N°107

La carte des arrêtés «CatNat» pour les inondations: limites et améliorations possibles

La base GASPAR (gestion assistée des procédures administratives relatives aux risques naturels) est souvent utilisée pour réaliser des inventaires sur les inondations, que ce soit à une échelle régionale (Delahaye, 2002; Auzet et al. 2005; Hay-Lepêtre, 2005) ou nationale (Vinet, 2010; Douvinet, Vinet, 2012), mais elle ne fait pas toujours l’objet d’une critique très détaillée. Cette base ne constitue pas la seule source d’information sur les inondations (Ballais, Ballais, 1994; Garry, 1995; Antoine et al., 2001; Laganier, 2002; Vinet, 2008; Gaume, 2009). Toutefois, les arrêtés «CatNat» sont régulièrement utilisés, surtout par les collectivités locales, pour plusieurs raisons:

Cet article propose de recenser toutes les limites imputables à la structure de la base de données et à la procédure de reconnaissance, en se focalisant plus spécifiquement sur l’aléa «inondations». Il fait écho à un autre article publié en parallèle (Douvinet, Vinet, 2012) et dont les résultats peuvent prêter à certaines interrogations. Ainsi, face à des attentes légitimes (quels sont les apports des cartes à l’information préventive? est-il possible d’en déduire la vulnérabilité des secteurs le plus souvent sinistrés?), on s’aperçoit que des biais de différentes natures empêchent de les prendre en compte. Il s’agit donc ici, outre l’analyse et la critique de la source, de proposer des solutions pour contourner les limites de l’interprétation spatiale des résultats, en cherchant notamment à savoir si le rapport entre la fréquence des arrêtés et la population pourrait permettre d’identifier les «mauvais élèves» (communes peu peuplées mais souvent reconnues) ou, à l’inverse, les territoires densément peuplés mais bien souvent sinistrés. Le coût des indemnisations et le rôle joué par les intensités des pluies seront aussi explorés à l’appui de plusieurs études de cas. Enfin on discutera la notion même de catastrophe naturelle, sujette à caution à partir du moment où des communes ont été reconnues plus de dix fois sur la période étudiée (25 ans).

Champ d’utilisation des arrêtés «CatNat»: une précision indispensable

Liste des événements inclus dans ce régime d’indemnisation (1983-2012)

La loi du 13 juillet 1982 (reprise dans les articles L-125-1 et suivants du Code des assurances, puis modifiée par la loi du 4 août 2003) a instauré en France un système d’indemnisation contre les effets des catastrophes naturelles pour les personnes ayant souscrit un contrat d’assurance «dommage». Ce contrat couvre les dommages aux habitations, aux entreprises commerciales, industrielles et agricoles, et aux véhicules, dans les limites et conditions du contrat. La circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984 définit précisément les événements pris en compte, à savoir: les inondations, le ruissellement d’eau, de boue ou de lave, les glissements ou effondrements de terrain, la subsidence du niveau marin, les séismes, les raz de marée, les cyclones et les masses de neige ou de glace en mouvement, mais cette liste n’est pas limitative. Il s’agit de phénomènes naturels non couverts selon les règles traditionnelles de l’assurance avant 1982. Cette garantie est fondée sur un principe de «solidarité nationale». Elle est cependant conditionnée par la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle par les pouvoirs publics. Pour cela, un arrêté interministériel doit être pris, autorisant ensuite les victimes à réaliser un dossier auprès des assurances en vue d’un dédommagement des préjudices subis (Pottier, 1998; MEDD, 2005).

En outre, il est précisé, dans cette circulaire, que la loi n’intervient pas là où des garanties «classiques» existent. Les effets directs ou indirects (chocs de corps projetés) du vent (avec un seuil de 100km/h en rafales pour les indemnisations), du poids de la neige, de la grêle ou les dégâts de mouille consécutifs sont, en effet, pris en charge par les garanties «TGN» («tempête, grêle et neige»). Or, d’autres textes de lois peuvent se superposer à cette directive: la loi d’orientation Outre-Mer du 13 décembre 2000 a réintroduit l’ensemble des dégâts causés par les cyclones de grande ampleur (alors que ces derniers avaient disparu du système «CatNat» depuis le 25 mai 1990). Le projet de réforme de ce régime d'indemnisation (tel qu'il a été présenté au Premier Ministre en place, François Fillon, en mars 2012), qui est toujours actuellement en discussion (malgré le changement de gouvernement), risque également de changer (et les traitements aussi). En effet, il réintègre les dommages causés par une combinaison d’agents naturels (liés à la grêle et au vent en cas d’inondations par exemple). Suite aux atermoiements de l’État face à l’indemnisation de la sécheresse de 2003, qui ont mis en évidence l’une des limites de ce système, à savoir une absence de réserves financières suffisantes pour couvrir une catastrophe majeure (Cour des comptes, 2008), les modalités de prise en compte du «mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols» seront aussi réintroduites. À court terme, le conseil d’État fournira une liste des événements couverts par garantie, supprimant néanmoins le risque lié aux marnières et aux cavités souterraines et se basant sur les aléas reconnus sur la période 1983-2012, ce qui paraît surprenant…

Des critères de reconnaissance multiples

Initialement, la base GASPAR avait pour objectif de recenser les communes où les arrêtés devenaient récurrents afin de définir des priorités dans les politiques d’aménagement, et notamment pour mettre en place les Plans d’exposition aux risques (PER) aussi instaurés en 1982. Bien que bénéficiant d’une large adhésion de l’opinion dès sa création (adopté en première lecture à l’unanimité par l’Assemblée nationale) puis soutenu par les différents gouvernements successifs, le système français peut pourtant paraître, selon les termes utilisés par la Cour des comptes (2008), «injuste» et «lent». L’articulation entre l’indemnisation et la prévention demeure aussi inexistante (Ledoux, 2006), la procédure d'indemnisation pouvant parfois inciter la construction d'habitations en zones inondables, mais l’État tente de les associer dans le futur projet de réforme. Des problèmes imputables à l’architecture et aux objectifs réglementaires de la base GASPAR ont été soulignés dans des études précédentes (Dauphiné, 2001; Douvinet, 2006, 2010). Il convient alors d’en rappeler, ici, les principales lignes.

Une reconnaissance normalement basée sur des critères homogènes

La commission interministérielle est chargée de se prononcer non pas sur l’importance des dégâts mais sur le caractère d’«intensité anormale» ou sur la «cause déterminante» de l’agent naturel qui ressort des rapports techniques joints aux demandes de reconnaissance. Pour déclarer une inondation comme catastrophe naturelle, la pluie mesurée au plus près de la zone touchée doit présenter une intensité supérieure à la valeur décennale pour être qualifiée d’anormale. Elle doit être indiquée sur un pas de temps supérieur à une heure [1], ce qui peut poser problème pour des épisodes pluvieux très courts dans le temps ou focalisés dans l’espace. Une fois l’intensité de la pluie estimée, trois issues sont possibles: avis favorable (publication de l’arrêté au Journal officiel); avis défavorable (l’intensité «anormale» de l’agent climatique n’a pas été reconnue) ou ajournement (réexamen du dossier proposé pour cause de pièces défaillantes et/ou incomplètes dans le dossier). Les avis favorables et défavorables font l’objet d’un arrêté ministériel, notifié par le préfet à chaque commune, puis publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes faites en préfecture. Seules les décisions favorables sont finalement enregistrées dans la base GASPAR.

Un seuil pluviométrique pas toujours objectif

La définition du seuil d’intervention de la garantie à partir de la valeur décennale peut paraître subjective, notamment pour des pluies à caractère orageux (Douvinet, 2006): les stations se situent rarement sous l’épicentre pluvieux et le réseau officiel demeure assez lâche (MEDD, 2005). Si l’imagerie radar permet d’améliorer les mesures des intensités des pluies depuis 2000 (grâce à la couverture des 24 radars du réseau ARAMIS), elle n’est pas toujours fiable et peut même parfois présenter de sérieuses déficiences, comme ce fut le cas par exemple lors des pluies orageuses du 4 juillet 2005 (Douvinet et al., 2009). La valeur décennale n’a aussi pas beaucoup de signification. La qualification en termes de probabilité/période de retour par la méthode de renouvellement ou par la loi GEV (Generalized Extreme Values) nécessite de disposer de références statistiquement valides, avec des données recueillies sur plus de 30 ans, ce qui n’est pas le cas pour la majorité des stations faisant partie du réseau officiel de Météo France. Ces «intensités anormales» laissent beaucoup de latitude à la commission interministérielle qui statue sur ces dossiers sans tenir compte du coût des dégâts matériels ni de l’ampleur des zones inondées. Le ministère de l’Environnement et du développement durable (MEDD) rappelait en 2005 que le «recours insuffisant à une expertise scientifique incontestable pour définir et caractériser les catastrophes naturelles remet en cause la pertinence de la décision». La Cour des comptes (2008) note que cette situation d’incertitude explique la position de la commission interministérielle, «à la recherche d’un compromis entre les intérêts contradictoires des assureurs et des assurés, sans oublier ses propres intérêts et ceux des élus».

Une utilisation politique des arrêtés entraînant d’importants effets de distorsion

Plusieurs doutes sont régulièrement émis sur la scientificité de la prise de décision car le classement en catastrophe naturelle est fondé sur une décision politique et non pas sur des critères scientifiques rigoureux (Pottier, 1998; Latruffe, 2000; Dauphiné, 2001). Les phénomènes naturels assurables par l’extension de garantie «TGN» n’entrent pas dans le champ de la loi de 1982; à ce titre, ils ne nécessitent pas un arrêté pour ouvrir droit à une indemnisation. Néanmoins, ces dispositions suscitent en partie l’instrumentalisation politique de la procédure, et surtout son utilisation abusive: les différents régimes sont mal connus des populations et des élus, ce qui explique que les sinistrés réclament un arrêté de catastrophe naturelle quel que soit le phénomène subi. Pour illustrer ce propos, il suffit de prendre l’exemple des tempêtes des 26 et 27 décembre 1999. Les dégâts liés aux effets du vent des deux tempêtes successives (Lothar et Martin) ont été pris en charge par les assureurs au titre de la garantie «TGN» sans même passer par l’arrêté «CatNat». Pourtant, l’émotion était si vive que les pouvoirs publics ont cru bon de publier un arrêté de catastrophe naturelle pour plus de 28 000 communes, soit presque autant que le cumul des arrêtés promulgués entre 1984 et 1999 (Vinet, 2010). Bien sûr, un tiers des communes ont réellement été touchées par les inondations corollaires aux tempêtes, mais inclure ces arrêtés surestime très fortement l’analyse de la distribution spatio-temporelle des arrêtés pour les autres.

Cette tendance perdure comme le montre le cas de la tempête Xynthia du 28 février 2010. Les arrêtés «CatNat» ont été pris en hâte le 1er mars 2010 [2], soit le lendemain de l’événement (évidemment, sans aucune expertise détaillée sur son caractère composite). Les effets du vent, la submersion marine et les chocs mécaniques des vagues ont été associés aux conséquences des inondations: les communes des départements de la Vendée, de la Charente, de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres ont ainsi été reconnues dans leur globalité! En Loire-Atlantique et en Gironde, les arrêtés ont fait preuve de plus de discernement, intégrant les communes touchées pour la catégorie «inondation et chocs mécaniques liés à l’action des vagues». Mais cartographier les communes touchées par la submersion marine de Xynthia n’est pas possible car il n’y a pas eu d’arrêté rectificatif indiquant la nature du phénomène en jeu sur les communes touchées. Sur les 1 489 communes, 1 343 font partie de l’arrêté «collectif» pris le 1er mars 2010. Une telle décision, prise rapidement, ne permet pas de rendre compte de la réalité géographique du phénomène et fragilise le bien fondé de l’emploi de catastrophe naturelle.

Pondération par des caractéristiques humaines

Il apparaît nécessaire d’affiner les analyses en croisant les arrêtés «CatNat» avec d’autres paramètres. On est, en revanche, contraint par un découpage administratif (l’échelle communale), inhérent à la nature des données utilisées, et encore faut-il disposer d’informations à un tel niveau d’observation! Diviser le cumul des arrêtés par la surface des communes pourrait se justifier aisément; néanmoins, une telle cartographie n’est pas suffisante car elle fait disparaître la plupart des grandes communes (Le Havre, Nice, Arles), qui ont pourtant été souvent reconnues, tout en privilégiant les départements composés par un nombre élevé de communes (Nord-Pas-de-Calais, Seine-Maritime). La part de la population en zone inondable (Gérin, 2011), la nature des infrastructures (IAU, 2010), la forme de l’habitat (groupé ou dispersé), la nature des documents réglementaires prescrits ou approuvés, comme par exemple les Plans de prévention du risque inondation (PPRI) (Douvinet et al., 2011), ou encore le nombre de logements exposés (Verdelli et al., 2006) auraient été des indicateurs intéressants. Toutefois, ces données existant à des échelles locales ne sont pas optimales pour un traitement homogène sur l’ensemble du territoire métropolitain.

Un lien avec le nombre total d’habitants?

1. Relation entre le nombre d’arrêtés «CatNat» pour les inondations cumulés sur la période 1984-2008, le nombre de communes et la population totale par commune
(d’après les chiffres de l’INSEE pour 2009). Les quartiles dressent le profil de chaque échantillon pour une meilleure lecture statistique.

Sur la période 1984-2008, 15 070 communes (soit 41,5 % des 36 600 communes étudiées) n’ont jamais été touchées par une inondation dommageable. La plupart d’entre elles se situent dans la «diagonale du vide», dans la partie nord-ouest du Massif central, dans les Landes ou dans la partie sud du Bassin parisien (fig. 1); elles sont, pour la plupart, très peu peuplées (90% ont moins de 1 000 habitants) et les quelques communes densément peuplées sont avant tout situées en Île-de-France. Par opposition (tableau 1), 21 530 communes (58,5%) ont été touchées au moins une fois en 25 ans, avec un nombre d’arrêtés variant de 1 (9 026 communes) à 19 pour Nice, Marseille et Antibes (le maximum). Au cours de cette période, 11% des communes ont été reconnues par 4 arrêtés ou plus (4 014) et 109 communes ont eu plus de 10 arrêtés (tableau 1). Plus la population s’accroît, plus le nombre d’arrêtés a tendance à augmenter: les quartiles de population Q1 (25%), Q2 (50%) et Q3 (75%) ont une progression croissante avec l’occurrence des reconnaissances. Un seuil de population semble d’ailleurs émerger pour un nombre cumulé compris entre 12 et 13 reconnaissances, le centile 10% passant de 1000 à 5 450 habitants. Sur les 6 communes ayant 15 arrêtés ou plus, 5 se situent dans les Alpes-Maritimes et sont très densément peuplées (> 150 000 habitants). Toutefois, si la population est un facteur explicatif évident, bon nombre de cas isolés, bien que différents, confirment que cette filiation n’est pas si simple. La distribution statistique montre des évolutions irrégulières (notamment pour les arrêtés compris entre 11 et 14). En explorant les données, on trouve dans chaque classe, des villes densément peuplées, même pour un faible nombre d’arrêtés: Grenoble (2 arrêtés), Nantes, Saint-Nazaire ou Tours (3 arrêtés). Des communes peu peuplées cumulent de leur côté jusqu’à 8 arrêtés en 25 ans…

 

Un lien avec la densité communale?

Étant donné que la relation précédente reste sujette à caution, le nombre d’arrêtés «CatNat» a ensuite été comparé à la densité de population à l’échelle communale (tableau 2). Ces variables ont été reclassées puis fusionnées (fig. 1) pour aboutir à 16 combinaisons. Les seuils des classes ont été choisis de la manière suivante: pour les arrêtés «CatNat» (cumulés sur 25 ans), les seuils 2,5, 5 et 10 sont les plus judicieux car ils permettent de séparer les communes pour lesquelles 1, 2 ou 4 arrêtés ont été pris en moyenne tous les dix ans; pour la densité de population, les communes rurales (< 50 hab./km2) sont distinguées des pôles urbains (> 300 hab./km2), le seuil intermédiaire étant fixé par la valeur nationale (110 hab./km2). Le tableau souligne de nouveau (Douvinet, Vinet, 2012) la priorité donnée aux «petits sinistres»: 9 019 communes rurales ont été reconnues moins de 3 fois (43% de l’échantillon); on remarque ensuite que les communes qui ont eu entre 6 et 9 arrêtés présentent les densités de population les plus disparates.

2. Combinaison entre le nombre d’arrêtés «CatNat» reclassés (cumulés sur la période 1984-2008 puis reclassés) et la densité de population
(d’après les chiffres de l’INSEE 2009, aussi reclassée)

La figure 2 permet de retrouver les 9 016 communes faiblement peuplées et qui ont été rarement reconnues; elle met aussi en évidence plusieurs agglomérations pour lesquelles le nombre d’arrêtés et la densité de population sont élevés (58 communes), situées le long de la vallée du Rhône, dans le Var et sur le pourtour ouest du littoral méditerranéen. Les communes faiblement peuplées mais où plus de 2 arrêtés ont été pris tous les 10 ans (vert très clair) sont des cas isolés. Les communes densément peuplées mais avec peu de reconnaissances (760 communes, marron foncé) se situent autour des grands pôles urbains (Bordeaux, Toulouse, Lyon, Caen, Lille, Strasbourg, Metz), confirmant dès lors la forte sensibilité au ruissellement urbain des centres-villes et non des zones périurbaines. Les linéaires des cours d’eau précédemment identifiés sont toujours aussi bien identifiables, mais la lecture de cette carte affine les interprétations en présupposant des degrés de sinistres très variables.

À travers ces deux caractéristiques humaines, on voit bien qu’il ne faut pas se restreindre à une simple cartographie cumulant le nombre d’arrêtés «CatNat», voire faire des interprétations statistiques simplifiées sans mettre des garde-fous ou sans compléter ces informations avec des données supplémentaires. La très forte représentation des «petits sinistres» et l’absence de renseignements sur le degré de dommages réels ne sont toujours pas réglées dans le cas présent. Dès lors, nos recherches se poursuivent en essayant de mieux tenir compte du coût des sinistres, mesurables toutefois à la seule échelle événementielle.

Autres propositions pour améliorer les interprétations spatiales

Intégration du coût des sinistres à l’échelle événementielle

3. Montant des indemnités versées par commune reconnue en état de «CatNat» après les inondations par remontée de nappes dans la vallée de la Somme, au printemps 2001
Source: d’après la caisse centrale de réassurance, CCR, carte consultable sur ce site

Le coût des sinistres associés à chaque événement n’est pas mentionné dans la base GASPAR, ce qui limite considérablement l’interprétation des arrêtés «CatNat». Qu’un arrêté donne lieu à une indemnisation d’un million d’euros ou de cent fois moins importe finalement peu du moment que la reconnaissance est prise. La caisse centrale de réassurance (CCR) dispose d’un grand volume d’informations statistiques sur les sinistres au niveau communal et la base de données ATHENA enregistre les montants réels des indemnisations versées au titre du régime «CatNat» depuis 1995.

Néanmoins, la collecte de ces données demeure hétérogène et les chiffres ne sont pas rendus publics (ils sont réservés en consultation aux cédantes et aux services de l’État via l’outil cartographique CERES; Gérin, 2011).

L’étude du coût des indemnisations versées après une catastrophe nécessite de changer d’échelle de travail. Ne pouvant pas réaliser cette analyse à l’échelle de la France métropolitaine, ce travail porte sur des événements locaux: les inondations par remontée de nappes dans la vallée de la Somme durant le printemps 2001 (fig. 3) et les inondations de l’Aude en novembre 1999 (fig. 4). Pour les deux exemples, il y a une très bonne concordance entre la carte des communes où des indemnisations ont été versées et la carte des arrêtés, ce qui signifie que les assureurs se calent sur cette reconnaissance pour octroyer des indemnisations, même s’il existe ponctuellement quelques indemnisations hors régime «CatNat». Suite aux inondations de 2001 (fig. 3), les montants indemnisés varient entre 2,6 et 17,7 millions d’euros pour 5 communes, mais ils sont très nettement inférieurs ailleurs, 315 communes ayant subi des dommages estimés à moins de 20 000 euros. Plusieurs communes ont été déclarées pour des sinistres relativement peu coûteux par rapport à ceux de la vallée de la Somme (sur la carte, sont d’ailleurs associées des communes localisées sur les nappes du Bathonien, dans la plaine de Caen, ou sur les sables éocènes du sud de l'Oise, aboutissant à une concentration des sinistres dans la partie aval de la vallée de l'Oise), profitant sans doute d’un effet d’aubaine et/ou de la médiatisation autour de ces aléas. En 2002, sur le département du Gard (fig. 3), 417 communes ont fait l’objet d’indemnisations alors que l’arrêté «CatNat» avait été constaté sur 420 (soit 3 de plus). Si la totalité de la partie basse de l’Aude a été reconnue en arrêté, le coût des sinistres est disparate même pour des communes mitoyennes. D’une commune à une autre, on peut ainsi passer d’une indemnisation inférieure à 650 000 euros (285 communes) ou, au contraire, dépasser plus de 14 millions d’euros (pour 13 communes). L’importance des enjeux se cache donc derrière cette carte alors qu’elle aurait été lissée par une simple carte des arrêtés (fig. 5). L’intégration du coût des sinistres souligne deux nouvelles limites face à une simple cartographie des arrêtés:

Cet effet de distorsion peut expliquer une concentration des reconnaissances autour des agglomérations mais aussi une absence de demande de reconnaissance pour des communes qui ont déjà beaucoup d’arrêtés, et qui verraient leurs franchises augmenter (selon le système de modulation depuis 2001). L’étendue de l’événement pourrait aussi être surestimée, avec des demandes émanant de communes peu touchées et qui tentent d’avoir la reconnaissance dès que le coût de dommages dépasse le montant de la franchise.

4. Montant des indemnités versées par commune reconnue en état de «CatNat» dans l’Aude après les inondations en novembre 1999
Source: d’après la caisse centrale de réassurance, CCR, carte consultable sur ce site

Prise en compte des conditions hydro-climatiques aux échelles locales

La question des relations entre l’intensité des pluies (définissant l’aléa) et un fort degré de sinistralité (à l’origine aussi de la reconnaissance: pas de demande sans sinistre) mérite d’être étudiée. À échelle fine, la question des relations entre l’aléa et les dommages a déjà été abondamment traitée. Les travaux associant les paramètres hydrologiques (en général la hauteur d’eau) et les dommages à micro-échelle ont très souvent pour but de définir des courbes d’endommagement et des fonctions de perte (Penning-Rowsell, Chatterton, 1977; Torterotot, 1993; Zimmerli, 2003). Mais à méso-échelle (commune ou bassin versant), rares sont les travaux étudiant les liens entre seuils pluviométriques et occurrence des dégâts. Ces liens ne peuvent être mis en avant que si la relation entre les pluies et les dommages est directe, c’est-à-dire dans des bassins relativement petits, où c’est l’intensité des précipitations qui va causer des débits spécifiques élevés susceptibles de faire déborder les cours d’eau.

Afin d’illustrer ce propos, la relation entre un cumul de pluies mesurées en 24 heures et les dommages recensés a été testée sur des communes situées sur le pourtour méditerranéen (fig. 5).

5. Relation entre l’intensité des pluies (événements de novembre 1999 et septembre 2002) et les reconnaissances « CatNat » pour plusieurs départements

La géographie des régions touchées lors des inondations de 1999 (Aude) ou de 2002 (Gard) paraît bien limitée par les isohyètes 150 ou 200 mm par jour. Mais le seuil d’apparition des dégâts varie selon les secteurs. Dans le Gard et l’Hérault, le seuil pluviométrique critique, coïncidant avec les communes déclarées, semble être proche des 200 à 250 mm en 24 heures, alors qu’il s’abaisse à 100 mm dans l’Aude occidentale, où le climat méditerranéen est bien moins marqué que dans les départements précédents. Dans le Gard et les Pyrénées-Orientales, les pluies intenses sont plus fréquentes que dans l’Aude et le Tarn (Llasat et al., 2005; Neppel, 1997), à la marge du domaine climatique méditerranéen français. Notre hypothèse est qu’au cours de l’histoire, les normes de construction ont été adaptées aux réponses hydrologiques des bassins versants. Ainsi, la reconnaissance tient aussi compte de manière indirecte de l’adaptation (ou non) des sociétés aux zones inondables.

Il est d’autant plus difficile d’analyser cette relation entre les pluies et les dommages que ces derniers ne sont pas mathématiquement liés à la pluie. En effet, ce sont souvent les conditions hydrologiques, spécifiques à chaque rivière, qui sont à l’origine des dommages. Pour les inondations de 1999 et de 2002, dans les basses plaines littorales, la relation entre la pluie et le dommage n’est pas significative car les dégâts sont associés à des inondations fluviales, aggravées par des ruptures de digues. En revanche, en amont des bassins hydrographiques, les sinistres sont effectivement bien corrélés avec l’intensité des précipitations. Dans ce cas-là, une expertise scientifique fondée uniquement sur l’intensité décennale présente des limites. Face à une telle critique, le rapport publié par le ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, sur la tempête Xynthia (MEEDDM, 2010) préconisait la solution suivante: remplacer la commission interministérielle (sans l’exclure) en créant un «comité supérieur des catastrophes naturelles» constitué d’experts reconnus. Il faudrait également tenter d’établir des critères plus «objectifs», comme par exemple définir à partir de quelle durée de retour des dommages le système d’indemnisation peut-il devenir opérationnel? Faut-il indemniser les dégâts qui réapparaissent tous les 5 ans ou plus? Faut-il indemniser de la même façon les sinistres liés à des événements exceptionnels et les dommages «banals»? Ou alors, ne faudrait-il pas plafonner les droits à indemnisation à un sinistre tous les 10 ans ou tous les 20 ans? Ces questions sont majeures car la réforme du système «CatNat» est actuellement en discussion (ce fut d’ailleurs le sujet d’un récent colloque organisé le 8 mars 2012 par l’Association française de prévention contre les catastrophes naturelles, AFPCN).

Conclusion et perspectives

Les déclarations rassemblées dans la base GASPAR doivent être utilisées avec précaution: la prise de décision est en partie politique, les critères de scientificité sont peu nombreux, le coût des dégâts indemnisés est totalement négligé… Les effets d’aubaine et la surestimation des petits sinistres ont tendance à surévaluer le degré de sinistralité de certains territoires, par un nombre très élevé d'arrêtés, et par là même à le rendre disparate dans le temps. Cette cumulation de reconnaissances devient donc difficile à interpréter. Certes, les arrêtés «CatNat» permettent de cibler géographiquement, à la maille communale, l’existence de dégâts associés à un événement, mais ils ne permettent en aucun cas d’en caractériser la gravité. Des problèmes dans la définition de l’aléa entraînent également une banalisation des inondations à l’échelle nationale. Dans de telles conditions, on peut s’interroger sur l’efficacité, pour la connaissance et la prévention, des outils associés à ce système d’indemnisation pour la gestion des informations décrites dans le présent article.

En facilitant les indemnisations, le système français empêche l’émergence des solutions préventives, comme l’évoquait Chrisian Kert dès 1993 (Pigeon, 2002): «les compagnies d’assurance se désintéressant complètement de la prévention, on peut alors s’interroger sur la solidité et la pérennité à moyen terme d’un système qui déresponsabilise tous les acteurs». À travers cette étude, on voit bien qu’il ne faut pas se limiter à une simple analyse statique et statistique de la distribution des arrêtés «CatNat», et faire des interprétations sans mettre des garde-fous ou sans préciser avec des informations supplémentaires. En réalité, sur la période d’expérience de ce régime d’indemnisation (1982-2010) et dans l’état actuel du système de prévention, la part du «risque à fréquence élevée» est plus importante que celle du «risque catastrophique» dans le coût moyen annuel des sinistres, à cause du seuil très bas déclenchant la reconnaissance «CatNat» pour des phénomènes pluvieux qui n’ont pas toujours une occurrence décennale.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier la Mission Risques Naturels (Sarah Gérin, Roland Nussbaum, Jérome Chemitte) pour l’échange d’informations qui a eu lieu dès le début de ce travail. Il convient également de remercier Guérino Sillère et Cyrille Genre-Grandpierre pour leurs avis et leurs nombreux conseils sur les différentes représentations cartographiques.

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«Il n'est pas autorisé de fournir de durée de retour d'une précipitation sur un pas de temps inférieur à 1h et il convient donc de considérer qu'elle s'est produite en 1h» (Instruction M du 15 février 2000).
Arrêté du 1er mars 2010 portant reconnaissance de l'état de «catastrophe naturelle», Journal officiel du 2 mars 2010, IOCE1005933A.