Vu au festival de Saint-Dié

 Sommaire

SIMARIS: Simulation du déroulement d’activités marines

Contexte scientifique de l’application

Les zones côtières subissent de multiples pressions liées aux nombreuses activités qui s’y développent. Ces activités créent un jeu complexe d’interactions fonctionnelles pouvant conduire à des risques environnementaux et des conflits d’usage (Goldberg, 1994; Johnson et al., 1989; CEC, 1999; Le Tissier et al., 2004; Filho et al., 2008). Si l’intérêt du concept de «gestion intégrée des zones côtières» (GIZC) est désormais universellement admis, sa mise en œuvre effective reste difficile.

Dans ce contexte, la mer côtière (1) nécessite une expertise spécifique. Milieu dynamique et complexe, espace ouvert, étendue sans repères à trois dimensions, il est très délicat de comprendre son fonctionnement aussi bien sur les aspects environnementaux qu’anthropiques. Le déroulement des activités humaines et leur impact sur le milieu y sont notamment particulièrement difficiles à cerner alors que l’on observe actuellement une tendance à la multiplication, la diversification et parfois l’intensification des usages. La mise en œuvre de méthodes et de technologies permettant restituer la dynamique spatio-temporelle de ces activités constitue un fort enjeu pour l’aide à la gestion des zones côtières.

Concours de géovisualisation, salon de géomatique,
1er prix: M. Rouan, C. Tissot, M. Le Tixerant

Cette contribution s’inscrit dans cette perspective, en proposant une démarche de modélisation dédiée aux activités humaines en mer côtière telles que la pêche, la navigation maritime, l’extraction de matériaux... L’objectif est de proposer une plate-forme de simulation, de fournir une description quotidienne du déroulement des principales activités marines à différentes échelles spatio-temporelles. Les résultats obtenus permettent d’aider à évaluer les impacts potentiels de ces activités sur les écosystèmes marins et les interactions spatio-temporelles entre activités, sources de conflits potentiels.

Technologie mobilisée

La démarche proposée est fondée sur le fait que le déroulement des activités humaines est conditionné par de multiples contraintes de nature environnementale (physique, biologique), météorologique, juridique, sociale et économique. L’intégration de ces contraintes multi-sources et multi-échelles est réalisée grâce au couplage entre un système d’information géographique (SIG) et un modèle à intelligence artificielle distribuée permettant de décrire la distribution spatio-temporelle des activités simulées (fig. 1). Cette approche est dérivée du prototype de simulation Dynamique des Activités HUmaines (DAHU) (Tissot, 2003; Tissot et al., 2004a; Tissot et al., 2004b; Tissot et al., 2005; Le Tixerant, 2004; Le Tixerant et al., 2006; Le Tixerant et al., 2008) dont la développement a été soutenu par deux programmes du CNRS (PEVS).

Cette plate-forme de simulation baptisée SIMARIS est développée en langage objet (c++) sur la base d’un code générique où chaque activité est modélisée à l’aide d’un agent archétypique autonome (2) doué de capacité d’adaptation à l’évolution de son environnement.

1. Schéma conceptuel de la plate-forme SIMARIS

Afin de reconstituer une relation spatio-temporelle cohérente entre ces agents et le territoire dans lequel ils évoluent, l’application SIMARIS est décomposée en trois modules:

  • un pré-processeur dont le rôle est de construire un territoire de pratique potentielle à partir d’une série de filtres réglementaires, socio-économiques et environnementaux, permettant de formaliser l’espace de déroulement d’une activité donnée à un instant t;
  • une chaîne de calcul sous contraintes, chargée de simuler le fonctionnement des activités en intégrant différentes variables d’étalonnage et de forçage calculées par le pré-processeur;
  • un post-processeur dédié à la représentation spatiale des résultats de simulation et à la production de couches thématiques multi-échelles (restitution de l’impact d’une série d’activités à un instant t par exemple).

Sur la base de cette architecture la plateforme SIMARIS permet:

  • de simuler le déroulement simultané d’un ensemble d’activités et de fournir une information spatialisée sur des zones d’enjeu (fig. 2) en termes de gestion durable des activités (conflits d’usage) et des écosystèmes côtiers (pression sur la ressource, risque de pollution)
  • de fournir des cartes dynamiques (animations, cartes interactives) permettant aux gestionnaires de la zone côtière d’évaluer les implications de projets d’aménagement dans le déroulement des activités marines  et aux professionnels d’organiser leur activité en fonction de l’évolution des contraintes réglementaires et des activités concurrentielles présentes dans leur espace d’intérêt.

2. Exemple de simulations menées à l’aide de la plate-forme SIMARIS

Contexte de développement

La plate-forme SIMARIS est développée dans le cadre d’un projet collaboratif associant une «jeune entreprise innovante», Terra Maris, et un laboratoire de recherche, Géomer, UMR 6554 CNRS LETG. Soutenu par la région Bretagne («accompagnement de projet innovants»), ce projet est mené en concertation avec des gestionnaires (services déconcentrés de l’État, collectivités) et des professionnels de la zone côtière (pêcheurs, entreprises). Cette collaboration entre concepteurs et utilisateurs répond au besoin de formaliser un environnement de modélisation opérationnel et pouvant constituer un support de l’aide à la décision via des approches scénarisées et prospectives.

Cyril Tissot *, Matthieu Le Tixerant **, Mathias Rouan ***

*) Chargé de recherche au CNRS, laboratoire Géomer, UMR 6554 - LETG, IUEM, Place Nicolas Copernic, 29280 Plouzané: mail
**) Créateur et gérant de Terra Maris (SARL), IUEM, Place Nicolas Copernic, 29280 Plouzané, mail
***) Ingénieur d’étude au CNRS, laboratoire Géomer, UMR 6554 - LETG, IUEM, Place Nicolas Copernic, 29280 Plouzané, mail

Bibliographie

CEC (1999). Lessons from the European Commission's demonstration programme on integrated coastal zone management, Commission of the European Communities, Luxembourg: Commission of the European Communities

FILHO W., BRANDT N., KRAHN D., WENNERTSEN R. (2008). Conflict resolution in Coastal Zone management. Peter Lang Publishing, 246 p. ISBN: 3-6315-7375-8.

GOLDBERG E.D. (1994).Coastal Zone Space: Prelude to conflict ? Paris: Unesco Publishing, coll. IOC Ocean Forum series,138 p. ISBN: 92-3-102953-3.

JOHNSON J.C., POLLNAC R.B. (1989). «Introduction to managing marine conflicts». Ocean & Shoreline Management, volume 12, p. 191-198.

LE TISSIER M.D.A., HILLS J.M., MCGREGOR J.A., IRELAND M. (2004). «A Training Framework for Understanding Conflict in the Coastal Zone».Coastal Management, 32/1, p. 77-88.

LE TIXERANT M. (2004). Dynamique des activités humaines en mer côtière: application à la mer d'Iroise. Brest: Université de Bretagne occidentale, thèse de géographie, 210 p. (consulter)

LE TIXERANT M., GOURMELON F. (2006). «Approche dynamique du déroulement d’activités humaines en mer côtière». Cybergeo, 16 p.

LE TIXERANT M., GOURMELON F.,  VERON G. (2008). «Modélisation du déroulement d'activités humaines en mer côtière. Scénarios appliqués à la mer d'Iroise», Revue Internationale de Géomatique, n°18 (3/2008), p. 397-414.

TISSOT C. (2003).Modélisation spatio-temporelle d’activités humaines à fort impact environnemental. Application à l’étude des pratiques agricoles intensives dans le département du Finistère. Brest: Université de Bretagne occidentale, thèse de géographie, 227 p.

TISSOT C., LE TIXERANT M., GOURMELON F., LE BERRE I. (2004a). «Modeling interaction between human activities and coastal zone environment», International conference Littoral 2004. Cambridge Publications, Aberdeen, p. 425-431.

TISSOT C., CUQ F. (2004b). «Apport des SIG pour la modélisation spatio-temporelle d'activités humaines». Revue Internationale de Géomatique, n°14 (1/2004), pp. 83-96

TISSOT C., LE TIXERANT M., ROUAN M. (2005). «Le simulateur DAHU: une plate-forme de modélisation des activités humaines en zone côtière», Géographie du Littoral. Approche géomatique, Norois, n°196, pp. 125-135.

Notes

1. Frange marine de la zone côtière

2. Un agent est assimilé à une entité capable d'agir sur elle-même et sur son environnement, qui réagit à ses transformations et qui possède une représentation partielle de cet environnement. Un agent archétypique intègre un ensemble de descripteurs invariants permettant de caractériser une ou plusieurs activité(s) dont les processus de production sont identiques.