Vu au festival de Saint-Dié |
Élargissement de l’espace Schengen: vers une Pologne à deux vitesses ?
En se prononçant à une large majorité (77,5%) en faveur de l’adhésion à l’Union européenne lors du référendum du 6 juin 2003, la Pologne entérinait par la même occasion le transfert vers l’UE de ses compétences en termes de politique frontalière et sa future entrée dans l’espace Schengen, devenue effective en mars 2008. Cet élargissement va permettre une intégration plus complète de la Pologne au sein de l’UE, intégration dont le succès repose en grande partie sur l’affaiblissement des frontières politiques et économiques à l’intérieur de cette zone de libre-échange. En contrepartie de cette ouverture interne, le traité de Schengen prévoit l’établissement de contrôles douaniers et migratoires renforcés sur ses frontières externes.
Pour la Pologne, ce jeu des frontières a profondément modifié l’équilibre des forces économiques en termes de développement régional. En effet, la libéralisation et l’amplification des échanges commerciaux avec les autres membres de l’UE favorisent une croissance rapide de l’économie du pays, mais en réactivant d’importants déséquilibres spatiaux hérités de l’histoire du pays. Les voïvodies occidentales, plus urbanisées et économiquement dynamiques, bénéficient d’une relative proximité et d’une bonne connectivité avec les zones les plus riches de l’Union. Ce sont, avec les métropoles, les principales bénéficiaires de cette intégration à laquelle elles étaient mieux préparés. À l’inverse, les voïvodies orientales, plus rurales et connaissant des difficultés économiques structurelles, voient leurs possibilités de développement avec leurs partenaires traditionnels limitées par la fermeture de la nouvelle frontière externe de l’espace Schengen. Elles se retrouvent de ce fait en marge du développement économique dû à l’adhésion, malgré le rééquilibrage apporté par la politique régionale de l’UE. Le succès de la politique frontalière de l’UE, qui permettait jusqu’à présent de limiter les effets négatifs liés à sa frontière externe, se trouve aujourd’hui remis en cause car son principal levier de fonctionnement était la perspective d’adhésion des pays tiers concernés. Or cette perspective n’existe plus à moyen terme pour les voisins orientaux de la Pologne malgré leur caractère indéniablement «européen», ce qui explique les inquiétudes de ce pays concernant sa frontière orientale. Celle-ci pourrait, si un nouveau type de partenariat économique renforcé n’est pas envisagé entre l’Union européenne et ses nouveaux voisins, s’ériger durablement en barrière politique et économique séparant l’UE et l’aire d’influence russe, laissant dos à dos deux périphéries économiquement marginalisées. Quentin Mackré |