Sommaire du numéro
N°77 (1-2005)

Les risques en quartier «sensible»:
des mythes médiatiques aux réalités quotidiennes.
L’exemple des Aubiers à Bordeaux

Hélène Jacquemin

 

Résumés  
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Dans Tueur sans gage, Eugène Ionesco met en scène une cité idyllique et moderne, qui devient peu à peu le théâtre d’un drame. Un tueur omniprésent et invisible laisse planer une menace de mort sur chaque habitant. Soudain, toute la population se met à vivre dans la méfiance et l’angoisse, déserte les rues et se terre dans des logements qui n’offrent plus la sécurité souhaitée. Cette pièce admirable de Ionesco peut-elle être vue comme une représentation allégorique d’une cité menacée par des risques peu connus mais stigmatisés? Ne peut-on y voir, de façon certes exagérée et onirique, l’image que nous renvoie de plus en plus l’espace urbain, espace dont les médias dénoncent les dangers — du moins certains —, quitte à provoquer une désaffection de la ville, réelle (attrait de la néo-ruralité, choix de l’habitat périurbain) ou discursive?

Cet exemple littéraire met l’accent sur l’importance des «représentations mentales», facteur qu’il semble pertinent de prendre en compte pour toute étude du risque — au sens général défini par André Dauphiné: «produit d’un aléa et d’une vulnérabilité» (2001). Dans quelle mesure ces représentations sont-elles en adéquation avec la «réalité» du risque identifiée par les spécialistes? Sur quels éléments se fondent-elles prioritairement? Quelles conséquences ont-elles sur la perception et la pratique de l’espace? Comment influencent-elles les acteurs responsables de la sécurité

Une certaine «réalité» des risques dans le quartier des Aubiers, à Bordeaux

1. Vue d’ensemble du quartier des Aubiers
(cliché: H. Jacquemin, 3 novembre 2003)

Pour répondre à ces questions, nous nous proposons d’analyser le cas du grand ensemble des Aubiers. Bâti en 1979 au coeur d’un quartier qui a vu le jour autour du lac artificiel situé au nord de l’agglomération bordelaise, conçu selon les principes architecturaux modernistes, le quartier ne tarda pas à se dégrader et à se paupériser, en même temps que la composition de sa population changeait. Le quartier compte aujourd’hui environ 4 500 habitants (1). Il s’agit d’une population jeune (50% des habitants ont moins de 20 ans, 70% moins de 45 ans, et 11,6% plus de 60 ans) avec une forte proportion (43%) de familles monoparentales. Ses origines sont fort diverses, puisqu’il comprend 22% d’habitants de nationalité étrangère: 19%, c’est-à-dire trois fois plus que la moyenne bordelaise, viennent d’un État situé hors de l’Union européenne: les nationalités turque, d’Afrique subsaharienne et algérienne sont les plus représentées. Enfin, 28% des habitants de cette enclave défavorisée vivent des minima sociaux (plus du double de Bordeaux) (2), dont 40% touchent une allocation handicap (physique ou mental) (3). Cette banlieue dite «sensible» semble donc particulièrement adaptée à l’analyse des risques que nous proposons?

Tab. 1. La délinquance dans le quartier Aubiers-Bacalan de 1999 à 2002
Source: Observatoire de la tranquillité publique de Bordeaux

En premier lieu, il apparaît que le quartier concentre «objectivement» beaucoup de risques. Outre les risques naturels (zone inondable) et technologiques (proximité d’une usine chimique classée: la Saft), les Aubiers sont confrontés au risque routier (proximité de rues classées «accidentogènes» par la Communauté urbaine) et risques sociaux surtout, avec un fort taux de délinquance, des incendies criminels à répétition et quelques exemples d’émeutes (notamment en mai 2002). Le tableau 1 permet d’apprécier, d’après les statistiques officielles (probablement minorées par la loi du silence), le poids du quartier des Aubiers (associé, dans les décomptes de la police, à celui, voisin, de Bacalan) dans la délinquance bordelaise ces dernières années.

En second lieu, l’étude des représentations des risques dans ce quartier est pertinente, parce que la réputation des Aubiers auprès des autres Bordelais (voire de l’ensemble des Français, depuis le meurtre du petit Larbi fin 2001) est celle d’un quartier dangereux. Bien que les statistiques présentées donnent l’image d’une délinquance certes supérieure à la moyenne de la ville mais pas incontrôlée, les médias mettent régulièrement en exergue la dangerosité de ce quartier: le rôle de l’image est donc ici de premier ordre.

L’hypothèse d’une ignorance des risques au quotidien

Notre travail a donc eu pour but de déterminer comment les habitants — premières victimes potentielles — se représentent les risques qui les menacent, et quelles sont les conséquences de ces images mentales. Notre travail repose sur une tentative de validation, à partir des résultats d’une enquête de terrain, de notre hypothèse de travail: les habitants des Aubiers n’ont pas l’impression d’être menacés au jour le jour par tous les risques précédemment décrits. Cette hypothèse s’appuie notamment sur les travaux de géographes qui ont montré combien, en règle générale, l’image d’un quartier était valorisée par ses habitants. Dans son ouvrage La Pratique de la ville, Michel-Jean Bertrand (1978, p. 16) présente même le quartier comme la «projection extérieure du nid familial» (il reprend une expression de Bachelard) qui «suppose une prise de possession du paysage qui est sécurisante psychiquement et socialement.» Il est question ici de quartier vécu et on ne peut plaquer cette interprétation sur la réalité administrative et urbanistique que constitue la clairière des Aubiers. Toutefois, ayant conscience de ce décalage possible entre deux définitions du quartier, nous avons veillé au cours de notre enquête à toujours interroger les habitants tant sur leurs pratiques de l’espace que sur leur définition des limites de «leur» quartier, et à intégrer ces réponses à notre analyse. Par ailleurs, on peut légitimement adopter le point de vue de Guy Di Méo qui montre que les banlieues de relégation font souvent naître chez leurs habitants un fort sentiment d’appartenance, à la fois par le sentiment d’exclusion et d’abandon qui s’y développe et par la stigmatisation qui résulte du regard des autres habitants de la ville et des politiques municipales développées à l’échelle du quartier (Di Méo, 1998).

Afin de mesurer la pertinence de cette hypothèse, nous avons interrogé, entre octobre et janvier 2003 (4), 53 habitants du quartier et 3 anciens habitants, rencontrés dans l’espace public, au bas des immeubles, ou dans les commerces. Ils ont été choisis de façon aléatoire, en fonction des allées et venues dans le quartier à certaines heures de la journée (entre 9 heures et 12 heures, 14 heures et 18 heures), avec le souci d’obtenir un échantillon le plus divers possible (sur le plan du sexe, de l’âge, et du type ethnique des enquêtés). Ainsi, 29 femmes et 27 hommes, de 10 à 72 ans, parmi lesquels se trouvaient 11 personnes de nationalité étrangère ont accepté de nous répondre. Un questionnaire servait de trame à l’entretien, l’orientant vers quelques thèmes précis, sans toutefois être trop contraignant et directif. Les enquêtés ont été interrogés sur leur perception des différents risques et leur sentiment d’(in)sécurité, mais aussi, pour mieux «contextualiser» les réponses, sur le quartier, leur vie quotidienne, leurs connaissances, leurs activités aux Aubiers ainsi que sur leur pratique de cet espace (nous avons pu ainsi, en synthétisant leurs réponses, réaliser des cartes de leurs déplacements). Pour compléter cette enquête, nous avons également rencontré des acteurs locaux (8 commerçants et prestataires de services, 2 policiers, 1 médecin également élu municipal responsable du quartier, 6 travailleurs sociaux), pour connaître à la fois leur propre vision des risques, et à la fois celle des habitants, telle qu’elle transparaît dans leur discours quotidien. Enfin, nous avons participé, le 3 novembre 2003, à un Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance du quartier, émanation du Conseil de quartier plus opérationnelle et réservée aux questions de sécurité, qui réunit acteurs locaux et représentants des habitants.

Les Aubiers, un quartier risqué? Mythe plus que réalité selon les habitants

Une première interprétation des résultats de notre enquête semble globalement confirmer l’hypothèse de départ. Néanmoins, il faut souligner la nette distinction établie entre les risques liés à la délinquance et les autres. En effet, si les premiers, qu’ils soient minimisés ou mis en avant, occupent une grande place dans le discours des habitants, les seconds passent presque inaperçus et n’ont jamais été mentionnés spontanément.

L’ignorance des risques naturels et technologiques est donc quasi unanime. Elle recouvre tout de même plusieurs types de représentations. En effet, il s’agit soit d’une négligence volontaire ou d’une acceptation fataliste d’un risque reconnu, soit d’une méconnaissance de l’existence même du danger.

La délinquance et les risques routiers suscitent au contraire des avis beaucoup plus partagés qui se caractérisent ou par leur sous-estimation (environ trois quarts des enquêtés) ou par leur surestimation (environ un quart). Le discours lui-même change et se fait plus passionné. Il correspond peut-être à un besoin de prise de position face au discours médiatique qui dénigre de façon récurrente le quartier, c’est-à-dire face à une réalité quotidienne, vécue. La réaction se fait donc logiquement plus radicale. En outre, il semble intéressant de constater une corrélation (même si elle n’est vérifiée que dans 6 cas sur 14) entre une revendication d’appartenance à un quartier plus vaste et la description de la clairière des Aubiers comme un espace peu sûr: on serait tenté d’interpréter cette réaction comme une certaine impossibilité, pour les habitants des cités «sensibles», de «prendre possession» des lieux, d’y voir «la projection du nid familial», pour reprendre les termes de M.-J. Bertrand. Ils se raccrochent donc à une réalité qui englobe les Aubiers, mais dont l’image de marque est meilleure: le quartier de Bordeaux Lac.

De l’avoué au ressenti…

Toutefois, différents éléments relevés dans le discours des enquêtés nous ont laissé entendre que nos premières conclusions ne recouvraient pas toute la réalité, complexe, des représentations. En premier lieu, des termes sont utilisés à mauvais escient, ce qui nuit à leur interprétation: par exemple, le concept même de «risque» est souvent confus, vu comme un synonyme de «nuisance», de «peur». Il est presque toujours assimilé ici à la délinquance. Par ailleurs, il apparaît que certains enquêtés «sont parlés», plus qu’ils ne parlent, ainsi que l’explique Agnès Villechaise-Dupont. En d’autres termes, ils ont tendance à reproduire le discours des médias ou des autorités sur leur «banlieue». Dans d’autres cas, au contraire, le syndrome «je vais bien, tout va bien» est peut-être plus à imputer soit à un besoin d’auto-persuasion, soit à une loi du silence que les policiers rencontrés disent forte aux Aubiers.

Du spatial au mental :
l’influence des représentations du risque sur la pratique de l’espace

Pour éviter ces écueils de l’interprétation de discours biaisés, il nous a semblé opportun de recentrer l’étude sur le rapport à l’espace des habitants: quels sont les trajets qu’ils empruntent préférentiellement, quels sont les lieux qu’ils disent éviter au sein du quartier…, autant de facteurs qui traduisent, voire trahissent, leur réelle représentation des risques en général, et de celui de la délinquance en particulier. En analysant les réponses obtenues au cours de notre enquête, nous avons pu dégager une typologie qui comprend trois grandes catégories d’habitants…

2. Pratiques stratégiques de l’espace

En premier lieu, «ceux qui n’ont pas peur»… Il s’agit d’abord des «maîtres de l’espace» (5 enquêtés): des hommes, de 18 à 25 ans, discutant dehors, plus ou moins toute la journée, mais surtout à partir de 17-18 heures et jusqu’à minuit passé. Ils s’approprient l’espace, aux yeux de beaucoup d’habitants, car ils se regroupent (10 à 20 au moins) dans les espaces communs. Leur localisation centrale en des lieux de passage quasi obligés pour la population leur permet de surveiller, de contrôler l’espace. Les «habitants peu vulnérables» (11 enquêtés), des hommes d’un âge mûr et inspirant un certain respect, n’ont pas, objectivement, à redouter des lieux ou heures insécures, surtout lorsqu’ils entretiennent de bonnes relations avec le groupe précédent. Entrent aussi dans cette catégorie les «inconscients» (4 enquêtés): les enfants et une personne aux propos peu cohérents (5) ont tendance à sous-estimer les risques. Enfin, l’unique enquêté qui relève de la catégorie des «habitants temporaires» a la particularité de ne pas s’impliquer sentimentalement dans un quartier dont il ne se sent pas prisonnier; et d’avoir par ailleurs beaucoup de relations avec l’extérieur.

Viennent ensuite les enquêtés qui «avouent difficilement leur peur». Les «proches des maîtres de l’espace» (6 enquêtés) en constituent un premier exemple: il s’agit des petits frères et soeurs ou des petites amies des jeunes de la cité, qui se sentent protégés par leurs liens avec un habitant connu, respecté ou craint de la plupart des habitants. Toutefois, leur sécurité est dépendante de la reconnaissance de ce protecteur, comme la plupart en conviennent ! Ceux que nous avons baptisés les «stratèges» (14 enquêtés) admettent l’existence de risques, mais, pour éviter toute situation inconfortable, leur stratégie les incite à rester le maximum de temps chez eux (en sécurité), à quitter le quartier quand ils sortent, et enfin, lorsqu’ils sont contraints de traverser les Aubiers, à n’emprunter que des trajets évitant les lieux jugés dangereux.

Enfin, «ceux qui ont peur» regroupent d’abord les «mal intégrés» (8 enquêtés): ces habitants, le plus souvent assez récemment installés, plutôt des jeunes femmes, ne connaissent presque personne, sortent peu, et n’appréhendent donc la réalité du quartier (et par conséquent ses risques) qu’indirectement: à travers les stigmates des nuits (ordures surtout), les bruits entendus, l’aspect inquiétant des groupes monopolisant les espaces communs, les rumeurs circulant rapidement dans cet univers restreint et le discours des médias sur les banlieues. On comprend ainsi les extrapolations auxquelles leur imagination peut donner lieu, et leur surestimation des risques. On classe dans la même catégorie les «victimes, proches ou témoins de victimes» (4 enquêtés). Ils ont eu, pour leur part, une «preuve» plus ou moins directe de la dangerosité du quartier, et généralisent ce cas particulier d’agression ou de vol pour condamner définitivement les Aubiers. Enfin, vient le cas particulier des «enfants élevés dans la peur» (2 enquêtés) suite à l’assassinat du petit Larbi. Traumatisés eux-mêmes parce qu’ils connaissaient pour la plupart le jeune garçon, ils sont marqués de surcroît par l’anxiété de leurs parents.

Afin de rendre plus concrète cette typologie, nous avons matérialisé sur une carte quelques-unes des «stratégies» territoriales décrites (fig. 2). Cette carte met en évidence la présence centrale des «maîtres de l’espace» sur la place Ginette Neveu (cercle bleu) et le cours des Aubiers (ovale bleu), d’où ils peuvent surveiller une grande partie des allées et venues des habitants dans le quartier. Effectivement, presque tous les trajets conduisant aux «sas» qui permettent de sortir du quartier (parkings et arrêts de bus) traversent leur champ visuel, voire leur «territoire». Si certains craignent ces groupes, ils ne sont toutefois pas trop libres de leur échapper parce que, a contrario, l’autre type de menace (le face à face avec un agresseur dans un espace isolé, caché) condamne les espaces périphériques souvent mal éclairés et peu fréquentés.

Une pratique «rusée» de l’espace, ou le règne des «stratèges»

3. Modélisation des pratiques spatiales
des «stratèges»

Au-delà de cette typologie un peu détaillée, on constate qu’en définitive, tous les habitants des Aubiers sont plus ou moins stratèges. Même si beaucoup s’en défendent, la majorité adopte, plus ou moins consciemment, des «stratégies sécurisantes» qui leur font éviter les lieux jugés risqués. Effectivement, la représentation des risques apparaît globalisante: la force du stratège vient donc du fait que, parvenant à ne se placer que le plus rarement possible en situation risquée, il oublie au quotidien ce paramètre. Le modèle présenté par la figure 3 illustre schématiquement cette attitude.

On y distingue l’appartement (1), espace privé dans lequel on se sent généralement le plus en sécurité (rôle du verrou, de la familiarité des objets…), du couloir (2), qui est déjà un espace commun (espace privatisé grâce à un interphone partagé par 5 ou 6 appartements), où la sécurité est perçue comme inférieure, bien qu’elle reste acceptable. Il peut être comparé à un sas qui isole l’appartement du reste de l’immeuble (3): l’inefficacité des interphones souvent détruits qui ne jouent plus leur rôle de filtre, la vue de stigmates inquiétants (saleté, boîtes aux lettres endommagées, rencontres dans l’ascenseur…), la présence fréquente de groupes dans le hall d’entrée perçus comme une entrave au passage… ont pour conséquence d’y diminuer nettement le sentiment de sécurité. Le quartier (4) apparaît comme le lieu risqué par excellence, car c’est un espace peu maîtrisé (aucun contrôle des entrées…), partagé avec des personnes considérées comme dangereuses, qu’elles soient visibles (les «maîtres de l’espace») ou, pire, invisibles — c’est-à-dire souvent fantasmées. La plupart des habitants ne font que le traverser pour rejoindre un «sas» (parking, arrêt de bus) qui permet de rejoindre «l’extérieur» (5). Ce-dernier est d’ailleurs perçu de façon assez ambivalente: si beaucoup y voient la possibilité d’échapper à l’emprisonnement de la cité, d’autres soulignent que l’évasion est difficile (critique du réseau de bus) voire périlleuse (l’extérieur est vu comme une jungle, en comparaison avec la cité où tout le monde se connaît).

De la genèse des représentations mentales
au travail des acteurs de la lutte contre les risques

Après avoir vu combien les représentations des risques influaient sur le quotidien des habitants des Aubiers, il convient de se demander sur quoi celles-ci se fondent, et quelles en sont les conséquences sur le travail des acteurs de la sécurité (police, mairie, travailleurs sociaux…).

De même que notre analyse a mis en évidence une corrélation entre les représentations mentales et les pratiques de l’espace, l’enquête a montré que la réciproque était vraie: si l’image des lieux est en partie due au discours des médias, aux rumeurs, ou à des expériences personnelles, elle se fonde avant tout sur la perception des configurations spatiales. On note par exemple le rôle du facteur «distance»: plus un espace est éloigné des lieux sécurisants (logement, poste de police), plus il est suspect. La position et les dimensions influent de même: les espaces exigus, fermés, sombres, dissimulés (comme les passerelles, les halls, les ascenseurs) sont anxiogènes.

4. Les risques, représentations et actions:
un système

Par conséquent, la lutte contre la délinquance doit passer, certes, par une action directe envers les délinquants (répression, prévention de la délinquance), voire envers les victimes (secours aux victimes, prévention de la victimation), mais doit aussi jouer sur ce que l’on peut appeler le contexte, c’est-à-dire essentiellement ces «configurations spatiales» qui facilitent sinon le passage à l’acte du délinquant (selon les tenants de la «prévention situationnelle»), du moins augmentent le sentiment d’insécurité (fig. 4).

De manière plus générale, seules les politiques de lutte qui s’adaptent aux représentations des risques — quels qu’ils soient — sont susceptibles de faire baisser ce sentiment d’insécurité. Cela passe par le discours (information, sensibilisation), mais aussi par une action sur ces configurations spatiales: Michel Lussault a bien montré que la légitimation de l’action (politique, mais en définitive, on peut élargir son propos à tous les acteurs) passe surtout par le biais de l’espace, qui, de par son «régime de visibilité», marque les citoyens — et par conséquent, agit sur les représentations (Lévy et Lussault, 2000).

Toutefois, les acteurs de la lutte créent eux-mêmes de nouvelles représentations… C’est pourquoi, l’analyse systémique paraît la plus à même de rendre compte des interactions et des rétroactions qui se produisent entre risques réels (aléas et vulnérabilités), lutte contre les risques (préventive ou curative) et représentations (des habitants, des acteurs de la lutte, voire des observateurs extérieurs). L’organigramme présenté par la figure 4 a pour but de les mettre en évidence.

Bibliographie

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VILLECHAISE-DUPONT Agnès (2000). Amère Banlieue. Les gens des grands ensembles. Paris: Grasset, 329 p.

Notes

1. Source: INSEE, Recensement de la population, 1999.
2. Source: données Caisse d’allocations familiales, datant de 1996, citées dans la convention territoriale de la ville de Bordeaux de mars 2001.
3. Source: donnée obtenue au cours d’un stage au service du développement social urbain de la mairie de Bordeaux.
4. Les 20, 22, 23, 29 et 30 octobre; 3, 20, 24, 27 novembre; 10, 15, 22 décembre 2003.
5. Constat ressortant de notre enquête auprès de personnes ayant des difficultés à s’exprimer, et dont le comportement traduisait un certain handicap.