Sommaire du numéro
N°74 (2-2004)

Contre vents et marées: «Nantes Atlantique».
La quête métropolitaine

Danielle Rapetti

Université de Nantes
DR IGARUN: Institut de Géographie et d'Aménagement
Régional de l'Université de Nantes

Résumés  
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Première partie de l'article

Introduction

D'une décision d'aménagement à l'accès au rang d'Eurocité dotée des attributs d'une métropole reconnue, le chemin est rude. Si la dynamique locale permet de franchir certaines étapes, l'issue du parcours dépend beaucoup de stratégies d'intégration conduites aux niveaux national et européen. Afin de pallier le handicap d'une situation marginale et de peser davantage sur le choix d'aménagements jugés essentiels, des partenariats s'instaurent au sein du Nord-Ouest français éloigné des grands flux économiques européens. Dans ces actions communes, Nantes joue souvent un rôle majeur indispensable à son rayonnement. Nécessité oblige, au-delà des rivalités d'antan et des concurrences actuelles.

Une métropole bipolaire: Nantes - Saint-Nazaire

La prise de conscience d'une communauté d'intérêts résulte d'une lente maturation

6. À la recherche de cohérences territoriales
En l'état 2003, volonté politique des collectivités locales et pertinence géographique peinent à coïncider. Noter en particulier, hors périmètre du SCOT Métropole, la rive aval sud de l'estuaire et la presqu'île guérandaise.

7. Une métropole bipolaire pour affronter l'Europe
Les agglomérations de Nantes et de Saint-Nazaire réunies comptent près de 700 000 habitants. Plus de trois habitants sur quatre en Loire-Atlantique vivent dans l'une des deux aires urbaines (882 000 habitants). La dynamique démographique nantaise est l'une des plus fortes en France ces dix dernières années. Entre les deux pôles une certaine discontinuité persistait encore en 1999.

En 1856, l'avant-port de Saint-Nazaire, à l'embouchure du fleuve, naît des problèmes de navigation dans un estuaire trop peu profond et ensablé. Longtemps se développent entre les deux sites des relations plus concurrentielles que complémentaires. En 1962, la création de la «métropole d'équilibre» Nantes-Saint-Nazaire scelle une alliance officielle dans une optique d'aménagement du territoire vigoureusement suivie par Olivier Guichard. L'unité de gestion au sein du Port autonome de Nantes-Saint-Nazaire depuis 1965, les études menées par l'Association communautaire de l'estuaire de la Loire (ACEL) et l'élaboration par l'OREAM du Schéma directeur de l'aire métropolitaine (SDAAM) approuvé en 1970, concourent à la mise en évidence de problèmes communs. Mais c'est en 1994, face à l'impérieuse nécessité de «devenir une métropole attractive pour la façade atlantique de l'Europe» que les deux villes expriment une volonté de travail en commun et signent une charte d'objectifs où sont définies «les grandes vocations d'excellence internationale: industrie navale, mécanique-matériaux, agroalimentaire, négoce et industrie du bois, génie civil et écotechnologie».

L'aire métropolitaine, objet du SDAAM, ne couvrait en 1970 guère plus de 70 communes. La Directive territoriale d'aménagement (DTA) de la Basse-Loire en 2003 en concerne presque 200. L'extension du périmètre dit bien l'interactivité croissante des questions d'aménagement posées dans l'estuaire, avec un proche environnement dont le rayonnement des pôles urbains et la mobilité accrue des populations reculent les limites. Le périmètre du SCOT 2002, beaucoup plus réduit, exprime les craintes identitaires de certaines collectivités territoriales, l'appréhension face aux villes conquérantes et aussi quelques divergences politiques et sociales.

Forte d'un gain de 82 000 habitants de 1990 à 1999, la Loire-Atlantique doit à l'aire urbaine de Nantes 80% de cette croissance. L'aire urbaine de Saint-Nazaire connaît des évolutions inégales, voire contraires. De 1982 à 1999, il y a discontinuité de l'essor démographique dans l'ensemble métropolitain, même si un renversement de tendance favorable à Saint-Nazaire au cours de ces dix dernières années tend à compenser la faiblesse de son arrière-pays. La fréquence des situations avec solde migratoire très positif caractérise les couronnes nantaises et la presqu'île guérandaise.

À la fois signe et cause parmi d'autres de liens plus étroits tissés entre Nantes, Saint-Nazaire et le littoral, la circulation sur la rive nord ne cesse de s'intensifier. Par desserte ferroviaire cadencée, depuis peu, ou par route sur la 4 voies N 165 fréquemment saturée, plus de 10 000 personnes chaque jour se déplacent d'une ville à l'autre pour leur travail ou leurs loisirs. À distance des deux villes, la DTA préconise un nouveau franchissement, premier maillon d'un grand contournement de l'agglomération nantaise envisagé à long terme.

La Basse-Loire: lieu de conflits récurrents entre nature et développement économique

Au centre de la vie estuarienne et des conflits d'intérêts entre milieu économique et milieu naturel, le port autonome de Nantes - Saint-Nazaire (PANSN), premier port de la façade atlantique française, se situe en 2003 au 5e rang national. Les produits énergétiques assurent près des deux tiers d'un trafic oscillant entre 30 et 33 Mt. Le terminal de Donges reçoit 10 Mt de pétrole brut destinés à la raffinerie Total et le terminal méthanier de Montoir tient le 1er rang européen. Si le trafic de conteneurs demeure un point faible malgré sa progression, l'agro-alimentaire et le bois, en liaison directe avec les activités régionales spécifiques, représentent un apport notable. Les Pays de la Loire sont au 1er rang national pour les industries de transformation du bois. Nantes, 1ère place de négoce du bois en France, l'est aussi pour les importations de bois exotiques à Cheviré. Par ailleurs, le terminal roulier de Montoir reçoit en transit des éléments échangés entre les usines du groupe PSA de Rennes, Vigo et Sheernes. L'activité portuaire soutient 3 000 emplois directs et plus de 20 000 emplois indirects.

8. L'estuaire de la Loire: un territoire de conflits potentiels entre protection de la nature et développement économique
Des très riches zones humides riveraines du fleuve dépend l'équilibre biologique d'un vaste milieu — des marais de Grande Brière au lac de Grand-Lieu — , sites protégés dans le cadre du réseau Natura 2000. Au fil des ans, les travaux nécessaires aux activités portuaires modifient cet environnment fragile (surcreusement du chenal, remblaiement des berges). Sources de conflits majeurs depuis plus de vingt ans, les projets d'extension portuaire (Le Carnet, Donges-est), nourrissent la polémique. En 2003, la DTA valide l'aménagement décidé à Donges-Est, sous réserve de compensations, et incite à rechercher un développement plus équilibré entre les deux rives de l'estuaire.

Destinée à développer le trafic de marchandises diverses et de conteneurs, la demande d'extension portuaire sur la zone de Donges-Est a été validée par le projet de DTA 2003. En mai 2004, l'État n'a pas encore délivré l'autorisation de travaux. Depuis près de 30 ans, de vifs débats opposent tenants du développement économique, écologistes et scientifiques. Milieu très fragile, les zones humides jouent un rôle essentiel dans l'équilibre biologique estuarien. Des mesures compensatoires doivent pallier le remblaiement de 51 ha par l'extension de roselières voisines, la création d'une nouvelle vasière et le creusement d'un chenal. La solution ne satisfait pas l'Ifremer, soucieux du milieu halieutique, ni la Ligue de protection des oiseaux, pour qui le projet ne respecte pas un site classé en zone de protection spéciale par la Directive européenne pour maintenir la cohérence du réseau Natura 2000. D'autre part, le port a déjà cédé 1 500 ha au Conservatoire du littoral.

Autre point sensible lié à la vie économique sur les rives du fleuve: les dragages répétés du lit et la présence de six sites classés SEVESO. Le niveau de la Loire a baissé de 4m depuis le début du XXe siècle. La formation d'un bouchon vaseux remontant en aval de Nantes et l'accroissement de la salinité posent le problème de l'approvisionnement en eau de l'agglomération. Quant aux sites SEVESO, hormis Soferti à Couëron, tous sont concentrés à l'aval, en premier lieu la raffinerie de pétrole, traversée par les voies ferrées.

Avec la raffinerie de Donges, deuxième raffinerie française (11 Mt de pétrole brut traités par an) et la centrale de Cordemais (fuel et charbon), la Basse-Loire demeure un foyer énergétique, peut-être conforté à l'avenir par des capacités de production d'électricité accrues à Cordemais et la construction d'une plate-forme en mer au large de Piriac, raccordée à la raffinerie.

Modernité des industries traditionnelles et diversification

La Basse-Loire doit sa plus grande renommée à la relance de ses industries navale et aéronautique. Les bassins de Penhoët à Saint-Nazaire ont vu naître de prestigieux transatlantiques: le Normandie en 1935, le France en 1962. En 2004, la Cunard, armement anglo-américain, prend livraison du plus grand paquebot du monde, le Queen Mary II (150 000 tonneaux, 345 m de long). Dans les chantiers, l'alternance d'activité intense et de passes difficiles est de tradition. En 1983, «la capitale de la construction navale est surtout la capitale de la crise», regrette le maire de Saint-Nazaire, Joël Batteux. Depuis 1987, les Chantiers de l'Atlantique, aux mains de la société Alstom concentrent leur production sur le site nazairien après la fermeture de l'établissement nantais. Pour affronter la concurrence mondiale, en particulier asiatique (Corée, Japon, Chine) et finlandaise, les infrastructures s'enrichissent d'un 4e bassin propre à la construction de navires géants, pétroliers ou paquebots. Le plan de relance de l'entreprise en 1998, dans une période faste du tourisme de croisière, aboutit à une spectaculaire renaissance de la navale. L'objectif est de construire 5 navires par an. Au plus fort de l'activité, 13 000 personnes travaillent pour les chantiers, 5 000 en emplois directs et 8 000 dans les 600 entreprises sous-traitantes. Mais après le 11 septembre, l'inquiétude naît dans un climat de tension internationale et de crise des armements de croisière. Une menace certaine pèse sur l'emploi. L'entreprise joue la carte de la diversification dans son domaine spécifique: celui des navires à forte valeur ajoutée, en premier lieu les paquebots, mais aussi les navires scientifiques, les méthaniers, les bâtiments militaires et les yachts de luxe. Mis en place par la CCI, un «Pôle Marine» fédère certains sous-traitants et fournisseurs, pour qui se diversifier est également un impératif face aux aléas de la production. Plusieurs commandes assurent l'avenir proche: un transbordeur pour la compagnie Sea France, trois méthaniers dont deux géants pour Gaz de France, deux paquebots pour MSC, un navire de recherche océanique pour l'Ifremer, un yacht de luxe; d'autres nourrissent l'espoir: un trimaran dépollueur, l'Oil Sea Harvester, voire la coque du porte-avion Charles de Gaulle II et un paquebot prototype projeté par Cruises ?

C'est déjà par souci de diversification de la construction navale qu'est né en 1923 un atelier de fabrication d'aéronefs implanté près de Saint-Nazaire par les Chantiers de la Loire. Comme l'usine Bréguet en construction à Bouguenais près de l'aéroport de Nantes, l'entreprise est nationalisée en 1937, intégrée à la Société Nationale de Constructions Aéronautiques de l'Ouest (SNCAO). Entre autres productions, la Basse-Loire a fourni à l'aviation militaire, les Morane avant guerre, des Latécoère 631, des éléments de Mystère et, pour l'aviation civile, les voilures de Caravelles sorties de Sud-Aviation Bouguenais. La mévente a fragilisé l'aérospatiale, mais la série Airbus a permis depuis trente ans la spécialisation et l'incessante modernisation d'une entreprise qui, aux mains d'EADS depuis 2000, occupe plus de 4 000 personnes réparties sur trois sites: Bouguenais, Saint-Nazaire-ville et Gron. La crise du trafic aérien fait craindre une baisse d'activité. Cependant en 2002, EADS devance pour la première fois son concurrent Boeing et le consortium européen Airbus Industrie soutient un rythme de commandes élevé, quoique ralenti. Second pôle national de construction aéronautique après Toulouse, les usines de la Basse-Loire s'intègrent dans la chaîne de production de l'Airbus géant A380 et de l'avion-cargo militaire A400M. À Nantes revient la fabrication de radomes, d'éléments de voilure; à Saint-Nazaire des éléments de tronçon central et l'assemblage de la partie avant de l'A380.

La construction navale et aéronautique demeure essentielle au maintien des industries métallurgiques, contribue au développement des biens d'équipement et stimule les capacités d'innovation d'un milieu économique en forte mutation, où progressent depuis une vingtaine d'années l'électronique et l'informatique, puis la plasturgie, en forte expansion au cours de la dernière décennie. La présence de multiples PME diversifiées aux côtés de grands groupes prépondérants occupant 63% des emplois (Alstom, EADS, Total, etc.), confère une certaine originalité au tissu économique de la Basse-Loire. La prolifération de parcs d'activités en tous genres, des plus traditionnels à la haute technologie, témoigne de ce dynamisme, comme aussi d'actions mal coordonnées ou concurrentes. Le territoire de la DTA compte 233 zones d'activités. Sur une surface totale proche de 4 000 ha, dont 62% au nord de la Loire, 40% restent disponibles. Les offres de vastes superficies bien desservies sont rares. Donges-Est, réservé à l'extension portuaire s'étend sur 400 ha. Rive sud, la zone du Carnet (488 ha), affectée pendant vingt ans à l'implantation future d'une centrale nucléaire très contestée, reste inoccupée malgré l'abandon du projet en 1997.

Grâce à ses activités de pointe, à l'héritage aussi du savoir-faire d'une main-d'œuvre hautement qualifiée, l'activité industrielle en Basse-Loire résiste mieux, dans une certaine mesure, au recul général du secteur secondaire. De 1990 à 1999, le volume des emplois cumulés des unités urbaines de Nantes et de Saint-Nazaire s'est accru de 12% (+34 000 emplois). Mais, sur un total de 311 000 personnes, moins d'une sur cinq travaille à présent dans l'industrie (16% en 1999, 21% en 1990). Le poids écrasant du tertiaire (78% globalement, 80% à Nantes) atteste la reconversion économique d'un vieux foyer industriel. La part croissante des emplois de haut niveau (8,7%) est un pas, encore modeste, sur la voie de la métropolisation. Cependant le rayonnement de Nantes-Saint-Nazaire, sa progression au sein de la hiérarchie urbaine des villes européennes, sont indissociables du développement d'un «Grand-Ouest» aux limites imprécises: «Un Ouest que le législateur a pris soin de ne pas définir quand, en 1965, Nantes - Saint-Nazaire est appelée à devenir la métropole de l'Ouest à l'horizon 2000» (A. Vigarié) — l'une des raisons étant de «ne pas entrer dans les rivalités urbaines».

Une métropole européenne au bénéfice du «Grand Ouest»

Cette fonction est inscrite dans la DTA 2003. Elle n'échappe pas au jeu d'intérêts anciens et nouveaux sur un territoire partagé. Le flou géographique d'un «Grand Ouest» mouvant, de fait le plus souvent limité au Nord-Ouest français, résulte d'une situation complexe où se mêlent problèmes héritées du passé — la rivalité Nantes-Rennes, le détachement de la Loire-Atlantique de la Bretagne historique — et gros enjeux économiques et politiques dans l'actuel environnement européen.

Le passé en filigrane

Comme en 1941 par décret de Vichy, la Bretagne historique est amputée en 1956 de la Loire-Inférieure, partie prenante d'une région des Pays de la Loire que certains jugent dépourvue d'unité évidente. Partagés entre diverses associations, les partisans d'une Bretagne à cinq départements multiplient les manifestations et relancent le débat en période pré-électorale. L'activité du Comité pour l'unité administrative de la Bretagne (CUAB), constitué en 1981, conduit le conseil général à émettre un vœu en 2001 sur «la reconnaissance institutionnelle de l'identité culturelle bretonne en Loire-Atlantique». Si nul ne conteste la part essentielle de la composante bretonne dans l'identité culturelle de Nantes et du département, en revanche la perspective d'un redécoupage régional n'emporte pas l'adhésion unanime des édiles de gauche comme de droite. En toute logique, le maire de Rennes (PS) déclare en 2001 «Je tiens à ce que le statut de Rennes reste intact», que soit respecté son statut de capitale régionale. Le président du conseil général de Loire-Atlantique, quant à lui, affirme «Je n'accepterai rien qui affaiblisse Nantes et la Loire-Atlantique, rien qui se fasse au nom de l'histoire contre les autres départements des Pays-de-la-Loire.» (A. Trillard, 2001). Le nouveau président ne veut pas pas affaiblir Nantes et défend la Bretagne historique. Le manque d'unanimité à droite comme à gauche est toujours vrai.

La rivalité historique entre Nantes et Rennes naît de la dissociation des pouvoirs politiques et économiques. Nantes, cité du château des Ducs de Bretagne, perd le pouvoir politique en 1561, suite au transfert du Parlement à Rennes. Elle perd aussi, et sans regrets apparents, son université créée en 1460. Après la Révolution, Rennes devient ville universitaire. «Les fonctions de capitale administrative et culturelle de la Bretagne n'intéressent pas les édiles nantais, apparemment plus soucieux de leurs affaires» (A. Croix). Mais quelles affaires ! Favorisée par sa situation de carrefour de voies terrestres, maritimes et fluviales, le rayonnement économique de Nantes l'emporte pendant plusieurs siècles sur celui de Rennes. Hors les riches heures du port transatlantique, 1er port de France au XVIIIe siècle, qui confère au commerce nantais une dimension internationale, on peut encore lire au travers de l'aire d'attraction de la ville en 1970 les traces d'étroites relations, notamment avec la Bretagne méridionale. Par cabotage, les ports bretons échangeaient céréales puis toiles avec le sel et le vin de la Basse-Loire. Au XIXe siècle, la bonne desserte par canaux, routes et voies ferrées de Nantes à Quimper renforce la pénétration du commerce nantais. La présence industrielle, celle des ateliers de construction navale et des conserveurs sardiniers en particulier, tisse des liens étroits de la Cornouaille à la Vendée. Signe parmi d'autres au milieu du XXe siècle: Nantes est le siège de l'Inspection générale de la production industrielle, couvrant neuf départements, et la bourse de Nantes cote des valeurs d'une région comprenant, entre autres, Loire-Inférieure, Vendée, Morbihan, Finistère, Ille-et-Vilaine et Maine-et-Loire. Cependant, en 1941, Nantes, écartée au profit d'Angers «pour des raisons à la fois politiques et de circonstance, est la seule grande ville française (avec Saint-Étienne) à ne pas être siège d'une région administrative» (R. Théry). En 1944, le commissaire de la République, Michel Debré, s'installe à Angers.

Quelques symboles des relations difficiles entre Nantes et Rennes persistent longtemps: une liaison ferrée indirecte depuis peu sans changement à Redon, la 4 voies express inachevée avant 1990, et cette zone d'interférence des aires d'influence aux confins départementaux jouant parfois, semble-t-il, le rôle de sas pour rencontres de responsables institutionnels. D'autant plus exceptionnelles apparaissent les invitations réciproques d'édiles ou d'universitaires en leur cité à la Libération. Nantes, riche en enseignements techniques et professionnels de valeur, obtient très tardivement, en 1962, la création d'une nouvelle université. Dans le combat de longue haleine mené pour cette renaissance, l'un des succès précurseurs fut remporté en 1946, grâce à la collaboration des juristes universitaires rennais et de la municipalité de Nantes œuvrant pour la transformation de l'école privée de droit en Institut de droit.

Aires d'influence recomposées et mouvance parisienne

Aujourd'hui, l'effet à long terme du développement d'équipements relevant des compétences de chaque Région, et sa conjugaison avec des infrastructures de communication améliorées dans la dernière décennie, rendent le jeu des composantes de l'attractivité urbaine de plus en plus complexe, d'autant que de multiples pôles en forte croissance démographique caractérisent le Nord-Ouest français.

La proximité de Rennes et d'Angers bride l'attraction nantaise qui, en certains domaines de services, ne s'étend guère hors département, sauf en Vendée. La limite régionale affaiblit, pour partie, les liens étroits tissés entre Nantes et le littoral morbihannais, dans la mesure où équipements de santé publique et de scolarisation deviennent localement plus performants ou dépendent de la capitale régionale. L'université de Bretagne-Sud retient à Vannes et à Lorient une population étudiante qui était mieux partagée avec Nantes dans les années 1965-1990. Toutefois, la fréquentation traditionnelle de la cité marchande perdure pour certains services rares ou de négoce en ses formes nouvelles, et à l'occasion de manifestations culturelles. L'aire de chalandise d'Ikea et du centre commercial Atlantis jouxtant le futur Zénith s'étend de Brest à La Roche-sur-Yon, comme autrefois celle des grands magasins Decré. Dans le domaine universitaire, Nantes, qui dispose de deux antennes à Saint-Nazaire et à La Roche-sur-Yon, se heurte à l'est au fort rayonnement de la cité angevine dotée de deux universités, l'une publique, l'autre catholique. Quant aux départements de Mayenne et de Sarthe, l'un, en sa marge ouest, subit l'attraction de Rennes, l'autre, avec Le Mans, également siège d'université, intègre la mouvance parisienne.

Nantes, comme Rennes, déjà dépendante de la capitale et bénéficiaire d'une première vague décentralisatrice dans les années 1960-1975, gravite activement au quotidien sur orbite parisienne depuis l'arrivée du TGV en 1989. Pour les députés-maires des grandes villes «le plus simple pour se voir, c'est Paris» (E. Hervé, maire de Rennes, 1990). Facteur majeur de développement, le TGV provoque indirectement une seconde vague de délocalisations et d'importants flux de population: non seulement flux de «navetteurs» bénéficiant d'une récente desserte cadencée toutes les demi-heures, mais aussi de migrants résidentiels. Appréciée à l'aune des migrations définitives d'actifs et de leur famille, entre Paris et Nantes de 1990 et 1999, l'attractivité de Nantes, distancée de peu par Bordeaux, tient le second rang dans l'Ouest avec un solde positif de 9  500 migrants, loin devant Rennes (3 600). Nantes gagne aussi au jeu des échanges avec les cités voisines, La Roche-sur-Yon et Saint-Nazaire, Angers et Rennes.

La croissance des emplois métropolitains: Nantes – Rennes, une double dynamique

9. Nantes et Rennes, rivales ou partenaires? La marque de l'histoire, le poids de la géographie
Autrefois, des pouvoirs partagés au sein du duché de Bretagne: longtemps à Rennes, la préeminence juridique et universitaire, à Nantes la suprématie économique. Les aires d'influence des deux capitales de région administrative interfèrent hors limites toujours contestées. Aujourd'hui les deux villes partagent un sort commun: l'intégration renforcée dans la sphère d'influence parisienne par voie de TGV et le handicap d'une situation marginale en Europe. L'absence de liaison tranversale rapide avec les vallées du Rhin et du Rhône est une question récurrente. La concurrence locale demeure, mais une stratégie de partenariat s'instaure, notamment dans la lutte pour l'amélioration des infrastrures et des relations internationales, stratégie au besoin étendue aux régions voisines. Le pôle économique Nantes-Saint-Nazaire joue un rôle majeur reconnu dans le développement du nord-ouest atlantique.

Ces nouveaux Nantais participent aux mutations sociales, renforcent les effectifs de cadres en général et des emplois métropolitains supérieurs (EMS) en particulier. Nantes tend à combler un certain retard à ce niveau et s'inscrit au 7e rang des aires urbaines de province quant à la part des EMS dans l'emploi total, ex-æquo avec Bordeaux (taux de 8,7%) et proche intermédiaire entre Rennes (6e rang) et Marseille (9e rang). Les gains, identiques en volume (+ 5 600 entre 1990 et 1999), assurent à Nantes une bonne progression (+ 29%) et à Rennes un taux record (+ 39%). Nantes concentre 25% des emplois de haut niveau de sa région, Rennes 20%. Compte tenu de l'aire urbaine de Saint-Nazaire, la part de la Basse-Loire monte à 28%, soit, dans l'absolu, 28 000 personnes. Nantes l'emporte nettement dans le domaine des transports (31% du total de ces EMS dans les deux régions), des fonctions marchandes et financières (28%), du service aux entreprises aussi (30%). Mais ce secteur, le premier en volume d'emplois comme en taux de progression, connaît à Rennes un développement nouveau. Si Nantes désormais dépasse Rennes de peu dans les télécommunications (28%), elle demeure au second rang quant aux fonctions de recherche (22 000 chercheurs). La progression réelle (+ 1 280 EMS) n'égale pas celle de Rennes. Riche de son passé universitaire, Rennes conforte sa position en accueillant le quart des emplois universitaires et de recherche des deux régions.

Sans égaler la densité de population estudiantine propre aux vieilles universités, Nantes compte aujourd'hui 50 000 étudiants, dont une part croissante en sept grandes écoles reconnues de notoriété nationale. La synergie université–entreprises, favorisée par la technopole, s'exprime en 2002 par l'adhésion de 183 entreprises et l'existence d'un Centre européen d'entreprises et d'innovation (CEEI). Atlanpole se distingue de la technopole rennaise par la faiblesse d'emplois sur sites (2 300 contre 8 400) mais aussi par une plus grande diversité, pour partie liée à la construction navale, grosse pourvoyeuse d'emplois hors site. Outre la renommée internationale de son pôle naval, avec notamment la recherche menée en génie océanique à l'École centrale de l'Ouest, les performances très spécialisées de l'Institut des matériaux ou de Subatech, seule unité de recherche nucléaire dans l'Ouest, Nantes mise sur le grand développement des biotechnologies. La réputation d'une riche tradition médicale s'affirme en de nouvelles spécialités (greffes et transplantation d'organes, immunologie, thérapie génique). À Nantes fut piloté le projet de cancéropôle Grand-Ouest réunissant en 2003 les régions Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes et Centre. Cette création s'appuie sur l'un des huit génopôles nés en 2002, le Génopôle ouest. Ce GIS associe en Bretagne et Pays-de-la-Loire une cinquantaine de laboratoires poursuivant des recherches sur le milieu marin, l'agronomie, la santé et la bio-informatique.

L'union fait la force

Depuis une douzaine d'années, les partenariats se multiplient au gré des objectifs poursuivis, avec plus d'aisance et d'efficacité sous forme de coopération régionale qu'au sein d'un réseau de villes. Nantes jouit d'une position centrale dans le plus fréquent regroupement, celui des trois régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes. C'est le territoire de compétences d'Ouest-Atlantique, association née en 1971 pour le développement économique du «Grand Ouest» et sa promotion internationale; celui aussi de la MIIAT (Mission interministérielle interrégionale de l'aménagement du territoire) mise en place en 2000 et du réseau des neuf universités de l'Ouest atlantique (RUOA). C'est aussi l'association requise par les conseils économiques et sociaux régionaux. Le nouveau découpage électoral en vue des européennes 2004 dessine les mêmes contours. En revanche, l'archevêché métropolitain de Rennes réunit les seules régions Bretagne et Pays-de-la-Loire (2002). Les deux conseils régionaux poursuivent en commun certains objectifs (couverture de l'ensemble du territoire par le réseau à haut débit Mégalis en 2003). Mais les problèmes d'équipements lourds s'appuient souvent sur des associations plus vastes, sans exclure la compétitivité entre villes voisines ou les adhésions conditionnelles.

Un problème majeur: l'arrimage européen

Une place à conforter dans la galaxie urbaine

Élevée au 5e rang des métropoles françaises grâce à son dynamisme démographique, Nantes, malgré ses progrès, tient un rang modeste dans la hiérarchie des villes européennes. Les études réalisées en 19891 et 20022 la situent en léger retrait de Lille, Bordeaux, voire Nice ou Montpellier, mais dans la même classe (6e en 1989, 5e en 2002). Ces villes réalisent en plusieurs domaines de faibles ou moyennes performances, mais doivent leur notoriété à certaines spécificités de bon niveau européen. Le rayonnement de Nantes est toujours perçu au travers de la fonction portuaire et d'un pôle économique très lié à ses fonctions industrielles quoique en cours de diversification et de rapide mutation. Cependant persistent des points faibles, également relevés par l'analyse présentée par la Conférence des régions périphériques maritimes (CRPM)3 en 2002. Le grand essor de la fonction universitaire et de recherche n'aboutit pas encore à une insertion suffisante dans les réseaux européens. D'une manière générale, l'ouverture internationale reste très limitée. La place financière nantaise doit être renforcée au-delà d'un deuxième rang régional en France. «Ouest Atlantique» prospecte de longue date à l'étranger. Cependant, très rares sont les sièges sociaux de grandes entreprises, trop faibles les capitaux investis (inférieurs à la moyenne nationale) et trop peu développées les exportations, hormis dans les secteurs de la navale, de l'agroalimentaire et de l'équipement électrique et électronique. Dans une situation géographique marginale, éloignée de la dorsale européenne où se concentrent richesses et pouvoirs économiques, les problèmes d'accessibilité jouent, de manière directe ou indirecte, un rôle majeur dans le développement du territoire.

Des projets pour stimuler les trafics portuaire et aérien

L'avenir du port et toute la dynamique économique associée sont particulièrement sensibles aux choix politiques en matière de communication. Sans amélioration des dessertes terrestres et maritimes, sans plates-formes logistiques multimodales (à Montoir et au Grand-Blottereau pour la seule Basse-Loire), les projets poursuivis dans le cadre d'associations diverses n'atteindront pas un niveau de compétitivité internationale suffisant. Pour lutter contre la concurrence, obtenir des équipements lourds, ouvrir de nouvelles lignes vers le Maghreb, les côtes asiatiques, voire les Amériques, pour accroître le trafic en conteneurs, des alliances prennent forme sur la façade française. Les ports du Nord-Ouest Atlantique (PNOA), Nantes-Saint-Nazaire, La Rochelle, Lorient, Brest, signent une convention en 2000. Hors frontières, l'axe Dublin, Nantes-Saint-Nazaire, Bilbao soutient l'ouverture d'une liaison régulière entre les trois ports (2002 ). À une autree échelle, la Basse-Loire partage les intérêts communs des régions périphériques maritimes, unies depuis 1989 au sein de l'Arc Atlantique de l'Écosse à l'Andalousie. Très ancienne, l'idée de relance d'un cabotage susceptible de vivifier le trafic portuaire retient l'attention de la commission européenne des transports, suivie par le CIADT fin 2003, dans le cadre d'une politique de développement des modes de transports alternatifs à la route. L'espoir naît à Nantes d'une «autoroute de la mer» qui, de Bilbao à Montoir, soulagerait la voie transpyrénéenne saturée et alimenterait un mini-hub portuaire. En 2003 s'est achevé l'aménagement de la «route des estuaires» reliant l'Espagne à l'Europe du Nord via Bordeaux, Nantes, Le Havre et Dunkerque en France. Mais les derniers maillons de l'A28 entre Tours et Rouen offriront à terme une liaison plus directe.

Autre condition nécessaire à l'ambition européenne: la croissance du trafic aérien. L'État vient de rendre possible la concrétisation à échéance d'une douzaine d'années du projet de construction d'un nouvel aérodrome au nord de Nantes, inscrit dans le schéma directeur de l'OREAM il y a plus de trente ans, en 1970. Le débat public a réactivé les arguments contraires à l'opération. La nécessité du transfert de l'aéroport hors site de Château-Bougon, désormais rejoint par l'urbanisation, convainc plus pour raison de sécurité que par la perspective d'une proche saturation des capacités d'accueil. Le trafic annuel frôle les 2 millions de passagers, avec une forte part de vols charters touristiques (deuxième rang en province derrière Lyon). Les pertes d'emplois inquiètent les communes du sud de la Loire, même si l'usine EADS n'est pas concernée. Surtout, la pertinence du site choisi paraît moins évidente aujourd'hui qu'en 1970. Notre-Dame des-Landes a pour atout une réserve foncière de 850 ha, propriété du département de Loire-Atlantique sur une ZAD de 1 250 ha créée en 1974. Deux critiques portent sur la proximité de Nantes (25 km), à la limite de l'aire urbaine, et l'éloignement de Rennes (90 km). Moins que le site, importe la qualité des futures dessertes routières et ferroviaires entre Notre-Dame-des-Landes, Rennes et Nantes pour l'implantation d'un «aéroport à vocation internationale qui répondra aux besoins du Grand Ouest chiffrés, pour le très long terme, à 9 millions de passagers par an» (G. de Robien, octobre 2003). Cet objectif suppose une très forte croissance des liaisons internationales, notamment européennes, actuellement peu développées (hormis les vols vacances).

Les voies de pénétration au cœur de l'Europe: le déséquilibre

Le désenclavement du finisterre ouest-atlantique, hors liaison méridienne par la route des estuaires, peut emprunter deux voies: la voie nord-parisienne, avec intégration accrue dans l'aire d'influence de la capitale, processus très engagé; la voie transversale vers l'Europe centrale, rêvée depuis des décennies. Nonobstant quelques divergences, milieux politiques et économiques de la Bretagne et des Pays de la Loire œuvrent en commun pour obtenir des équipements bénéficiant en premier lieu, soit à Nantes (aéroport de Notre-Dame-des-Landes), soit à Rennes (prolongement de la LGV), soit aux deux: le «barreau sud» parisien. Évoquée au CIADT du 18 décembre 2003, l'interconnexion du TGV Ouest au sud de Paris avec les autres TGV et les aéroports d'Orly et de Roissy doit améliorer les relations avec l'Europe. Considéré comme non prioritaire dans le réseau transeuropéen, mais prévu de même à l'horizon 2012 dans les meilleurs délais, et sous réserves de cofinancement public-privé, le prolongement de la LGV entre Connéré et Rennes mettra Rennes à 1h25 de Paris et Nantes à 1h52.

L'élargissement de l'Europe vers l'est ravive les inquiétudes et les projets de liaisons transversales directes et performantes. Les ports du Nord-Ouest Atlantique (PNOA), les utilisateurs du Port autonome de Nantes-Saint-Nazaire (UMLB), entre autres, dénoncent une politique nationale excluant Nantes de la catégorie des ports majeurs (Marseille, Le Havre, Dunkerque), et qui privilégie les relations nord-sud. L'arrière-pays interrégional du port de Nantes subit la vive concurrence du Havre, conquérant jusqu'aux ports secs de Rennes, Orléans et Bordeaux. La mise à l'étude d'une plate-forme logistique multimodale à Vierzon répondrait au souci d'expansion de l'aire de chalandise des ports de l'Ouest vers le centre de la France, sous réserve de fret suffisant et d'amélioration de dessertes ferroviaires et routières trop peu performantes. L'association Atlantique-Rhin-Rhône (2002) demande la réalisation de maillons autoroutiers manquants (notamment entre Tours et Vierzon sur l'A85), La RACO (association Rhin-Atlantique-Centre-Océan) se bat pour l'électrification totale de la ligne Lyon-Quimper. Mais le vrai défi à très long terme est lancé par ALTRO, l'Association logistique pour la Transversale ouest: il s'agit de brancher l'Arc Atlantique sur la dorsale européenne par une voie ferroviaire de transport rapide (fret et voyageurs). Genève et Turin viendraient se greffer sur un axe Lyon-Limoges bifurquant en deux branches, l'une en direction de l'Espagne via Bordeaux, l'autre de Cherbourg via Poitiers, Nantes et …Notre-Dame-des-Landes.

À la recherche de pôles compétitifs dans les périphéries européennes, la conférence des régions périphériques maritimes (CRPM) identifie un système urbain multipolaire où Nantes-Saint-Nazaire, situé au cœur de ce système, est associé à Rennes et à Angers. Outre des relations intercités insuffisantes, les problèmes d'infrastructure de communication valent au système dit «Loire-Bretagne» d'être classé an nombre des «systèmes au futur incertain» malgré les développements prometteurs de leur économie et la perspective d'un dynamisme démographique nourri de prévisibles migrations vers les littoraux. Une promesse d'avenir que la métropole nantaise voudrait plus optimiste.

Conclusion

Soucieuse d'accroître sa notoriété sur la scène européenne, Nantes joue la carte culturelle et réussit sa rentrée médiatique dans un style novateur de spectacles populaires, théâtre de rue, concerts ouverts à tous. La Folle Journée de Nantes consacrée à la musique classique s'exporte à Bilbao, Lisbonne ou Tokyo. La troupe Royal de Luxe tourne en Chine et ailleurs. De plus ancienne renommée, le stade de la Beaujoire accueille des évènements sportifs internationaux (Coupe du monde de football 1998). De son histoire, Nantes retient dans sa nouvelle image son passé lointain, celui d'un port négrier repenti, plus volontiers que les luttes de sa population ouvrière, si ce n'est en référence au film de Jacques Demy Une chambre en ville. Sans doute le réveil de la «Belle endormie» — expression consacrée comme à Bordeaux et autres villes en pleine mutation — est-il trop récent. Des architectes de renom international interviennent pour façonner la ville moderne: Italo Rota, Jean Nouvel, Alexandre Chémétoff. En 2003, Nantes reçoit le prix Gubbio, prix européen d'urbanisme.

Changer l'image, changer la ville, changer le nom. Les milieux d'affaires en quête de reconnaissance internationale déclinent le mot atlantique sous toutes ses formes: aéroportuaire, portuaire, etc. L'usage s'en multiplie, devient mode et symbole d'ouverture sur de nouveaux horizons. Certes, la reconversion économique, la dynamique d'un solide développement de l'université, de la recherche et des emplois de haut niveau sont bien engagés. Mais des sujets préoccupants subsistent. Leur maîtrise totale échappe aux milieux locaux: ainsi la grande sensibilité des industries navales et aéronautiques aux aléas de la conjoncture internationale et des stratégies de groupes. En 2003, les Chantiers de l'Atlantique partagent le sort délicat du groupe Alstom. Par ailleurs, grande est la dépendance vis-à-vis des instances nationales et européennes pour le financement et la réalisation d'aménagements essentiels du territoire. Le handicap géographique d'une situation périphérique, non compensé par des liaisons transversales rapides avec les foyers économiques de la dorsale européenne, devient crucial dans un contexte de compétitivité accrue.

Face aux problèmes majeurs, Nantes fait preuve d'une belle pugnacité, d'imagination aussi, à la hauteur de la renommée d'une ville chère aux surréalistes. Déjà au milieu du siècle dernier, Jules Grandjouan, dessinateur engagé et visionnaire, écrivait «Aménagez donc immédiatement l'estuaire de votre Loire. D'abord une seule ville ! Un seul port de la bouche océane au premier gué» et pour faire de «Nant'Naz» la «nouvelle porte de l'Europe» créez un grand canal de la Loire au Rhin, le «Nant-Bâle» . En 2002, germe dans la tête d'un architecte naval l'idée d'une île flottante inspirée de l'île à hélice de Jules Verne. L'île AZ —pour Alstom et Zoppini — projet immobilier de croisière géant propre à assurer l'avenir des chantiers de l'Atlantique.

Alors, Nantes, cité des rêves et des techniques?

L'auteur remercie Nicole Croix, Andrée Dubois, Bernard Fritsch à l'Igarun et Sandrine Stervinou à Audencia, de lui avoir apporté aide et conseils .

Danielle Rapetti

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