N°114

L'HyperAtlas électoral parisien (2007-2012)
Un outil pour l'analyse des dynamiques électorales intra-urbaines

Introduction

La géographie électorale française, après s’être longtemps focalisée sur l’échelle départementale, travaille essentiellement aujourd’hui à l’échelle communale, en raison notamment de la disponibilité des données. Ce gain de précision ne permet pourtant pas d’étudier la grande majorité des comportements électoraux contemporains dans la mesure où ceux-ci sont urbains. À l’heure où de nombreux politistes s’interrogent sur les contextes des comportements électoraux (vote et abstention), proposer un outil dédié à l’analyse intra-urbaine des comportements électoraux apparaît donc judicieux. Au-delà de la cartographie, fût-elle détaillée, des résultats, l’outil présenté dans cet article permet un raisonnement à différents niveaux puisqu’il prend en compte les effets des voisinages.

Nous commençons par rappeler quelques grands enjeux relatifs à l’analyse des comportements électoraux intra-urbains avant de présenter un outil de cartographie interactive permettant notamment des analyses complémentaires basées sur les voisinages (l'outil est librement téléchargeable ici). Enfin, une troisième partie étudie l’abstention à Paris entre 2007 et 2012 afin d’illustrer les potentialités de cet outil.

Les enjeux de l’analyse électorale intra-urbaine

La cartographie des résultats électoraux est une habitude ancienne dans les études électorales depuis l’ouvrage pionnier de Siegfried (1913). Si l’échelle départementale a longtemps dominé, en raison essentiellement de la disponibilité des données, le niveau communal s’est imposé ces dernières années (voir par exemple la nouvelle édition de L’Invention de la France, Le Bras,Todd, 2012). Une littérature sur l’analyse électorale intra-urbaine existe pourtant et en évoquer quelques grands jalons est utile. L’intérêt proprement dit de ce type d’études est ensuite explicité. Enfin, un rappel des études portant sur la capitale clôt cette première partie.

Une inconnue des comportements électoraux ?

Sans prétendre dresser une chronologie exhaustive, il est nécessaire de rappeler que, tant en sociologie qu’en géographie électorale, l’intérêt pour les relations entre contexte et acte de vote n’est pas récent. Ainsi, chez les politistes, l’étude des comportements électoraux à une échelle géographique fine s’est largement développée ces dernières années, notamment suite aux travaux d’Annie Laurent (1983). Qu’il s’agisse des habitudes de vote dans un bureau en banlieue parisienne (Braconnier, Dormagen, 2007a et b), des comportements des électeurs dans les ZUS (Fauvelle-Aymar et al., 2005) ou des dynamiques électorales dans des quartiers marseillais (Traïni, 2004, et notamment le chapitre de Gwenola Le Naour, p. 75-95), le nombre de travaux traitant des contextes géographiques du vote n’a cessé d’augmenter, et ce dans un perspective souvent pluridisciplinaire associant géographes et politistes (Jadot et al., 2010 ; Rivière et al., 2012).

Une dynamique semblable s’observe en géographie électorale, même si des travaux à l’échelle du bureau de vote apparaissent dès la fin des années 1940 et dans des contextes urbains variés : ville de banlieue parisienne (Georges, 1947), département des Bouches-du-Rhône (Olivesi, Roncayolo, 1961), Narbonne (Gaudin, 1972) ou département francilien (Julien, 1978). Le renouveau de la géographie électorale française perceptible au milieu des années 1980 après la parution de la Géopolitique des régions françaises (Lacoste, 1986), de La France qui vote (Bon, Cheylan, 1988), de l’édition de la thèse de Danielle Rapetti sur Nantes (1985) ou du brouillon Dupont de 1982 s’est accompagné d’une multiplication de travaux menés tout ou partie à l’échelle intra-urbaine (notamment Badariotti, 1994; Bussi, 1998; Girault, 2000). Si ce rapide panorama est limité aux études françaises, il est nécessaire de rappeler que les géographes anglophones soulignent tant l’intérêt des analyses contextuelles (Agnew, 1996) que l’apport d’une fine échelle d’analyse pour étudier les dynamiques électorales urbaines (Cox, 1968).

Pourtant, ces études restent l’exception jusqu’aux travaux récents issus de l’ANR Cartelec (Colange et al., 2013; Beauguitte, Colange, 2013), car il était extrêmement coûteux de constituer ne serait-ce que le fond de carte à l’échelle du bureau de vote d’une seule commune urbaine. Il est désormais possible de cartographier, pour toutes les villes de plus de 30 000 habitants, les résultats électoraux pour les élections présidentielles de 2007, les européennes de 2009 et les régionales de 2010. L’actualisation en cours de la base Cartelec concerne les résultats de l’élection présidentielle de 2012 pour toutes les communes urbaines de plus de 100 000 habitants.

Les gains pour l’analyse

Une analyse électorale intra-urbaine menée à l’échelle du bureau de vote a un triple intérêt car 1) elle concerne un comportement électoral observé à l’échelle la plus fine disponible, 2) elle permet un gain statistique réel et enfin 3) elle permet de questionner des dynamiques observables à des échelles plus petites (commune ou circonscription).

1. Nombre d’inscrits par bureau de vote à Paris entre 2007 et 2012

Le premier avantage de cette échelle d’analyse est qu’il s’agit du plus fin niveau disponible concernant les comportements électoraux réels. En effet, quelles que soient les précautions méthodologiques, le sondage atomiste estime uniquement des comportements déclarés, or ceux-ci sont peu fiables, tant pour retracer des parcours de vote que pour mesurer des comportements socialement peu valorisés (abstention, non-inscription ou vote d’extrême droite notamment – sur ce sujet souvent traité, voir Gaxie, 1989; Mayer, Perrineau, 1992; Lehingue, 2011). Un deuxième avantage ressort de la comparabilité des scores dans la mesure où, dans les communes urbaines denses, le nombre d’électeurs inscrits est très largement comparable entre bureaux de vote (autour de 1 400 inscrits par bureau, voir fig. 1).

Au niveau statistique, travailler à l’échelle du bureau de vote permet notamment de construire des modèles de régression performants tout en diminuant fortement les problèmes de multicolinéarité entre variables explicatives. Ainsi, une étude menée sur l’abstention en petite couronne de Paris et comparant un même modèle à trois échelles différentes (circonscription, commune, bureau de vote) a montré l’intérêt de privilégier l’échelle la plus fine (Russo, Beauguitte, 2012). Dans un contexte géographique différent, l’article de David Cutts et Edward Fieldhouse (2009) a lui aussi montré la pertinence des échelles fines pour l’analyse électorale.

Enfin, travailler à l’échelle du bureau de vote pour les grandes agglomérations permet de nuancer l’hypothèse du gradient d’urbanité. Dans ce schème explicatif proposé par Jacques Lévy en 2003, et très controversé (Ripoll, Rivière, 2007), la distance à la ville centre est considérée comme la variable explicative première du vote d’extrême droite. Or, le raisonnement sur des pourcentages à l’échelle communale crée une illusion cartographique permettant de négliger le fait que la grande majorité des électeurs du Front national réside en milieu urbain et non dans des lointaines banlieues pavillonnaires. De plus, l’analyse électorale au niveau du bureau de vote permet de mettre en évidence des gradients intra-urbains généralement masqués à l’échelle communale.

Paris comme terrain d’étude privilégié

Paris est sans doute l’une des villes françaises dont la géographie électorale a été la plus étudiée. La très forte stabilité du découpage Est-Ouest, observable dès les années 1950, explique sans doute en partie ce tropisme. Malgré les changements de contexte électoral, de découpage ou d’échelle d’analyse, comparer les cartes obtenues par Joseph Klatzmann (1957), Jean Ranger (1977) et Jean Rivière (2012) ou Joël Gombin (2014, cartes au bureau de vote disponibles sur le site slate.fr [1]) permet d’observer une forte partition entre les beaux quartiers de l’Ouest donnant des majorités fortes à la droite et des quartiers Est plus populaires où les partis de gauche sont beaucoup plus présents.

Les dynamiques sociales et électorales récentes permettent au cas parisien de garder toute sa pertinence. Ainsi, même si elle a une grande popularité médiatique et politique, l’hypothèse d’un vote «bobo» des quartiers gentrifiés (3e, 10e et 11e arrondissements notamment) se portant, selon les scrutins, sur des partis atypiques comme Europe Écologie ou le Modem, n’a pourtant jamais été démontrée à ce jour (Rivière, 2014). La faiblesse relative du Front national est également une caractéristique forte de la capitale, confirmée une fois encore aux dernières élections municipales.

Les enjeux de l’analyse électorale intra-urbaine sont donc pluriels et nécessitent des outils d’investigation permettant des explorations à différents niveaux. L’HyperAtlas présenté dans la partie suivante répond à ces attentes en proposant une cartographie fine des phénomènes tout en autorisant la variation des échelles de référence.

Un outil pour saisir les géographies électorales parisiennes, l’HyperAtlas

Fondé en 1996, le groupe de recherche HyperCarte repose sur une coopération entre deux équipes de géographie (UMS RIATE, UMR Géographie-cités) et deux équipes d’informatique (LIG-MESCAL, LIG STEAMER). Il développe depuis 2003 le logiciel HyperAtlas, un outil de mesure et de cartographie multiscalaire des inégalités territoriales. Après dix années de développement et de diffusion au niveau européen, en particulier dans le cadre du projet européen ESPON, cet outil d’aide à la décision est aujourd’hui diffusé librement.

Principes du logiciel HyperAtlas

Le concept d’HyperAtlas repose sur l’hypothèse que toute spatialisation d’un phénomène social peut faire l’objet d’un nombre infini de représentations et qu’il n’existe pas de représentation optimale (MacEachren, Taylor, 1994). La multireprésentation (multiplicité des représentations) enrichit donc la compréhension des phénomènes parce qu’elle permet de prendre en compte différents points de vue à différents niveaux. Elle est la représentation d’un objet ou d’un phénomène de différentes façons, selon différents contextes (Zanin, Lambert, 2012). Cette représentation permet donc d’ouvrir le champ des possibilités en offrant à chacun la possibilité de construire des représentations propres en fonction de son identité (citoyen, militant, chercheur, etc.) ou de ses objectifs (Grasland et al., 2005).

2. Interface du logiciel HyperAtlas

L’approche proposée par le logiciel HyperAtlas se situe clairement dans ce cadre: le principe de l’analyse territoriale multiscalaire (ATM) consiste en effet à décliner un indicateur mesurant le rapport entre deux quantités relativement à trois niveaux de contextes territoriaux. À travers une interface «clic bouton», l’utilisateur définit deux variables de stock (c.-à-d. dont la somme à un sens), trois contextes territoriaux (global, intermédiaire, local), un espace d’étude et un maillage de référence. La définition de ces différents éléments permet alors de générer instantanément une série de sept cartes complémentaires.

Utiliser HyperAtlas

L’interface du logiciel HyperAtlas (fig. 2) est composée de différents panneaux mis à disposition de l’utilisateur, lui permettant de paramétrer l’analyse qu’il souhaite réaliser.

Premièrement, l’utilisateur définit le maillage et l’espace d’étude. Dans le cas de notre analyse, l’espace d’étude peut être Paris dans son ensemble ou un arrondissement en particulier, le maillage peut être l’arrondissement ou le bureau de vote (fig. 3).

3. Choix de l’espace d’étude
4. Choix de l’indicateur
5. Choix du contexte
6. Liste des cartes disponibles

L’utilisateur définit ensuite l’indicateur sur lequel il souhaite travailler (fig. 4). Deux possibilités existent: choisir le numérateur (p. ex. nombre d’abstentions au premier tour) et le dénominateur (p. ex. nombre d’inscrits); choisir directement un ratio prédéfini (p. ex. taux d’abstention au premier tour).

Enfin, l’utilisateur paramètre trois niveaux de contexte (fig. 5): un contexte général (c.-à-d. global), un contexte territorial (c.-à-d. intermédiaire) et un contexte spatial (c.-à-d. local). Dans notre analyse, le contexte général correspond à l’ensemble de l’espace d’étude (Paris), le contexte territorial correspond à l’arrondissement et le contexte spatial est défini par la continuité.

Une fois ces paramètres définis, l’utilisateur a accès à une collection de sept cartes mises à disposition sous forme d’onglets. Chacun des paramètres peut être changé à tout moment (discrétisation, gamme de couleurs), les différentes cartes étant alors actualisées en temps réel. Les sept cartes peuvent être classées selon trois catégories (fig. 6).

Les quatre premiers onglets donnent accès aux cartes de présentation de l’indicateur choisi. Les cartes du numérateur et du dénominateur, qui sont des variables quantitatives de stock, sont représentées sous la forme de disques proportionnels dont il est possible de paramétrer la taille. La carte de ratio est une carte choroplèthe dont il est possible de choisir le nombre de classes ainsi que la palette de couleurs.

Les trois onglets suivants donnent accès aux cartes de contexte. La première est une mesure de l’indicateur choisi par rapport au niveau global. Dans notre analyse, cela revient à comparer le taux d’abstention de chaque bureau de vote par rapport à la moyenne parisienne. La deuxième est une mesure de l’indicateur par rapport au niveau territorial: cela revient ici à comparer le taux d’abstention de chaque bureau de vote par rapport à la moyenne de l’arrondissement auquel il appartient. Enfin, la troisième est une mesure locale de l’indicateur. Dans notre cas, il s’agit de comparer le taux d’abstention de chaque bureau de vote par rapport à la moyenne des bureaux de vote qui lui sont contigus.

7. Légende des deux cartes de synthèse

Les deux derniers onglets donnent accès aux cartes de synthèse. La première est une synthèse combinant les trois contextes de déviation, la seconde n’en combine que deux au choix. Ces cartes de synthèse ont l’intérêt de faire apparaître des situations contradictoires. Par exemple, un bureau de vote peut être caractérisé par une abstention forte par rapport à la moyenne parisienne, mais au contraire plutôt faible si on compare ce taux à celui de son arrondissement ou des bureaux de vote voisins. Dans ce cas, il faudra probablement chercher une explication plus locale. Révéler les contradictions, c’est bien là l’intérêt de l’approche multiscalaire proposée par cet outil (fig. 7).

Une fois les choix stabilisés, l’utilisateur peut exporter son travail sous la forme d’un dossier html [Fichier-> Générer un rapport]. Le rapport contient un rappel des paramètres établis, une capture d’écran de chacune des cartes et un tableau statistique permettant de réutiliser, si besoin, des résultats de l’analyse dans un autre logiciel de cartographie ou de traitement statistique.

Le mode expert [Outils -> Activer le mode expert], disponible depuis 2011, met à disposition trois nouvelles cartes pour visualiser les écarts à l’égalité territoriale sous la forme de volumes bruts de transferts potentiels (Ysebaert et al., 2012) ainsi que différents panneaux statistiques permettant de mieux mesurer les inégalités territoriales (p. ex. indice de Gini, courbe de Lorenz, autocorrélation spatiale...). Le mode expert n’est pas utilisé dans cette étude, mais il est disponible dans les quatre HyperAtlas téléchargeables (encadré).

Afin d’illustrer les potentialités de cet outil, nous étudierons la géographie de l’abstention à Paris entre 2007 et 2012. L’étude proposée ne saurait prétendre à l’exhaustivité et vise surtout à montrer les potentialités de l’outil et son utilité pour de futures recherches.

L’abstention à Paris, 2007-2012

Nous avons examiné l’abstention à Paris pour quatre scrutins de 2007 à 2012: deux élections présidentielles (2007 et 2012), les européennes de 2009 et les régionales de 2010. Ceci correspond aux élections dont les données ont été collectées dans le cadre de l’ANR Cartelec. Comme le montrent les résultats reproduits dans le tableau 1, le taux d’abstention et la configuration générale des votes sont très différents selon les élections. Pour chacune des analyses et cartes ci-dessous, nous nous sommes intéressés au dernier quartile des écarts à la moyenne parisienne. En d’autres termes, nous cartographions le quart des bureaux de vote où l’abstention, comparée à l’abstention moyenne à Paris, est la plus élevée. Choisir ce seuil statistique permet de gommer les forts écarts de participation selon les scrutins tout en mettant en évidence les principales structures spatiales du phénomène.

8. Les zones de force de l’abstention aux élections européennes de 2009 (haut) et régionales de 2010, premier tour (bas)

Dans un premier temps, nous avons analysé les zones les plus touchées par l’abstention en 2009 (européennes) et 2010 (régionales), à savoir lors de deux élections dites de basse intensité. Les politistes distinguent en effet les élections de basse intensité où l’abstention est généralement forte (régionales et européennes notamment) et celles de haute intensité où elle est traditionnellement plus faible (présidentielles et, dans une moindre mesure, municipales). Même si nous nous situons à un niveau agrégé fin, les individus étudiés ne sont pas les électeurs, mais les bureaux de vote: qu’un taux d’abstention soit plus élevé dans un bureau de vote d’un quartier populaire ne signifie pas nécessairement que ce sont les électeurs des classes populaires qui s’abstiennent.

La structure spatiale de l’abstention en 2009 (européennes) et 2010 (régionales) frappe par son inertie car l’on retrouve systématiquement les bordures sud-est et nord de la capitale (correspondant en grande partie aux grands ensembles d’habitat social en bordure du périphérique) et, plus inattendue, une bonne partie des 8e et 16e arrondissements (fig. 8), arrondissements où les catégories socio-professionnelles aisées sont largement dominantes (Pinçon, Pinçon-Charlot, 2004). Ce premier résultat permet de nuancer certaines affirmations relatives aux contextes résidentiels favorisant l’abstention puisque quartiers bourgeois et quartiers populaires adoptent ici un comportement similaire.

Lors des deux présidentielles étudiées, l’abstention est beaucoup plus faible, et sa structure spatiale change: si l’on retrouve les bordures sud-est et nord de la capitale, correspondant à des quartiers populaires avec un fort taux de logements sociaux, les bureaux des 8e et 16e arrondissements sont moins présents. Cartographier le rapport entre nombre d’abstentions au premier et au second tour permet de mettre en évidence les différentiels de mobilisation, le nombre d’inscrits étant similaire entre les deux tours. La comparaison entre les cartes de 2007 et de 2012 (fig. 9 et 10) est riche d’enseignements. En 2007, la capacité de mobilisation est forte dans des contextes résidentiels très variés, qu’il s’agisse des beaux quartiers (7e, 8e et 16e notamment) ou de bureaux situés dans des environnements plus populaires (voir les bureaux des 18e, 19e et 20e arrondissements).

9. Premier quartile du rapport entre nombre d’abstentions au premier et au deuxième tour des présidentielles 2007 10. Premier quartile du rapport entre nombre d’abstentions au premier et au deuxième tour des présidentielles 2012
Écart à la moyenne communale de l’abstention (pourcentage des inscrits), dernier quartile.

Ceci semble confirmer les études ayant montré la capacité de Ségolène Royal à mobiliser des électorats peu participationnistes. Il y a eu simultanément une mobilisation plus forte des électeurs à l’Ouest et à l’Est et, même s’il s’agit de données agrégées à l’échelle du bureau de vote, il est raisonnable de supposer que le surcroît de mobilisation a plutôt bénéficié à Nicolas Sarkozy à l’Ouest et à Ségolène Royal à l’Est. Inversement, en 2012, et dans un contexte national différent (sondages défavorables au candidat sortant), les bureaux où la mobilisation entre les deux tours est la plus forte sont situés de manière privilégiée dans le 16e arrondissement. L’augmentation du nombre d’électeurs supplémentaires se déplaçant pour voter touche presque exclusivement des zones où la droite recueille de très fortes majorités.

11. Taux d’abstention aux présidentielles 2012
(2e tour), écart à la moyenne parisienne
12. Taux d’abstention aux présidentielles 2012
(2e tour), écart à la moyenne de l’arrondissement

L’intérêt de l’outil est, enfin, de permettre une approche multiscalaire du phénomène permettant de caractériser plus finement les territoires étudiés. Afin de ne pas multiplier exagérément les cartes, nous nous limitons ici à l’abstention observée lors du deuxième tour des élections présidentielles de 2012. La carte de l’écart à la moyenne parisienne (fig. 11) montre une structure spatiale déjà observée: forte participation sur la rive gauche, forte abstention en périphérie, notamment au Nord et à l’Est. Si l’on observe l’écart territorial (comportement du bureau de vote par rapport à son arrondissement, voir fig. 12), les différenciations à l’intérieur des arrondissements permettent d’affiner la lecture du phénomène et de nuancer l’homogénéité de la figure précédente. Même dans les arrondissements tels les 5e, 6e et 7e où l’abstention est en moyenne faible, certains bureaux de vote se distinguent par une mobilisation plus faible.

13. Taux d’abstention aux présidentielles 2012
(2e tour), écart à la moyenne des bureaux de vote voisins
14. L’abstention aux présidentielles 2012 (2e tour) : carte multi-scalaire des écarts à la moyenne

La figure 13 montre elle l’écart à la moyenne des voisins. Sa lecture est plus délicate et il est difficile d’en dégager une structure spatiale forte. Les découpages irréguliers des bureaux de vote expliquent sans doute en partie ce manque de lisibilité. La carte de synthèse (fig. 14) permet de repérer, tout d’abord, en blanc les bureaux de vote où un comportement moyen se manifeste: le taux d’abstention n’est supérieur ni à la moyenne parisienne, ni à la moyenne de l’arrondissement, ni à celui des bureaux voisins. Inversement, les bureaux en rouge désignent ceux où le taux d’abstention est supérieur à la moyenne parisienne, à la moyenne de l’arrondissement et à celui des bureaux voisins. Leur répartition spatiale met en évidence la structure centre-périphérie déjà signalée, mais elle permet aussi de noter que tous les arrondissements, excepté les 5e et 7e, sont touchés, à des niveaux différents, par le phénomène. L’outil permet donc d’affiner la perception des comportements étudiés en mettant en évidence les individus banals et les individus remarquables d’un point de vue multiscalaire.

Conclusion

Les pistes présentées dans cet article ne prétendent pas épuiser la richesse thématique des analyses possibles. Il serait ainsi tout à fait utile de coupler l’étude des dynamiques spatiales et temporelles des comportements électoraux: quels sont les espaces où un courant politique perd ou gagne des voix? Ces espaces présentent-ils une structure spatiale spécifique? La prudence s’impose pourtant dans la mesure où l’offre politique ne permet pas toujours de comparer terme à terme les résultats: tant les dynamiques que les rapports de force spécifiques à chaque élection sont à considérer.

Gérer les changements de maillage est également une piste explorée par l’équipe HyperCarte et l’implantation d’outils de lissage et de potentiel est prévue à moyen terme. Les bureaux de vote dans les espaces urbains ont en effet une durée de vie limitée (redécoupage partiel tous les 5 ans environ) et il n’est par exemple pas encore possible actuellement d’intégrer dans un même HyperAtlas parisien les deux présidentielles de 2007 et 2012, un tiers des bureaux ayant subi un redécoupage en 2011.

Coupler les résultats obtenus dans cet HyperAtlas avec des données socio-économiques à l’échelle du bureau de vote apparaît également comme une piste prometteuse (Russo, Beauguitte, 2012). Si, pour des raisons liées à la place disponible, ce type de résultats n’est pas présenté ici, il est possible d’accéder à l’ensemble de ces données pour mener des explorations complémentaires (Colange et al., 2013).

Enfin, l’intérêt de l’outil dépasse à notre avis la seule sphère des géographes et les politistes peuvent sans doute s’en saisir, qu’il s’agisse de déterminer des lieux d’enquête présentant telle ou telle caractéristique (Agrikoliansky et al., 2011), de mener des analyses multi-niveaux ou de coupler approche atomiste (sondage) et approche agrégée (résultats au bureau de vote) pour progresser dans la compréhension des dynamiques électorales intra-urbaines.

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Par exemple, http://www.slate.fr/france/85107/cartes-analyses-vote-premier-tour-municipales.
Stages dont la durée maximale est de 12 semaines pour les étudiants suivant la formation initiale, découpés en 4 semaines pour la première année du DUT et 8 semaines pour la seconde année.
Par ailleurs, c'est à la suite d'une information communiquée par des étudiants de seconde année de DUT en formation initiale que figure, dans l'espace informatique où les enseignants stockent des documents complémentaires aux cours, un commentaire d'une synthèse sur la conduite du diagnostic de territoire proposée dans le cadre du diplôme d'État aux fonctions d'animation délivré par les Directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. Les intitulés de cette synthèse lui conférant un fort degré d'exhaustivité, notre commentaire porte sur la gestion du temps dans l'acquisition des connaissances requises pour chacune de ses rubriques.
Le PPN indique ainsi, à propos des compétences professionnelles visées en animation sociale et socioculturelle: «L'animateur titulaire du DUT élabore et met en œuvre des projets d'animation…» (PPN, 5).
Au regard de l'abondance et de la diversité des analyses qu'a suscitées la technique des cartes mentales, dont les étudiants en DUT d'animation ne sauraient maîtriser la bibliographie, cette inventivité est beaucoup plus souvent une re-découverte qu'une réelle innovation. Toutefois, le processus de recueil de ces cartes est très souvent pour eux une expérience étonnante, un multiplicateur de réflexivité qui leur permet d'appréhender 'concrètement' la complexité du concept d'espace.
Dans la logique des mappes, la réunion est une des formes de relation existant entre des objets géographiques, lesquels sont constitués par un lieu et une information (par exemple le lieu Sainte-Mère-Église et l'information «centre social»), la forme de relation où l'information est identique pour chacun des lieux, ces couples lieux-information définissant un tout (ici, l'ensemble des centres sociaux de la Manche).
Dans la logique des mappes, l'inclusion est la forme de relation entre des objets géographiques qui, réunis dans un tout, se distinguent par une même information (ici, la situation de centre social rural), différente de l'information qui a permis de définir un tout initial.
Dans la logique des mappes, l'intersection est la forme de relation entre les objets géographiques pour lesquelles deux informations différentes (ici, les animateurs des centres sociaux de Sainte-Mère-Église et ceux de Lessay) partagent les mêmes lieux (ici, des salles de réunion à Saint-Lô et Montmartin-sur mer).