Encadré 2. A.R. investisseur au Sahara depuis 1997

Le Dr A.R. est né et a grandi dans l’Égypte de Nasser, dans une famille aisée du Caire. Dentiste, elle est partie exercer aux États-Unis pendant que son mari travaillait dans l’électronique, fort de sa formation initiale d’ingénieur. Ils ont migré aux États-Unis dès les premières heures de l’Infitâh [politique d’ouverture amorcée par Sadate en 1974], qui a permis à des millions d’Égyptiens de quitter le territoire et de s’installer à l’étranger. Si certains ont fait le choix de partir dans les pays du Golfe ou en Libye, eux ont préféré partir aux États-Unis.

Ils s’installent en Californie et assistent en direct aux efforts de mise en valeur des terres désertiques grâce au développement des nouvelles techniques d’irrigation en milieu aride : pivots et goutte à goutte. Lorsqu’en 1997, le Président Moubarak lance un appel aux expatriés pour les inciter à investir dans le pays, ils répondent à l’appel et décident de monter des sociétés mixtes qui investissent en Égypte. Ils voient dans le désert un espace vide qui mérite d’être mis en valeur et dans le développement de l’agriculture une voie pour celui de l’Égypte.

Ils commencent par acheter des terres dans les franges occidentales du Delta, puis achètent des terres à Al ‘Uwaynat, à 500 km au sud de Dakhla, à proximité de la frontière soudanaise. Al ‘Uwaynat est un des mégaprojets lancés par Moubarak. Dans le sillon tracé par ses prédécesseurs, ce dernier construit une politique de communication autour de la mise en valeur des déserts. Les chiffres gonflent vite et la presse annonce « 1 million de feddans [420 000 hectares] à Al ‘Uwaynat », censés fournir de l’emploi et desserrer la pression démographique qui s’exerce sur la Vallée.

La réalité est toute autre, seuls quelques milliers d’hectares ont été alloués pour l’instant, principalement à des compagnies originaires du Golfe et de l’Union Européenne.

À l’instar de ceux qui ont investi dans la zone, A.R choisit de développer des cultures à très forte valeur ajoutée, destinées à approvisionner les marchés européens en produits de contre saison, fruit, légumes et fleurs qui partent directement par fret aérien. Sur 2 500 feddans [1 000 hectares] elle développe avec une exploitation de maraîchage biologique dont elle exporte les productions en Europe, principalement en Italie et en Allemagne. Elle y cultive des brocolis et des tomates. En 2004, elle vend son exploitation à d’autres investisseurs individuels. Son projet se poursuit et se développe dans l’oasis de Dakhla, à proximité de Gharb al Mahwûb. Dans une exploitation située en plein désert, à une dizaine de kilomètres du centre de l’ancien front pionnier, elle projette de cultiver du trèfle d’Alexandrie certifié biologique afin de développer une filière de production de viande biologique à destination des marchés européens.

Au Caire, elle crée et anime l’association des investisseurs possédant des exploitations dans les franges méridionales du Désert occidental. La plupart des membres de cette organisation, Égyptiens expatriés, investisseurs en provenance du Golfe et quelques Européens, restent pessimistes sur la durabilité de leur investissement et des installations qu’ils ont prévu de conserver moins d’une vingtaine d’années pour les plus optimistes. Les problèmes d’ensablement des installations, quand ce n’est pas l’épuisement des sols qui n’est plus balancé par les apports d’engrais ou les défaillances techniques qui peuvent gâcher une récolte si les pivots ne démarrent pas, ont raison de la patience de la plupart d’entre eux.