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Un livre blanc. Récit avec cartes

«Malgré la couverture satellite permanente et le maillage des caméras de surveillance, nous ne connaissons rien du monde»: ainsi se termine, sans nuance aucune, Un livre blanc de Philippe Vasset. En connaissons-nous davantage du monde, ou au moins de la ville, après avoir lu cet ouvrage ? Non, mais nos yeux se sont entrouverts sur un certain nombre de lieux vides que nous ne voyions pas dans l’espace urbain.

L’auteur se donne en effet pour but d’explorer, pendant un an, une «zone blanche» de la carte IGN 2314 OT («Paris et sa banlieue») par semaine: friches, zones mouvantes mal définies, champs de manœuvre désaffectés, marges de toute nature, près de la porte de la Chapelle, à Bondy ou ailleurs. Des cinquante étapes du parcours, Philippe Vasset en retient dix-sept avec descriptions et extraits de cartes, publiés dans un livre mince qui se lit en très peu de temps.

Partant du principe que les cartes n’entretiennent «que des rapports très lointains avec le réel» (p. 9), ce qui est, selon moi, tout à fait exagéré, l’auteur intervient avec une méthode banale: définition de la «zone blanche» avec balise GPS, description méticuleuse, prise de photographies, relevés, croquis (1), etc… Il trouve dans les «zones blanches» autre chose que du mystère, il y met au jour, sans surprise, de l’humain sous des formes dégradées: misère, bidonvilles, décharges, bâtiments ou réservoirs abandonnés, etc. L’auteur se comporte, à ses dires propres, en géographe amateur, avide de déambuler dans des «aires vacantes» souvent herbeuses, taguées, en chantier, aux bruits particuliers. Il est confronté à des «excès de réel», des sites instables, en voie d’effacement et de modifications. Évoquant la violence plus ou moins retenue de ces lieux qui cachent «une sourde résistance au comblement» (p. 81), il n’y rencontre qu’exceptionnellement des hommes.

Les références et citations de Philippe Vasset sont hétéroclites, souvent superficielles et toujours convenues: Augé, Sansot, Deleuze, Corbin, Davis, des auteurs de bande dessinée... Finalement, Un livre blanc, habilement médiatisé car publié chez Fayard dont les relais sont nombreux dans la presse, est décevant. Son style est sans réelle qualité. La phrase suivante, prise presque au hasard, me semble comporter une comparaison déplacée qui témoigne d’une écriture pauvre: «Comme un volcan grondant au fond de la forêt, il faut que, quelque part dans la ville, il y ait un endroit où sourd l’inconnu» (p. 123).

La ville reste le lieu de toutes les tentatives scientifico-littéraires depuis quarante ans; celle de Philippe Vasset n’est ni la plus originale, ni la mieux réussie. Georges Perec et quelques autres écrivains oulipiens de talent avaient déjà décrit, dans les années 1970, ce sentiment vain de ne jamais réussir à totalement saisir l’espace urbain. Un livre blanc n’est qu’un faible écho de textes forts comme ceux d’Espèces d’espaces de Perec (1974). L’expérience à la fois géographique et littéraire qu’il relate est différente du récent et étonnant arpentage du Xe arrondissement de Paris par Thomas Clerc (2). Elle est plus proche du voyage à pied en banlieue parisienne de Luc Gwiazdzinski et Gilles Rabin, un ouvrage de socio-géographie appliquée que j’ai critiqué dans un numéro précédent de Mappemonde (3). La seule chose qui marquerait l’intérêt du travail de Philippe Vasset est l’idée de le poursuivre sur Internet avec les membres d’un «Atelier de géographie parallèle», un «groupe mis en place pour figurer graphiquement ce qui échappe aux représentations usuelles de l’espace» (p. 62), un objectif qui pourrait paraître prétentieux. Le site de cet atelier est néanmoins plastiquement réussi.

Laurent Grison

VASSET Ph. (2007). Un livre blanc. Récit avec cartes. Paris: Fayard, coll. «Rentrée littéraire», 137 p. ISBN: 978-2-213-63411-1. Prix: 14 euros

1. Aucune photographie, aucun croquis, aucun relevé n’est joint au livre.

2. CLERC Th. (2007). Paris, musée du XXIe siècle: le 10e arrondissement. Paris: Gallimard, coll. «L’Arbalète». ISBN: 978-2-07-078485-1

3. GWIAZDZINSKI L., RABIN G. (2007). Périphéries. Un voyage à pied autour de Paris. Paris: L’Harmattan, coll. «Carnets de ville». In Mappemonde n°4/8