Sommaire du numéro
N° 89 (1-2008)

Coopération décentralisée: relations bilatérales entre les collectivités
locales d’Amérique latine et de l’Union européenne

Santiago Sarraute Sainz aHervé Théry a

Sarraute Sainz S.: Observatorio de Cooperación Descentralizada
UE-AL
Théry H.: CNRS-Credal (Paris)

Résumés  
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La coopération décentralisée entre des collectivités locales d’Amérique latine (AL) et de l’Union européenne (UE), qui tend à s’accroître à mesure que la décentralisation progresse sur les deux continents, représente un vaste tissu d’échanges politiques, techniques, financiers, économiques et culturels. Parmi les différentes modalités possibles, les relations bilatérales nous ont paru les plus intéressantes, car elles tissent des liens plus étroits entre les collectivités concernées, et le choix d’un partenaire direct — type de collectivité, localisation dans tel ou tel pays — révèle les options prises de part et d’autre.

Une brève introduction méthodologique spécifie l’objet d’étude, la stratégie de recueil d’informations par l’Observatorio de Cooperación Descentralizada (OCD), et ses limitations. Sont ensuite analysées quelques caractéristiques de ces relations et de leurs participants, puis sont avancées quelques hypothèses sur les motivations qui ont mené à l’établissement de relations bilatérales et quelques conclusions et perspectives sont esquissées (1).

Méthodologie

Les relations bilatérales de coopération décentralisée identifiées et rassemblées par l’OCD (voir encadré) sont celles qui reposent sur un accord de partenariat entre deux collectivités territoriales, engagées dans un processus de collaboration et/ou d’échange. Pour cette identification, on n’a pas fait de distinctions en fonction des contenus des relations, et l’on a pris en compte aussi bien les relations centrées sur des activités de coopération pour le développement que des échanges culturels ou des relations relevant de la «paradiplomatie» des collectivités locales (Aldecoa, Keating, 1999). On n’a pas non plus fait de distinctions en fonction de la durée des accords, qui peuvent avoir un caractère permanent ou quasi permanent, comme les jumelages (Chombard-Gaudin, 1995), ou qui traitent d’activités limitées dans le temps, comme certains projets à objectifs bien définis.

La stratégie initiale d’identification des relations bilatérales a consisté à localiser des sources d’information écrites (annuaires, publications des collectivités territoriales) contenant des listes de relations bilatérales. Puis, on a cherché sur Internet une information relative aux relations connues, ce qui a parfois permis l’identification de nouvelles relations. Critiquées et validées par l’équipe de l’OCD, ces données ont été intégrées à sa base de données, source principale des analyses qui suivent.

Il faut souligner d’emblée que le résultat obtenu est une photographie, à un moment donné (fin 2006), des relations bilatérales entre des collectivités territoriales d’Europe et d’Amérique latine. Évidemment, il serait très utile de pouvoir analyser l’évolution dans le temps de ces accords, de pouvoir donner une profondeur historique à leur étude, d’établir des périodisations en fonction du contexte local et global. Les données actuellement rassemblées ne le permettent pas encore, mais on peut espérer que, au fur et à mesure que la base sera complétée et enrichie, cette dimension historique pourra être prise en compte.

L’analyse qui suit présente ainsi d’évidentes limitations, étant donné la difficulté de localiser toutes les relations existant sur des territoires aussi vastes, et de maintenir l’information à jour. Nous espérons toutefois que la lecture de cet article — et les lacunes même qu’il révèle — contribuera à susciter l’envoi à l’OCD d’informations sur des relations qui lui auraient échappé, pour qu’elles puissent être incluses dans la base et prises en compte dans de futures analyses.

L’article a donc les particularités suivantes:

  • l’analyse qu’il présente se fonde sur la localisation des collectivités, leur population et leur niveau dans les échelles spatiales (niveau communal, agglomération, niveaux intermédiaire (2) et régional), les caractéristiques de la population n’étant retenues que dans le cas des communes;
  • les cartes, les graphiques et les tableaux ont tous été élaborés par les auteurs;
  • les cartes ne concernent que les relations entre communes.

Description des relations bilatérales en chiffres et en cartes

L’OCD a identifié 980 relations bilatérales entre des collectivités européennes et latino-américaines, dans lesquelles sont impliqués 1 136 collectivités territoriales ou regroupements de ces dernières. Le résultat forme un tissu serré et complexe, comme le montre la carte 1: peu lisible en elle-même, elle est décomposée en ses éléments constitutifs (taille des villes, tri par pays) dans les cartes suivantes.

1. Le réseau des relations bilatérales

Types et tailles des collectivités partenaires

Les communes sont les partenaires les plus actifs des relations bilatérales puisqu’elles représentent 91% de ces relations (870 cas), dont 87% se font uniquement entre des communes (761 cas). Viennent ensuite les collectivités régionales (y compris les États fédérés) qui représentent 12% des relations identifiées (121 cas).

Les relations bilatérales sont généralement plus fréquentes entre partenaires de taille démographique homologue (3). En analysant cette tendance du point de vue des collectivités européennes (tabl. 1a), on observe que les petites communes, les grandes communes et, dans une moindre mesure, les collectivités supra-municipales se sont mises plus fréquemment en relation avec leurs homologues latino-américaines qu’avec des partenaires de niveau spatial différent (dans 57%, 76% et 44% respectivement). Du point de vue des collectivités latino-américaines (tabl. 1b), il en va de même pour les collectivités supra-municipales, les petites communes, mais avec une intensité bien moindre pour les grandes communes (86%, 72% et 32%).

Le comportement des communes moyennes (entre 100 000 et 500 000 hab.) est différent selon qu’on est en Europe ou en Amérique latine. Dans le premier cas, les relations avec les petites et les grandes communes latino-américaines ont une fréquence semblable (un peu plus de 30%). Dans le second cas, leurs relations avec les petites communes européennes sont les plus fréquentes (60%).

Pour ce qui est de la distribution par régions sous-continentales, le fait le plus significatif est un plus grand pourcentage de partenaires européens (56% du total d’institutions) que de partenaires latino-américains (44%). Ce phénomène est peut-être dû au fait que les collectivités européennes ont, dans la majorité des cas, un rôle d’appui financier, et que leurs ressources limitées les empêchent de s’impliquer dans de trop nombreuses relations, facteur qui n’existe pas dans le cas latino-américain. Une autre cause complémentaire est que quelques collectivités latino-américaines ont acquis beaucoup d’expérience dans le domaine des relations internationales, ce qui leur permet de multiplier les possibilités de contact.

Un autre fait significatif est que les collectivités les plus actives (4) dans les relations bilatérales sont concentrées dans quelques régions ou zones de leurs pays respectifs. Le fait est clairement visible au Royaume-Uni, en Italie, au Brésil, en Argentine, au Chili et au Mexique, entre autres (carte 2).

2. Distribution des participants par pays et groupe de pays 3. Les relations bilatérales entre groupes de pays

En ce qui concerne les caractéristiques démographiques et du niveau territorial des participants, si l’on compare l’Europe et l’Amérique latine, on observe que les communes participantes européennes sont en général de petite taille, mais prennent part à un plus grand nombre de regroupements supra-municipaux (graph. 1).

1. Distribution des coopérations par niveau de population et niveau territorial
2. Matrice des relations bilatérales entre groupes de pays

Ce fait est fondamentalement dû à un plus petit effectif moyen de population par commune dans l’UE, et à un plus grand nombre et à une plus grande variété de regroupements; mais aussi à ce que les communes latino-américaines disposent de moins de ressources et de compétences pour prendre part aux relations internationales, un facteur qui affecte principalement les communes plus petites.

Les collectivités supra-municipales les plus actives dans les relations identifiées sont les régions, suivies des niveaux intermédiaires (tabl. 2). Alors qu’il existe une certaine parité entre le nombre de régions participantes en Europe et en Amérique latine, on trouve des différences significatives dans le nombre de collectivités de niveaux intermédiaires, plus grand en Europe, où l’emboîtement des niveaux territoriaux comporte plus de «couches» qu’en Amérique latine (six en France contre trois au Brésil, par exemple).

Analyse géographique

La distribution géographique des coopérations varie considérablement selon les groupes de pays. Dans l’ensemble, on observe, sur le graphique 2, que le Sud de l’Europe et les groupes Cône Sud et Amérique centrale concentrent la plupart des relations identifiées, presque 70% des 980 cas répertoriés. À un niveau moindre, l’Europe centrale se détache grâce à ses relations avec l’Amérique centrale et le Cône Sud, puis la Zone andine et le Mexique avec les pays de l’Europe du Sud et enfin, plus modestement, le Nord de l’Europe avec l’Amérique centrale et Cuba (carte 3).

La distribution des relations par pays montre un degré de concentration élevé dans certains d’entre eux (tabl. 3). Ce phénomène est davantage accusé dans l’UE, où cinq pays (l’Espagne, l’Italie, la France, l’Allemagne et le Portugal) concentrent 87% des relations du total des 25 pays qui forment l’UE (5), la majorité du Sud de l’Europe. En contraste fort avec cette activité des pays principaux, la participation est faible ou nulle dans la majorité des pays européens, particulièrement parmi les derniers incorporés à l’Union et dans ceux du Nord de l’Europe. Concrètement, l’OCD n’a détecté aucune relation dans dix pays (le Danemark, Chypre, la Slovénie, l’Estonie, la Hongrie, l’Irlande, la Lituanie, la Lettonie, le Luxembourg et Malte) et des relations très faibles dans cinq autres pays (la République tchèque, la Slovaquie, la Finlande, la Grèce et la Pologne). On ne s’en étonnera guère pour les anciens pays de l’Est entrés récemment dans l’Union, qui ont d’autres priorités, mais cela peut paraître plus surprenant pour des pays comme le Danemark ou le Luxembourg. C’est en fait un effet de leur petite taille, le petit nombre de collectivités territoriales fait que la coopération décentralisée y est très faible, mais elle est compensée par une politique d’aide au développement forte au niveau national.

Dans le cas de l’Amérique latine, bien que ce phénomène soit moins accusé, on observe également une certaine concentration des relations dans quelques pays. Cinq pays (l’Argentine, le Brésil, le Nicaragua, Cuba et le Mexique) concentrent 75% des relations identifiées. Toutefois, contrairement à l’UE, on a identifié des relations dans tous les pays, et peu nombreux sont les cas où leur nombre est faible (le Costa Rica, le Honduras, Panama et le Paraguay).

Le tableau 3 montre aussi des concentrations de liens entre certains pays, comme les relations privilégiées de l’Espagne avec l’Argentine, le Nicaragua, Cuba et le Mexique; celles de l’Italie avec l’Argentine; celles du Brésil avec la France et le Portugal; et celles du Nicaragua avec l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et le Royaume-Uni représentent 57 % du total des relations identifiées.

Le fait que la majorité des pays de l’UE maintiennent des relations limitées ou nulles avec l’Amérique latine peut être expliqué par la faiblesse de leurs liens culturels avec ces pays. D’autres facteurs entrent en jeu mais dans une moindre mesure, comme le peu d’expérience que la majorité des pays récemment intégrés à l’UE ont de la coopération pour le développement, ou encore le manque, dans les collectivités territoriales de ces pays, de ressources et de cadres qualifiés pour mener ces collaborations.

Les résultats obtenus aident à identifier quelques-unes des motivations qui ont poussé à établir des liens de coopération entre collectivités européennes et latino-américaines: entre autres, les liens historiques établis lors des périodes de colonisation, et postérieurement lors d’émigrations depuis l’Europe vers l’Amérique latine, ou encore la volonté de lutter contre la pauvreté, peuvent expliquer la prédominance des relations.

Les facteurs déterminants des relations bilatérales

Les facteurs qui motivent la création de liens entre deux collectivités sont variés, même pour chaque relation prise individuellement. Leur connaissance détaillée ne pourrait être obtenue que par l’analyse fine des contenus de chaque relation, mais ce n’est pas l’objet de cet article. Toutefois, quelques caractéristiques globales des relations aident à les regrouper autour de quelques motivations communes, et l’on peut esquisser une typologie des relations, inscrites dans leur histoire, leur contexte culturel ou géopolitique.

Liens historiques et humains: colonisation et émigration

Sans aucun doute, le facteur qui facilite le plus la création de liens de coopération décentralisée est l’existence de liens historiques entre les deux collectivités territoriales, liens qui se sont noués à l’époque de la colonisation européenne en Amérique latine, ou sont issus de liens culturels plus récents, fruits des flux migratoires européens au XIXe siècle originaires principalement d’Italie et d’Espagne.

La période de colonisation ibérique a laissé un héritage linguistique à l’Amérique latine, la langue portugaise au Brésil et l’espagnol (dans sa version castillane) dans le reste de l’Amérique latine, un état de fait qui favorise grandement les relations avec le Portugal et l’Espagne. Avoir une histoire, une langue et une culture en commun, est un facteur-clé des collaborations, comme on le voit pour l’Espagne, dont les collectivités territoriales n’ont qu’une présence discrète au Brésil (11% des relations du Brésil), mais majoritaire dans le reste de l’Amérique latine (plus de 40% du total des relations identifiées). Le même phénomène se produit pour le Portugal, dont la grande majorité des relations se concentrent au Brésil (carte 4).

4. Relations du Portugal avec l’Amérique latine  agrandir la carte 5. Relations de l’Italie avec l’Amérique latine  agrandir la carte

L’Italie est le second pays européen pour les relations avec l’Amérique latine dirigées principalement vers l’Argentine, et dans une moindre mesure le Brésil (carte 5), là précisément où un fort volume d’émigrants italiens s’est concentré, au XIXe et au début du XXe siècle. Fare l’America signifiait le plus souvent émigrer vers les États-Unis, mais tout aussi bien en prenant le bateau pour Buenos Aires ou Rio de Janeiro, ou encore Santos et São Paulo: si, aujourd’hui encore, pour les Paulistanos la meilleure sortie nocturne est la pizzeria, c’est bien parce que des millions d’immigrants ont donné à la ville un net accent italien, littéralement et dans ses modes de relations sociales et familiales, dans la façon d’être, de parler, de se distraire. Et l’on connaît la définition classique — et quelque peu sardonique — que leurs voisins donnent des Argentins: «des Italiens qui parlent espagnol et se prennent pour des Anglais…».

Ce qui est évoqué ici pour l’Italie se produit aussi pour quelques zones de l’Espagne, comme la Galice ou les îles Canaries (distinguées sur la carte 6 des autres cas espagnols), régions d’où de nombreux émigrants sont partis vers l’Argentine ou vers Cuba.

Ces faits historiques pourraient en outre expliquer, en partie, la concentration des relations entre l’Espagne et l’Uruguay (carte 7), ou encore entre l’Espagne et le Mexique, où l’héritage colonial fut renforcé par l’émigration espagnole postérieure à la guerre civile (1936-1939). La carte 8 montre cette prédominance, mais elle témoigne aussi de la collaboration avec d’autres pays européens, comme la France, d’où venaient les «Barcelonnettes», commerçants issus de la ville éponyme, et même des immigrants grecs, polonais et autrichiens, dont les descendants sont probablement à l’origine des collaborations d’aujourd’hui.

6. Relations de la Galice et des îles Canaries avec l’Amérique latine  agrandir la carte 7. Relations de l’Uruguay avec l’Europe  agrandir la carte

La solidarité: affinités politiques et diminution d’inégalités

La lutte contre la pauvreté et la solidarité est une autre raison d’établir des relations entre des collectivités territoriales d’Amérique latine et d’Europe. La volonté de solidarité avec les plus défavorisés est sûrement le motif qui encourage le plus les communes et les autres collectivités européennes à lancer des opérations de coopération décentralisée, du fait qu’une grande partie de la population de l’Amérique latine vit dans des conditions d’extrême pauvreté. C’est ce qui explique notamment le nombre de coopérations avec l’Amérique centrale (carte 9) et les pays andins (carte 10), parmi les plus pauvres du continent (les îles caraïbes sont hors du champ de l’analyse, sans quoi on verrait très certainement apparaître Haïti dans ces listes).

8. Relations du Mexique avec l’Europe  agrandir la carte 9. Relations de l’Amérique centrale avec l’Europe  agrandir la carte

La volonté de manifester sa solidarité, dans sa version plus politique, est manifeste pour certains pays, où l’Europe a appuyé des mouvements révolutionnaires dans les années 1970 et 1980: le Nicaragua et, dans une moindre mesure, Cuba et le Salvador.

Au Nicaragua, beaucoup de ces jumelages ont débuté par un appui européen au mouvement sandiniste, puis ont continué en raison de la situation de pauvreté où vit la majeure partie de la population. La distribution de la participation européenne dans les relations avec le Nicaragua montre une concentration particulière pour des pays du Nord de l’Europe (carte 11), notamment Allemagne, Autriche, République tchèque, Slovaquie, Pays-Bas et Royaume-Uni (tabl. 3). Elle montre aussi que ce sont les plus nombreuses des relations de l’Espagne avec l’Amérique latine, bien qu’il n’existe plus entre l’Espagne et le Nicaragua, depuis son Indépendance en 1821, d’autres liens que l’usage d’une langue commune. De ce fait, le Nicaragua représente l’exemple le plus clair de la motivation politique de relations décentralisées, au nom d’une vision commune de la solidarité, et il concentre à lui seul 21% des relations bilatérales totales.

10. Relations des pays andins avec l’Europe  11. Relations du Nicaragua avec l’Europe 

Dans la majorité des pays, les relations auxquelles prennent part les collectivités territoriales s’expliquent par la conjonction de plusieurs motivations. Cuba (carte 12) en offre sans doute la plus grande diversité: un passé de colonisation par l’Espagne — puisque la souveraineté espagnole y a duré jusqu’en 1898 —, des flux migratoires depuis certaines régions espagnoles — comme les îles Canaries —, un fort appui politique à la révolution cubaine, la solidarité en raison de la pénurie dont a souffert une partie de la population depuis l’embargo américain et la fin de l’appui par l’URSS, l’intense activité de relations internationales que développent ses provinces — notamment La Havane —, et enfin la participation à des programmes internationaux, particulièrement le PDHL (Programme de développement humain local) du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) qui a favorisé des liens avec l’Espagne et l’Italie.

Différentes stratégies européennes

Tous les pays européens n’ont pas les mêmes comportements, tant s’en faut, et même si chaque collectivité est libre d’établir des collaborations avec qui elle veut, il est clair qu’il existe des styles nationaux de coopération décentralisée, qui se traduisent notamment par le choix des pays bénéficiaires. On notera ainsi sur les cartes 13 à 16 le contraste entre le spectre très large des coopérations françaises (carte 13), qui concernent pratiquement tout le continent, et la politique de coopération britannique (carte 14), totalement recentrée sur l’aide à l’Amérique centrale, à l’exception de deux collaborations avec des collectivités argentines, fondées par des émigrants gallois.

12. Relations de Cuba avec l’Europe  agrandir la carte 13. Relations de la France avec l’Amérique latine  agrandir la carte

Les Pays-Bas (carte 15) ont eux aussi établi presque tous leurs liens avec le Nicaragua, à de rares exceptions près. L’Allemagne (carte 16) concentre ses collaborations sur l’Amérique centrale, sans s’interdire des liens avec le Sud du Brésil, l’Argentine et la Bolivie, où des colonies de descendants d’immigrants allemands tentent de garder le contact avec le Vaterland.

L’internationalisation des régions et des grandes villes

L’entrée dans le débat international des grandes villes et d’autres collectivités supra-municipales, comme les régions, les provinces ou les secteurs métropolitains, revêt une importance particulière étant donné le volume de relations qu’elles mènent désormais. Dans le cas particulier des relations bilatérales identifiées par l’OCD, ces institutions sont plus actives, on ne s’en étonnera guère, que les communes de petite taille (graph. 3), en raison de leurs moyens, bien supérieurs, et de leurs stratégies, plus ambitieuses.

14. Relations du Royaume-Uni avec l’Amérique latine  agrandir la carte 15. Relations des Pays-Bas avec l’Amérique latine  agrandir la carte

Les motivations de cette forte activité internationale sont diverses et, très probablement, ne se réduisent pas aux relations culturelles, fruits de liens historiques, ni aux activités liées à la solidarité avec les plus défavorisés. D’autres motivations et d’autres intentions, comme le marketing urbain, les stratégies corporatives des entreprises transnationales et leur impact sur la vie locale, ou les alliances entre des villes dans des démarches de lobbying mondial, sont présentes dans les stratégies internationales des collectivités, principalement les plus grandes: il y a là tout un domaine nouveau de coopération, qui reste largement à étudier.

La distribution globale des relations des grandes villes couvre toute l’Amérique latine et toute l’Europe, elle est peu focalisée territorialement (carte 17), formant un réseau dense et apparemment tous azimuts. Tous les pays ne sont pourtant pas également actifs: en Amérique latine, ce sont les États fédérés d’Argentine, du Brésil ou du Mexique, ainsi que les régions chiliennes, qui ont les relations de coopération les plus actives. Dans le cas européen, ce sont à nouveau l’Espagne, la France et l’Italie qui sont le plus actives, grâce à leurs régions.

16. Relations de l’Allemagne avec l’Amérique latine  agrandir la carte 17. Relations des villes de plus de 500 000 habitants  agrandir la carte

Considérations finales

3. Distribution des collectivités les plus actives par niveau de population et niveau territorial

L’analyse des relations bilatérales des collectivités territoriales d’Amérique latine et d’Europe présente donc quelques constantes qui, sans épuiser la richesse du phénomène, méritent d’être soulignées.

Les relations ont diverses motivations, parmi lesquelles se détachent la volonté de lutter contre la pauvreté, la solidarité politique, les liens historiques, ou encore les nouvelles tendances du marketing public et le positionnement stratégique des villes et des régions. En résumé, tant le passé que le présent nourrissent la volonté mutuelle de collaboration.

Les relations analysées présentent des différences significatives selon le niveau territorial et la taille des populations, dans le cas des communes. Ces différences tendent à former des espaces de collaboration et des partenariats dont les membres ont en général des caractéristiques semblables, ou des préoccupations communes.

D’autres modalités de collaboration, comme les réseaux, dynamisent la participation d’institutions non présentes dans des relations bilatérales (et qui ne sont donc pas analysées ici). Ces modalités constituent des espaces de rencontre privilégiés, et pour ce motif, entre autres, il est souhaitable que les liens décentralisés entre l’Amérique latine et l’Europe augmentent à moyen et long terme.

Les motivations initiales qui expliquent l’apparition d’une relation bilatérale peuvent ne pas en conditionner le développement. Par exemple, les relations avec le Nicaragua, qui ont commencé par un appui politique à la révolution sandiniste, se sont transformées dans beaucoup de cas en coopération tournée vers des groupes de populations pauvres. Des relations qui ont commencé en fonction de relations historiques, comme les liens entre les descendants de populations européennes immigrées et leurs lieux d’origine, peuvent donner lieu à des relations liées au développement économique des deux territoires ou — comme cela s’est produit après le krach économique argentin — à l’aide dans des situations d’urgence. En conséquence toute relation existante, même si le motif peut paraître peu significatif, est susceptible de dériver ensuite vers des activités différentes.

La diversité des types de collaboration, que cette brève analyse a permis d’ébaucher, révèle des relations très diverses et — bien que cela n’apparaisse pas ici — de plus en plus fortes. Certes, les données disponibles ne rassemblent pas (ou pas encore) la totalité des relations existantes, mais la richesse des typologies de relations qui ont été détectées fait supposer que de nouvelles informations contribueront à démontrer la force et la vitalité des relations entre des institutions locales des deux côtés de l’Atlantique, et ce bien au-delà de ce que peut apporter ce type de travail.

La diversité des types de collaboration, que cette brève analyse a permis d’ébaucher, révèle des relations très diverses et — bien que cela n’apparaisse pas ici — de plus en plus fortes. Certes, les données disponibles ne rassemblent pas (ou pas encore) la totalité des relations existantes, mais la richesse des typologies de relations qui ont été détectées fait supposer que de nouvelles informations contribueront à démontrer la force et la vitalité des relations entre des institutions locales des deux côtés de l’Atlantique, et ce bien au-delà de ce que peut apporter ce type de travail.

Bibliographie

ALDECOA F., KEATING M. (1999). Paradiplomacy in Action: The Foreign Relations of Subnational Governments. Londres: Frank Cass, coll. «Cass series in regional and federal studies», 223 p. ISBN: 0-7146-8018-4

CHOMBARD-GAUDIN C. (1995). «Des dates et des lieux: les jumelages en Bourgogne, Languedoc-Roussillon et Limousin». Mappemonde, 4/95

GUTIÉRREZ A. (2006). «Una aproximación a las relaciones de cooperación descentralizada en la UE y AL». Anuario 2005. Montevideo: Observatorio de Cooperación Descentralizada UE-AL.

SÁNCHEZ J. (2006). «La acción internacional de las autoridades locales. Módulo 1 de la formación on-line». Barcelona: Observatorio de Cooperación Descentralizada UE-AL.

UNDP (United Nations Development Program) – UNOPS (United Nations Office for Project Services) (2004). Report on multilateral human development programmes. Roma: Unesco.

Notes

1. Cet article est tiré d’un travail réalisé pour le compte de l’Observatorio de Cooperación Descentralizada UE-AL: Santiago SARRAUTE y Hervé THÉRY (2007), «Análisis de las relaciones bilaterales entre las administraciones públicas sub-nacionales de América Latina y Unión Europea», Anuario 2006, Observatorio de Cooperación Descentralizada UE-AL.

2. On considère comme niveaux intermédiaires toutes les collectivités territoriales (ou leurs regroupements) entre le niveau municipal et le niveau régional, à l’exception des secteurs métropolitains. Par exemple, les départements, Kreise, provinces, etc. (dans le cas européen), les fédérations et associations de communes, etc.

3. On notera que le découpage démographique adopté (moins de 100 000 habitants, de 100 000 à 500 000, plus de 500 000) a été adopté — après de multiple essais — parce qu’il met en relief une forte concentration des partenariats dans les communes de moins de 100 000 habitants (plus de la moitié des communes latino-américaines et près des deux tiers des communes européennes impliquées) et le rôle spécifique des grandes villes.

4. On considère actives celles qui prennent part à cinq relations ou davantage, ici aussi après plusieurs itérations qui ont montré que ce seuil était valable quelle que soit la taille des collectivités concernées.

5. Au moment de la rédaction de cet article, avant l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie le 1er janvier 2007.