Sommaire du numéro
N° 90 (2-2008)

La diffusion du Néolithique en Europe (7000-5000 av. J.-C.) et sa représentation cartographique

Michel Rasse a

UMR 6228 IDEES-Ledra, Mont-St-Aignan et Équipe AnTET de l’UMR 7041 ArScAn – MAE Nanterre

Résumés  
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Géographie et préhistoire sont encore trop peu associées dans le cadre de réflexions portant sur la diffusion spatiale des innovations, que ces dernières apparaissent au Paléolithique ou qu’elles illustrent l’aube des premières sociétés structurées autour d’habitats sédentaires et de parcelles mises en cultures. Très tôt pourtant, dans une période pendant laquelle ces deux disciplines s’institutionnalisaient en France, Pierre Deffontaines (1924) soulignait l’intérêt que la géographie et la préhistoire pourraient être à même de se porter, l’une et l’autre pouvant s’enrichir grandement de réflexions communes.

Or, il faut le reconnaître, géographes et préhistoriens ne collaborent que très rarement. Il s’ensuit, pour les uns, une méconnaissance des données archéologiques et une faible appréhension du temps dans la longue durée, et, pour les autres, un désintérêt pour la spatialisation des phénomènes observés qui traduit la difficulté de passer de l’objet au modèle. Pour autant, une petite communauté d’archéologues qui place l’étude du rapport des sociétés du passé à l’espace au centre de leur problématique s’est constituée en réseau interdisciplinaire avec des géographes (ISA, MoDyS), mais les préhistoriens y sont encore peu présents.

Objectifs

Il est vrai que du côté des géographes — même parfois chez ceux qui tentent de mettre en lumière la difficulté de la lecture —, les interprétations des connaissances archéologiques sont parfois hâtives.

Ainsi, Jacques Lévy (1999) considère — à titre d’hypothèse — qu’il y a les «lieux stables» apparus avec la sédentarisation au Néolithique, laquelle présuppose «l’installation d’un nouveau cadre géographique prégnant, différent de ceux des environnements naturels», et les espaces et les temps du Paléolithique, plus flous, moins circonscrits, pris d’emblée comme moins représentatifs de «la capacité des sociétés à accumuler, donc à traiter ensemble plusieurs temporalités — celle de la mémoire et celle du projet — au sein du présent» (ibid.). Or tout ne commence pas au Néolithique. Non seulement, il est envisageable de parler de lieux stables durant le Paléolithique (au moins le moyen et le supérieur), mais il est désormais acquis, avec la mise en évidence de l’utilisation intensive des céréales sauvages dès le Paléolithique supérieur (23 000 ans au Proche-Orient sur le site d’Ohalo II sur les berges du Lac de Tibériade; Weiss, 2005) et avec les travaux de Jacques Cauvin (1994) sur la naissance de l’agriculture, que la sédentarité précède nettement la mise en valeur agricole des terres. «Ce n’est pas le champ qui a fixé l’Homme» (Guilaine, 1996 in 2003). Donc non seulement, la première affirmation est à prendre avec prudence parce que l’homme a créé des habitats «stables» avant de transformer le cadre écosystémique qui l’entourait et duquel il tirait — au moins au Proche-Orient — depuis plusieurs milliers d’années les céréales sauvages, mais de même les analyses sur le Paléolithique sont trop rapidement argumentées. Certes, l’ouvrage de Jacques Lévy avait d’autres prétentions que «préhistoriques» et l’auteur reste très prudent sur l’émergence des lieux du Néolithique. Il est toutefois certain aujourd’hui que les sociétés du Paléolithique moyen de Syrie ou celles du Paléolithique supérieur d’Europe ont au moins en commun d’avoir exploité des sites — de sources, de grottes, de matières premières, de chasse… — pendant des périodes extrêmement longues, et nécessairement les hommes qui s’y sont succédé sont tout à fait représentatifs de leurs «capacités à traiter plusieurs temporalités, celle de la mémoire et celle du projet», celle de la transmission des acquis techniques, des savoirs, des croyances et celle des lieux qui leur permettent de vivre.

Il en est de même, du côté des préhistoriens, de la recherche sur les lieux, les espaces, les territoires des sociétés passées — presque totalement délaissée ou, en tout cas, déconnectée des préoccupations des géographes travaillant sur les mêmes notions —, malgré les outils disponibles, au profit de recherches davantage axées sur le matériel et le chronologique.

Un récent ouvrage (Jaubert, Barbaza, 2005), somme d’articles écrits à l’occasion d’un colloque dont l’objet était éminemment géographique puisqu’il portait sur les «Territoires, déplacements, mobilité, échanges durant la Préhistoire», témoigne simultanément de l’extrême richesse des données scientifiques que l’on tire aujourd’hui des sites archéologiques — du Paléolithique comme du Néolithique —, de la richesse iconographique des planches d’artefacts exhumés, et… de la pauvreté du discours spatial et de la documentation cartographique. Si un rapide décompte des documents fournis par les contributions fait état d’une part relativement grande réservée à la cartographie (autour de 30%), celle-ci n’est en réalité qu’une cartographie de localisation des sites et/ou des gisements de matières premières (pour plus de 50% d’entre elles), les autres documents n’exprimant que très exceptionnellement une tentative de réflexion spatiale originale.

Certes il est difficile de penser en termes d’espaces et de territoires en ce qui concerne le Paléolithique, compte tenu de la difficulté de la stricte lecture archéologique des sites et du problème constant des attributions chronologiques. Pourtant, avec ses concepts actuels, la géographie offre une démarche et une méthodologie parfaitement adaptées à l’analyse de l’organisation spatiale des sociétés du passé. Il est d’ailleurs intéressant de noter que c’est ce que réclame justement Jean-Pierre Bracco dans cet ouvrage dont le premier article s’intitule: «De quoi parlons-nous? Réflexions sur l’appréhension des territoires en Préhistoire paléolithique». «Peut-être faudrait-il qu’une démarche collective soit mise en place et qu’un vocabulaire d’attente soit éventuellement proposé» (Bracco, 2005). Or, la géographie offre aussi un vocabulaire particulièrement adapté et il est regrettable que le vœu de Pierre Deffontaines d’une «collaboration du géographe aux études préhistoriques» n’ait pas été suivi par notre communauté et que nous n’ayons réussi à transmettre ni notre réflexion spatiale, ni nos concepts.

Il est vrai, seuls quelques sites exceptionnels se prêtent bien à ce genre d’exercice pour le Paléolithique. Il est, en effet, plus facile de penser espaces lorsque le site offre dans le temps une lecture à la fois diachronique et synchronique et que le nombre des niveaux archéologiques étudiés est grand. C’est ce que nous avons proposé avec l’exemple de la lecture du site extrêmement riche d’Umm el Tlel en Syrie centrale durant le Paléolithique moyen (Rasse, Boëda, 2006).

Pour le Néolithique, il en va différemment: nombreuses sont les études qui cadrent, parfois avec grande précision, l’espace et le temps des sites archéologiques. Le degré de reconstitution archéologique est en général largement supérieur et cela n’est guère étonnant compte tenu de la meilleure conservation, du nombre, de la diversité des artefacts, ainsi que de la précision des datations par le carbone 14 (noté 14C dans la suite de l’article).

Il est donc logique que la diffusion spatiale du Néolithique ait fait très tôt l’objet de contributions ciblées et que les nombreuses synthèses en aient caractérisé les grandes étapes en Europe (Guilaine, 1994, 2003; Mazurié de Keroualin, 2003; Demoule, 2007 et leurs orientations bibliographiques, pour ne prendre que quelques exemples récents).Il n’est évidemment pas question ici de reprendre la totalité des écrits portant sur cette période. D’abord parce qu’ils sont très nombreux et ensuite parce que nous ne sommes en rien qualifiés pour juger de la pertinence des affirmations, des discours et des incertitudes sur la néolithisation, sur la conquête… et encore moins de disserter sur les processus sociétaux et les modalités techniques de cette innovation majeure pour les sociétés. Il s’agit ici de souligner l’excellence des contributions et le consensus qui se dégage sur les grandes étapes de cette diffusion spatiale, lesquelles sont aujourd’hui relativement bien connues, si l’on se limite au continent européen pris dans son ensemble.

Certes, la diffusion du Néolithique ne se fait pas que vers l’Ouest. Ce n’est que l’une des branches d’un processus spatial plus global. Mais, faute de données et de datations fiables, ainsi que de synthèses récentes, notamment pour les espaces africains, la diffusion ne s’analyse finement que dans le strict cadre européen. Pour autant, le géographe n’est guère motivé par les interprétations et lesreconstructions spatiales proposées. Les représentations cartographiques des grandes étapes de la diffusion en Europe restent très rudimentaires et ne peuvent se prêter ni à une connaissance précise, ni à une réflexion pluridisciplinaire enrichissante, ni à une vulgarisation de qualité.

Il paraît donc aujourd’hui plus que nécessaire d’entamer une réelle réflexion pluridisciplinaire et cet article n’a que cet objectif: relire la dynamique spatiale du Néolithique à la lueur des connaissances acquises par des décennies de recherche préhistorique et montrer que l’approche spatiale du géographe peut être enrichissante, en favorisant une lecture croisée sur les espaces et les échelles concernés, et en posant les questions qui relèvent d’une analyse spatiale, auxquelles évidemment seuls les préhistoriens sont à même de répondre.

La préoccupation actuelle de certains d’entre eux de travailler de manière approfondie les concepts géographiques, mais aussi ethnologiques, anthropologiques… qui se réfèrent à l’espace pour éviter de tomber dans le piège des interprétations rapides, montre bien ce besoin d’éclairer les données sous un angle nouveau, c’est-à-dire finalement le besoin de réfléchir à différentes échelles, tout en confrontant des temporalités différentes.

État des connaissances, représentations cartographiques et modèles de diffusion

Les principales étapes de la diffusion des débuts de l’agriculture et de la domestication des animaux ont été largement divulguées, même si les auteurs ne s’entendent pas toujours ni sur les modalités de la propagation, ni sur la chronologie précise.

En matière de diffusion spatiale, qui se veut ici dénuée de toute explication sur les raisons profondes ayant conduit les sociétés à adopter les innovations, et à l’échelle européenne, trois grands modèles ont été formulés (nous laissons ici les concepts et les modèles «explicatifs» qui traitent des raisons qui poussent les sociétés à migrer, à étendre leur «territoire» et/ou à adopter de nouvelles techniques):

Modèle de «la vague d’avance» (Ammerman et Cavalli-Sforza, 1971, 1984)

La première tentative de représentation de la diffusion spatiale du Néolithique semble être celle de J. Clark (1965; fig. 1). Elle est à l’origine du premier modèle proposé quelques années plus tard par A.J. Ammerman et L. Cavalli-Sforza (1971, 1984).

1. Une des premières représentations cartographiques de la diffusion spatiale du Néolithique, celle de Clark, 1965: représentation ponctuelle par site daté grâce au 14C et en trois tranches chronologiques (d’après une carte extraite de Guilaine, 2003).

La carte de J.G.D. Clark est intéressante à plus d’un titre. Il s’agit en effet d’une mise en perspective spatio-temporelle de la diffusion, basée sur les premières études de datation des premiers sites agricoles par la méthode — alors toute récente — du 14C. Soixante-seize sites sont représentés — en mode de représentation ponctuelle adaptée — et témoignent bien de la diffusion spatiale dans le temps, exprimé ici par trois tranches chronologiques.

Évidemment, l’image n’illustre que ce que pouvaient suggérer les premières datations: une probable diffusion est-ouest des premières agricultures à travers l’Europe à partir du foyer mésopotamien. Le choix des tranches chronologiques représentées limite considérablement la lecture de cette propagation: un «centre ancien» englobant la péninsule grecque, la Crète et l’Asie mineure (av. 5200 av. J.-C.), foyer initial de l’innovation, une Europe centrale et continentale ayant adopté très tôt le nouveau mode de production (entre 5200 et 4000 av. J.-C.) et une «périphérie tardive» qui va de la Scandinavie à l’Afrique saharienne en passant par l’Ouest atlantique européen (après 4000 av. J.-C.). Mais on ne peut que se réjouir de cette première interprétation spatiale. Certes, les données concernant les sites datés, ainsi d’ailleurs que les datations elles-mêmes (que les méthodes ont par la suite largement affinées), étaient fragmentaires, ne concernaient qu’une partie des données archéologiques disponibles et de nombreux espaces n’étaient pas encore bien connus (le Sud de l’Europe, l’Afrique…). Pourtant la volonté de transcrire spatialement des résultats scientifiques était réellement intéressante. Il est dès lors considéré que la diffusion s’est faite par l’intérieur du continent européen, au travers de la grande plaine d’Europe du Nord jugée plus apte, grâce à ses loess, à la mise en valeur de terres réputées depuis toujours fertiles.

Mais, quoi que l’on en pense, il est clair que cette première interprétation de la diffusion spatiale du Néolithique en Europe allait nourrir la réflexion jusqu’à une date très récente (Binder, Guilaine, 1998), malgré les travaux qui se multipliaient et qui semblaient montrer que les choses avaient été plus complexes.

Ainsi, à la suite du travail de J.G.D. Clark (1965), Albert J. Ammerman et Luigi Cavalli-Sforza (1971 et 1984) avancent le modèle d’une lente propagation de groupes humains qui aurait pris l’allure d’un «front pionnier» progressant à la vitesse moyenne de 1 km par an (4 000 km en 4000 ans, de -7000 à -3000). C’est le modèle de la «vague d’avance» qui se traduit cartographiquement par la figure 2, figure particulièrement intéressante s’il en est puisque c’est la seule carte exprimant une théorisation de la diffusion du Néolithique. En effet, tenant compte des données des datations 14C et partant de l’idée que la diffusion de l’agriculture était l’œuvre de migrants originaires du Proche et Moyen-Orient, les auteurs — respectivement archéologue et généticien — considèrent possible une avancée régulière, avancée qui supposait une diffusion de peuplements et une croissance démographique, mais aussi une diffusion de gènes expliquant les caractéristiques génétiques actuelles des populations européennes.

2. «Une lente progression régulière de la diffusion». Carte extraite de Ammermann et al. 1971. Les dates sont données en BP (Before Present).

Très schématique et niant totalement la variable culturelle ainsi que les adaptations aux contextes écosystémiques locaux (jouant nécessairement à certaines échelles), le modèle de la «vague d’avance» fut pourtant appliqué par Peter Breunig (1987) à l’explication de la propagation du «courant danubien» et repris par Colin Renfrew (1990) pour celle de la diffusion des langues indo-européennes depuis l’Anatolie.

Ce modèle se retrouve aussi dans de très nombreuses cartographies récentes. Ainsi, même si Albert J. Ammerman et Luigi Cavalli-Sforza admettent quand même une certaine irrégularité de la diffusion (cf. les pointillés sur leur carte, fig. 2), les cartes de Neil Roberts (1988) et de Jean-Paul Demoule (2007, p. 16-17, qui réutilise H.-P. Uerpmann, 1990) continuent de véhiculer l’idée d’une diffusion à travers le continent européen par les grandes plaines du Nord riches en loess. Sans doute, d’ailleurs, faut-il y voir le classique déterminisme physique de la géographie. Neil Roberts (1988) n’hésite pas à ajouter des précisions (à l’aide d’une carte plus détaillée) sur la répartition des loess du Nord-Ouest de l’Allemagne qui souligne la relation étroite entre installations des hommes et conditions pédologiques. Jean-Paul Demoule (2007), dont la carte privilégie étrangement les espaces du courant danubien (quand ceux du courant méditerranéen sont minimisés), insiste sur la légèreté des sols loessiques «plus faciles à travailler avec les outils à main alors employés».

Le modèle des frontières (Alexander, 1978)

L’opposition entre «courant danubien» (ou rubané) et «courant méditerranéen» (ou cardial) — certes flagrante dans les vestiges archéologiques — est sans aucun doute à l’origine du deuxième ensemble conceptuel expliquant la diffusion des techniques néolithiques en Europe (et notamment en France où les deux courants «se rencontrent» à la transition VIe-Ve millénaires).

C’est J. Alexander (1978) qui mobilise, à la fois conceptuellement et cartographiquement (fig. 3), la notion de frontière dans la dynamique spatiale des groupes pionniers (des deux courants) et l’acculturation, progressive mais finalement complète, des chasseurs-cueilleurs du Mésolithique. Il reprend pour cela le concept défini par F.J. Turner et grandement utilisé dès la fin du XIXe siècle par les chercheurs nord-américains pour désigner l’espace mouvant des agriculteurs lors de la colonisation de l’Amérique du Nord. J. Alexander réemploie les notions de frontière stable et de frontière mouvante, la première étant assimilée aux espaces «saturés» (toutes les terres disponibles sont exploitées) et la seconde aux espaces en voie de colonisation et d’acculturation. Dans cette optique, deux phases caractérisent la période de frontière mouvante, une phase A de simple exploitation des ressources naturelles et une phase B d’exploitation des terres arables.

3. Deux fronts pionniers en Europe: le modèle des frontières (Alexander, 1978).

Si ce modèle semble pouvoir être appliqué à l’intensification de l’exploitation des espaces durant le Néolithique récent (de la chronologie européenne, c’est-à-dire entre 4900 et 4200 av. J.-C.) et postérieurement, il s’avère qu’il n’est guère applicable à la dynamique spatiale des premières agricultures en Europe entre 6800 et 5000 av. J.-C. En effet, la cartographie de la diffusion de celles-ci (cf. § 3) semble montrer qu’elle se fait à la fois à partir de pôles dans des espaces restreints qui paraissent sans relations réelles avec les espaces laissés aux chasseurs-cueilleurs, et à un rythme rapidequi n’oppose en rien les deux courants culturels du Nord et du Sud.

Hormis le fait que ce modèle postule donc un «espace mouvant» entre deux fronts pionniers avides de terres à exploiter, ce qui archéologiquement n’est pas évident même si deux influences culturelles sont indéniables, une autre erreur d’échelle nous semble également commise. Celle d’une théorique exploitation des terres les plus favorables à une agriculture naissante et ce dans des espaces très contraints par la géographie physique. Aux loess réputés plus légers à travailler en Europe centrale vont ainsi s’ajouter les sols des plaines inondables ou humides du Néolithique balkanique et les sols morainiques du Néolithique alpin, tous estimés privilégiés lors de la phase pionnière des frontières mouvantes et tous susceptibles d’orienter les économies naissantes (Gallay, 1990).

On retrouve là un déterminisme écosystémique évident que l’archéologie ne prouve pas. S’il est fort probable que les premiers agriculteurs ont choisi localement certains sols plus propices aux techniques en vigueur, cette relation n’est pas évidente à l’échelle de l’Europe tout entière, notamment parce que chaque complexe archéologique s’étend sur des espaces dans lesquels les sols sont extrêmement différents (qu’on en juge dans les zones méditerranéennes!), mais aussi parce qu’il faut davantage y voir un effet du rapport densités de population/espaces disponibles. La dichotomie classique entre un courant danubien de colonisation et un courant méditerranéen d’acculturation ne paraît pas non plus satisfaisante. Si la diffusion gagne de vastes espaces en Europe continentale, c’est d’abord et avant tout parce qu’il y a de grands espaces à coloniser et si la progression est si rapide le long des rives méditerranéennes, c’est peut-être aussi parce que les surfaces cultivables sont moins représentées.

Tous les modèles d’acculturation des chasseurs-cueilleurs proposés par la suite s’appuient sur la base conceptuelle d’Alexander (Mazurié de Kéroualin, 2003) et sur cette théorique exploitation maximale d’espaces agricoles limités. On sort ici de la seule réflexion spatiale qui nous préoccupe dans cet article.

Modèle de la diffusion arythmique (Guilaine, 1998; Mazurié de Kéroualin, 2001)

En 1998, Jean Guilaine présente une nouvelle lecture de la diffusion dans l’article de synthèse qu’accompagne la figure 4 (Guilaine, 2003). Il souligne les dates d’apparition de l’innovation dans les différentes parties du continent (en déplorant l’absence de nombreux travaux sur l’Afrique du Nord), en les indiquant directement sur la carte et met en évidence ce qu’il qualifie «d’aires de mutation culturelle», c’est-à-dire des régions où l’innovation s’est propagée avec un certain retard, lequel retard n’a pu qu’être accompagné de profonds bouleversements socio-économico-culturels.

La première lecture de sa carte, difficile compte tenu de la représentation utilisée, indique néanmoins les nouvelles connaissances chronologiques que la multiplication des datations 14C a rendues possibles. La diffusion de la néolithisation ne s’est pas faite que par les grandes plaines du Nord de l’Europe, mais aussi et en premier lieu par le littoral méditerranéen. Ainsi le «noyau primitif», qui reste bien le Croissant fertile, a très tôt divulgué ses connaissances dans l’île de Chypre qui a connu une vague de peuplement néolithique dès le IXe millénaire av. J.-C., apportant avec elle, par bateau, méthodes de production agricole et bétail domestiqué (Guilaine, 2003; Vigne, 2000), puis à l’Anatolie méridionale (début VIIIe millénaire av. J.-C.). Durant la première moitié du VIIe millénaire av. J.-C., toute la région balkanique est acquise à la nouveauté et ce n’est qu’à la transition VIIe-VIe millénaires av. J.-C. que la région adriatique et les grandes plaines du Danube et de ses affluents sont touchées par l’innovation. Une nouvelle étape se fait entre 6000 et 5400 av. J.-C., période pendant laquelle la vague touche tout le littoral nord-méditerranéen jusqu’au Portugal actuel. Et ce n’est que tardivement, après 5500 av. J.-C., en une dernière phase de diffusion, que le reste de l’Europe — et justement par les plaines de l’Europe du Nord — est touché par cette néolithisation.

4. «Propagation chronologique, à travers l’Europe, de l’économie néolithique portée par un certain nombre de cultures «primaires» ou «secondaires» schématiquement cartographiées» (d’après une carte extraite de Guilaine, 2003). L’auteur a opté pour une représentation surfacique des «aires culturelles» associées de près ou de loin à la diffusion de l’économie néolithique; quelques dates sont indiquées pour figurer la propagation, ainsi que quelques traits pour indiquer les aires de «mutation culturelle».

En deuxième lecture, les «barrières» à la diffusion sont mises en évidence. Ainsi, l’Anatolie nord-occidentale, l’Ouest de la péninsule grecque et le Sud des Carpates apparaissent comme des espaces qui ont freiné, bloqué momentanément la diffusion, alors qu’il semble que dans l’Ouest européen il n’y a pas eu d’espaces ayant joué ce rôle. Enfin, l’auteur représente, et c’est une troisième lecture possible des données cartographiées, les aires culturelles «primaires» et «secondaires» de l’Europe — sans grand souci de contemporanéité d’ailleurs — afin de tenter un parallèle entre la «recherche archéologique de terrain» et les évidences chronologiques des datations disponibles et jugées représentatives. La représentation cartographique (en noir et blanc dans la publication de Jean Guilaine) va pourtant finalement à l’encontre de la volonté marquée de souligner les grandes étapes de la diffusion, puisque ce qui apparaît en premier lieu est le caractère statique des aires culturelles, figurées — et figées — par des trames de différentes valeurs. Celles-ci — qui ont été transformées en plages de différentes couleurs dans la figure 4 — ont tendance à nuire au discours puisque non seulement il n’y a pas de chronologie suggérée, mais en outre le choix des trames aurait plutôt tendance à suggérer une évolution différente.

Néanmoins, Jean Guilaine, puis Karoline Mazurié de Kéroualin (2001 et 2003) montrent ainsi, nombreuses datations précises à l’appui, que la néolithisation n’a pu être régulière, ni dans le temps, ni dans l’espace. C’est le modèle arythmique qui utilise les données chronologiques, mais qui intègre aussi les processus de déplacements de populations et les phénomènes d’acculturation, c’est-à-dire d’adoption par les derniers chasseurs-cueilleurs du Mésolithique de l’économie néolithique. Il postule une progression irrégulière de la diffusion, ponctuée donc de ralentissements et d’arrêts, sur plusieurs siècles parfois.

Jean Guilaine distingue les espaces ayant été acquis à la «révolution» dans un premier temps de façon relativement lente: c’est la diffusion primaire.Il en est ainsi de la diffusion en Méditerranée occidentale, du foyer mésopotamien (haut Euphrate) à l’Anatolie, à Chypre et aux premiers villages de Grèce (Thessalie et Crète), laquelle diffusion aurait mis 1800-2000 ans pour franchir quelque 1 500 km (soit < 1 km/an).

Puis il opère une distinction entre la diffusion rapide qui caractérise la propagation à l’espace adriatique, ligure puis ibérique: 3 000 km d’espaces littoraux, des Pouilles au Portugal, «acquis à l’économie néolithique» en 700-800 ans (entre 6200-6000 et 5400-5300 av. J.-C.), soit une diffusion moyenne de 3,5 km/an, et l’arythmie de la diffusion continentale. Si la néolithisation des terres intérieures ne s’effectue souvent que tardivement et de façon lente à l’échelle européenne, des espaces plus restreints sont acquis de manière accélérée et c’est un point sur lequel les études devraient se focaliser.

Ce dernier modèle s’oppose totalement à celui de la «vague d’avance», mais il n’est guère surprenant que ce soit celui qui cadre le mieux à la réalité de terrain. Quelle est l’innovation technique qui aurait pu connaître une diffusion régulière dans le temps et dans l’espace à l’échelle européenne? Les travaux sur le sujet sont nombreux et il serait bien difficile de trouver le cas qui ferait office d’exception à la règle.

Pour autant, nous n’avons pas trouvé de bonne traduction cartographique de ce modèle de diffusion. Pourtant, quelles que soient les données issues des recherches de terrain et des datations disponibles, la diffusion d’une innovation dans un espace circonscrit est propice à une traduction spatiale relativement simple du phénomène. L’échelle utilisée, ici celle de l’Europe tout entière, et la période chronologique considérée, ici 5000 ans de diffusion, se prêtent très bien à ce genre d’exercice, ce dernier alimentant à son tour la réflexion.

Un retour sur la démarche spatiale et sur les méthodes cartographiques classiques est nécessaire.

La mise en perspective spatio-temporelle de la diffusion du Néolithique en Europe

On le voit, dans les travaux étudiés, les espaces et les temporalités ne sont pas abordés à des échelles adaptées. Les complexes culturels mis en évidence sur le terrain par des années de fouilles minutieuses sont réduits à des points (Mazurié de Kéroualin, 2001 et 2003; c’est une représentation qui a été et reste très utilisée par les préhistoriens, très attachés à la notion de «sites») ou noyés dans des ensembles archéologiques plus vastes: celui du «rubané» des plaines du Nord, de «l’impressa adriatique», ou du «cardial et dérivés» (Gallay, 1991; Guilaine, 2003, fig. 4; Demoule, 2007). Mais ce qui ressort de ces représentations, c’est évidemment la non représentation des espaces concernés. Certes, la réflexion est indirectement spatiale, mais c’est «le point qui domine» (et avec lui toute la subjectivité du chercheur). Dans ce type de carte, l’espace — les espaces concernés, et avec eux toute notion d’échelle — est purement et simplement délaissé.

C’est réduire considérablement les informations, tant les informations spatiales que les informations chronologiques, puisque ces dernières sont également noyées dans des «temps» flous: date d’apparition de l’agriculture, intervalle chronologique du complexe archéologique qui définit sa durée, ou encore, souvent, l’intervalle le plus significatif de la culture considérée.

Les espaces de la diffusion 

Toute approche cartographique doit partir de la caractérisation des espaces les plus petits, de leur contiguïté ou de leur non-contiguïté, de leur superposition éventuelle, des relations spatiales induites ou suggérées par les découvertes archéologiques. De surcroît, puisqu’il s’agit ici de travailler sur les modalités d’une diffusion, l’articulation et/ou l’inscription chronologique entre les différents complexes archéologiques doivent être prioritaires dans la réflexion. Nous n’avons donc utilisé que les espaces ayant participé à la naissance de cette économie et délaissé les complexes ayant remplacé les premières civilisations agricoles dans la région concernée (c’est surtout le cas de l’Anatolie et de la Méditerranée occidentale).

C’est à partir du travail de Karoline Mazurié de Kéroualin (2001 et 2003) que nous avons cerné ces espaces, qui sont, sur le terrain, associés à des entités archéologiques indiscutables (fig. 5). Et à partir de ce seul travail, car il nous a paru nécessaire de réfléchir selon les mêmes critères quant à la critique des datations proposées. Il va de soi qu’il ne s’agit pas là du refus de prendre en compte des voix dissonantes; l’objectif est de proposer une démarche et on laisse le soin aux préhistoriens de modifier et de préciser les intervalles chronologiques et les espaces concernés.

5. Les espaces de la diffusion du Néolithique en Europe. Ne sont représentés ici que les espaces ayant été à l’origine des débuts de l’économie néolithique et de son développement entre 6800 et 5000 av. J.-C. (Source documentaire: Mazurié de Kéroualin, 2001 et 2003).

Ces «aires culturelles» sont représentées «qualitativement» par des couleurs différentes, une même couleur pouvant être utilisée pour des espaces appartenant à une même unité archéologique (exemple: Corse, Sardaigne et littoral tyrrhénien de l’Italie du «Cardial tyrrhénien») ou à des entités ayant évolué dans le temps (exemples avec les successions Protostarcevo-Starcevo ou Körös ancien-Körös), mais également — le seuil de différenciation visuelle étant limité — pour des entités bien différentes et bien éloignées.

En première lecture, on pourra ergoter que l’on ne voit guère que l’effet cumulatif de cette approche, mais il s’agit bien là de la première étape de la cartographie: circonscrire au plus près les espaces concernés à l’échelle la plus grande possible.

En deuxième lecture, il est possible de bien distinguer les espaces qui ont participé à la diffusion puisqu’il y a superposition de nombreux complexes archéologiques. La transparence des fonds utilisés rend possible la détermination des espaces qui ont été à l’origine d’une diffusion radiale à partir d’un «centre» initial (Protostarcevo-Starcevo ou Körös ancien-Körös… par exemple), ainsi que la détermination des espaces ayant permis la «maturation» d’entités différentes successives (littoraux méditerranéens franco-cantabrique et ligure par exemple).

En troisième lecture, ce type de carte permet une interprétation de la contiguïté ou de la non-contiguïté de ces espaces. Toutefois, pour être réellement opérant, cela suppose une articulation dans le temps que seule une cartographie animée peut réellement rendre (fig. 6).

En effet, voulant mettre en évidence les espaces concernés par le début de l’économie du Néolithique, en représentant tous les complexes archéologiques témoignant, dans la période comprise entre 8500-9000 av. J.-C. et 5000 av. J.-C., des débuts de l’agriculture en Europe, nous ne suggérons évidemment aucune diffusion spatiale par une cartographie «statique».

6. Des espaces, des discontinuités et une chronologie. La simple cartographie des espaces et la chronologie des complexes archéologiques mettent en évidence les principales voies de diffusion. Il est évident qu’il ne s’agit que des axes principaux de diffusion des pratiques néolithiques et non celle des hommes. Pour les bordures littorales, la diffusion a pu se faire par parcours plutôt continental, mais aussi par cabotage. Il s’agit là d’un scénario possible; certaines hypothèses ne sont pas acceptées par tous les néolithiciens (notamment la traversée de l’Adriatique, la filiation Levant ou Anatolie avec l’Impresso-Impressa de l’Italie du Sud, ainsi que l’arrivée par l’Atlantique pour le Cardial de l’Ouest français).

Cela est possible si l’on tient compte de la chronologie issue des datations 14C. Le spécialiste pourra ici s’insurger contre certaines libertés prises avec les grandes séquences archéologiques datées avec précision. Mais travailler sur plusieurs millénaires, c’est comme travailler à l’échelle de l’Europe tout entière, les effets, les incertitudes, les distorsions sont amoindris et le raisonnement spatial et chronologique reste valable. Nous avons décidé de prendre comme date d’apparition de l’agriculture de chaque complexe archéologique, la date «basse», c’est-à-dire la date du début de l’intervalle chronologique de l’ensemble considéré (Mazurié de Kéroualin, 2001, 2003).

Sur les 18 planches exprimant le déroulement dans le temps ont été figurés simultanément les axes de diffusion. Ce sont les axes le long desquels les pratiques culturales et la domestication des céréales et des animaux ont diffusé et non point les routes de circulation et de migrations des hommes. Il s’agit des axes «probables» et notre choix a porté sur un scénario précis, lequel n’est pas nécessairement accepté par tous les préhistoriens (1), mais la précision des données spatio-temporelles est suffisante pour bien mettre en évidence les «routes» principales de la diffusion de l’innovation.

D’office est relevée l’éternelle interrogation sur la diffusion le long du littoral méditerranéen: diffusion de péninsule en péninsule par la mer, diffusion par la bordure continentale ou diffusion par cabotage? Nul doute qu’en réalité les trois modes aient été utilisés. Notre choix cartographique s’est porté sur la représentation d’une diffusion strictement maritime lorsque celle-ci était évidente (Chypre, Grèce, Sardaigne…) ou lorsque des arguments archéologiques étaient soulignés (traversée de l’Adriatique par exemple), strictement continentale lorsque cela était possible à envisager et que l’extension spatiale des complexes archéologiques le suggérait (littoraux adriatiques), et d’une diffusion mixte lorsque la non contiguïté des espaces était remarquée (littoral ibérique…), même si se pose toujours le problème de l’apparente absence d’informations dans ces «terrae incognitae» que l’avancée récente des recherches suggère davantage liée à un manque de prospection (Guilaine, 2003).

En Europe continentale, les axes de diffusion ne sont pas nécessairement plus simples à envisager, mais tous les travaux montrent que l’axe principal pour la diffusion en Europe du Nord est celui de l’Europe orientale: Grèce, Balkans, plaines du Danube, puis diffusion radiale vers l’Est, vers l’Ouest et vers le Nord. Seule une chronologie encore plus fine et des arguments archéologiques déterminants peuvent être à même de préciser davantage. Ce n’est pas ici notre propos.

Étapes et temporalités de la diffusion du Néolithique en Europe

Traduire cartographiquement la diffusion dans le temps et dans l’espace (en une seule carte non animée) ne peut réellement se faire que par l’utilisation des isolignes (2). La représentation surfacique par plages de valeur décroissante permet de représenter les espaces acquis à la nouveauté, mais seule la représentation par isolignes permet de visualiser correctement, non seulement la diffusion dans l’espace, mais aussi les rythmes de cette diffusion. À condition toutefois de respecter, là encore, les règles de la sémiologie graphique (Bertin, 1999; Vergnault-Belmont, 1988). Car si isolignes il y a, elles doivent être clairement représentées sur la totalité de l’espace étudié et avec une équidistance constante pour que l’impression visuelle soit correcte, quitte à figurer des isolignes hypothétiques en cas d’absence de données.

La figure que nous proposons (fig. 7) reprend la technique utilisée avec les courbes de niveau des cartes topographiques: une équidistance régulière — ici un siècle —, des isolignes plus épaisses tous les cinq siècles, un ombrage léger pour «donner du relief» et, lorsque les courbes étaient trop serrées pour être représentées individuellement, un trait dont l’épaisseur est proportionnelle à la «pente» concernée.

7. Cartographie par isolignes de la diffusion du Néolithique en Europe. La cartographie met en évidence les barrières à la diffusion spatiale des pratiques du Néolithique, en l’occurrence les secteurs où les isolignes sont très resserrées.

La lecture est aisée. On retrouve facilement les grandes étapes (3) reconnues (Mazurié de Kéroualin, 2001) de la diffusion du Néolithique en Europe depuis la zone Proche Orient-Chypre-Anatolie très tôt acquise aux nouvelles techniques (avant 7600 av. J.-C.) et on les visualise parfaitement, chaque étape correspondant à un «palier» dans la «topographie du Néolithique» ainsi dessinée:

  • l’apparition des premiers «Néolithique acéramique» sur l’île de Crète et dans la péninsule grecque (grotte de Franchthi en Argolide) et leur diffusion dans l’intervalle 6800-6100 av. J.-C. constituent la première étape de cette néolithisation;
  • la deuxième étape, entre 6100 et 5800 av. J.-C., touche la zone balkanique et le pourtour adriatique;
  • la troisième, entre 5800 et 5500 av. J.-C. permet l’acculturation et la colonisation de la zone méditerranéenne centre-occidentale, du littoral tyrrhénien — Corse et Sardaigne comprises — au Sud de la France et au littoral espagnol;
  • la quatrième étape correspond à la néolithisation de l’Europe des grandes plaines, entre Vistule et Rhin, qui se produit dans l’intervalle 5500-5300 av. J.-C;
  • et enfin, la cinquième étape, entre 5300 et 5000 av. J.-C., permet la diffusion jusqu’au Portugal et au littoral atlantique français.

Mais ainsi, les rythmes de la diffusion sont également bien suggérés, puisque la «pente» illustre parfaitement la vitesse de propagation: lorsque les isolignes sont très serrées, la diffusion a été lente, lorsqu’elles sont très espacées, la diffusion a été rapide. La carte met donc parfaitement en évidence les rythmes de la diffusion à travers l’Europe. De fait, se visualisent parfaitement aussi les «barrières» à la diffusion.

Les barrières à la diffusion spatiale

Aborder les barrières à la diffusion ne peut ici se faire sans recourir rapidement au concept de la «diffusion spatiale des innovations» (Hägerstrand, 1952, 1953).

Il ne s’agit en rien ici de modéliser; la démarche serait même presque opposée puisque l’objectif est de représenter des données archéologiques de terrain: on part bien du constat des faits observés, et non d’une théorie que l’on voudrait illustrer. Pour autant, le vocabulaire associé à ce concept est désormais accepté par la communauté (Saint-Julien, 1985)et il est impératif de le rappeler, ne serait-ce que pour que préhistoriens et géographes puissent se comprendre.

Dans son concept, Torsten Hägerstrand met en évidence l’existence de régularités temporelles et spatiales dans les processus de diffusion spatiale des innovations, innovations étant pris ici dans le sens d’un élément spécifique susceptible de se propager dans le temps et dans l’espace: objet matériel, populations, pratiques, idées, institutions… Quatre conditions doivent être réunies: il faut un foyer émetteur, des adoptants potentiels, des contacts pour que la propagation ait lieu et enfin que le temps fasse son office pour que progressivement l’espace soit conquis. Si la diffusion est largement dépendante de l’effet de voisinage, et donc si la contagion est fonction de la distance distance» qui n’est pas nécessairement que physique), elle est aussi fonction hiérarchique: la quantité de population, la qualité de l’innovation, sa capacité à se diffuser sont à considérer. Les formes de propagation sont diverses, par extension ou par migration (c’est-à-dire par déplacement, par translation ou dispersion) et sont dépendantes de l’hétérogénéité de l’espace à l’intérieur duquel se diffuse l’innovation. Cela se traduit par des accélérations ou des ralentissements de la diffusion, ces derniers étant associés aux obstacles, aux «barrières» qui se dressent sur les routes de la propagation.

C’est cette dernière notion qu’il nous faut ici reprendre. En effet, le poids du déterminisme physique «classique» est encore tel que «barrières» n’est souvent conçu que dans ses sous-entendus topographique — montagne, mer, isolat —, empêchant les hommes de passer, ou climatique — désert, mais aussi toutes «les conditions défavorables à…» —, empêchant les hommes de s’installer et de tirer profit des écosystèmes. Or la cartographie met clairement en évidence des «barrières» — c’est-à-dire ici les secteurs où les isolignes sont très reserrées — qui n’ont rien de «physiques».

En effet, les barrières ne correspondent que très rarement aux zones de relief marqué. On retrouve bien les aires de l’Anatolie nord-occidentale et de la péninsule grecque (Guilaine, 2003), correspondant à des zones de ralentissement important de la diffusion, mais la diffusion se fait ou ne se fait pas dans des unités géomorphologiques homogènes. Pour l’Anatolie, il y a blocage mais pourtant le PPNB (Pre-Pottery Neolithic B) du Taurus s’est implanté très tôt (avant -7600) dans des paysages similaires; pour la Grèce, la maturation est extrêmement lente, mais c’est par les unités balkaniques que la diffusion se fera. Et enfin, la diffusion dans les plaines de Hongrie est lente alors qu’aucun obstacle topographique n’empêche cette diffusion. On assiste même à une «percée des Carpates» par le complexe Cris entre 5700 et 5500 av. J.-C., qui montre que le relief n’a en rien gêné la propagation vers l’est de l’entité culturelle.

Mais la carte met aussi et surtout en évidence la «grande barrière» qu’on peut suivre du Portugal aux plaines du Dniestr (Nord-Est des Carpates) et qui n’est pas non plus conditionnée par des aspects topographiques: une «diagonale» qui coupe l’Europe en deux et qui doit être expliquée autrement puisque les Pyrénées — piémont septentrional et piémont méridional — sont assez tôt «colonisées» alors que la diffusion bloque bien au sud de l’arc alpin (c’est significatif dans la plaine du Pô) et des Carpates, ainsi que dans le Sud-Ouest du Massif central français et dans l’intérieur de la péninsule Ibérique.

Tout au plus, la moitié sud de la dorsale apenninique a pu jouer ce rôle de barrière topographique ayant retardé la diffusion vers l’Ouest de la péninsule Italienne, comme, de la même façon, il ne fait guère de doute que la vallée du Danube, entre Alpes et Carpates, a favorisé le contournement de l’arc alpin (lequel est effectivement laissé de côté entre 5500 et 5300 av. J.-C.) et la propagation de l’économie néolithique vers le Nord à partir de la zone d’élaboration de la poterie rubanée (Bassin de la Tisza). Mais c’est là bien maigres consolations pour les tenants du déterminisme topographique!

Ces barrières ne sont pas non plus climatiques. S’il est fort probable que les conditions climatiques ont joué un rôle dans la mise en culture de nouvelles terres, et notamment si l’on se réfère à une adaptation locale de procédés culturaux venus d’ailleurs, à l’échelle de l’Europe à laquelle nous nous situons, il n’y a aucun déterminisme climatique envisageable. Certes, la «grande barrière» rappelle aux géographes la division Europe du Sud (alpine et méditerranéenne) – Europe du Nord (hercynienne et tempérée), mais peut-on se permettre d’opposer cette distinction sans se soucier de la très grande diversité bioclimatique de chacune de ces unités?

Revisiter la diffusion et tenter d’en expliquer les différentes phases par les modifications climatiques que l’Europe a connues relève de la même démarche (cf. Guilaine, 2007) et ne peut aboutir qu’à des schémas aussi erronés que ceux induits par le déterminisme pédologique qui expliquait la diffusion à travers les plaines de l’Europe du Nord grâce à la fertilité des loess.

Les barrières à la diffusion spatiale sont d’un autre ordre. Le simple fait qu’elles peuvent avoir été successivement absorbantes (elles bloquent la diffusion), réfléchissantes (elles dévient la propagation) et perméables (elles laissent passer l’innovation), montre certes qu’il ne s’agit pas de barrières attribuables à des données physiques, mais seule une lecture extrêmement fine (qu’il est ni de notre propos, ni de nos compétences, de donner ici) des données archéologiques est susceptible d’apporter les explications. Toutefois considérer avec Jean Guilaine (2000) que les «essoufflements» de la diffusion sont à associer au fait «que les cultures vectrices sont alors parvenues aux limites de leur adaptation écologique et structurelle» ne paraît pas pleinement satisfaisant. Certes, d’après les différentes données archéologiques, de nouvelles cultures apparaissent après un certain «temps de latence» et donnent naissance à de nouvelles phases de conquête spatiale, mais comment expliquer la grande discontinuité spatio-temporelle qui parcourt l’Europe d’Ouest en Est entre 5900 et 5500 av. J.-C., compte tenu de l’extrême fragmentation des entités archéologiques? Comment peut-on passer de l’exemple local à l’explication des discontinuités d’échelle européenne?

C’est aux préhistoriens de répondre. Mais en confrontant les données des différentes disciplines scientifiques, et donc en confrontant leurs temporalités respectives, méthode bien peu utilisée à notre goût, mais surtout en analysant les espaces à des échelles différentes, on évitera de tomber dans des explications simplistes.

De la cartographie à la modélisation: «l’étape d’expansion» du processus

Proposer une image claire de la diffusion reste toujours difficile. Notamment parce que le poids des modèles proposés «entrave encore actuellement l’interprétation du déroulement de la première néolithisation européenne» (Mazurié de Kéroualin, 2003, à propos de la dichotomie courant danubien par colonisation - courant méditerranéen par acculturation).

Si le premier modèle de la progression régulière est contredit par l’analyse objective des chronologies concernées, et si le second modèle des frontières semble plus opérant pour expliquer l’acculturation des chasseurs-cueilleurs que pour caractériser la diffusion spatiale des premières agricultures, qu’en est-il du modèle récent d’une diffusion arythmique? Est-il compatible avec ce que l’on observe par le biais cartographique?

On l’a souligné supra, ce modèle postule une progression irrégulière de l’innovation et, en ce sens, il est indéniablement plus proche de la réalité de terrain que le modèle d’Ammerman-Cavalli Sforza. Mais ce modèle tente de différencier régionalement la lecture, en opposant par exemple la diffusion rapide le long des côtes méditerranéennes, associant au passage cette rapidité au caractère maritime de l’espace concerné, et la diffusion par à-coups de la diffusion continentale. Cette approche est réductrice puisque l’espace utilisé dans l’analyse est découpé en entités mal circonscrites, lesquelles entités trouvent sans doute leurs origines dans la particularité des recherches et des découvertes archéologiques.

De surcroît, le modèle est basé sur une lecture des vitesses de propagation, le long du littoral entre les Pouilles et le Portugal à la vitesse de 3,5 km/an, et à l’intérieur des terres avec des vitesses plus lentes. Mais, dans ce schéma, on ne prend guère en considération les superficies acquises à l’innovation!

Or, si l’on en tient compte et si l’on réfléchit sur la totalité de l’espace européen concerné, le phénomène se traduit par une diffusion de plus en plus rapide sur des espaces de plus en plus grands. En effet, en cartographiant les espaces acquis à la diffusion du Néolithique de 6800 à 5200 av. J.-C., et ce par tranches chronologiques régulières de quatre siècles (6800 à 6400, 6400 à 6000, 6000 à 5600, 5600 à 5200 av. J.-C.), il est indiscutable que les surfaces acquises sont de plus en plus étendues (fig. 8). Et c’est en Europe continentale, de la Vistule au Bassin parisien, que la progression spatiale est la plus forte entre 5600 et 5200 av. J.-C., mettant en évidence la dynamique des cultures du «rubané».

8. Les espaces concernés par la phase d’expansion du processus de diffusion entre 6800 et 5200 av. J.-C.: des espaces de plus en plus vastes.

Il n’y a donc pas d’arythmie sensu stricto à l’échelle européenne. Cela est parfaitement conforme au modèle d’Hägerstrand (1952, 1953): la diffusion du Néolithique en Europe entre 6800 et 5000 av. J.-C. relève de l’étape dite «d’expansion» du concept, étape pendant laquelle, après le «stade primaire» d’amorce du processus et d’apparition des premiers centres ayant adopté l’innovation, le développement se fait plus rapidement dans les zones éloignées en réduisant les contrastes les plus forts. Évidemment, cette étape d’expansion ne se termine pas en 5000 av. J.-C., le début du Néolithique moyen verra les innovations se diffuser à l’intérieur de la péninsule Ibérique et sur le littoral atlantique, puis en Europe du Nord et dans les Îles britanniques, selon les mêmes procédés (4).

La temporalité du processus est conforme à la représentation mathématique, en courbe logistique — et l’on est là dans la phase montante de la courbe —, et la relation entre la proportion d’adoptants et la distance — si l’on pouvait l’exprimer mathématiquement! — serait probablement tout aussi conforme à la «vague» ainsi dessinée.

C’est parfaitement conforme au modèle, mais cela ne dit rien sur les raisons profondes des temporalités reconnues. L’hétérogénéité de l’espace concerné est évidemment à prendre en compte: hétérogénéité des groupes culturels, densités des populations mésolithiques, densités et dynamisme des populations «conquérantes», diversité de la réponse à l’adoption de l’innovation («acculturation» des groupes du Mésolithique), «déterminants culturels»…, autant de facteurs à prendre en considération et à analyser à des échelles plus grandes, c’est-à-dire à l’échelle de chaque ensemble archéologique et de ses rapports avec les ensembles voisins.

Mais en termes d’espaces, certaines interrogations sont à retenir:

  • pourquoi cette opposition si souvent soulignée entre la progression littorale et la progression à l’intérieur des terres (exemple de la péninsule Ibérique)? Cette opposition supporte-t-elle l’analyse à une échelle plus précise (exemple du bassin de l’Èbre très tôt «colonisé»)? La question est-elle mal posée puisqu’il ne s’agit peut-être que du même obstacle «européen» à la propagation?
  • pourquoi cette «grande barrière» d’échelle européenne? Faut-il y voir une relation directe avec les densités de population du substrat autochtone mésolithique? Doit-on faire intervenir les temporalités de l’adaptation des céréales d’une région à l’autre? Le choix d’une alimentation davantage carnée par les sociétés d’Europe du Nord explique-t-il une plus lente propagation de la néolithisation? Autant de questions qui restent posées et qui suggèrent des causalités sans doute multiples dans l’explication de ces discontinuités d’échelle continentale;
  • et comment expliquer cette rapide phase d’expansion de la diffusion des innovations néolithiques à l’échelle de l’Europe entière? Y a-t-il réellement «refus, de la part des communautés villageoises, de dépasser un nombre restreint de 100 à 200 habitants, entraînant de nouvelles scissions» (Demoule, 2007, p. 18) et donc de nouvelles colonisations? Peut-on appliquer cette idée, sans doute intéressante à l’échelle de quelques groupes, à la totalité de l’espace européen, courant danubien et courant méditerranéen confondus en une seule progression «tous azimuts»?

Ces interrogations qui, rappelons-le, relèvent uniquement d’une approche spatiale à différentes échelles, sont soumises ici aux néolithiciens. Si, pour reprendre à nouveau Pierre Deffontaines (1924), «le géographe a utilisé d’une façon trop succincte les données de la préhistoire», celui-ci espère toutefois que les réflexions proposées seront à même de faire progresser l’interdisciplinarité.

Conclusion

La cartographie précise de la diffusion d’une innovation permet de mieux caractériser les modalités du phénomène. L’exemple de la diffusion du Néolithique montre toutefois que les préoccupations spatiales ne sont pas prioritaires dans les analyses. Or la traduction cartographique semble donner une autre image de la diffusion que celles proposées par les préhistoriens. Nous espérons que nos cartes contribueront à la fois à une meilleure connaissance et à une meilleure vulgarisation du processus de diffusion du Néolithique en Europe.

Géographes et préhistoriens ont tout intérêt à confronter leurs approches, leurs analyses et leurs résultats, car non seulement le vocabulaire de la géographie est à même de permettre de rendre compte avec précision des processus spatiaux entrevus à la lueur des recherches archéologiques, et par là de mieux appréhender les sociétés concernées, mais la confrontation espaces-temps ouvre des perspectives de recherches enrichissantes, tant pour les préhistoriens que pour les géographes, et tant pour les sociétés du Néolithique que pour celles du Paléolithique, lesquelles posent d’autres problèmes méthodologiques.

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Notes

1. Nous remercions ici vivement les professeurs Catherine Perlès (université de Paris X Nanterre) et Alain Gallay (université de Genève) pour leur aide bibliographique, pour la critique minutieuse de nos cartes et pour les échanges sur la dynamique de la diffusion du Néolithique. Le scénario des axes de la diffusion proposé dans cet article est essentiellement basé sur la contiguïté des espaces et sur la bibliographie disponible; il n’engage que l’auteur.

2. Le terme «isochrone» pourrait être utilisé, mais en général il désigne davantage des durées de parcours comptées à partir d’un point d’origine qui se traduisent cartographiquement par des arcs de cercles concentriques.

3. «étapes» n’est pas pris ici dans le sens d’Hägerstrand (1952) qui définit les étapes de la diffusion (étape primaire, d’expansion, de condensation et de saturation), mais simplement dans le sens de phases successives de cette diffusion dans l’espace.

4. Il en est de même pour les espaces orientaux du Nord de la mer Noire, qui ont été également délaissés dans notre cartographie faute de «mise au point» récente; de fait l’image est nécessairement faussée.