N°106

La périurbanisation singulière de l’immobilier logistique du Bassin parisien

Les réseaux logistiques gèrent les flux de marchandises depuis les lieux de leur production jusqu’à ceux de leur consommation. À mesure que la division du travail s’accroît et se diffuse, que les systèmes de production et de distribution se fragmentent, jusqu’à former un «lego mondial» (Veltz, 2008), l’influence et le nombre de ces réseaux grandissent. Qu’ils soient organisés par les industriels ou les distributeurs mêmes, ou bien externalisés à un marché de spécialistes, ces réseaux sont déployés par des entreprises. Les entrepôts et les plates-formes forment ainsi les nœuds de ces réseaux et le transport proprement dit, s’appuyant sur les voies de communication, les arcs (Savy, 2006). La plupart de ces nœuds prennent la forme d’un immobilier d’entreprise spécifique dédié au stockage et à la manutention des marchandises. Il s’agit des entrepôts et des quais de messagerie.

La construction de cet immobilier logistique est une forme d’urbanisation: celle d’entrepôts en zones d’activités économiques situées en périphérie des villes. Les choix des implantations sont d’origine privée, mais les collectivités locales ont un pouvoir non négligeable. Les communes délivrent les permis de construire et les intercommunalités aménagent et gèrent les zones d’activités. Les acteurs du marché immobilier prennent également part à la structuration de ces espaces.

Si la simple observation des périphéries urbaines en France indique une participation de l’immobilier logistique à «la ville franchisée» (Mangin, 2004), on peut toutefois s’interroger sur sa participation au mouvement global de périurbanisation. Pour cela, la périurbanisation doit être appréhendée dans toute la richesse de sa polysémie (Roux, Vanier, 2008). Elle est d’abord l’urbanisation des périphéries à l’échelle des agglomérations urbaines et des grandes régions urbaines, telles que le Bassin parisien. C’est aussi l’étalement urbain dans toute sa diversité spatiale, le développement d’espaces bâtis au détriment notamment d’espaces agricoles. À ces deux échelles, l’urbanisation logistique suit-elle la tendance d’étalement spatial de l’urbanisme résidentiel? De manière complémentaire à cette approche morphologique, le périurbain est aussi défini statistiquement et délimité spatialement à partir des navettes domicile-travail des résidents permettant à l’Insee de délimiter les aires urbaines françaises (Insee, 2002 et 2011). Le périurbain correspond alors aux espaces dont les paysages sont ruraux mais dont les habitants sont urbains. Il bénéficierait à plein de la croissance urbaine: population, emplois, revenus (Insee, 2011). Le développement logistique s’inscrit-il dans cette géographie du desserrement? Enfin, le périurbain est aussi défini comme un tiers-espace (Vanier, 2000) dont la principale caractéristique serait de souffrir d’un déficit d’ingénierie publique et de représentation (locale et nationale) publique et politique, c’est-à-dire d’un déficit de construction politique. Cette dimension du périurbain est-elle l’un des ressorts du développement logistique?

En résumé, quelles logiques territoriales de l’implantation des plates-formes logistiques aux échelles locales et régionales cette géographie dévoile-t-elle? Sont-elles spécifiques ou similaires à celles du logement individuel?

Pour répondre à ces interrogations liminaires, nous avons analysé le grand Bassin parisien et développé une approche cartographique fondée sur l’anamorphose. Ce procédé de représentation a ainsi mis en évidence un processus de périurbanisation logistique spécifique [1].

Le grand Bassin parisien: une échelle pertinente de la logistique métropolitaine

Le Bassin parisien s’affirme comme l’une des échelles de la métropole parisienne. Il n’est pas anodin que sa définition repose de plus en plus sur des considérations logistiques. À cette échelle, la question du développement logistique est posée, y compris politiquement, notamment parce que les conséquences du caractère conflictuel reconnu à cette urbanisation peuvent poser problème. Comment appréhender l’urbanisation logistique à l’œuvre à cette échelle?

1. Périmètres du grand Bassin parisien

Géographies du bassin parisien

2. Le Bassin parisien de la C8 dans le système du fret européen

Bien que le grand Bassin parisien soit présenté comme l’une des échelles de la métropole parisienne (Gilli, 2008), il en existe trois définitions proches mais concurrentes (fig. 1). La plus ancienne est celle réalisée conjointement par la Datar et l’Insee en 1967 dans le cadre du découpage de la France en huit grandes zones d’études et d’aménagement (ZEAT). Cette définition a servi de base à la Datar (1969) pour penser l’aménagement de la région parisienne avec ses entours. Le Bassin parisien défini par la Datar comprend les régions Centre, Champagne-Ardenne, Île-de-France, Basse et Haute-Normandie et Picardie, et les départements de la Sarthe et de l’Yonne. Cette délimitation du Bassin parisien est toujours d’actualité dans les travaux plus récents de la Datar (1992, 2002; DIACT, 2008). Il coexiste aussi, depuis 2009, une délimitation du Bassin parisien proposée par les conseils régionaux concernés par cet espace, étendu alors aux régions Bourgogne et Pays-de-la-Loire. Ces collectivités locales ont créé une institution interrégionale, nommée Conférence des huit présidents des conseils régionaux du Bassin parisien (C8), pour représenter et penser l’aménagement du territoire ainsi délimité. La C8 ne possède pas d’administration propre, mais elle permet de porter et de coordonner plusieurs projets interrégionaux, dont un dédié au transport de fret à l’échelle du Bassin parisien.

Or, les limites du Bassin parisien sont notamment justifiées par des considérations logistiques (IAU, 2010) liées aux flux de marchandises et aux dynamiques immobilières qui les accompagnent (fig. 1). Cette double approche logistique «liens/lieux» a naturellement trouvé son prolongement politique dans le cadre de la C8. En effet, cette dernière se donne pour objectif d’«organiser le transport de fret [...] et d’impulser une stratégie logistique à l’échelle du Bassin parisien» (C8, 2009).
Nous avons choisi d’étendre la définition du Bassin parisien proposée par la C8 à la région Nord-Pas-de-Calais en raison de sa position particulière de porte d’entrée de flux de marchandises en provenance de pays européens (fig. 2).

La logistique spatiale: une urbanisation conflictuelle?

3. Paysage périurbain logistique de la ville nouvelle de Sénart (77)
(Cliché: ©DR San de Sénart 2007; ©DR San de Sénart/Ph. Caumes, 2005; www.senart.com)

À l’échelle métropolitaine, l’urbanisation logistique est, en théorie, particulièrement conflictuelle. D’une part, les contraintes qui pèsent sur l’implantation des entrepôts tendent à se rapprocher formellement de celles de l’urbanisme résidentiel, notamment individuel. Elles sont le produit d’une articulation entre le coût du foncier et l’accessibilité (auto)routière. D’autre part, et de ce fait, l’urbanisme logistique entre spatialement en conflit avec l’urbanisme résidentiel. C’est pourquoi, les projets d’implantations logistiques, génératrices de nuisances et grandes consommatrices de foncier, pourraient souffrir localement de l’effet «NIMBY» [2], visible parfois sur le terrain mais surtout présent dans certains discours des élus locaux notamment [3]. Cependant, ces activités sont bienvenues dans nombre d’autres territoires (fig. 3), où elles sont accueillies comme une opportunité de développement local.

C’est pourquoi, la géographie des implantations logistiques traduit une dialectique spatiale. Résultant de tensions pour l’accueil des activités logistiques, cette géographie dévoile les espaces de résolution de ces tensions. Elle reflète des compromis territoriaux pour l’accueil des activités logistiques, dont les ressorts sont à la fois marchands (immobilier et logistique), politiques (permis de construire et aménagement) et sociaux (acceptabilité, oppositions). Que nous indique la géographie des implantations logistiques sur les effets spatiaux, et sur les ressorts de ces compromis? Notamment, ces compromis rendent-ils compte d’une géo-politique spécifique, tant pour l’accueil que pour le rejet des entrepôts (Subra, 2007)?

Saisir la périurbanisation logistique par l’analyse de la construction d’entrepôts

Pour répondre à ces questions, nous adoptons une approche géographique de la distribution des constructions d’entrepôts, qui nécessite d’articuler les échelles régionale — le Bassin parisien comme espace économique — et locale des communes — échelle du pouvoir politique lié à la délivrance du permis de construire.

Cette analyse a été réalisée à partir de la base de données sit@del2 sur les constructions commencées de locaux d’activités et de logements à l’échelle des communes du Bassin parisien (fig. 4). Le fichier, élaboré à partir des demandes de permis de construire, est régulièrement mis à jour par le service statistique (SOeS) du ministère de l’Écologie, du développement durable, des transports et du logement. Il est disponible sur Internet.

4. Localisation des constructions d’entrepôts entre 1999 et 2008

Les données renseignent sur les surfaces hors œuvre nette (SHON) en mètres carrés des constructions commencées, dites «en date réelle»: elles ne portent que sur les superficies dont le chantier a débuté entre 1998 et 2009. Les projets de construction non engagés ne sont donc pas pris en compte, ni le stock des surfaces existantes. L’intérêt de l’utilisation de données «en date réelle» tient d’abord à leur actualisation régulière — elles sont nettes des annulations de construction — et aussi à leur comparabilité dans le temps. Compte tenu des faibles valeurs annuelles de SHON d’entrepôts à l’échelle communale, nous avons pris le parti d’analyser des données cumulées entre 1998 et 2009. Notre base de données nous autorise ainsi une analyse de la dynamique des constructions, c’est-à-dire du mouvement des constructions neuves, et non du parc immobilier existant, renseigné par le stock, par ailleurs non disponible. Dans une volonté comparative, l’analyse a porté sur six types de construction (tableau 1) répartis en deux catégories: celle de l’immobilier résidentiel composée des logements individuels et des logements collectifs, et celle de l’immobilier non résidentiel composée des entrepôts, des bureaux, des locaux industriels et des commerces. Dans le présent article, seuls les données et les résultats qui portent sur les entrepôts, comparés aux logements individuels, seront présentés.

Cartographie de la construction d’entrepôts: des logiques de concentration à l’échelle du Bassin parisien

À l’instar de tout phénomène spatialisé, la géographie particulière des constructions d’entrepôts peut être analysée et illustrée par des représentations cartographiques aux différentes échelles de disponibilité des données. Nous avons fait le choix de l’échelon communal comme maillage administratif de référence pour les fonds de cartes réalisés car il correspond à l’échelon de collecte des données et au lieu de délivrance des permis de construire (fig. 4). La maille communale permet également une grande finesse d’analyse de ces données, même si l’échelle de représentation rend les cartes (fig. 2 et 4) peu lisibles dans les détails.

Mesures de la concentration

La figure 4 illustre la distribution des constructions d’entrepôts dans les communes du Bassin parisien. Elle met en évidence une nette tendance à la concentration qui suggère une localisation non aléatoire des surfaces d’entrepôts.

L’hypothèse d’une distribution spatiale agrégée, c’est-à-dire concentrée dans l’espace, des entrepôts, est confirmée par les résultats des mesures d’autocorrélation spatiale locale calculées (Getis, Ord, 1992; Anselin, 1995). L’écart-type ou score z de l’indice (I) de Moran, qui mesure la probabilité de corrélation entre la localisation des communes et leurs surfaces d’entrepôts est, en effet, très élevé, à 73,66%. La probabilité que la distribution des constructions d’entrepôts (à 1%) soit un résultat aléatoire est par conséquent très faible. L’indice (G) de Getis-Ord, qui mesure le degré d’agrégation des valeurs de cette distribution que l’on sait agrégée, est également élevé, à 62,23%, ce qui confirme la présence d’agrégats spatiaux.

La dépendance entre la localisation spatiale et la surface des entrepôts est le fait, d’une part, des principales agglomérations et aires urbaines du Bassin parisien et, d’autre part, de la proximité aux carrefours des grands axes autoroutiers régionaux. La cartographie des zones d’agrégation spatiale en entrepôts, issue de l’indice (I) de Moran (Anselin, 1995), identifie les concentrations dans l’espace de valeurs de surfaces hautes (et basses) significatives ou aberrantes par rapport à leur voisinage (fig. 5). Elle met en évidence les zones de départ du processus de concentration.

La figure 5 représente, d’une part, les agrégats spatiaux statistiquement significatifs en valeurs hautes ou basses par rapport à leur voisinage et, d’autre part, les valeurs hautes ou basses aberrantes, c’est-à-dire anormales par rapport à leur voisinage: elles correspondent aux communes qui présentent des valeurs hautes (ou basses) mais sont entourées de valeurs faibles (ou hautes).

5. Agrégation spatiale des constructions d’entrepôts entre 1999 et 2008

Les zones de forte concentration des entrepôts (valeurs hautes significatives) sont situées au cœur et à l’est de la région Île-de-France mais également dans le Nord-Pas-de-Calais, en Haute-Normandie autour du Havre, Gonfreville-l’Orcher et Saint-Vigand ou encore en région Centre, à Meung-sur-Loire, Saran ou Fleury-les-Aubrais. Les valeurs basses aberrantes identifient des communes, situées à l’interface des premières et secondes couronnes de la région Île-de-France, qui semblent résister à l’implantation d’un immobilier logistique. À l’opposé, les valeurs hautes aberrantes correspondent à des communes qui accueillent volontiers cet immobilier logistique. Celles-ci sont situées majoritairement en Picardie (Blangy-Tronville, Chaulnes, Breuil-Le-Sec ou encore Épaux-Bézu) et en Champagne-Ardenne (Reims, Bussy-Lettrée et Saint-Léger-Près-Troyes), mais également en région Nord-Pas-de-Calais (Onnaing) ou en Bourgogne (Garchizy, Mâcon) et dans tous les cas à proximité d’un échangeur autoroutier.

C’est cette agrégation spatiale des entrepôts qui amoindrit l’efficacité de la figure 4. Les raisons tiennent à une conjonction de processus graphiques et statistiques liés au type et à la nature des données. Sur le plan graphique, la représentation des phénomènes qui ne couvrent pas la totalité, ou du moins une large part, des unités spatiales de référence pose problème car de nombreuses zones demeurent vides de données. En effet, à l’échelle du Bassin parisien, 30% des 15 000 communes ont fait l’objet d’une mise en chantier d’entrepôts entre 1999 et 2008. Sur le plan statistique, la grande ampleur de la série, qui présente des valeurs comprises entre 1 et 328 630 m² pour Moissy-Cramayel (77), ne contribue pas à la différenciation des communes entre elles. La série est par ailleurs fortement dissymétrique à gauche: il y a beaucoup de communes qui présentent des surfaces d’entreposage très faibles et quelques communes où ces surfaces sont très étendues. Malgré ces caractéristiques, on observe une organisation spatiale de l’urbanisation logistique très concentrée, à l’échelle du Bassin parisien, autour ou depuis les aires urbaines et les grands axes de transport routier.

6. Fréquence des constructions d’entrepôts selon la distance à Paris entre 1999 et 2008

L’urbanisation logistique se déploie donc à proximité des grandes agglomérations de la région Île-de-France, mais également dans certaines villes plus modestes des régions voisines, caractérisées par une spécialisation dans la construction d’entrepôts ou par un héritage industriel. La représentation graphique des distributions des superficies en fonction de la distance au centre de Paris (fig. 6) reflète un gradient croissant des surfaces du centre vers la périphérie, témoin d’une urbanisation périurbaine (fig. 7).

7. Densité des superficies cumulées d’entrepôts construits entre 1999 et 2008

Les figures 6 et 7 révèlent clairement un processus de périurbanisation logistique à deux échelles: au niveau local, les entrepôts se construisent dans les communes périphériques spécialisées des grandes agglomérations au premier rang desquelles la région parisienne. À l’échelle du Bassin parisien, ils trouvent globalement leur place dans les agglomérations périphériques du bassin. L’émergence de cette première hypothèse de périurbanisation logistique mérite que les cartes de la distribution des entrepôts soient comparées à celle du zonage en aires urbaines et en aires d’emploi de l’espace rural (ZAUER) élaboré par l’Insee (1999).

Une géographie structurée par les aires urbaines?

Le ZAUER de l’Insee permet de distinguer, d’une part, au sein de l’espace urbain, les villes centres des autres communes du pôle urbain (banlieues), des communes monopolarisées (périurbain) et des communes multipolarisées (qui sont situées dans l’aire d’attraction d’au moins deux pôles d’emplois); d’autre part, au sein de l’espace rural, des pôles d’emploi ruraux des couronnes de pôle d’emploi rural et des communes rurales (fig. 8a et b).

8a. Zonages en aires urbaines et aires d’emploi de l’espace rural, ZAUER (1999)

La comparaison visuelle des figures 4 et 8 conforte notre hypothèse de périurbanisation logistique: les surfaces d’entreposage se concentrent bien dans des communes périurbaines et de banlieue, au sens de l’Insee, des principales aires urbaines du Bassin parisien (tableau 2). On voit ressortir plus finement ici le poids de la région parisienne: la banlieue parisienne proprement dite et les espaces périurbains franciliens. À l’image de Paris, les principales autres aires urbaines semblent aussi présenter une banlieue et surtout une ceinture périurbaine logistique. Mais la périurbanisation logistique ne se produit pas seulement à l’échelle de ces aires urbaines. Les figure 8a et 8b permettent de saisir l’existence d’un développement logistique péri-francilien, aux portes de l’Île-de-France, dans le val de Loire, dans l’extrême Nord-Ouest de la Bourgogne, en Champagne-Ardenne, et en Normandie notamment. Il s’agit pour partie du desserrement francilien des fonctions logistiques. Enfin, le dernier espace de développement logistique correspond aux marches du Bassin parisien: les Pays-de-la-Loire, la vallée de la Saône et le Nord-Pas-de-Calais. Différentes échelles de la périurbanisation logistique doivent donc être distinguées, ce que ne permet pas le seul usage du ZAUER.

8b. Constructions d’entrepôts et zonages en aires urbaines et aires d’emploi de l’espace rural, ZAUER (1999)

Ainsi, il convient d’identifier avec davantage de précision ces territoires des couronnes périurbaines soumis à la pression de l’urbanisation logistique.

Les espaces de la «périurbanisation logistique»

L’impossibilité de croiser aisément les informations des figures 4 et 8 nous conduit à changer de procédé cartographique. Nous avons ainsi pris le parti de transformer le maillage administratif des communes en fonction des valeurs des constructions en réalisant une anamorphose. Un simple changement de mode de représentation, par coloration discrétisée des symboles proportionnels de la figure 8 avec la typologie en ZAUER, n’est pas suffisant, tout comme le recours à un maillage régulier qui ne met pas suffisamment en valeur, à cette échelle de représentation, les différenciations spatiales. L’idée première de cette transformation est sous-tendue par la nécessité de visualiser à la fois les zones de «massification» des constructions d’entrepôts, celles où l’on semble construire beaucoup, et le type de ZAUER auquel elles appartiennent.

La représentation en anamorphose présente l’avantage de figurer la réalité des surfaces mises en chantier sans tenir compte de la superficie des communes. «Elle a pour but de faire apparaître des relations sous-jacentes, d’extraire des caractéristiques non visibles directement» (Cauvin, 1998). Cette «transformation cartographique de position […] [de type] morpho-thématique» (Cauvin, Enaux, 1991) s’apparente ainsi à un changement de projection de la carte, avec tous les choix que cela implique. Le choix de la projection est ici focalisé sur la réalité des données — et non plus sur la position relative des objets les uns par rapport aux autres — afin de permettre une marginalisation des zones où il ne se passe pas grand chose.

Le principal inconvénient du procédé de l’anamorphose cartographique est de n’être pas unique et ce, pour deux raisons principales. La première tient au fait qu’il s’agit de «constructions non reproductibles» (Cauvin, Enaux, 1991) à l’instar des cartes choroplèthes ou issues de procédés similaires de transformations telles que les cartes piézoplèthes [4]. La seconde raison est liée aux possibilités d’erreurs d’interprétation issues d’une analyse des anamorphoses qui est essentiellement visuelle (McCarty, Salisbury, 1961). Si les anamorphoses réalisées à partir des unités spatiales d’un même territoire sont effectivement comparables visuellement, elles ne sont pas «comparables d’une manière généralisable, qui conduise à des résultats identiques, quelle que soit la personne qui effectue la comparaison» (Cauvin, Enaux, 1991). Pour cela, il aurait fallu utiliser, par exemple, la régression bidimensionnelle appliquée par Tobler (1994) à la cartographie mais tel n’était pas l’objet du présent travail.

Éléments sur la méthode de représentation

Le procédé de représentation en anamorphose consiste à déformer soit les surfaces des unités spatiales de manière proportionnelle à l’indicateur concerné, soit la distance entre des couples d’unités spatiales. Dans le premier cas, il s’agit d’une anamorphose scalaire réalisée à partir d’une variable de stock, tandis que dans le second cas l’anamorphose est dite vectorielle car elle est fondée sur un critère d’éloignement des lieux: une distance spatiale ou fonctionnelle. Dans le cas de l’anamorphose scalaire qui nous intéresse ici, de nombreux algorithmes existent, parmi lesquels celui de Michael T. Gastner et Mark Newman (2004). Il est fondé sur l’application du principe des densités égales pour la déformation des surfaces en deux dimensions. Son intérêt réside dans la facilité de sa mise en œuvre, mais également dans la simplicité du résultat cartographique obtenu. La contiguïté, la forme des unités spatiales et les limites extérieures de la zone d’étude sont, en effet, autant que possible, préservées, ce qui facilite d’une part leur reconnaissance, et d’autre part l’analyse du résultat.

9. Total cumulé (1999-2008) des constructions par zonage en aires urbaines et en aires d’emploi de l’espace rural
La taille des communes est proportionnelle à la superficie totale cumulée de la construction neuve de locaux résidentiels et non résidentiels entre 1999 et 2008.

Les cartes en anamorphoses sur les surfaces immobilières mettent en avant les communes qui construisent, par une visualisation nette d’une augmentation proportionnelle de leur forme et de leur taille. À l’opposé, les communes qui construisent peu, voire pas du tout, voient leur taille réduite, leur forme se plisser au point de disparaître par endroits. L’intérêt du recours à une telle méthode de cartographie est multiple. Dans notre cas particulier, cela permet de résoudre le problème de différenciation des unités spatiales puisque celles-ci représentent la réalité du phénomène. Ainsi, le croisement de données qui portent sur les superficies de construction et sur le zonage ZAUER est aisé: ce dernier étant représenté par un aplat de couleurs sur les fonds de cartes déformés (fig. 9).

Une «périurbanisation logistique»

La figure 10 est réalisée à partir des surfaces cumulées d’entrepôts sur lesquelles la typologie ZAUER a été représentée. Elle fait nettement ressortir les communes périphériques des grandes agglomérations révélées par des zones de «massification». En effet, plus ample est la construction, plus la taille des communes augmente. Ainsi, le zonage administratif des communes correspond à la réalité des constructions d’entrepôts pour une différenciation optimale des communes. Il convient de noter que la taille des communes de la figure 10 est proportionnelle à la série représentée, et que leur forme est ajustée afin d’assurer la continuité du maillage. Les figures 9 et 10 ne sont donc pas directement comparables.

10. Constructions d’entrepôts (en m² de SHON) par zonage en aires urbaines et en aires d'emploi de l'espace rural en 1999
La taille des communes est proportionnelle à la superficie totale cumulée de la construction neuve de locaux résidentiels et non résidentiels entre 1999 et 2008.

Sur la figure 10, on observe un effet de loupe sur quelque 30% des communes du Bassin parisien, celles où ont été construits des entrepôts. Celles-ci sont localisées en majorité dans les espaces urbains (d’après le ZAUER) et ce, depuis les pôles urbains jusqu’aux communes multipolarisés. En effet, 74% du total des constructions ont été réalisées dans les périphéries urbaines, 43% dans des communes de banlieue et 31% dans des communes périurbaines. C’est donc bien dans les périphéries, et notamment dans la seconde couronne de la région Île-de-France que se construisent majoritairement des entrepôts. L’hypothèse de la périurbanisation logistique est ainsi confirmée, bien que, selon les définitions de l’Insee, il convient de préciser qu’il s’agit davantage de communes de banlieue — au sens de la continuité du bâti — que de communes périurbaines au sens strict. 10% de ces constructions sont réalisées aussi dans des communes-centres de villes moyennes. Enfin, notons que les 15% restant concernent des communes multipolarisées et, ponctuellement, des communes de l’espace rural situées aux franges de l’Île-de-France, en Bourgogne, en région Centre et en Champagne-Ardenne. Celles-ci formeraient de nouveaux fronts urbains, constitués à partir de grands nœuds autoroutiers, dont la construction d’entrepôts serait l’avant-garde.

Cependant, si l’anamorphose des constructions d’entrepôts met au jour un phénomène de concentration, des logiques de dilution sont également à l’œuvre. Ainsi, parmi les 30% des communes du Bassin parisien où ont été construits des entrepôts, les surfaces construites sont en moyenne faibles (une moyenne de 0,02% du total de la construction d’entrepôts à l’échelle du Bassin parisien par commune). Mais, parallèlement, certaines communes en concentrent une part beaucoup plus grande (jusqu’à 2% du total). On peut ensuite se demander si la périurbanisation logistique suit la même tendance d’étalement que celle de la périurbanisation résidentielle.

Périurbanisation logistique versus périurbanisation résidentielle

Les figures 11a et 11b permettent de comparer la construction d’entrepôts à celle des résidences individuelles en pourcentage du total des constructions immobilières du Bassin parisien.

11a. Part des nouvelles constructions d’entrepôts dans le total des constructions (1999-2008)
La taille des communes est proportionnelle à la superficie totale cumulée de la construction neuve de locaux résidentiels et non résidentiels entre 1999 et 2008.

Elles soulignent la différence manifeste entre la géographie de la logistique et celle du logement individuel. Les communes qui construisent peu de logements individuels sont dans la classe 0-50% du total des constructions tandis que celles qui construisent peu d’entrepôts sont dans la classe 0-1,5%. Si les ordres de grandeur des deux types d’immobilier ne sont donc pas comparables, les rangs pris par les différentes communes dans chacune des distributions, peuvent être comparés.

11b. Part des constructions de logements individuels dans le total des constructions (1999-2008)
La taille des communes est proportionnelle à la superficie totale cumulée de la construction neuve de locaux résidentiels et non résidentiels entre 1999 et 2008.

Le coefficient de corrélation de rang de Spearman, qui teste la relation entre les rangs des communes selon les surfaces de construction de logements individuels et celles d’entrepôts, est en effet élevé à 0,71%, ce qui signifie qu’il existe une relation de dépendance forte entre les rangs pris par ces deux types d’immobilier. Cette relation, illustrée par la figure 12, apparaît linéaire avant de se stabiliser pour les dernières communes qui ne construisent ni logements individuels ni entrepôts. On notera que le même test [5] réalisé sur les rangs des communes selon les surfaces d’entrepôts et la taille de la ville en termes de population (2007) ainsi que selon les surfaces de logements collectifs donne également un coefficient élevé, respectivement à 0,70% et 0,78%.

12a. Corrélations de rang des communes: entrepôts versus logement résidentiel

L’analyse des corrélations de rang montre que, de manière générale, les communes où se construisent des entrepôts sont aussi celles où se construisent des logements individuels. Il s’agit aussi généralement des communes les plus peuplées sur les 16 000 communes que comprend le Bassin parisien dont de très nombreuses sont rurales. Cependant, les communes qui accueillent beaucoup de superficies d’entreposage semblent ne pas accueillir de surfaces habitables au titre du logement résidentiel et inversement. Lorsqu’il s’agit de gros volumes de construction, les deux formes d’urbanisations semblent donc se repousser dans la quasi-totalité des communes.

En allant plus loin dans la comparaison des géographies logistiques et résidentielles, grâce au procédé de l’anamorphose, on observe une différence de forme entre les deux types de construction qui traduit une inscription spatiale fortement différenciée (fig. 10 et 13). On rappelle ici que les anamorphoses sont directement liées à la série statistique qui a permis de les générer: seules les tendances visuelles peuvent ainsi être éventuellement comparées.

Sur la figure 13, la construction de logements individuels apparaît, en premier lieu, davantage répartie sur le territoire, en comparaison de la figure 10. En second lieu, on note qu’elle se déploie plus largement sur les espaces ruraux ce qui est le corrollaire du premier point. L’urbanisation qui résulte de cet immobilier résidentiel ne semble pas suivre la même logique que celle de l’immobilier logistique. Il y aurait donc une forme de spécialisation des communes dans l’immobilier logistique, liée à la concentration de la construction dans certains espaces particuliers (fig. 5) qui suggère l’existence d’un autre front urbain que celui des logements.

La représentation en anamorphose illustre aussi le déséquilibre entre l’Ouest et l’Est de la région parisienne dans la construction d’entrepôts (fig. 10), déséquilibre plutôt inverse pour les logements individuels (fig. 13). Ce déséquilibre est avant tout à l’œuvre à l’échelle de l’Île-de-France où la Seine-et-Marne, l’Essonne et le Val-d’Oise atteignent une taille considérable par le processus d’anamorphose à comparer avec celle, minorée, des Yvelines (fig. 10). La Normandie apparaît alors dans la continuité des Yvelines, marginalisée en termes de poids logistique, à l’exception du port du Havre, bien visible. Ensuite, malgré la taille raisonnable de la région nantaise au sein de l’anamorphose des constructions d’entrepôts, force est de constater que la partie occidentale du Bassin parisien est bien moins dynamique en matière de construction d’entrepôts que de construction de logements résidentiels individuels, pour laquelle sa vigueur est manifeste sur la figure 13. À l’inverse, le développement logistique de la partie orientale du Bassin parisien semble comparable en proportion à son développement résidentiel. Ainsi, le développement logistique ne semble-t-il pas avoir spécialement lieu dans les espaces les plus dynamiques d’un point de vue résidentiel, qui sont majoritairement situés dans l’Ouest du Bassin parisien, d’où la relative dichotomie Est-Ouest qui en découlerait.

Le procédé cartographique de l’anamorphose met au jour les effets spatiaux des compromis territoriaux à l’œuvre pour l’accueil de l’immobilier logistique. Il apparaît que la construction d’entrepôts est pour une part concentrée et pour une autre part diluée. À l’échelle du Bassin parisien, elle est concentrée dans les périphéries, voire les grandes périphéries, des aires urbaines: principalement celle de Paris et celles des franges du Bassin parisien. À l’échelle de ces aires urbaines, la construction est à la fois diluée dans un nombre assez significatif de communes et concentrée tout particulièrement dans certaines communes de ces périphéries. Ainsi une grande partie des constructions d’entrepôts a lieu dans un grand croissant de l’Est francilien, se déployant même au-delà de la région capitale (fig. 10). Le nombre des communes de concentration logistique semble assez réduit. Ces communes seraient peu ou prou spécialisées dans ce type immobilier (fig. 9).

13. Constructions de logements individuels (m² de SHON) par zonage en aires urbaines et en aires d'emploi de l'espace rural en 1999
La taille des communes est proportionnelle à la superficie totale cumulée de la construction de locaux résidentiels de type logement individuel entre 1999 et 2008.

La dialectique «tensions-compromis territoriaux» de l’immobilier logistique

Le procédé de l’anamorphose permet de distinguer plusieurs espaces de tensions liés à l’immobilier logistique. La figure 10 met en évidence les zones de «massification» de la construction et révèle, dans le même temps, des espaces «en creux» où presque rien ne se passe du point de vue de la construction d’entrepôts. Ces zones, qui correspondent aux filaments en grisé sur la figure 10, sont caractéristiques des espaces rétrécis sur l’anamorphose en raison de l’absence de constructions. Le resserrement des limites communales est, en effet, imputable à l’absence ou à la faiblesse des surfaces d’entrepôts mises en chantier, proportionnellement à l’ensemble des constructions du Bassin parisien. Une majorité des communes ne semble pas concernée par l’immobilier logistique parce qu’elle correspond à des secteurs où le marché n’est pas économiquement viable. Mais on peut considérer qu’une partie d’entre elles le serait potentiellement. Elle serait par conséquent soumise à des tensions: une partie des espaces rétrécis ou de «pression» (Cauvin, Enaux, 1991) de la figure 10 révèlerait ainsi des zones de tensions locales au sens propre, mais également au sens figuré en raison d’un refus local d’accueil des activités logistiques.

Éléments sur la méthode de l’anamorphose inverse

La révélation des espaces de pression d’une carte en anamorphose peut être effectuée à l’aide du procédé d’«anticartogramme» suggéré par Patrick Poncet (2010). Réaliser une anamorphose à partir de l’inverse (1/N) de la variable quantitative permet d’avoir une carte complémentaire à celle des zones de «massification», car ce sont les communes où apparemment rien ne se passe qui sont mises en exergue dans la représentation. Les figures de l’anamorphose directe et inverse ne sont pas exactement complémentaires. Les algorithmes de déformation, quels qu’ils soient, ajustent la forme et la position des unités spatiales de manière à conserver leur position relative les unes par rapport aux autres et faciliter la reconnaissance des contours. Utilisées conjointement, les deux anamorphoses permettent toutefois d’analyser visuellement tour à tour les pleins et les vides logistiques.

Pleins et vides logistiques

La figure 14 représente l’inverse des cumuls de superficies construites d’entrepôts entre 1999 et 2008. On observe que si les zones à faible construction logistique sont avant tout rurales, de grands espaces périurbains, voire urbains, sont également concernés. Cette situation s’explique en partie par le profil des communes, mais également par leur relatif éloignement d’un nœud (auto)routier. Des espaces de tensions se situeraient en outre à l’interface des régions voisines de l’Île-de-France et dans les arrière-pays des grandes portes d’entrée des flux internationaux de marchandises. Inversement, les filaments, qui correspondent aux zones resserrées par le procédé de l’anamorphose, permettent de singulariser et de mettre en scène différemment les espaces d’attractivité de l’immobilier logistique. Ces derniers suggèrent des axes, notamment au sein des périphéries, tels des fronts urbains de l’implantation logistique qui se différencient à la fois des franges des agglomérations et de celles des aires urbaines. Il convient toutefois de noter que l’effacement de certains départements du pourtour du Bassin parisien résulte d’un effet de bord lié aux marges de la zone d’étude et non d’une importance caractéristique dans la construction logistique.

14. Constructions neuves d’entrepôts (m² SHON), par zonage en aires urbaines et en aires d'emploi de l'espace rural en 1999.
La taille des communes est proportionnelle à l'inverse de la superficie totale cumulée de la construction de locaux non résidentiels de type entrepôts entre 1999 et 2008.

Si l’anamorphose inversée donne à voir les espaces de tensions insolubles, par symétrie, l’anamorphose directe révèle les espaces de résolution de ces tensions. Cette dialectique mise au jour ne doit pas être lue uniquement sous un angle géopolitique car les mécanismes économiques à l’œuvre sont prégnants. La résolution des conflits liés à l’installation de zones logistiques est avant tout marchande: les espaces concernés sont donc des aires où le marché de l’immobilier logistique est viable. Mais la régulation publique et politique n’est jamais inexistante. Les maires, et par là leurs électeurs, ont le pouvoir de refuser les implantations logistiques. Il s’agit donc bien de lieux de résolutions de compromis territoriaux à la fois marchands, politiques et sociaux. Les anamorphoses directe et inversée mettent en avant une géographie résultant de ces compromis territoriaux.

Conclusion: du dévoilement de la géographie des compromis à celle de leurs ressorts

L’urbanisation logistique crée une géographie métropolitaine particulière à l’échelle du Bassin parisien. Elle prend la forme d’une périurbanisation singulière, différente de celle du logement individuel. L’immobilier logistique dilate les métropoles, mais moins que la construction de logements individuels. La concentration des infrastructures et le marché de consommation offert par le cœur des métropoles exercent toujours sur lui une force centripète. Cette périurbanisation dessine cependant des fronts urbains différents de ceux du ZAUER. Ces fronts urbains correspondent à des communes souvent situées au sein des périphéries urbaines, mais parfois en très grande périphérie urbaine, dans des espaces encore ruraux. Ces spécialisations logistiques s’expliquent pour partie par la présence de nœuds autoroutiers. Dans la mesure où la présence d’un nœud autoroutier rend de tels espaces attractifs pour bien des usages du sol, on peut s’interroger sur les raisons qui conduisent à l’arbitrage entre différents usages du sol, et sur les conflits territoriaux qui accompagneraient cette concurrence théorique. Pour ce faire, il nous semble nécessaire de poursuivre l’analyse en la portant plus finement sur les communes où se construisent les entrepôts. L’objectif devient alors de comprendre quels sont les ressorts de ces compromis territoriaux qui semblent esquisser une géographie métropolitaine au-delà de la dichotomie urbain-rural.

La géographie logistique ne relève pas d’une politique d’aménagement mais de l’interaction entre un marché foncier qui se déploie à l’échelle régionale, et sa réception communale. Ses effets spatiaux sont doubles. Il s’agit, pour une part, d’une dilution de ces constructions au sein d’un grand nombre de communes parmi celles appartenant aux aires de marchés immobiliers et logistiques (déterminées par le réseau autoroutier et la proximité aux espaces de consommation). Il s’agit aussi d’une concentration dans certaines d’entre elles. Les ressorts précis de ces compromis étant locaux, il convient alors de caractériser les communes qui les prennent justement en charge.

Si certaines communes sont fermées à cet immobilier, celui-ci a tout de même trouvé sa place dans les programmes d’aménagement typiques des périphéries urbaines, parfois à doses homéopathiques et indolores. Plusieurs hypothèses de systèmes locaux d’accueil de la logistique peuvent être formulées pour comprendre la concentration d’entrepôts dans certaines communes. À l’image des communes de la banlieue parisienne développées en tant que territoires servants, par l’accueil des activités indispensables au développement de la capitale mais indésirables intra-muros, certaines communes sont devenues naturellement logistiques en héritant de la planification étatique des zones industrielles. À l’inverse, certaines communes ont pu construire des «projets urbains» (Pinson, 2009) autour de l’accueil d’entrepôts, c’est-à-dire mettre en place une stratégie de développement urbain autour de cet immobilier d’entreprise. Il peut s’agir d’une volonté d’offrir des emplois ouvriers, ou de choix par défaut pour des communes qui cherchent un développement économique et dont la situation spatiale n’offre guère d’autre alternative que l’accueil d’activités logistiques. Il existerait donc des maires entrepreneurs pour l’accueil de la logistique.

L’étude de ces hypothèses exige d’analyser finement les communes où se construisent les entrepôts, au regard de leur situation dans les aires urbaines, des constructions que l’on y réalise, de leurs caractéristiques socio-économiques, de la couleur politique de leurs édiles. Elle exige aussi de décrire les processus d’implantation de cet immobilier dans les communes depuis le lancement de zones d’activités à la construction et au fonctionnement de l’entrepôt, en analysant les acteurs en jeu, leurs intérêts, leurs relations, leurs représentations, les logiques institutionnelles, les mécanismes pratiques d’aménagement, d’investissement et d’utilisation de l’immobilier, c’est-à-dire leurs histoires communes à l’occasion d’un projet logistique.

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Les résultats présentés ici ont été réalisés dans le cadre du projet PLEIADE (2011-2012) sur les plates-formes logistiques écologiques intégrées dans une agglomération durable, financé par le PREDIT, Groupe Opérationnel n° 4 «Logistique et transport de marchandises».
Not In My Back Yard: pas dans mon jardin.
Comme, par exemple, ceux tenus lors des assises régionales du fret et de la logistique du 29 juin 2011 organisées par la région Île-de-France.
D'après Schneider et Cauvin C. (1986) et Cauvin (2001), les cartes piézoplèthes sont issues d'un procédé qui déforme leurs unités spatiales en fonction de forces exercées en différents points des unités spatiales surfaciques. Leur construction est similaire à celle des cartes «choroplèthes» et «isoplèthes».
Ce test n'est pas significatif au seuil de 5% pour les rangs des communes selon les surfaces d'entrepôts et la superficie totale de la commune.