N° 91 (3-2008)
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Évaluer et représenter le nombre d’usagers sur une plage urbaine (Les Ponchettes, Nice)
Samuel Robert Guérino Sillère Sophie Liziard
S.R: FR 3098 ECCOREV, CNRS - Aix-Marseille Université, Europôle méditerranéen de l'Arbois, Aix-en-Provence. |
Introduction
La connaissance des flux de visiteurs sur le littoral, qu’il soit naturel ou aménagé, apparaît aujourd’hui comme un prérequis indispensable à toute opération de gestion, de conservation et d’aménagement. Le lien est en effet évident entre, d’une part, le nombre de personnes qui fréquentent les rivages et, d’autre part, les aménagements, les services offerts et les réglementations qui s’y déploient. Il en va de la sécurité des usagers, de leur confort, de la satisfaction de leurs attentes autant que de la conservation et de l’entretien des espaces, en particulier sur les sites naturels (Meur-Férec, 2007; Biville et al., 2003). Cependant, les préoccupations d’évaluation quantitative de la fréquentation du littoral n’émergent le plus souvent que lorsqu’un seuil semble dépassé, que l’accueil du public pose des difficultés et que l’équilibre des sites est mis à mal (fig. 1). Des études ont ainsi été conduites pour mieux connaître la fréquentation de grands sites présentant un intérêt patrimonial fort (Brigand et al., 2006a; Brigand et al., 2006b; Richez, 1995), ou pour déterminer la capacité de charge de plages types afin d’y améliorer l’accueil des usagers (Dolle et al., 2000). Toutefois, pour la majeure partie des côtes, la fréquentation reste mal connue, en dehors de quelques études qualitatives de nature sociologique et culturelle (Urbain, 1994; Baron-Yellès, 1999; Morgan, 1999; Jorand et al., 2008; Rieucau, 2008). Qu’il s’agisse de sites de mouillage, de plongée ou de navigation, de sentiers côtiers, de plages naturelles ou urbaines, la connaissance des flux de visiteurs sur le littoral demeure relativement rudimentaire alors que les besoins de mesures existent presque partout. Dans ce contexte, cet article rend compte d’une étude conduite en 2007 pour améliorer la connaissance du nombre et de la fréquentation des usagers sur une plage urbaine de Nice, sur la Côte d’Azur. Sans grands moyens à disposition, elle a consisté à évaluer les diverses possibilités de quantifier les individus, à mettre en place une méthode de dénombrement et à proposer une interprétation des résultats obtenus, grâce notamment à des représentations animées. Pourquoi connaître le nombre d’usagers sur les plages urbaines? Interfaces entre la ville et la mer, les plages urbaines sont des espaces qui accueillent un public plus nombreux que les plages situées hors agglomération. Leurs configurations spatiales peuvent présenter de grandes différences (1), mais partout elles constituent des lieux investis massivement par les populations locales et touristiques. Connaître la nature et les niveaux de la fréquentation des plages par les usagers s’avère nécessaire pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ce sont des espaces publics, car les plages font partie du Domaine public maritime et sont placées par délégation de gestion sous l’autorité des maires et des communes. Conformément à la loi Littoral, l’accès du public doit donc y être autorisé et sécurisé (Becet, 1987). Elles sont par ailleurs des espaces ouverts, comme il en existe parfois peu dans les villes, ce qui leur donne un grand rôle dans l’espace urbain, puisque leur usage n’est pas seulement touristique mais tout simplement récréatif. Elles possèdent enfin une forte valeur symbolique, puisqu’elles sont perçues comme un élément de nature dans la ville (même quand elles sont artificielles) ou encore comme un espace de liberté. Ces différentes facettes des plages urbaines imposent par conséquent au gestionnaire d’y permettre la pratique simultanée des multiples activités des usagers, d’y exercer des tâches de surveillance (baignade, sûreté publique), d’y proposer des équipements et des services (douches, activités de loisirs en régie directe ou par délégation), d’en assurer la propreté, etc., toutes tâches qui impliquent une connaissance quantitative de la fréquentation, afin d’ajuster l’action et les aménagements aux besoins. Cependant, les plages urbaines ne sont pas qu’une charge pour les collectivités, elles sont aussi une ressource territoriale de premier ordre dans l’économie de maintes communes littorales. Nombre de stations balnéaires leur doivent leur existence et leur essor: La Baule (Violier, 2002), Rimini (Gattei, 1987), Benidorm, Juan-les-Pins, Le Touquet, pour n’en citer que quelques-unes. Les plages participent à l’image touristique de la ville, attirent et fixent les vacanciers, contribuent à la structuration de l’espace urbain. Les collectivités territoriales leur accordent ainsi une grande attention, illustrée notamment par des investissements parfois très lourds en moyens humains et financiers pour leur entretien et leur aménagement. Estimations contestables et chiffres inconnus S’il apparaît évident que les actions à conduire pour gérer et aménager les plages doivent être en rapport avec leur niveau de fréquentation, y quantifier le nombre d’usagers demeure une opération difficile et coûteuse. Ceci explique que peu d’expériences ont été conduites, aussi bien en France qu’ailleurs dans le monde, et rares sont les chiffres disponibles que l’on puisse considérer comme fiables. Sur la façade méditerranéenne française par exemple, les évaluations publiées dans la presse locale (2) ou les bulletins d’information municipaux ne sont jamais étayées ni même détaillées. Surtout, elles ne sont jamais corroborées par les services publics en charge de la gestion des plages (Liziard, 2007a). Sur la Côte d’Azur, littoral pourtant très touristique, la connaissance du nombre de visiteurs sur les plages est ainsi extrêmement approximative. L’absence d’informations est quasi totale, ce qui nuit à la bonne gestion d’un patrimoine exigu, le plus souvent en érosion et que l’on tente en maints endroits de maintenir par des interventions humaines (Conseil général des Alpes-Maritimes, 2007). Sur ses plages, la Côte d’Azur accueille potentiellement une forte fréquentation touristique — 10 millions de touristes visitent les Alpes-Maritimes chaque année (3) — à laquelle s’ajoutent les usages de la population locale, qui avoisine le million d’habitants. Dans ce contexte, plusieurs collectivités s’interrogent sur les niveaux de fréquentation des plages afin de mieux envisager leur gestion et les investissements associés. La ville de Nice, avec sa fameuse plage ouverte sur la Baie des Anges, en fournit une bonne illustration.
La plage de Nice Historiquement, Nice ne doit pas sa fonction touristique à sa plage (Boyer, 2002). Cependant, avec l’engouement pour la mer et les activités de plein air, celle-ci s’est affirmée au cours du XXe siècle comme une composante majeure du système touristique local et un élément fort de l’espace urbain. Localisation et caractéristiques physiques Située au sud de la ville, la plage s’étend en arc de cercle sur près de 4,5 km, entre l’aéroport à l’ouest et la colline du Château, promontoire rocheux, à l’est (fig. 2). Ourlée sur toute sa longueur par le célèbre boulevard de front de mer formé par la Promenade des Anglais et le quai des États-Unis, elle occupe une position «centrale» dans l’espace vécu niçois. Le relief de la commune s’apparente en effet à un amphithéâtre orienté vers la mer et le littoral. Le front de mer et la plage sont ainsi visibles à partir de nombreux endroits du territoire communal (Robert, 2007). En outre, les voies de communication forment un réseau essentiellement radial qui converge sur la Promenade des Anglais. Une très grande partie des déplacements effectués dans la ville se font sur le bord de mer, où la plage et la Promenade forment un binôme très ancré dans le cœur de la population.
La plage proprement dite est une des plus longues du département des Alpes-Maritimes. En revanche, sa largeur est relativement faible puisqu’elle n’excède pas la trentaine de mètres. Constituée de galets et de sables grossiers, qui caractérisent la plupart des plages de la Côte d’Azur, elle est partiellement structurée par des épis destinés à limiter l’action érosive de la mer. Sa morphologie est entretenue par des opérations régulières d’engraissement et de nivellement, sans lesquelles elle tendrait à disparaître. La dynamique sédimentaire naturelle a en effet été très sérieusement bouleversée par les aménagements côtiers, d’une part, et par les travaux d’endiguement qui ont touché les principaux cours d’eaux pourvoyeurs de matériaux (Cohen et al., 2007; Anthony, 1994), d’autre part. Côté ville, la plage est délimitée par un mur concave (mur «perré») en retrait duquel se trouve la partie piétonne de la Promenade des Anglais, qui domine les galets (fig. 3). L’accès à la plage est permis par des escaliers régulièrement répartis sur toute la longueur du front de mer. Bien qu’elle forme une seule unité géomorphologique, la plage porte une quinzaine de noms (ceux des quartiers proches ou ceux des grands hôtels qui surplombent la Promenade), qui désignent des espaces dont les limites ne sont pas toujours bien marquées (fig. 2). Usages et insertion dans l’espace urbain La plage est fréquentée toute l’année. En plus des touristes, elle accueille massivement la population résidante. Baigneurs, adeptes du farniente et des bains de soleil, pêcheurs, promeneurs, pique-niqueurs… se côtoient ou s’y succèdent selon les moments de la journée. Extrêmement bien desservie par la voirie routière, elle jouit de la proximité de grands parcs de stationnement qui viennent compléter les possibilités de parking en surface, même si celles-ci sont en recul ces dernières années. Elle est aussi aisément accessible par le réseau des transports urbains et par piste cyclable. Pendant la saison estivale, de nombreuses activités y sont proposées. Grâce à l’attribution de sous-concessions de service public, quinze sections de plage sont exploitées par des établissements de bains offrant également des services de restauration. Ces établissements, que l’on appelle abusivement les plages «privées», sont localisés principalement sur la moitié Est mais sont toujours séparés par des espaces de plage publique. En été, des installations sportives et de loisirs (beach-volley, trampolines, etc.) et des «bases nautiques» (stands de location de jet-skis et de parachutisme ascensionnel) prennent également position sur les galets. Entre le 15 juin et le 15 septembre, les usagers bénéficient d’une baignade surveillée à partir de 11 postes de surveillance et de secours. Ils disposent également de poubelles, de douches et de toilettes publiques. Deux «handiplages» permettent aux handicapés moteurs de goûter aux plaisirs balnéaires. La diversité, la quantité des services et les activités proposées font de la plage un espace très vivant. Les usagers sont divers, mais on sait étonnamment peu de chose sur leur nombre effectif. D’après les estimations des services de la Ville, 20 000 personnes par jour sont présentes sur la plage pendant l’été. Mais ces mêmes services ne disposent pas d’informations sur la manière dont cette donnée a été produite, ni sur la date à laquelle elle renvoie, de sorte que ce chiffre isolé ne nous apprend rien et se révèle peu utile. Le nombre des usagers et sa variation dans le temps (la journée, la semaine, l’année) et dans l’espace (sections de plages de l’Ouest, du centre, de l’Est) demeure donc inconnu. Intérêt du gestionnaire pour une meilleure connaissance de la fréquentation Engagée dans une démarche qualité concernant sa plage et son littoral (4), la Ville de Nice, à travers sa Direction de l’Environnement Mer Littoral, s’interroge depuis quelques années sur l’opportunité d’y mesurer la fréquentation des visiteurs. Les retombées en seraient multiples. Il s’agirait tout d’abord de vérifier que les prestations (surveillance de la baignade, mise en place de poubelles, de toilettes, etc.) sont proposées aux bonnes périodes et en nombre suffisant. La question de la surveillance de la baignade en fournit une bonne illustration, puisque actuellement les 11 postes de secours ne couvrent pas la totalité de la plage publique. Faudrait-il en ajouter d’autres? Faudrait-il surveiller la plage davantage en soirée l’été ou certains week-ends hors de la période estivale? Les chiffres de fréquentation permettraient par ailleurs de mettre en perspective certaines options d’aménagement. Plusieurs épis qui protègent la plage contre l’érosion doivent par exemple être consolidés voire reconstruits après les dégradations causées par les assauts de la mer. Ne conviendrait-il pas de penser à leur réparation dans le cadre d’un plan plus global, qui consisterait à les allonger afin de créer une plage plus large permettant d’accueillir davantage d’usagers?
Connaître le nombre des visiteurs pourrait enfin amener à reconsidérer la question de la sûreté de la plage. Bondée en journée pendant l’été, fréquentée la nuit en toute saison, la plage reste sous l’autorité de la police municipale qui ne connaît pas le nombre d’usagers sur lesquels elle doit veiller. Les agents de police affectés à la surveillance de la plage sont-ils en nombre approprié? Leur mission se déroule-t-elle aux périodes qui conviennent? La question de la mesure de la fréquentation de la plage de Nice par les usagers est donc posée. Mais comment s’y prendre? Définition d’une méthode de dénombrement des usagers de la plage Pour quantifier le nombre de visiteurs, plusieurs procédés ont été envisagés. Très tôt, la question des moyens financiers et humains accordés à l’étude s’est imposée comme paramètre essentiel quant au choix du protocole d’acquisition et de traitement de l’information. Désireuse d’explorer le sujet mais pragmatique, la Ville n’a pas souhaité s’engager dans un quelconque investissement matériel ni dans une étude coûteuse. Il en est ressorti la nécessité de recourir à un protocole souple, peu onéreux, aisé à reproduire, mais autorisant néanmoins la mise à plat de la question afin d’envisager le développement ultérieur d’un dispositif plus lourd et plus rigoureux. Quelques références En vue de définir une démarche méthodologique appropriée, diverses expériences de dénombrement de visiteurs sur les plages comme sur d’autres lieux ont été recherchées et étudiées. Comme évoqué précédemment, il n’en existe guère et rares sont celles qui présentaient un intérêt a priori. Trois méthodes ont retenu notre attention.
La première méthode est illustrée par une étude commandée par l’Agence française de l’ingénierie touristique (AFIT) à la fin des années 1990 (Dolle et al., 2000). Ayant pour objectif d’améliorer la connaissance des comportements des usagers de la plage et de mettre au point un outil de gestion de la fréquentation touristique des plages, cette étude propose une méthode en quatre points: une évaluation du nombre d’usagers de la plage à partir de photographies aériennes, une enquête faite auprès des usagers, des observations in situ (pratiques de stationnement, mouvements des visiteurs sur la plage, etc.) et des entretiens avec des élus, des techniciens et d’autres intervenants sur la plage. La première étape, qui correspond à ce que l’on souhaite réaliser, n’est malheureusement guère explicitée. On apprend néanmoins qu’elle est basée sur des photographies aériennes en prise de vue oblique, sur lesquelles sont identifiés des groupes d’individus, dénombrés ensuite dans des bandes d’égale largeur perpendiculaires au rivage. Ceci permet d’établir une première évaluation de l’occupation de la plage, donnant lieu notamment à des représentations par histogrammes sur cartes (fig. 4). Une seconde exploitation des données aériennes consiste à repérer des groupes d’usagers et à les rapporter à des surfaces de plage indépendamment des bandes perpendiculaires de la méthode précédente. Aucune indication n’est donnée sur les paramètres de prise de vue (altitude, focale, etc.), mais les auteurs de l’étude indiquent que la prise de vue verticale serait à privilégier dans l’hypothèse d’une reproduction de la méthode. La deuxième méthode est celle des installations de comptage des visiteurs accédant à des sites naturels «sensibles». Il existe en effet des sentiers côtiers, des plages, des espaces dunaires, pour lesquels on suit le nombre de visiteurs grâce à de petits équipements installés en des endroits précis empruntés par les usagers. Ce sont le plus souvent les accès aux sites en question, ce qui permet la meilleure évaluation possible, car les visiteurs sont canalisés vers ces passages obligés. Les équipements peuvent être des planchers sensibles ou bien des cellules infrarouges, très discrètement insérés dans le milieu, qui comptabilisent le nombre de passages parfois à l’insu des usagers. On les retrouve dans les parcs naturels, sur les sites du Conservatoire du littoral, et de plus en plus sur divers sites d’intérêt écologique, naturel et paysager (5). Dans le cas des plages urbaines, les accès sont nombreux, si bien qu’il n’est pas concevable de recourir à ces équipements qui, par ailleurs, impliquent investissement et entretien. Une troisième possibilité d’évaluation consiste à procéder à des observations sur le terrain, éventuellement assorties d’enquêtes, et à des comptages manuels assistés. L’opération revient à parcourir la plage et à dénombrer les usagers avec un compteur manuel que l’on presse à chaque fois que l’on repère une personne. Cette méthode rudimentaire est celle utilisée dans les avions pour le comptage des passagers. En extérieur, elle ne semble pas avoir fait l’objet d’applications rapportées par écrit, ce que l’on peut interpréter comme une difficulté de mise en œuvre. Pourtant, selon les sites, on peut parfaitement imaginer qu’un comptage organisé de façon méthodique avec plusieurs opérateurs puisse fournir des résultats intéressants. Mis à part le coût évidemment substantiel de la main-d’œuvre pour procéder au comptage, l’avantage décisif de cette méthode réside dans le très faible coût du matériel d’acquisition de l’information. Toutefois, pour ce procédé comme pour le précédent, la donnée produite ne permet pas de connaître l’occupation spatiale de la plage par les usagers. Les options étudiées pour la plage niçoise Compte tenu des quelques expériences identifiées, les sources potentielles de données ont été évaluées. Ainsi s’est-on interrogé sur le recours aux webcams présentes sur le front de mer et la possibilité d’en obtenir une information exploitable. On s’est intéressé aux campagnes de photographies aériennes menées assez régulièrement par le Conseil général des Alpes-Maritimes pour le suivi de son littoral. L’accès aux embarcations des patrouilles maritimes pour prendre des photos de la plage vue de la mer a été évoqué. Enfin, la solution d’un travail de prises de vues sur site a été envisagée et retenue. Tous ces scénarios privilégient l’image comme matière première pour produire les données de fréquentation de la plage, ce qui se justifie aisément. L’image, qu’elle soit photographique ou vidéo, restitue la position des usagers sur la plage au moment des prises de vues et limite le travail de terrain, ce qui constitue un avantage déterminant. La fréquentation touristique et domestique des plages doit en effet être appréciée à différentes échelles de temps (le jour, la semaine, la saison) mais aussi dans l’espace (près/loin de l’eau, près/loin des douches publiques, distance aux postes de secours, etc.). L’occupation spatiale de la plage est une donnée complémentaire aux effectifs de visiteurs, sur laquelle il est tout à fait utile de réfléchir. Le souhait de créer une information référencée dans le temps et dans l’espace a donc conduit à écarter les solutions de «l’arpentage» de la plage compteur à la main, ou du type suivi de quadrats répartis aléatoirement sur la plage, pour se tourner vers la production d’images. Dans cette perspective, la photographie s’impose très vite face à la vidéo pour plusieurs raisons pratiques. Plus facile à produire depuis l’essor du numérique, elle est aussi plus aisée à traiter et à analyser. On relève qu’elle ne permet pas de suivre les mouvements de personnes sur la plage, aspect qu’il serait pourtant utile d’explorer. Mais la photo comme la vidéo offrent une grande richesse d’information contextuelle qui peut être avantageusement exploitée lors de l’interprétation des données de fréquentation. Dans le cadre d’une étude exploratoire ne disposant que de peu de moyens, la photo fait donc parfaitement l’affaire. Une difficulté réside toutefois dans la définition d’un protocole de prise de vue qui permette à la fois de constituer un corpus d’images de qualité couvrant la totalité de la plage et de distinguer chaque visiteur pour qu’il puisse être comptabilisé. Protocole retenu et choix d’un site Des photos numériques prises sur la plage de Nice avec deux appareils (3,2 et 4 millions de pixels) ont permis de tester différentes possibilités offertes par cette méthode. Plusieurs sites ont été photographiés à partir de points de vue variés: depuis la Promenade des Anglais perpendiculairement au rivage, depuis la Promenade en vue perspective (fig. 5), et depuis la tour Bellanda (vestige des fortifications de la ville accroché au sud-ouest de la colline du Château) pour l’une des plages les plus fameuses de Nice, «les Ponchettes». Dans une seconde étape, les photos ont été intégrées dans un logiciel de traitement d’image (Photoshop), pour servir de base à une numérisation manuelle des différentes personnes présentes sur le site. En jouant sur les contrastes et les agrandissements, d’une part, et en confrontant avec les photographies voisines, d’autre part, on a évalué la faisabilité du repérage des usagers.
Ces tests ont révélé deux difficultés. La première est que les prises de vues depuis la Promenade «manquent de hauteur». Lorsque les visiteurs sont nombreux, ils se masquent les uns les autres et il est difficile de les compter. Une première campagne de photos réalisées le samedi 2 juin 2007 n’avait pas véritablement fait apparaître ce problème, car la plage n’était pas trop fréquentée à cette date (Liziard, 2007b). En revanche, une seconde série de photos acquises le samedi 14 juillet 2007, puis une autre le samedi 15 septembre 2007 ont montré les limites de la méthode. La seconde difficulté réside dans la quasi-impossibilité d’appréhender la totalité de la plage au même moment par quelques photographies. Les 4,5 km de galets niçois ne peuvent être photographiés par un seul et même photographe en moins d’une heure! L’expérience a été tentée par deux fois en utilisant une bicyclette. Au final, la recommandation de l’AFIT est presque vérifiée: les vues obliques sont difficilement exploitables et rien ne vaut les photographies aériennes verticales. «Presque», car les photographies prises du haut de la tour Bellanda (photo 1) ont été exploitables pour étudier de manière approfondie la fréquentation de la plage des Ponchettes. Celle-ci, parfaitement observable depuis le sommet de la tour, est une des plus réputées de Nice. Au droit de la vieille ville, cœur touristique et animé, elle est abondamment fréquentée. Le suivi des usagers au cours d’une journée entière a donc été retenu. Trois journées durant (samedi 21 avril 2007, samedi 21 juillet 2007 et samedi 22 septembre 2007), des photographies ont été prises aux mêmes heures: 9 heures, 10 heures, 11 heures, 12 heures, etc. jusqu’à 18 heures, à partir du même lieu, avec le même cadrage (photo 2). Ces photographies ont servi à dénombrer les visiteurs selon la méthode évoquée précédemment, ce qui a permis d’établir des statistiques et de composer des animations graphiques (fig. 6). Ces dernières proposent une visualisation des états successifs de l’occupation de la plage par les usagers, dans le contexte de la prise de vue qui a servi de source d’information initiale. L’application réalisée présente en effet la superposition des semis de points représentant les usagers aux différentes heures des trois journées étudiées, sur une photographie en vue perspective de la plage telle qu’elle peut être vue depuis la tour Bellanda. Ce choix offre l’avantage de figurer chaque usager à sa place sur le fond photographique afin de restituer fidèlement la dynamique d’occupation de la plage, tout en gagnant en lisibilité par rapport à la simple superposition des photographies d’origine. Concernant les dénombrements produits, ils sont évidemment à prendre comme des ordres de grandeur. Malgré le bon niveau de résolution (les photos à 3,2 millions de pixels ne permettent pas de bien repérer toutes les personnes, mais celles à 4 millions de pixels sont correctes), les photos ne garantissent pas toujours de bien distinguer chaque individu sur la plage, en particulier dans la zone la plus éloignée du photographe et a fortiori lors des grandes affluences. Ceci influe d’ailleurs immanquablement sur la précision des représentations graphiques réalisées, mais cette méthode apporte des résultats intéressants. Résultats: quelle est la fréquentation de la plage des Ponchettes à Nice? La collection de photographies ainsi constituée autorise une analyse de la fréquentation des visiteurs à trois niveaux: les dix clichés de chacune des trois journées donnent la possibilité de suivre la variation du nombre des usagers au cours d’une journée; les trois dates d’observation permettent ensuite la comparaison de différents moments de l’année (au premier tiers du printemps, au premier tiers de l’été, au premier jour de l’automne); enfin, l’ensemble des images permet d’observer l’occupation spatiale de la plage par les visiteurs. Variation de la fréquentation au cours de la journée En première analyse, on observe une progression du nombre de personnes depuis la première heure du matin jusqu’à un pic qui se situe en milieu d’après-midi, suivi d’une baisse (fig. 7). Aux trois dates, les variations portent sur des effectifs très différents (on y reviendra au paragraphe suivant) mais elles demeurent relativement comparables. Dans le détail, on note que le 21 avril et le 22 septembre présentent des profils très voisins et se démarquent du 21 juillet: l’élévation du nombre de visiteurs est assez régulière jusqu’à 16 heures, puis les effectifs chutent rapidement. La situation du 21 juillet est en revanche plus singulière. Le nombre d’usagers s’élève assez vite en matinée pour atteindre un premier palier entre 11 heures et midi. Il connaît ensuite un déclin autour de 13 heures puis reprend une hausse quasi constante jusqu’à un pic situé à 17 heures, avant de décroître à nouveau. Ainsi, alors que la différenciation du matin et de l’après-midi n’apparaît pas véritablement le 21 avril et le 22 septembre, elle est nette en juillet. En plein été, l’heure du déjeuner coïncide avec un reflux du nombre de visiteurs. Comparaison de la fréquentation entre le 21 avril, le 21 juillet et le 22 septembre Les trois journées étudiées correspondent à un samedi. Elles sont donc comparables si l’on considère la seule question des rythmes de la société à l’échelle de la semaine. En revanche, dans le calendrier annuel, ces trois jours occupent des positions tout à fait caractéristiques qui peuvent expliquer la variation du nombre de visiteurs (période de congés ou non, conditions climatiques saisonnières, conditions météorologiques du jour, etc.). Sans surprise, le 21 juillet enregistre la plus forte fréquentation, devant le 22 septembre et le 21 avril. Les chiffres présentent ainsi des rapports pouvant aller de 1 à 8 (fig. 8)
Mais la comparaison des rapports d’effectifs entre les trois dates fait apparaître une information intéressante: entre 13 heures et 16 heures, les effectifs de visiteurs sur la plage sont toujours dans un rapport inférieur à 2. Le début d’après-midi ressort donc comme le moment de plus forte fréquentation commun aux trois dates. En revanche, le matin et la toute fin de journée offrent de fortes disparités. À 9 heures, on dénombre 8 fois plus de personnes le 21 juillet que le 21 avril, près de 4,5 fois plus à 11 heures et toujours 3 fois plus à midi. De même en fin d’après-midi, il y a encore 4,5 fois plus d’usagers sur la plage en juillet qu’en avril. Nombre de facteurs expliquent ces écarts, à commencer par les vacances estivales. Même si la saison touristique y est une des plus étendues de France, c’est entre le 15 juillet et le 15 août que le nombre de touristes atteint son maximum sur la Côte d’Azur. La mer et les plages sont une des motivations principales des vacanciers, ce qui explique la fréquentation de la plage pendant une grande partie de la journée. En y ajoutant le fait que les journées d’été sont plus longues et plus chaudes, on comprend mieux les différences et variations d’effectifs. Si l’on s’intéresse aux conditions météorologiques, on note que la station de Nice enregistrait le 21 avril 2007 à 9h 30 une température de 19 °C (ce qui est relativement doux pour la saison), avec un vent de 7 km/h. Le 21 juillet à la même heure, la température atteignait déjà 26 °C avec un vent de 12 km/h. Indubitablement, la température joue en faveur d’une plus grande fréquentation en juillet. Néanmoins, on peut supposer que la plus forte insolation qui caractérise la mi-journée a conduit à des comportements différents selon la date. En avril, il n’y a pas de tassement du nombre de visiteurs autour de midi. Peut-être ne fait-il pas encore trop chaud pour dissuader les visiteurs de se rendre à la plage. Peut-être aussi que la journée est suffisamment exceptionnelle pour s’y rendre coûte que coûte et profiter ainsi des premiers rayons de soleil du printemps. En juillet, midi marque en revanche une décrue des effectifs. Plusieurs explications possibles: 1) les recommandations faites aux usagers concernant l’exposition au soleil sont respectées, on ne va donc pas à la plage à l’heure du déjeuner; 2) les usagers sont majoritairement des vacanciers, qui disposent de tout leur temps, et qui peuvent aller à la plage à différents moments de la journée. En septembre, on retrouve des comportements plus proches de ceux du printemps. L’occupation spatiale de la plage Rapportés à la superficie de la plage, les effectifs d’usagers fournissent des valeurs de densités qui permettent d’envisager la fréquentation sous un autre angle. Les Ponchettes représentent une superficie d’environ 9 000 m2 (mesure établie avec le système d’information géographique sur une orthoimage vraie (6) de 6 à 50 cm de résolution). Toute cette surface n’est pas directement disponible car, selon les dates, la plage offre un poste de secours, des toilettes, des poubelles, un terrain de beach-volley, etc. Si l’on s’en tient à une surface de 8 500 m2 pour avril et septembre et de 8 000 m2 pour juillet (présence du terrain de beach-volley), la surface disponible par usager ne descend jamais en dessous de 10 m2. Au plus fort de la fréquentation, elle se situe à 23 m2 le 21 avril (soit 4,2 personnes pour 100 m2), 11 m2 le 21 juillet (8 personnes/100 m2) et 18 m2 le 22 septembre (5,3 personnes/100 m2). Ces chiffres tendraient à confirmer l’idée que les plages de la Côte d’Azur sont bondées et saturées en été. Selon l’AFIT en effet, la densité commencerait à être perçue comme une gêne à partir de 4 à 8 personnes pour 100 m2. Nos évaluations n’apparaissent toutefois pas suffisamment fiables pour pousser plus loin l’analyse, car nous ne disposons pas de la mesure précise de la surface de plage effectivement disponible aux usagers (arpenter la plage chacune des trois journées étudiées pour déterminer l’étendue réellement accessible au public pouvait être envisagé sur le plan technique, mais les ressources humaines limitées ne l’ont pas permis). De même, la perception de la gêne peut varier d’un site à un autre ainsi que d’une population à une autre. Comme le montre le paragraphe suivant, l’occupation de la plage par les visiteurs manifeste souvent une tendance au rapprochement malgré la présence d’espaces vacants. Les formes de l’occupation spatiale de la plage Le placement des usagers sur la plage est-il aléatoire ou suit-il un modèle d’organisation spatiale? Comment l’occupation spatiale de la plage par les usagers se met-elle en place? Le traitement des photos a permis d’explorer ces questions, en restituant notamment la dynamique de fréquentation de la plage dans le temps au moyen d’une représentation graphique animée (fig. 9). Sur fond de plage vide de tout visiteur, celle-ci présente la succession des états de l’occupation de la plage à chaque palier horaire, avec un point pour figurer une personne, qu’elle soit assise, allongée ou debout. Outre le déclenchement de l’animation, cette représentation fournit des éléments d’interprétation que l’on peut choisir d’afficher ou non: la localisation des douches, l’emplacement des poubelles, celle du poste de secours, ou encore la présence cumulée des usagers aux heures observées le matin comme aux heures observées l’après midi.
On découvre ainsi que la plage se remplit presque toujours à partir des espaces proches de l’eau. Dès les premières heures, les usagers s’installent en effet quasi systématiquement à proximité de la mer, sans doute pour jouir de la vue, de l’odeur iodée et pour se baigner, tout en minimisant le chemin à parcourir sur les galets. Le 21 juillet, le phénomène apparaît plus tôt que le 21 avril (dès 9 heures contre 10 heures); le 22 septembre offrant une situation intermédiaire. Le pied du mur perré qui sépare la plage de la Promenade fixe aussi certains usagers, qui s’y adossent et profitent des températures plus élevées. Au fur et à mesure que la journée avance, la partie centrale de la plage se remplit, mais les deux tiers les plus proches de l’eau ont toujours la faveur des visiteurs. On peut s’en convaincre en se représentant l’axe passant par les poubelles et remarquer ainsi que le «haut de plage» est moins prisé à quelques rares exceptions près. Les animations permettent de rechercher si les positions prises par les visiteurs révèlent des structures spatiales. Regardant vers la mer, les usagers font face au Sud. On est ainsi tenté de déceler dans la disposition des visiteurs des lignes plus ou moins parallèles au rivage. La vue perspective rend difficile cette lecture, puisque les points semblent agglutinés les uns aux autres dans la partie haute des images. Mais en manipulant l’animation, en affichant la fréquentation à certaines heures (le 21 avril à 16 heures, par exemple) et surtout en superposant toutes les couches (cumuls), ces structures spatiales linéaires apparaissent. La distinction entre le matin (addition des positions prises par les visiteurs entre 9 heures et 13 heures) et l’après-midi (positions entre 14 heures et 18 heures) permet également de mieux explorer cet aspect. Ces structures linéaires s’opposent aux formes ramassées qui traduisent la présence de groupes assez nombreux. Ces derniers ne sont pas la structure spatiale dominante, mais on peut en identifier à certaines heures, comme le 21 juillet à 11 heures et 12 heures en bas à droite des images, c’est-à-dire entre le mur perré et l’axe des poubelles. Quelques anomalies ou particularités propres à Nice et à chacune des trois journées sont à noter. Tout d’abord, on peut observer que, tôt le matin, le premier plan de l’image est toujours occupé par quelques personnes (le long de la petite palissade qui sépare une zone de plage concédée — le Castel — de la plage publique). Ces usagers sont des habitués. Presque chaque jour de l’année, ils viennent aux premières heures pour leur bain quotidien et se placent près des palissades pour y accrocher sacs, vêtements, etc. Après une petite heure, ils repartent. Cet aspect de la fréquentation de la plage est très visible sur les images du 21 avril et du 22 septembre. Les photos montrent ainsi une réalité culturelle niçoise bien ancrée dans le fonctionnement de la plage. Une autre originalité dans les formes de l’occupation spatiale de la plage est introduite par le terrain de beach-volley. Aménagé tous les ans au même endroit (à l’extrémité ouest de la plage, dans un angle formé par le mur perré), il est constitué de sable fin que l’on apporte de l’extérieur. Avant et après la saison touristique, lorsque la structure (poteaux, filet, grillage périphérique) n’est pas en place, le site est un des plus confortables de la plage. C’est ainsi qu’en avril 2007 on y trouvait des tentes hébergeant des sans-abri soutenus par l’association Don Quichotte, dans le prolongement du mouvement qui avait touché plusieurs villes de France au cours de l’hiver précédent. Les photos montrent par ailleurs que la partie sablonneuse héritée de l’été 2006 continue d’attirer les usagers de la plage (15 heures et 16 heures). En septembre 2007, après le démontage de la structure de beach-volley, le sable blond est en plus grande quantité, ce qui influence fortement le placement des visiteurs, surtout après 13 heures. Conclusion: discussion et perspectives La fréquentation de la plage des Ponchettes à Nice est désormais mieux connue. Qu’il s’agisse de la dynamique spatio-temporelle de l’occupation de la plage par les visiteurs à l’échelle d’une journée, ou de la variation du flux de visiteurs entre trois moments de l’année touristique, les apports de ce travail sont inédits. Ils fournissent des éléments de réponse aux questions posées par le gestionnaire. Par exemple, concernant la surveillance de la baignade, il semblerait qu’étendre la période de surveillance au début de soirée, au moins en été, serait concordant avec une forte affluence d’usagers. C’est un point sur lequel la Ville commence à réfléchir. L’étude confirme par ailleurs l’intérêt d’une expérience récente consistant à proposer une surveillance certains week-ends précédant la saison estivale. La journée du 21 avril rend en effet bien compte de l’intérêt de réfléchir sur la période du printemps. Sur le sujet de l’éventualité d’agrandir la plage pour qu’elle puisse accueillir davantage d’usagers, l’étude semble montrer que la saturation est très relative et qu’il n’est pas rare que des espaces de plage demeurent non occupés, même lors des pics de fréquentation. Cette question reste néanmoins ouverte, car la Ville pense nécessaire de conduire des enquêtes de satisfaction pour mieux apprécier l’opinion des usagers et envisager plus globalement l’opportunité de réaliser de tels travaux. Ainsi, l’étude permet de mettre en relation la gestion effective de la plage avec la réalité de sa fréquentation. Conduite dans le cadre d’un partenariat de recherche, ses retombées ne peuvent être mesurées comme on pourrait le faire à l’issue d’un contrat, mais ses effets devraient se vérifier au niveau des pratiques et de l’approche des sujets par le personnel territorial. Nous pensons, pour en avoir parlé avec les intéressés, qu’une telle collaboration est à même d’influencer certaines orientations futures de la collectivité. Il faudra pour s’en assurer poursuivre la collaboration et observer les décisions qui seront prises. Pour l’heure, quelques éléments de discussion portant sur la méthodologie employée doivent être évoqués. Concernant la méthodologie, on peut considérer que la photographie est un bon instrument pour évaluer la fréquentation des Ponchettes. Ceci résulte du fait que la dimension de cette partie de la plage de Nice rend possible sa photographie en une seule prise de vue, à partir d’un point suffisamment élevé pour éviter d’importants effets de masque (même si, au moment des fortes affluences, il a parfois été difficile de dénombrer toutes les personnes situées à l’extrémité ouest, c’est-à-dire au plus loin du photographe). Pour la très grande majorité d’entre elles, les photos ont en effet permis de repérer chaque usager sans grandes difficultés. Néanmoins, les maxima de fréquentation enregistrés pour les trois dates sont sans aucun doute sous-évalués. Si l’on souhaite connaître précisément le nombre de personnes présentes sur la plage à partir des clichés, il faut reconnaître que cela reste difficile lors des pics de fréquentation. On ne peut que recommander l’utilisation d’appareils offrant une meilleure résolution et de procéder à toutes les prises de vues avec le même type d’appareil et la même optique. L’information obtenue dans cette étude n’en demeure pas moins riche d’enseignements. Les courbes du nombre d’usagers de chacune des trois journées sont simples mais tout à fait utiles pour mettre en évidence les heures de forte fréquentation, ainsi que le flux et le reflux des visiteurs. Les animations graphiques, quant à elles, rendent compte de la dynamique d’occupation spatiale de la plage, même s’il aurait été préférable d’avoir un jeu d’images prises avec un unique appareil afin de pouvoir véritablement superposer les données des trois journées. Aussi, à défaut d’avoir pu travailler avec des photographies aériennes qui, après orthorectification, auraient rendu possible la production d’une information en plan, la méthode employée a permis de réaliser une évaluation relativement pertinente des Ponchettes. S’agissant de la connaissance de la dynamique spatio-temporelle des flux de visiteurs, cette étude apporte des améliorations réelles, mais elle amène aussi de nouvelles interrogations. Ainsi, la variation des effectifs d’usagers au cours de l’année reste encore mal cernée. On pourrait donc souhaiter une reconduction de l’étude avec un suivi au moins mensuel. De même, le suivi journalier ne traite pas de la première partie de soirée qui est manifestement un moment de forte fréquentation de la plage en été, après l’arrêt de la surveillance de la baignade. Il serait sans doute utile de procéder à l’acquisition de quelques vues supplémentaires pour avoir une meilleure idée de la fréquentation, tout en gérant la difficulté de la sous-exposition à l’approche du crépuscule. On pourrait enfin souhaiter qu’il y ait un plus grand nombre de clichés par jour de suivi (toutes les 30 minutes?) pour permettre une analyse plus fine des allées et venues sur la plage. Toutes ces améliorations signifient incontestablement un plus ample investissement en temps. Elles apparaissent néanmoins indispensables pour passer d’une étude de cadrage à une observation fine et approfondie d’une plage que l’on peut assimiler à un «site-laboratoire» dans une ville modèle. Au final, même si l’on peut regretter que la totalité de la plage de Nice n’ait pu faire l’objet de l’étude, ce travail démontre qu’il est possible de contourner des obstacles techniques et financiers pour traiter certaines questions. La démarche méthodologique suivie est donc à recommander pour toutes les plages urbaines qui peuvent être observées à partir d’un point haut (étage élevé ou toit d’un immeuble, belvédère naturel) situé à proximité. Cela ne correspond pas à toutes les configurations de plages urbaines mais sans doute à beaucoup d’entre elles, ne serait-ce que dans les stations balnéaires présentant des fronts de mer alignant des immeubles de plusieurs étages. Remerciements Les auteurs remercient le directeur et l’équipe de la Direction de l’Environnement Mer Littoral de la Ville de Nice, pour les précieuses informations fournies au sujet des plages de la ville. Références bibliographiques ANTHONY E.J. (1994). «De la carte à l’analyse numérique. Le linéaire côtier naturel et artificiel des Alpes-Maritimes et de Monaco». Mappemonde, n°3/94, p. 16-19. BARON-YELLÈS N. (1999). «La fréquentation touristique des espaces protégés littoraux: cas des réserves ornithologiques bretonnes de Cap Sizun et de l’Île de Groix». Géocarrefour, vol. 79, 1, p. 85-95 BECET J.-M. (1987). L’Aménagement du littoral. Paris: PUF, coll. «Que sais-je?», n° 2363, 127 p. ISBN: 2-13-040044-2 BIVILLE M., VAN WAERBEKE D. (2003). «Les risques induits par le recul des falaises meubles sur les côtes nord-bretonnes: difficultés croissantes de la gestion du sentier côtier». Hommes et Terres du Nord, 1, p. 55-63 BOYER M. (2002). L’Invention de la Côte d’Azur. 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Dolle et al. établit une typologie à partir de quatre critères: plages à marée/sans marée; plages de sable/de galets; nature de l’arrière-plage (en contexte urbain: cœur de la station balnéaire, zone pavillonnaire, parc urbain); environnement géographique et morphologique. 2. À Marseille, «Quelque 2 millions de baigneurs, Marseillais ou touristes, […] ont posé leur serviette sur le sable ou les rochers pendant tout ou partie de l’été», d’après le quotidien La Provence, 27 août 2007. Chiffre invérifiable et non confirmé par les services municipaux en charge des plages. 3. Source: «Touriscope», Observatoire du Tourisme sur la Côté d’Azur, Comité Régional du Tourisme Riviera Côte d’Azur. 4. Le thème 5 de la Charte de l’environnement de la Ville de Nice (2001-2006) porte sur «Valorisation et préservation du patrimoine marin et littoral». 5. Voir «Souriez, vous êtes éco-comptés», octobre 2007, dans le numéro 81 de Morbihan Hebdo, le magazine du Conseil général du Morbihan et le site très instructif de la société Eco Compteur. 6. Une orthoimage désigne une photographie aérienne ou une image satellite géoréférencée, dont les déformations optiques (induites par la prise de vue) et les distorsions induites par le relief ont été corrigées. On l’appelle parfois orthophotoplan. Des effets de masque peuvent y subsister, en particulier en milieu urbain où des immeubles d’une certaine hauteur peuvent cacher des espaces situés aux alentours immédiats (certaines façades de ces immeubles sont alors partiellement visibles). L’orthoimage vraie est une image dans laquelle le processus d’orthorectification a intégré les distorsions issues de l’élévation des éléments constitutifs du «sur-sol». |