nouvelles approches. L’objectif, en effet, n’est pas de fournir un atlas exhaustif, ce qu’on pourrait a priori regretter pour des espaces peu documentés ou mal cartographiés, mais de choisir un axe. C’est ce qu’a réalisé avec bonheur Thierry Sanjuan qui met l’accent sur les mutations de la Chine contemporaine, non sans oublier de nous livrer des clefs géohistoriques indispensables (la cartographie précise de la Grande muraille, par exemple, qu’il faudrait encore mettre à jour au su des récentes découvertes archéologiques chinoises, est appréciable car elle n’est pas toujours évidente à obtenir malgré les publications existantes).

Cet Atlas de la Chine nous propose six parties: l’héritage, les mutations accélérées de la société, un territoire en recomposition, la Chine des villes, les périphéries, la Chine et le monde. Conformément à l’esprit de la collection, des textes viennent en appoint à l’iconographie (cartes, diagrammes, graphiques).  Plutôt que de citer des auteurs, occidentaux ou chinois, Thierry Sanjuan préfère des synthèses analytiques qui fournissent des informations essentielles sur tel ou tel point (l’administration, l’instruction publique, la déforestation…). Les cartes sont claires, précises, bien dessinées, même si on peut toujours discuter sur le choix de telle ou telle couleur parfois un peu trop pastel. La tranche des camemberts est malheureusement de trop, car faussant la lecture.

Les thèmes traités sont extrêmement variés (les lieux du maoïsme historique, les nationalités minoritaires, le tourisme, la pollution…). Même si plusieurs cartes reposent sur des données chiffrées récentes, l’atlas se focalise astucieusement sur des éléments relatifs, des ordres de grandeur ou des dates, ce qui minimise l’obsolescence rapide — surtout en Chine ! — des données statistiques, sans parler de leur fiabilité. Les informations sont cependant actualisées, ce qui est loin d’être facile à faire pour ce pays.

L’un des principaux mérites de cet atlas est de décliner les échelons. Le macro est bien traité, à l’échelle du pays, généralement, et du monde (la répartition mondiale des étudiants chinois, la criminalité, les stratégies énergétiques…). L’échelon méso, celui des régions chinoises, est abordé de façon plus inégale; on peut regretter que les géographies quantitatives du sida ou des IDE, par exemple, n’aient pas été cartographiées à ce niveau, dans leur répartition au moins provinciale, ce qui a cependant été le cas pour la répartition du PIB ou le recul des rizières. L’échelon micro est bien présent: les villes, les quartiers, un bloc d’immeubles, un appartement, une maison de thé, une courée shanghaïenne, ainsi que des espaces comme le delta de la rivière des Perles. La géographie des périphéries, bien qu’incomplète (Tibet, Xinjiang et… Taïwan, mais pas le Yanbian ou l’espace frontalier de l’Amour), est précieuse. On notera une carte appréciable de la perte progressive d’influence de la république de Chine (alias Taïwan) dans le monde (même si les noms de quelques micro-États reconnaissant encore ladite république auraient mérité d’être mentionnés). La dimension « régionale » de la Chine, c’est-à-dire l’insertion de celle-ci dans l’ensemble de l’Asie orientale, est également abordée, tout en appelant des approfondissements ultérieurs, y compris dans ses héritages géohistoriques.

Cette déclinaison des échelons nous donne un excellent panorama de la situation. Une chronologie, un glossaire et une bibliographie nous rappellent les données essentielles.

On peut regretter la petite taille de certains documents (préjudiciable pour la géodémographie, en particulier) ou l’aspect parfois touffu des doubles pages, souvent dus au format plutôt réduit de l’ouvrage. Mais tel est le choix de l’éditeur, qui s’en félicite d’ailleurs au vu du succès de sa collection.

Cet atlas constitue donc non seulement un excellent outil pédagogique mais un ouvrage de référence incontournable sur la Chine. Il rappelle également, si besoin était, l’apport fondamental de la géographie et des géographes.

Philippe Pelletier

SANJUAN Thierry (2007). Atlas de la Chine, les mutations accélérées. Paris: Éditions Autrement, 82 p. ISBN: 978-2-7467-1008-5