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Un atlas de la population en Espagne: de quoi chercher, de quoi rêver L’Institut Géographique National (IGN) de l’Espagne, en collaboration avec les géographes du groupe GEOT de l’Université de Saragosse, vient de publier en novembre 2008 un magnifique atlas démographique. Cet ouvrage est l’un des volumes de l’Atlas nacional de España; il a été dirigé par José Luis Calvo Palacios et Ángel Pueyo Campos et coordonné par Maria Zúñiga Antón. Il se présente sous la forme d’un grand ouvrage cartonné de 400 pages au format 37x27, sur beau papier, avec des photographies et entièrement en couleurs, accompagné d’un CD-rom. Chaque chapitre a ses commentaires et les explications sur les données, leur traitement et les indicateurs, sont complètes et claires. Les cartes détaillées, au niveau communal, représentent l’Espagne au 1/3 000 000; la plupart sont en cercles, sauf celles des densités qui sont en plages. De nombreuses cartes de plus petit format sont au niveau provincial ou départemental. Le plan est en apparence classique, mais, à regarder de plus près, il révèle une stratégie: l’accent est mis sur les variations de population et sur leur interprétation. Le premier jeu de cartes, en effet, détaille les distributions de la population aux recensements de 1970, 1981, 1991, 2001 et 2006 et les évolutions démographiques entre chacune de ces dates. La partie la plus originale, à la fin, livre une série de cartes de résidus de régression des données communales, chaque variation intercensitaire étant mise en relation avec un indicateur supposé corrélé, tel que le pourcentage de jeunes ou de vieux, le taux de féminité, etc. (chap. VIII). En outre, les variations sont analysées par rapport à des calculs de potentiel de population (chap. IX). Les résultats sont d’une très grande richesse et d’une intéressante complexité, et appelleront de nombreuses recherches, au-delà de la simple constatation d’un évident renforcement des contrastes régionaux entre Espagne métropolitaine (Madrid et Méditerranée surtout) et Espagne des intervalles. Entre ces deux séries de début et de fin, sont fournies des cartes attendues sur les âges, les sexes, la dimension des ménages, la démographie dite naturelle, les migrations (abondamment traitées, au moins au niveau provincial), les taux d’activité et de chômage (où l’Andalousie se distingue cruellement), les secteurs d’activité, les professions des chefs de ménage, les migrations quotidiennes et, plus précieuses encore peut-être, des cartes sur certains indicateurs de qualité de vie, de niveau de vie et de formation. Un original «indicateur d’émancipation» fondé sur la proportion de trentenaires encore présents au foyer parental oppose clairement une Espagne «moderne» (région de Madrid, Catalogne, toute la côte méditerranéenne et l’Andalousie) à une Espagne plus traditionnelle, surtout en Castille-León, qui sur d’autres cartes apparaît aussi comme un espace de fécondité et de dépeuplement: contrairement à ce qui se passe en France, la croissance démographique naturelle ne vient pas encore majoritairement des villes. Cet atlas est superbement présenté: rigueur du travail, clarté de l’exposition, abondance des informations, qualité de l’édition, perfection de l’imprimerie de l’IGN. Certes, il est possible de lui trouver quelques défauts: les cartes sont muettes et l’atlas ne fournit pas de calque superposable; le pli de la reliure coupe en deux toutes les cartes communales et rend la lecture difficile du côté du méridien central, la reproduction impossible; les données sur la natalité, la fécondité et la mortalité sont maigres ou absentes; le CD-rom est limité aux PC Windows. Peut-être aussi le recours systématique aux données communales rend-il l’utilisation de l’Atlas un peu difficile, limite-t-il une lecture des sous-systèmes régionaux de l’Espagne que l’on aurait pu enrichir d’autres corrélations. Mais les Espagnols, et les chercheurs qui s’intéressent à l’Espagne, ont bien de la chance: voilà un pays où l’on peut encore dresser des cartes communales de variation de la population, et les interpréter; même entre 2001 et 2006 ! Un Français admirera une si enviable richesse. Doublement: d’abord parce qu’il est désormais impossible en France de suivre les variations de population et de donner une carte de France d’ensemble à la même date, en raison de décisions publiques inconsidérées et tout à fait déplorables sur le régime des recensements; ensuite parce que, visiblement, l’IGN de Madrid et les chercheurs géographes sont aussi bien dotés qu’actifs. L’Espagne est sur une autre planète, où la recherche géographique a encore des moyens, et quelque sens. Il faut en complimenter les géographes de Saragosse (parmi d’autres), et l’État espagnol. Roger Brunet CALVO PALACIOS J.L., PUEYO CAMPOS Á. (2008). Atlas nacional de España, Démografía. Madrid: Centro Nacional de Información Geografica, 386 p. ISBN: 978-8-4416-0685-2. On peut apercevoir quelques aspects de l’atlas sur les sites officiels http://www.cnig.es et http://www.ign.es |