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Géographie scolaire Pascal Clerc, que Mappemonde a déjà publié, a rassemblé en un volume commode et impeccablement présenté des analyses et des réflexions élaborées à l’occasion d’une thèse de doctorat. Son point de vue est que la géographie scolaire se cantonne exagérément dans une vision égocentrée et aseptisée d’un monde réifié, sans acteurs et dont les conflits eux-mêmes sont traités comme des choses. Il observe que, devant la complexité du monde, il y a là comme une pente inéluctable et une commodité de paresse. Que les points de vue et les recherches des géographes se soient diversifiés, surtout dans les trois dernières décennies, aurait plutôt encouragé la tendance prudente qu’incité à l’innovation risquée. Ce n’est sans doute pas faux pour l’essentiel, même si chacun peut citer des cas inverses; et la plupart des jeunes géographes portés à l’innovation se sont plus souvent orientés vers les bureaux d’études, les collectivités locales ou les petites entreprises de cartographie et de SIG que vers l’enseignement, ce qui d’ailleurs entretient le cercle vicieux, puisque la géographie est majoritairement enseignée par des non-spécialistes. C’est ce que l’auteur appelle une géographie «bornée», laissant juge le lecteur de décider si le mot a un double sens. La même et discrète ironie sous-jacente a sans doute fait choisir en couverture la pire des images géographiques traditionnelles: un extrait de carte murale à la Vidal de la Blache, pleine de noms de l’épicerie archaïque: chanvre, sarrasin, etc. Le constat de fond n’est pas agréable, mais Pascal Clerc a raison sur l’essentiel; ses analyses et ses exemples sont assez convaincants. Peut-être sous-estime-t-il un peu (par prudence à son tour?) le rôle de l’inspection générale: car c’est elle qui fixe les programmes, jusque dans les détails et les modes d’emploi, et qui domine dans la rédaction des manuels, eux-mêmes très respectueux de ces instructions, compte tenu de la rentabilité des investissements qu’exige leur édition. Or il s’agit là d’une sorte de sénat coopté, de ce fait plus porté à la conservation qu’à l’innovation, et, ce n’est pas contradictoire, moins sensible au travail de fond qu’aux modes médiatiques des journaux prétendument et faussement dits «de référence». Je ne partage pas tous les jugements de l’auteur, mais j’approuve son vœu: que l’on soit plus aigu et plus précis sur les réalités du monde, y compris celles des lieux de la pauvreté en France par exemple; et que l’on sache, à propos de débats difficiles sur de grandes questions mondiales, définir et expliquer les points de vue opposés plutôt que d’en faire un mou magma soporifique. En terminale, beaucoup d’élèves sont électeurs, donc adultes. La forme de l’ouvrage est de qualité et fait honneur à cette collection des Presses universitaires de Rennes: belle typographie, maquette agréable, notes infra-paginales, documents hors texte, bibliographe manque cependant un index thématique. L’édition privée pourrait s’en inspirer. Roger Brunet |
P. CLERC (2002), La culture scolaire en géographie. Le Monde dans la classe. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 188 p., ISBN: 2-86847-709-7. |