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Atlas historique de l’Amérique du Nord (1492-1814) Cet ouvrage très richement illustré nous propose une «plongée dans une façon d’apprendre qui nous est désormais totalement étrangère»; autrement dit, il retrace l’histoire de l’exploration du continent nord-américain, mais surtout celle de la construction d’un savoir géographique sur cet espace vierge s’appuyant sur la cartographie. De 1492 (date officielle de la découverte) à 1814 (date du traité de Gand), il relate la lente et souvent difficile accumulation des connaissances, le recul de la Terra incognita et la rectification incessante des cartes pour tenir compte des nouvelles découvertes, des corrections et des changements de toponymie. En quatre chapitres couvrant chacun un siècle — «Aborder l’Amérique» (XVIe siècle); «Explorer et cartographier l’Amérique» (XVIIe siècle); «Conquérir l’Amérique» (XVIIIe siècle); «Traverser l’Amérique» (XIXe siècle) —, les deux auteurs principaux, Denis Vaugeois (chapitres 1 et 4) et Raymonde Litalien (chapitres 2 et 3), parviennent parfaitement à faire revivre le processus de construction et de sédimentation du savoir géographique. Ils soulignent le rôle ambigu et variable des puissances coloniales: pour celles-ci, seule comptait, au final, la politique européenne et leurs colonies du Nouveau Monde ont principalement servi de monnaie d’échange dans les traités. Ils s’attachent également à présenter la complexité des liens et des rivalités entre les acteurs politiques, économiques, religieux et scientifiques dans cette grande aventure que fut la découverte progressive de l’espace nord-américain et font revivre les figures des jésuites et des coureurs des bois alliés, dans leur progression vers le centre du continent, aux «sauvages» qui distillent les informations et utilisent les Blancs dans les conflits entre nations indiennes. Mais le souffle épique qui habite certains passages est à la fois submergé par la surabondance de détails et affaibli par le manque de mise en perspective: beaucoup de détails sont rapportés sans que l’on puisse toujours en saisir les enjeux. Si les auteurs font preuve d’une grande érudition, certaines allusions à des personnages ou à des événements ne sont guère intelligibles pour un public peu familier de cette époque de l’histoire nord-américaine. Mais il est vrai qu’une courte bibliographie hiérarchisée, et parfois commentée, clôt chaque chapitre pour permettre au novice curieux d’approfondir la question. Par ailleurs, le partage en siècles et entre auteurs, n’est peut-être pas aussi judicieux qu’il semblerait au premier abord et un manque de coordination probable conduit à des redondances nombreuses dans le texte et dans l’utilisation de cartes ou d’extraits de cartes. C’est notamment le cas de l’illustration extraite de la «Carte très curieuse de la mer du sud» de Châtelain représentant des castors et qui, utilisée à maintes reprises, semble fasciner les auteurs. On regrette aussi que les cartes placées en regard du texte ne lui correspondent que rarement et que leur ordre chronologique soit rarement respecté. Cela empêche de prendre la pleine mesure des progrès dans l’évolution des connaissances de l’Amérique du Nord et de la cartographie en général. Ainsi, dès la page 19 on trouve une carte datée de 1622 illustrant un chapitre relatant la découverte de l’Amérique au XVe siècle. On peut également déplorer que le texte ne contienne pas de renvois aux cartes. Le plus souvent on ne sait pas si la carte évoquée par le texte est quelques pages avant, quelques pages après ou même si elle est présente dans l’ouvrage. En revanche, les textes de légende adjoints aux cartes sont extrêmement clairs et précis et peuvent presque dispenser de la lecture du texte un lecteur uniquement curieux des cartes. Pour finir sur la cartographie, au sein des différentes parties, certains chapitres, œuvre d’un troisième auteur, Jean François Palomino, ont un statut typographique particulier même s’ils sont présentés comme les autres dans la table des matières. Ce sont des synthèses très bien réalisées, et tout aussi richement illustrées que le reste de l’ouvrage, sur des points particuliers de technique ou d’histoire de la cartographie comme, par exemple, des synthèses sur les savoirs nautiques, sur les géographes de cabinet, sur la toponymie, etc. Pour conclure, il faut souligner que l’ouvrage, réalisé en collaboration avec la Bibliothèque et Archives nationales du Québec, présente une vision très francophone (et francophile) de l’histoire de la découverte et de la cartographie du continent nord-américain. Cela est regrettable compte tenu du titre beaucoup plus englobant de l’ouvrage. L’histoire de l’Amérique anglophone n’apparaît que dans les rivalités et les affrontements entre les deux colonies et la relation de l’expédition de Lewis et Clark (1804-1806) qui clôt le livre est la seule «aventure» américaine qui y soit présentée. On reconnaît d’ailleurs la touche canadienne, voire québécoise, dans la présentation très politiquement correcte des «premières nations» et celle, non moins idéalisée, des bonnes relations qu’elles entretenaient avec les colons français. Clarisse Didelon LITALIEN Raymonde, PALOMINO Jean-François, VAUGEOIS Denis (2007). La Mesure d’un continent. Atlas historique de l’Amérique du Nord, 1492-1814. Paris: Presses de l’Université Paris-Sorbonne-Septentrion, 298 p. ISBN: 978-2-8405-0550-1 |