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Trois nouveaux atlas sur l’Asie du Sud-Est continentale parus en 2004

L’année 2004, avec trois nouveaux atlas parus, a permis une importante avancée dans la connaissance des structures spatiales de l’Asie du Sud-Est continentale. Deux, à l’échelle nationale, traitent de la Thaïlande et du Viêt-nam; un troisième, à l’échelle régionale, englobe la Région du Grand Mékong, qui réunit la province chinoise du Yunnan et les cinq pays de la péninsule Indochinoise. Ces atlas complètent l’approche amorcée par les deux premiers atlas trilingues traitant des structures territoriales du développement économique et social parus à La Documentation Française dans la collection «Dynamiques du territoire», réalisés dans le cadre de coopérations scientifiques que j’ai codirigées: l’Atlas du Viêt-nam publié en 1993, fruit d’une collaboration avec le professeur Vu Tu Lap, le second l’Atlas de la République démocratique populaire Lao, publié en 2000, avec Bounthavy Sisouphanthong.

1. L’Atlas de la Thaïlande

Publié en anglais chez Silkworm en Thaïlande, comme la version anglaise de l’Atlas du Laos précédemment citée, cet atlas est disponible à l’IRD qui le coédite, en attendant l’édition française à paraître à La Documentation française en 2006. L’Atlas of Thailand: Spatial structures and development est dirigé par Doryane Kermel-Torrès, qui a réuni neuf chercheurs français et deux auteurs thaïlandais. Cet atlas vient combler une importante lacune, puisque l’on ne disposait pour le moment que d’un petit atlas publié en thai par Sawat Senarong et Ngom Ngamnisai en 1998 chez Aksornjaroenthat, traitant en 139 pages, dont 70 de cartes, de l’histoire, du milieu naturel et de l’agriculture mais peu des autres secteurs de la vie économique et sociale. L’entreprise est ici d’une tout autre ampleur puisqu’elle rassemble, en 209 pages, 71 planches de une à quatre cartes, commentées chacune par une page de texte.

Comme pour les Atlas du Viêt-nam et du Laos, les cartes analytiques ou synthétiques proposées sont établies par cartographie statistique. Elles adoptent pour unités spatiales de référence, les 76 provinces d’un pays couvrant 513 000 km2 et comptant 60,6 millions d’habitants en 2000. Un bon nombre de thèmes récurrents se retrouvent dans ces trois atlas, ce qui permet de comparer les structures spatiales de ces trois pays. Cet atlas introduit cependant d’intéressantes innovations. La richesse de l’information statistique en Thaïlande permet d’ajouter une cartographie diachronique. L’année de référence — 1995, 1996 ou 1997 selon les recensements et données disponibles — décrit la situation à la veille de la crise asiatique qui a éclaté en Thaïlande en août 1997. Les cartes d’évolution retracent le décollage économique opéré au cours des deux ou trois dernières décennies, qui a permis à la Thaïlande de prendre place parmi la seconde génération des «tigres asiatiques». L’atlas propose aussi un changement d’échelle: la région métropolitaine de Bangkok comme les régions périphériques Nord-Est et Sud font l’objet d’une approche plus détaillée, à l’échelle du district, pour un nombre réduit d’indicateurs. Cette approche est d’autant plus intéressante qu’elle permet de comparer, avec l’Atlas du Laos réalisé lui aussi à l’échelle du district, les structures spatiales de part et d’autre du moyen Mékong. Il est d’autant plus dommage, sur la rive thaï, de ne pas pouvoir identifier les noms des districts, comme cela est possible pour la rive lao. Enfin, on notera la présence d’illustrations photographiques qui donnent des représentations pour les non-spécialistes.

L’atlas est structuré en neuf chapitres: territoire, population, construction nationale, agriculture, industries, secteur tertiaire, région de Bangkok, régions Nord-Est et du Sud, inégalités et modèles d’organisation spatiale. D’une manière fort pertinente, étant donné le développement extraverti adopté depuis les années 1980, l’Atlas s’ouvre par une étude de la place de la Thaïlande dans le monde et en Asie orientale. On peut regretter cependant que ce premier chapitre ne soit pas directement suivi par celui traitant de la construction nationale qui apporte l’information historique indispensable pour interpréter les distributions spatiales figurant dans les chapitres sectoriels. Le plan adopté a aussi l’inconvénient de séparer, entre les chapitres 3 et 9, les cartes relatives à l’éducation et à la santé.

Ces imperfections n’affaiblissent cependant pas la force de la démonstration. Celle-ci retrace le changement de stratégie: d’un développement d’abord centré sur l’agriculture, caractérisée longtemps par l’extension des superficies cultivées, la diversification des productions, le déploiement des agro-industries et des industries de substitution, vers une économie ouverte sur le monde, plaçant le pays au rang des premiers agro-exportateurs et s’appuyant sur des industries de plus en plus diversifiées, même si la transition vers les hautes technologies (automobile, informatique) se fait de manière fort sélective. L’atlas montre aussi le redéploiement des industries de main-d’œuvre vers les régions périphériques (Nord-Est et Sud) et les pays limitrophes, en pratiquant à son échelle la délocalisation de certaines productions. Depuis la crise asiatique, l’effondrement des salaires a permis de rapatrier en partie ces dernières. Un autre intérêt de l’Atlas est de relativiser la suprématie de Bangkok et la marginalisation des périphéries. On assiste en effet à une complexification du modèle avec un desserrement à une double échelle: d’abord de Bangkok vers sa région urbaine recouvrant le delta de la Chao Phraya, ensuite de la plaine centrale vers les régions périphériques limitrophes, la ville de Nakhon Sawan commandant l’accès au Nord et celle de Nakhon Ratchasima au Nord-Est, enfin avec l’émergence des capitales régionales reproduisant, à leur échelle, le centralisme de Bangkok.

Ces rapides transformations sont résumées, en deux étapes fort pédagogiques: d’abord en termes d’organisation spatiale, ensuite selon une modélisation à base chorématique combinant plusieurs modèles. La première approche se fonde sur une régionalisation tirée des structures spatiales, identifiées dans les cartes de synthèse des chapitres qui montrent bien la dilatation du Centre. On regrettera cependant que les tableaux d’aide à la lecture des cartes, permettant de visualiser qualitativement le poids des indicateurs pris en compte, soient trop sophistiqués, ce qui affaiblit leur lisibilité, et que le commentaire n’insiste pas plus sur les structures spatiales révélées. Notons au passage le manque de cohérence du traitement opéré pour celle de l’industrialisation (p. 129). La seconde approche associe le modèle ancien en auréoles des royaumes agraires et le modèle actuel centre-périphérie du développement urbain. Ces modèles sont combinés à la dissymétrie de l’organisation en quartier des trois régions périphériques qui s’ouvrent vers le Mékong au nord-est, vers la Malaysia au sud et vers l’international par le golfe de Thaïlande au sud-est. La subtilité de la construction nationale tient de plus en plus aux corridors reliant la région centrale aux régions périphériques, ce qui n’est pas une nouveauté. Le chemin de fer a joué ce rôle à la fin du XIXe siècle pour contrer la pression aux frontières des puissances coloniales, et les routes dans la seconde moitié du XXe siècle pour lutter contre la menace communiste au Nord-Est et la dissidence islamique au Sud. Aujourd’hui, la nouveauté tient à ce que ces corridors changent de fonction: après avoir longtemps guidé les forces centrifuges, ils s’apprêtent à favoriser l’intégration régionale, ce qui aurait pu être mieux souligné. Compte tenu du rôle central qu’occupe ce pays qui se présente comme la porte d’entrée de la Région du Grand Mékong, on attend avec impatience l’édition française et, sous une forme simplifiée, une édition en thaï.

Avec les introductions de chapitre qui fournissent une synthèse concise des principales thématiques abordées et l’abondance des cartes souvent fort pertinentes, on dispose désormais d’une véritable somme sur les structures et les dynamiques spatiales à l’œuvre en Thaïlande.

2. L’atlas socio-économique du Viêt-nam

Dix ans après notre Atlas du Viêt-nam et sans y faire référence, l’ouvrage ne comportant pas de bibliographie, le Département général de la statistique du Viêt-nam, associé cette fois au Centre d’information sur l’agriculture et le développement rural, en coopération avec le Centre Suisse de compétence sur les recherches Nord-Sud, vient de publier, à la Cartographic Publishing House de Hanoi, le Socieconomic Atlas of Vietnam, A Depiction of the 1999 Population and Housing Census, dirigé par Michael Epprecht.

Cet atlas, par rapport au précédent, est à la fois moins et plus ambitieux. Il l’est moins car il ne traite que le recensement de 1999, croisé cependant avec le Living Standard Survey de 1998 pour une évaluation de la pauvreté, alors que nous avions exploité le recensement de 1989, le premier de qualité réalisé au Viêt-nam, complété par des données décrivant tous les autres secteurs de l’activité économique et sociale. Pour montrer les potentialités de l’outil de cartographie informatique, une seule carte, celle des densités, avait été réalisée à l’échelle du district. Cet atlas, au format A3, est bien plus ambitieux dans l’utilisation de cet outil car il traite et cartographie, à l’échelle 1/4 750 000, les données relatives aux 10 074 communes. Ce choix présente des avantages et des inconvénients qui méritent d’être soulignés.

La finesse de l’unité spatiale retenue ne va pas en effet sans contreparties. Elle interdit d’abord l’établissement de cartes diachroniques pour la période 1989-1999 qu’auraient permis l’utilisation de données agglomérées à l’échelle du district alors qu’à celle de la commune tout le travail de désagrégation aurait été à reprendre. Paradoxalement, elle fait perdre aussi beaucoup d’informations, notamment toutes les données relatives à l’espace intra-urbain, les communes urbaines se superposant et formant une tache à cette échelle de représentation. Pour éviter une telle perte, alors que l’urbanisation est un des enjeux majeurs du pays, il aurait fallu, comme dans notre atlas, faire des gros plans sur les 58 capitales provinciales, représentées sur un fond de carte spécifique pour chaque variable, les trois capitales régionales que sont Hanoi, Ho Chi Minh Ville et Danang, étant agrandies à l’extérieur des contours du pays. Cela conduirait à doubler le nombre de cartes, ce qui n’est pas une contrainte insurmontable car la moitié des cartes publiées ne font pas ressortir de structures spatiales significatives. L’absence de cartes de synthèse combinant plusieurs variables corrélées explique en partie cet état de fait, ainsi que le choix d’une discrétisation continue avec des écarts réguliers alors que nous avons utilisé des discrétisations discontinues, fruit de traitements statistiques, faisant ressortir des seuils dans la distribution des données. Avec une meilleure sélection des indicateurs et une méthode statistique de discrétisation, il aurait été probablement possible de cartographier à part l’urbain, sans augmenter le volume de l’ouvrage.

La finesse de l’unité spatiale de référence utilisée pose aussi un problème de lecture des cartes car le fond utilisé est reproduit en grisé clair, comme le modelé du relief tiré d’une image satellite. Cette référence n’offre pas de repère facilement mémorisable et n’est d’aucune aide dans les deltas. C’est pourquoi, l’utilisateur est contraint de réaliser son propre calque figurant les limites provinciales, qui figurent sur les cartes statistiques mais qui sont souvent peu visibles, accompagnées des principaux fleuves et des principales routes. Il est à noter que l’on ne dispose pas non plus des noms des 614 districts qui figurent sur la carte administrative pour l’identification de localisations précises. La lecture n’est pas non plus facilitée par les commentaires des cartes, très factuels, mobilisant le découpage agro-écologique en huit régions utilisé pour la présentation des statistiques nationales datant de la période de la collectivisation. Les treize régions que nous avions identifiées, dans notre atlas, depuis la mise en œuvre de la politique de réformes permettraient mieux d’interpréter les nouvelles structures spatiales.

Après une présentation du territoire vietnamien en cinq cartes, l’ouvrage, qui comprend une cinquantaine de cartes statistiques, s’organise en six chapitres qui prennent pour fil directeur les disparités entre hommes et femmes. Le chapitre relatif aux paramètres démographiques privilégie les structures par âge et par sexe ainsi que le statut marital. Le chapitre alphabétisme et éducation traite des niveaux de formation de la population de 15 années et plus, à l’exception curieuse du second cycle de l’enseignement secondaire et des cycles universitaires mais en retenant la formation professionnelle de la population. Le chapitre intitulé Activités économiques est bien mal nommé car il traite en fait de la population active — les plus de 15 ans (ce qui inclue d’une manière fort discutable les vieux) —, des emplois domestiques, des étudiants et des chômeurs mais ne donne pas la répartition par branches d’activités. Le chapitre suivant présente la composition ethnique et religieuse de la population. L’inclusion des religions est nouvelle au Viêt-nam, surtout à cette échelle, et s’inscrit dans le contexte de mouvements de contestation attribués à des groupes bouddhistes ou chrétiens. Le chapitre relatif aux conditions de vie privilégie, l’accès à l’eau et à l’électricité ainsi qu’à des biens de consommation durables qui sont autant d’indicateurs de richesse mais aussi de pauvreté. Le dernier chapitre représente des indices d’incidence et de densité de la pauvreté, la ligne de pauvreté étant définie par un revenu permettant un régime alimentaire de 2 400 calories par personne et par jour, augmenté d’une somme forfaitaire pour les dépenses non-alimentaires.

Outre l’absence déjà signalée des taux d’urbanisation, une lacune que ne comble pas la dernière carte de l’atlas consacrée à l’accessibilité aux centres urbains (définie par le temps nécessaire pour atteindre une ville de plus de 20 000 habitants). On notera que les migrations intérieures ne sont pas elles aussi traitées. Pour le faire, il aurait fallu passer de l’échelle communale à celle du district. Ce choix est contestable car ces migrations se poursuivent, notamment en direction des plateaux du Centre Viêt-nam. Il aurait été intéressant de comparer les flux migratoires de la période 1984-1989 que nous avons cartographiés et ceux de la période 1994-1999 tirés du dernier recensement. L’atlas n’en fournit qu’une évaluation indirecte, dans plusieurs cartes (densités, structures par âge, niveaux d’étude, bouddhisme…). Elles font apparaître sur les plateaux un chapelet de taches d’importance croissante du nord au sud, jalonnant la nouvelle route Ho Chi Minh de Kontoum à Buon Ma Thot en passant par Plei Ku, avec des excroissances suivant les routes reliant ce nouvel axe au littoral du Centre. Un autre alignement, plus ancien, s’observe le long de la route reliant Dalat à Ho Chi Minh Ville.

Les limites de cet atlas étant identifiées, on peut souligner la richesse de certaines cartes, liée à la finesse de la base communale traitée, notamment les cartes des densités et de répartition de la population par points, représentant chacun 2 000 habitants, et leurs correspondantes relatives à l’incidence et la densité de la pauvreté. Ces cartes font apparaître les oppositions classiques au Viêt-nam entre les hautes terres et les basses terres ; elles révèlent cependant, à l’intérieur de chacune de ces deux catégories, de nouvelles configurations spatiales. Les montagnes du Nord font apparaître une occupation en peau de léopard que seuls ordonnent les axes routiers convergents vers le delta du fleuve Rouge, les plateaux du Centre, en comparaison, montrent un fort contraste entre les zones de colonisation viêt et celle occupées par les minorités ethniques. La structure triangulaire des deltas du Nord s’affirme de plus en plus, notamment pour le plus petit, le Thanh Hoa, et à l’embouchure du Song Ca à Vinh. Dans le Sud, les cartes montrent une dilatation de l’espace de fortes densités de la plaine orientale en direction des plateaux et du littoral méridional du Centre, et d’une structure en U, centrée sur Ho Chi Minh Ville reliant l’Ouest de la plaine orientale à l’Ouest du delta du Mékong, s’enroulant autour de la Plaine des Joncs. Elle s’ajoute à l’axe reliant Bien Hoa, Ho Chi Minh et Vung Tau.

Cet atlas constitue, malgré les limites signalées, un outil précieux pour les géographes permettant d’identifier les nouvelles structures spatiales émergentes.

3. L’atlas de l’environnement de la Région du Grand Mékong

Cet ouvrage, intitulé Greater Mekong Subregion: Atlas of the Environment, a été réalisé et édité par la Banque Asiatique de Développement et le programme des Nations Unies pour le Développement. En dépit de son titre, il s’agit peu d’un atlas cartographique, il ne compte que vingt-cinq cartes à l’échelle de la Région et certaines d’entre elles sont très proches, ne faisant figurer qu’une variable supplémentaire par rapport aux précédentes. Il s’agit bien plus d’un atlas d’images satellites produites par Landsat 7 Thematic Mapper Plus, rassemblant un corpus de 30 images dans le texte en format réduit, représentant les capitales des six États de la Région et illustrant les principales écorégions parmi les 40 représentées sur les 867 identifiées, à l’échelle mondiale, par le Word Wild Fund of Nature, d’après la distribution des plantes et des animaux. En annexe et en pleine page, figure une image illustrant chacune des quarante écorégions, ce qui porte à 70 le nombre d’images satellites reproduites dans l’ouvrage. Celui-ci compte encore, en plus des tableaux figurant dans le texte, une annexe statistique de 27 pages, présentant pour une part les données relatives à l’environnement naturel, et pour une autre à l’environnement humain. Ainsi composé, cet ouvrage de 216 pages au format 36x25 cm, illustré par une documentation photographique en couleur de qualité, fournit une base de données à l’échelle de la Région, le plus souvent par pays, cohérente pour les indicateurs relatifs à l’environnement naturel. Il constitue un outil de travail, riche en documents bruts, que le texte n’exploite que d’une manière partielle et selon une logique encyclopédique, juxtaposant les indicateurs mais sans réel travail de synthèse.

L’ouvrage s’ouvre par une présentation des profils des cinq pays et de la province chinoise du Yunnan qui composent la Région. La première partie traite de l’environnement et de l’utilisation des ressources naturelles. L’approche privilégie les bassins hydrographiques, les barrages réalisés et le potentiel hydroélectrique (cartographiés), les zones humides, les forêts (cartographiées), la biodiversité abordée par les écorégions, les zones protégées (cartographiées) et l’agriculture.

La présentation est cependant décevante car, exception des cartes donnant une idée de la répartition à l’échelle de la Région, les chapitres ne font que juxtaposer des études de cas, certes significatives mais qui n’aident pas à dégager une vision d’ensemble. Les données les plus intéressantes concernent d’abord les pêcheries, dont le rôle dans l’économie agricole est réévalué, le Mékong fournissant trois millions de tonnes de poisson, dont 2,6 millions provenant des pêcheries, aux 55 millions d’habitants du bassin. Les données traitées pour l’hydroélectricité relativisent le poids des six composantes de la Région: le Yunnan produit 42% des 12 316 MW installés, devançant largement les deux autres pays les plus peuplés, le Viêt-nam (27%) et la Thaïlande (18,5%). La production potentielle estimée à 178 500 MW fait apparaître un tout autre classement: si le Yunnan conserve la première place avec la moitié du total, ce sont le Myanmar (21%) et le Laos (13%) qui arrivent ensuite, alors que ce dernier pays arrive en tête lorsque l’on ne considère que le bassin inférieur du Mékong (Yunnan exclu). L’impact de la construction de la cascade des huit barrages prévus sur le fleuve en Chine est à la mesure de la capacité cumulée des réservoirs qui représente 30% de la contribution du Yunnan au Mékong. Pour le couvert forestier, le Myanmar, le Cambodge et le Laos se classent largement en tête, avec plus de la moitié de leur territoire ; ils sont aussi les plus touchés aujourd’hui par la déforestation car ils exportent leur production vers leurs voisins plus développés. Il est d’autant plus dommage que la cartographie ne localise pas les zones déforestées en comparant le couvert à deux dates différentes.

La seconde partie, consacrée à l’environnement humain, est décevante. Elle ne comporte qu’une présentation succincte des familles ethnolinguistiques, et une approche du peuplement par les densités. Celles-ci sont représentées à l’échelle provinciale pour les cinq pays de la péninsule mais aucune décomposition n’est opérée à l’intérieur de la province du Yunnan. L’essentiel de la partie traite une quinzaine d’indicateurs de pauvreté, mais la cartographie et les tableaux figurant en annexe qui la fondent, sont indigents car établis à l’échelle nationale sauf pour le Yunnan où figurent les valeurs de l’ensemble de la Chine, ce qui enlève toute signification aux comparaisons entre les six composantes de la région ! L’atlas traite donc d’une manière fort inégale l’environnement naturel et l’environnement humain, c’est l’une de ses principales faiblesses.

La dernière partie aborde la stratégie de développement durable, à travers les grandes tendances et enjeux: réduction de la croissance démographique qui doit passer de 1,7 à 1%, et la population de 250 à 290 millions d’habitants entre 2000 et 2015, avec une progression de 50% du taux d’urbanisation attendu dans la même période. Cependant ces tendances lourdes sont identifiées pour chacune des six composantes de la région, donc d’une manière cloisonnée, sans faire apparaître les variations intérieures à chacune d’elles qui sont fort importantes. Seul le développement de corridors transfrontaliers, point focal de la stratégie proposée par la Banque asiatique de développement, esquisse une vue d’ensemble organisée autour d’une comparaison cartographique entre les axes routiers constituant ces corridors et les réseaux de télécommunications et des lignes interconnectées de transport de l’électricité.

Le dernier chapitre traite des réponses apportées aux agendas des Sommets de la terre de Rio de Janeiro (1992) et de Johannesburg (2002). Il privilégie les réformes institutionnelles et se limite à des généralités pour les autres points. Il analyse, par ailleurs, les contributions et la convergence des approches des trois principales institutions existant à l’échelle régionale. Le programme environnemental de l’Asean a été engagé dès 1978 mais n’est entré dans les réalisations concrètes que depuis 1998, où a été mise en place une procédure de contrôle et de prévention des incendies de forêt, qui ont paralysé la circulation maritime et aérienne dans le détroit de Malacca. La commission du Mékong, rassemblant les pays du bassin inférieur du fleuve, la Chine et le Myanmar n’y étant qu’observateurs, concentre ses actions sur la gestion des eaux du bassin entre les diverses utilisations (irrigation, pêche et production d’électricité) et sur la gestion transfrontalière des zones de protection environnementales. Le groupe de travail sur l’environnement de la Région du Grand Mékong a été créé dans le cadre du Plan-cadre stratégique de 2002, l’environnement s’ajoutant aux opérations jusqu’alors privilégiées: corridors transfrontaliers conditionnés par la signature d’accords de libre échange, développement de nouveaux circuits touristiques (sur le haut Mékong ou reliant les anciennes capitales situées à l’intérieur de la péninsule), réalisation de barrages et de l’interconnexion des réseaux électriques assurant une meilleure gestion de la ressource énergétique.

Cet atlas, on l’a compris, est loin de répondre aux espoirs placés en lui. Il n’a pas l’envergure de l’Atlas des ressources physiques, économiques et sociales du bassin inférieur du Mékong, publié à Bangkok en 1968 par le Comité International du Mékong, qui a précédé l’actuelle commission du Mékong. La cohérence des données est maintenant plus difficile à assurer entre les cinq pays de la péninsule et la province chinoise. Il aurait été sûrement possible d’aller plus loin en utilisant mieux les trois atlas nationaux publiés (seul l’Atlas du Laos est signalé en bibliographie) et les statistiques provinciales du Yunnan. Il n’en reste pas moins que cet ouvrage est un des rares ouvrages de référence sur ce programme transfrontalier, s’ajoutant à celui publié par la Banque asiatique de développement en 1994, intitulé Economic Cooperation in the Greater Mekong Subregion, au tout début de programme.

Christian Taillard


1. KERMEL-TORRÈS Doryane, dir. (2004). Atlas of Thailand: spatial structures and development. Paris: IRD Éditions; Chiang Mai, Thailand: Silkworm Books, 209 p., ISBN: 2-7099-1541-3 (IRD), ISBN: 974-957543-1 (Silkworm Books).

2. EPPRECHT M., HEINIMANN A. edi. (2004). Socioeconomic Atlas of Vietnam. A Depiction of the 1999 Population and Housing Census. Berne: Swiss National Centre of Competence in Research (NCCR) North-South, University of Berne, 168 p., ISBN: 3-906151-81-6.

3. Asian Development Bank (2005). Greater Mekong Subregion: Atlas of the Environment. Asian Development Bank, 216 p., ISBN: 971-56149-9-X