N°114

Une typologie des combinaisons d’utilisation agricole du sol en France en 2010: propositions méthodologiques

Introduction

Dans la succession d’études consacrées aux différenciations spatiales des espaces agricoles français, les travaux sur l’utilisation agricole du sol jalonnent les évolutions disciplinaires et méthodologiques de la géographie. C’est avant tout l’apport des statistiques agricoles puis l’essor des techniques d’analyse autorisant le classement automatique des données spatialisées qui ont progressivement permis la construction de typologies d’espaces agricoles. Tributaires du lien entre l’information statistique et la maille administrative de référence, ces approches ont été renouvelées par les méthodes de traitement des informations spatialisées.

Le présent article s’inscrit dans cette continuité, mais se singularise par ses choix en matière de données et de méthode. En effet, la carte de l’utilisation du sol s’appuie sur les données – libres d’accès – du Recensement Parcellaire Graphique (RPG). Le traitement des informations fournies à l’échelle de l’îlot parcellaire offre ainsi une analyse de l’utilisation du sol à échelle fine pour l’ensemble du territoire métropolitain. Concernant la méthode, le choix a été fait de gommer les disparités géographiques de la trame communale en divisant l’espace français en 25 150 mailles de forme et superficie identiques. Sans ignorer les limites de cette approche typologique, cette nouvelle carte des combinaisons d’utilisation du sol qui structurent les paysages affine la connaissance des systèmes d’utilisation agricole du sol en France tout en apportant une contribution à un exercice classique de la géographie rurale.

Les typologies des usages agricoles du sol en géographie depuis 1960

La différenciation de l’espace rural selon la morphologie agraire a constitué de longue date un domaine d’étude privilégié des géographes ruralistes comme Aimé Perpillou, René Lebeau ou Pierre Brunet. Avec cette approche, ils ont rendu compte de la diversité paysagère régionale entendue – à l’époque – comme le produit des interactions entre les sociétés paysannes et leur environnement. À cet égard, la place de la monographie régionale dans la recherche géographique témoigne bien de l’importance de l’examen des paysages agraires dans la discipline. Dans les descriptions des campagnes, l’utilisation agricole du sol et ses évolutions ont tenu un rôle prépondérant. C’est «par le biais de l’utilisation du sol que la fonction agricole de l’espace rural est systématiquement mise en valeur» (Berger et al., 1997), les autres fonctions de l’espace rural n’étant appréhendées qu’à travers les activités des populations rurales et l’habitat rural, le plus souvent dans leurs liens avec les systèmes de production agricole. Il faut attendre les années 1960 pour que l’étude des transformations de l’espace rural s’élargisse à de nouvelles problématiques en lien notamment avec l’accélération du processus d’urbanisation.

Pour autant, l’étude de l’utilisation agricole du sol persiste dans les travaux géographiques des années 1960-1970. En témoignent, parmi tant d’autres, la carte de l’utilisation des terres en France élaborée à partir de statistiques agricoles (Klatzmann, 1955), celle de l’utilisation agricole du sol établie d’après le cadastre (Perpillou, 1970), ou encore la carte des paysages ruraux combinant les formes d’utilisation agricole ou forestière et la morphologie agraire (Brunet, 1966). À partir des années 1970, l’essor des techniques d’analyse de données prolonge et renouvelle les problématiques et méthodes d’approche (Coppock, 1972; Aitchison, 1986). Ces techniques se révèlent particulièrement bien adaptées à la description des modes d’utilisation agricole des sols par les procédures de classement automatique des unités spatiales qu’elles autorisent. Dans cette perspective, anciennes et nouvelles méthodes de traitement de l’information sont comparées pour étudier les nuances régionales des combinaisons culturales mises en place par les activités agricoles (Guermond, Massias, 1973). Et les travaux d’Yves Guermond en géographie agricole marquent une avancée dans la formalisation théorique et conceptuelle des systèmes spatiaux liés à l’agriculture (Guermond, 1975, 1978). Comme le soulignent Violette Rey et Marie-Claire Robic (1983), les apports tant pratiques que théoriques de l’analyse de données appliquée aux usages agricoles des sols sont incontestables:

«On retrouve de telles analyses dans les différentes thèses faisant usage des outils quantitatifs (Auriac, 1979; Beguin, 1974; Calmés, 1978; Rey, 1980, etc.). On peut considérer qu’il s’agit alors d’un usage «standard» de l’analyse de données; une image structurelle de base, la trame de l’utilisation agricole du sol, est rapidement établie, comparable dans son rôle de connaissance physionomique initiale aux classements qu’établissent les géographes urbains sur les profils de villes ou de quartiers selon les catégories socio-professionnelles ou les catégories d’activités économiques» (p. 310).

La diffusion des données des Recensements Agricoles – tout comme celle des Recensements de la Population – est décisive dans le développement de la géographie rurale «quantitative et théorique». Avec le Recensement Agricole, le chercheur dispose d’informations exhaustives à un niveau géographique relativement fin, celui de la commune. Il a aussi la possibilité d’étudier la combinaison dans l’espace de différentes dimensions de l’activité agricole: superficie des exploitations, orientations de production, caractéristiques de la main-d’œuvre, etc. Enfin, la périodicité du recensement et la stabilité de la définition statistique de l’exploitation agricole autorisent des approches diachroniques. Utilisés jusqu’alors comme indicateurs structurants de l’orientation productive des exploitations, les profils régionaux d’utilisation du sol agricole sont combinés à d’autres variables structurelles de l’agriculture afin d’enrichir l’analyse. Le critère de l’utilisation agricole du sol n’est plus qu’une composante parmi d’autres d’un système régional dont on cherche à rendre compte à la fois du fonctionnement (par l’analyse du réseau de relations entre les variables) et des structures spatiales (par une approche typologique – Sanders, 1981). La maitrise du traitement en chaîne des analyses factorielles et des classifications débouche alors sur des propositions de typologie d’espaces agricoles (Calmès, 1978; Calmès et al., 1978; Chapuis, Brossard, 1986; Fruit, 1991; Canevet, 1992; Mignolet et al., 2001; Bermond, 2004; Mignolet, 2005; Tolle, Tourneux, 2007; Dussol et al., 2004; Marie et al., 2008; Hilal et al., 2012; Xiao et al., 2014; Mignolet et al., 2004). Ces approches restent néanmoins tributaires de la maille administrative à travers laquelle l’information statistique est diffusée (commune, canton, département, etc.). À des niveaux administratifs fins (communes notamment), les données du Recensement Agricole relatives à l’utilisation du sol exigent de la précaution : elles décrivent l’occupation agricole des sols des exploitations ayant leur siège sur la commune et non l’occupation agricole du territoire communal. En effet, les agriculteurs peuvent exploiter des terres en dehors de la commune du siège d’exploitation ; inversement, toutes les parcelles agricoles d’une commune ne sont pas exploitées par les seuls agriculteurs ayant leur siège sur cette même commune. Comme le souligne Pascal Thinon (2005), l’attention doit être encore plus grande lorsque l’on calcule des évolutions entre deux dates de recensement :

«Par exemple, l’évolution des surfaces agricoles de certaines communes proches de Montpellier entre 1989 et 2000 laisserait penser à une extension très importante des surfaces agricoles de la commune alors même que l’espace agricole a fortement diminué au profit de l’urbanisation. Ceci s’explique par la présence dans ces communes d’exploitations agricoles qui, en raison de la pression foncière exercée par la ville-centre, se sont étendues sur d’autres communes voisines…» (p. 144).

Au tournant des années 1980, l’utilisation de la télédétection et des photographies aériennes a fourni en masse de nombreux types d’images permettant à la fois de s’affranchir des limites d’entités administratives pour la collecte et la cartographie de l’information, et de renforcer le suivi temporel de l’occupation du sol (Hubert, 1989). Les «cartes-images» ainsi produites (Thinon, 2005), dans lesquelles l’espace est représenté selon un modèle d’image découpé en cellules élémentaires (pixels) de résolution parfois élevée, offrent des cartes d’utilisation du sol proches des atlas régionaux élaborés à partir de données administratives. Cependant, la correspondance entre une signature spectrale de pixels et une occupation agricole du sol n’est pas toujours aisée – même si la confusion des signaux entre deux cultures différentes à une date donnée peut être en partie levée par la comparaison d’images prises à plusieurs dates d’une même année. Pour Vincent Dubreuil, au-delà des lourds investissements en temps comme en moyens financiers, le traitement d’images satellitaires en matière d’occupation agricole du sol rejoint la voie ouverte par le concept de «paysage intégré»:

«En effet, l’aspect très intégrateur, inhérent à la résolution spatiale du capteur, des données NOAA à l’échelle de pixels d’un kilomètre de côté, conduit à une certaine prudence dans les commentaires. C’est en ce sens que les images proposées ici apparaissent moins comme des cartes des régions agricoles (pratiques et types de cultures) que des cartes des paysages ruraux, intégrant donc un nombre plus important de paramètres: types de cultures, importance du couvert forestier et taille des bois et bosquets, densité du bocage, proportions d’espaces bâtis ou en friches et même parfois nature du substrat géologique» (Dubreuil, 1992, p. 294).

Les photographies aériennes sont d’un usage plus courant dans l’analyse de l’occupation agricole des sols. Aujourd’hui numérisées, géoréférencées et orthorectifiées, ces photographies sont intégrées à un système d’information géographique. Elles ont généralement une résolution très élevée: la BD-Ortho de l’IGN propose actuellement des images dont la résolution au sol est de 0,5 mètre. La confection d’une cartographie diachronique de l’occupation du sol autorise même un rapprochement avec la notion d’usage agricole même si celle-ci ne peut se dispenser d’un minimum de relevés de terrain et d’enquêtes en exploitation. Cependant, cette démarche très coûteuse en temps n’est pas généralisable à de vastes étendues géographiques.

Ces différentes cartographies des occupations agricoles du sol – traitements d’images satellitales, interprétation de photographies aériennes et enquêtes d’exploitations agricoles – peuvent se rejoindre dans une même démarche: celle développée par Jean-Pierre Deffontaines et Pascal Thinon (2001) autour des unités agrophysionomiques (UAP). Elle dépasse le simple objectif de produire une cartographie de l’utilisation des sols agricoles. Il s’agit :

«de représenter et d’interpréter, à l’échelle de petits territoires (pays, parcs naturels régionaux, communauté de communes…), la distribution spatiale de systèmes de culture et d’élevage en termes de structures parcellaires, de nature des cultures, d’usages fourragers, d’itinéraires techniques ou d’aménagements des parcelles» (Thinon, 2005, p. 147).

On peut ainsi «s’affranchir» du niveau parcellaire tout en délimitant des unités spatiales relativement homogènes au regard des usages agricoles. L’approche, en intégrant une analyse des dynamiques spatiales, s’inscrit clairement dans une perspective de diagnostic de territoire, voire d’exercice prospectif à l’échelon régional.

Des cartes d’inventaires d’occupation agricole du sol aux cartes interprétatives des usages agricoles, en passant par les cartes statistiques, la grande variété des représentations de l’utilisation agricole du sol résulte du croisement des méthodes disponibles et des objectifs poursuivis. Cette diversité s’est encore enrichie grâce à la mise à disposition, dans l’Europe communautaire, d’un Registre Parcellaire Graphique (RPG) pour le suivi administratif des déclarations annuelles dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC). Dans un chapitre d’ouvrage de 2005, Pascal Thinon soulignait l’intérêt que pourraient représenter à l’avenir de telles données pour cartographier et suivre dans le temps les utilisations agricoles du territoire métropolitain à un échelon fin. Cette possibilité est désormais offerte aux chercheurs depuis la mise en ligne des données du registre parcellaire graphique de 2010 sur le site data.gouv.fr.

Une typologie construite à partir des données du Recensement Parcellaire Graphique

Aujourd’hui, rares sont les chercheurs qui ne sont pas confrontés aux difficultés d’utilisation du nouveau Recensement Agricole 2010 (RA) à l’échelle communale (secret statistique [1]) et aux procédures fastidieuses d’accès aux données, malgré la mise à disposition de certaines d’entre elles via le site internet d’Agreste (Eckert, Jégou, 2012). Pour qui souhaite travailler sur les usages agricoles du sol, le recours au Recensement Parcellaire Graphique 2010 (RPG) offre une alternative intéressante. Établi à partir des données relatives aux «déclarations PAC» des agriculteurs, ce recensement est en libre accès sur le site data.gouv.fr pour la France métropolitaine. Contrairement au Recensement Agricole, il permet de s’affranchir du secret statistique pour les données qui concernent l’utilisation du sol à échelle fine. Pour autant les données proposées présentent des limites et doivent faire l’objet d’analyses statistiques et spatiales appropriées.

L’utilisation du recensement parcellaire graphique agrégé par maille et ses limites

Les données du Recensement Parcellaire Graphique sont produites par l’Agence de Services et de Paiements (ASP) et sont accessibles au niveau départemental. Elles se présentent sous la forme d’une base de données contenant le dessin des îlots parcellaires et l’utilisation du sol majoritairement présente dans ces îlots. Selon la définition de l’ASP, un îlot «correspond à un ensemble contigu de parcelles culturales exploitées par un même agriculteur». Il peut donc comporter une ou plusieurs parcelles d’exploitation et supporter une diversité plus ou moins grande de types d’usage du sol.

Pour la France métropolitaine, la base de données construite à partir des fichiers départementaux contient 6 123 260 îlots couvrant 25 593 923 hectares, soit un peu plus d’un million d’hectares d’écarts avec la SAU comptabilisée par le Recensement Agricole en 2010 (26 965 184 ha). Cette différence s’explique assez logiquement par le fait que certaines surfaces prises en compte par le RA ne le sont pas dans le RPG: les bois dépendant des exploitations agricoles, les surfaces de cours et de bâtiments et, surtout, les surfaces ne faisant pas l’objet de «déclaration PAC» (certaines surfaces en herbe, certaines surfaces de maraîchage, etc.).

Par ailleurs, un maillage hexagonal régulier a été créé afin de réagréger des îlots au sein d’entités géographiques offrant une fine résolution spatiale (fig. 1). La maille de forme hexagonale a été préférée à une maille carrée afin de réduire les distances maximales au barycentre. Les mailles constituent ainsi des entités géographiques plus compactes et cohérentes. De plus, le pas de 5 000 mètres retenu (créant des mailles de 2 165 ha) apparaît comme le seuil minimal au-dessous duquel la cartographie à l’échelle nationale devient trop difficile. Le maillage défini suivant ce pas constitue en effet un équilibre satisfaisant entre des contraintes techniques de traitement de l’information statistique et la visualisation cartographique fine du territoire national, le tout en conservant un niveau satisfaisant de couverture du territoire (laissant ainsi peu de zones «blanches»).

1. Description du maillage construit pour l'analyse des données RPG

Le recours à un maillage aléatoire relève de raisons multiples. La plus importante d’entre elles réside, d’une part, dans l’inadaptation des découpages communaux à la problématique des combinaisons d’utilisation agricole du sol et, d’autre part, aux fortes disparités dans la structure du maillage communal français (Delamarre, 1989; Pumain, Saint-Julien, 2010). En effet, au sein d’une même commune, la distribution des usages du sol est rarement homogène, et lorsque l’on souhaite travailler à partir de données agrégées, les indicateurs obtenus à l’échelle communale sont parfois dénués de sens. Enfin, les mailles pour lesquelles la somme des surfaces des îlots est inférieure à 216 hectares (soit 10% de surface totale de la maille) sont exclues de la base utilisée afin de réduire les biais statistiques. Le nombre de mailles assurant la couverture du territoire français est donc de 25 150 après suppression des mailles à faible présence agricole (espaces urbains, zones de forêts, etc.).

L’agrégation des données dans les mailles procède de plusieurs étapes. La couverture nationale du RPG a d’abord été scindée en sept sous-ensembles régionaux afin de rendre leur gestion possible en utilisant un tableur classique. Dans chacun de ces sous-ensembles, on a converti le dessin des îlots en fichier de points (centre géométrique de l’îlot) et l’identifiant unique de chaque maille a été attribué aux points contenus dans chacune d’entre elles (fig. 2). Cette méthode a été préférée à celle de l’intersection de polygones (mailles/îlots), car celle-ci alourdit considérablement les traitements géomatiques et nous avons considéré que les erreurs induites par la méthode retenue restaient acceptables. Enfin, les sommes des surfaces des différentes catégories d’usage du sol ont été calculées dans chaque maille pour construire un tableau d’information géographique rassemblant en ligne les 25 150 mailles françaises (individus statistiques) et les différents types d’usages agricole du sol en colonne (variables descriptives).

2. Méthode d'agrégation des données RPG dans les mailles

La nomenclature des types d’utilisation du sol du RPG se structure à l’origine en 29 catégories: absence d’information; blé tendre; maïs grain et ensilage; orge; autres céréales; colza; tournesol; autres oléagineux; protéagineux; plantes à fibres; semences; gel (surfaces gelées sans production); gel industriel; autre gel; riz; autres cultures industrielles; légumineuses à grains; fourrage; estives et landes; prairies permanentes; prairies temporaires; vergers; vignes; fruits à coque; oliviers; légumes-fleurs; canne à sucre; arboriculture; divers. Une simplification de la nomenclature a permis de retenir 18 catégories: blé, orge et autres céréales; oléoprotéagineux; cultures industrielles; riziculture; maïs grain ou ensilage; cultures fourragères; estives et landes; prairies permanentes; prairies temporaires; légumes-fleurs; vignes; vergers; fruits à coque; oliviers; arboriculture; divers; absence d’information.

La démarche proposée comporte deux principales limites. La première concerne l’exhaustivité de la base de données du RPG en comparaison du Recensement Agricole: des surfaces ne sont pas déclarées, car elles ne donnent pas droit au soutien de la PAC. La seconde limite porte sur le mode d’attribution de l’usage du sol des îlots parcellaires. Celui-ci repose sur l’usage majoritairement représenté dans ces derniers: pour un îlot d’un hectare de prairie permanente, de trois hectares de maïs et cinq hectares de blé, c’est la culture dominante «blé tendre» qui est retenue. Le biais est relativement fort à échelle fine, mais il ne remet pas en cause la pertinence générale de l’utilisation des données du RPG lorsqu’elles sont agrégées et utilisées à l’échelle régionale ou nationale (fig. 3).

3. Comparaison de la qualité des données RA et RPG 2010

Au contraire, l’utilisation du RPG 2010 présente un avantage qui compense amplement les limites évoquées précédemment: la qualité de la couverture du maillage à partir duquel est effectuée l’agrégation des données. Le maillage régulier du territoire permet tout d’abord de s’affranchir des problèmes provoqués par les disparités géographiques du maillage communal (Pumain, Saint-Julien, 2010) et de mieux rendre compte des structures spatiales présentes à échelle fine (fig. 3). Par ailleurs, et c’est un élément décisif, la structure des données d’entrée (îlots parcellaires) et le système d’agrégation par mailles offrent une couverture quasi exhaustive du territoire national [2]. En effet, si l’on compare les résultats cartographiques obtenus à partir des données du RA 2010 à l’échelle communale et du RPG 2010 pour la part des Superficies Toujours en Herbe (STH) dans la Surface Agricole Utilisée (SAU), on constate des différences importantes. Le secret statistique apparaît ainsi comme le principal problème lié à l’utilisation des données issues du RA 2010 (cf. le cas du département de l’Hérault, fig. 3).

La construction de la typologie

La démarche retenue pour construire la typologie des combinaisons d’utilisation du sol à l’échelle nationale est assez classique. À partir d’un tableau d’information géographique (25 150 individus en ligne et 17 variables en colonne), nous avons associé deux types de traitements multivariés: l’Analyse en Composantes Principales (ACP) (fig. 4) et la Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) (fig. 5).

L’objectif de l’ACP est de hiérarchiser l’information et de projeter les individus dans un espace commun. Elle n’est donc pas utilisée ici comme un outil statistique d’analyse des principaux facteurs de différenciation des individus statistiques (les mailles), mais comme une étape préliminaire et indispensable à la mise en œuvre d’une méthode de classification automatique. L’ACP est, de ce fait, un travail préparatoire à l’objectif de classification inhérent à l’approche typologique (Bermond, 2004). Cette démarche présente ainsi plusieurs avantages. Elle permet, dans un premier temps, de s’assurer de la robustesse statistique de la base de données, et, dans un second temps, de hiérarchiser les facteurs qui interviennent dans la différenciation des espaces agricoles tout en limitant le bruit statistique présent dans la série de données brutes (Sanders, 1990).

Les coordonnées de chaque maille dans l’espace factoriel issu de l’ACP fournissent toutefois des éléments d’analyse intéressants. Le traitement statistique réduit l’information et la synthétise par la création de nouvelles variables non corrélées entre elles (les axes ou facteurs de l’ACP), combinant de manière linéaire les variables de départ (Bouroche, Saporta, 2002). La lecture des valeurs propres nous apprend ainsi que les cinq premiers axes de l’ACP représentent un peu moins de 50% de la variance totale du tableau initial alors que pour les 11 premiers la variance cumulée atteint presque 84% (fig. 4).

Le premier axe factoriel marque une opposition assez nette entre les mailles où les usages du sol sont fortement orientés vers les cultures de céréales et d’oléoprotéagineux (essentiellement dans le Bassin parisien et le sud-ouest) et celles où les surfaces en herbe dominent: zones de moyennes montagnes et bastions herbagers classiques en «plaine» comme en Normandie, en Bourgogne, en Lorraine ou dans le Limousin (fig. 4).

Le deuxième axe isole ensuite les espaces de forte présence des cultures permanentes dans le paysage: c’est le cas des espaces viticoles du Languedoc-Roussillon, de la basse vallée du Rhône, de Provence, du Bordelais, des Charentes, du Val de Loire, du Beaujolais et des contreforts alsaciens du massif des Vosges (fig. 4).

Le troisième axe de l’ACP marque une autre opposition entre les espaces où le maïs fourrage ou ensilage et/ou les prairies temporaires occupent une grande place dans la SAU aux espaces occupés par les landes et les estives (fig. 4). Aux premiers correspondent des ensembles géographiques composés des Landes et du Béarn, de la plaine d’Alsace, de la Dombes, de la Sologne, de la Bretagne et de ses marges (Manche, Mayenne, Loire-Atlantique, Vendée). Ils s’opposent aux espaces des Causses de Lozère, des massifs alpins et pyrénéens et des montagnes corses.

Enfin, le quatrième axe met en évidence les espaces où les cultures légumières et/ou industrielles marquent fortement le paysage (fig. 4). On y retrouve les bassins maraîchers littoraux du nord de la France, mais aussi les zones spécialisées dans les cultures industrielles du lin ou de la betterave (plaine de Caen, pays de Caux, Picardie).

4. Une différenciation très marquée des espaces agricoles français

Dans un second temps, on a procédé à une Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) réalisée à partir du tableau des coordonnées factorielles des 25 150 individus statistiques sur les 12 premiers axes. La CAH constitue une méthode particulièrement bien adaptée à la réalisation de typologies, car elle permet de regrouper les individus statistiques selon leur degré de ressemblance afin de former les classes les plus homogènes possible, suivant une logique hiérarchique et emboîtée (Bouroche, Saporta, 2002). La mesure de la similarité entre les individus dans une CAH peut prendre des formes diverses; la méthode retenue ici est celle de la distance euclidienne qui convient parfaitement au traitement d’un tableau de coordonnées factorielles. Enfin, le critère d’agrégation choisi est celui du minimum de variance de Ward (Carpentier, 2005).

La typologie ainsi obtenue (fig. 5) ne remet pas en cause les grands systèmes culturaux identifiés suivant d’autres méthodes et d’autres sources (notamment via l’utilisation des données du recensement agricole), mais les spécificités de la démarche proposée apportent une lecture plus fine laissant apparaître davantage de nuances. Cette typologie regroupe donc les 25 150 mailles en 21 classes réparties en 4 grands ensembles (correspondant à quatre branches distinctes du dendrogramme de la CAH): les espaces dominés par les grandes cultures commerciales, les espaces où les surfaces sont principalement fourragères, les zones où les cultures permanentes marquent profondément le paysage agricole, et enfin, les espaces agricoles français les plus originaux, souvent très localisés.

5. Typologie des combinaisons d'utilisation agricole du sol en France en 2010

Les types de combinaisons d’utilisation agricole du sol en France en 2010

La typologie construite en 21 classes laisse ainsi apparaître quatre grandes familles de combinaisons d’utilisation du sol autour desquels se structurent les grands types de paysages agricoles: les systèmes orientés vers les grandes cultures, les systèmes principalement fourragers, les systèmes basés sur les cultures permanentes et des systèmes originaux et très spécialisés. Le tableau 1 présente les valeurs caractérisant les différentes classes de la typologie, les valeurs sont ici exprimées en pourcentage de la SAU.

Les systèmes d’utilisation du sol orientés vers les grandes cultures

Parmi les espaces orientés vers les grandes cultures (types A) on distingue six types de systèmes d’utilisation du sol (tableau 1 et fig. 6) [3].

6. Les systèmes d'utilisation du sol orientés vers les grandes cultures

Le premier type (A1) est le plus céréalier des six. Les superficies cultivées en céréales (essentiellement blé et orge) y occupent presque 60% de la surface agricole ; les oléoprotéagineux sont assez présents avec moins de 15% de la SAU et les cultures industrielles sont faiblement représentées (7,3% de la SAU). Ces combinaisons d’utilisation du sol caractérisent le sud de l’Île-de-France (aux confins du Loiret, de l’Eure-et-Loir et de l’Essonne), les plaines de l’Eure, le sud de la plaine de Caen, le pays de Caux intérieur, une grande partie de la Seine-et-Marne, mais aussi les parties centrales de l’Oise et de la Somme, le Cambrésis, le nord de l’Aube, et une partie de la plaine dijonnaise et de la Limagne.

Suivant une diagonale allant des Charentes à la Moselle, mais aussi dans le sud de l’Eure, le nord de l’Eure-et-Loir, la plaine dijonnaise et les départements du Gers et de la Haute-Garonne, dominent des combinaisons d’usages agricoles du sol marquées par les cultures céréalières (presque 50% de la SAU), mais surtout par le poids des oléoprotéagineux (plus de 30% pour le tournesol et le colza) et l’absence de cultures industrielles (A2).

Le type A3 rassemble les espaces de cultures industrielles (20,6%): lin et betterave dans le nord, semences ou lavandin dans le sud. Les céréales sont bien sûr toujours présentes (41,5% de la SAU) comme les oléoprotéagineux (11,4% de la SAU). Ce type est identifié au nord de la plaine de Caen, dans le pays de Caux littoral, la partie orientale de l’Oise, l’Aisne, mais également dans le val d’Authion, une partie du département des Landes, le sud du département de la Drôme et celui des Alpes de Haute-Provence.

L’association des cultures céréalières (46,8%) et des oléoprotéagineux (18,3%) est diffuse du Poitou-Charentes à la Lorraine, en Île-de-France, en Champagne-Ardenne ainsi qu’en Midi-Pyrénées et dans la vallée du Rhône. Le trait caractéristique de ce type A4 réside dans la place donnée aux surfaces fourragères puisqu’elles atteignent presque 20% de la SAU.

Le type A5 rassemble des espaces où les cultures de maïs grain dominent dans la SAU (48,6%). Elles sont souvent associées à d’autres cultures comme les céréales et les oléoprotéagineux (respectivement 11,9% et 3,8%), mais aussi aux prairies permanentes ou temporaires (19,1% de la SAU pour ces deux items). La distribution spatiale de ce type est structurée en quatre noyaux principaux assez compacts: les Landes, la Sologne, la plaine d’Alsace et la Dombes (au nord de Lyon).

Dans les espaces du type A6, les cultures commerciales occupent un peu plus de 40% de la SAU (céréales, oléoprotéagineux et cultures industrielles), le maïs environ 10% et les prairies près de 45%. L’association produit des paysages mixtes assurant bien souvent la transition entre des zones de grandes cultures et d’élevage: au contact du Massif armoricain dans le Calvados, l’Orne et la Mayenne, aux marges du pays de Bray (Seine-Maritime) et du Boulonnais (Pas-de-Calais), ainsi que sur les pourtours du Massif central, des Vosges ou du Morvan. Ailleurs, cette complémentarité constitue la base de systèmes de polyculture-élevage originaux (Lorraine, pays de Caux, Perche ornais et département de la Sarthe).

Les systèmes principalement fourragers

7. Les systèmes principalement fourragers

La grande diversité des espaces dominés par les systèmes d’élevage (types B) est directement liée au niveau d’intensification des modes de conduite des surfaces fourragères (prairies permanentes, prairies temporaires, maïs fourrage) et au degré de «céréalisation» (place accordée aux cultures commerciales) (tableau 1 et fig. 7) [4].

Le type B1 rassemble les espaces où les landes et les estives occupent presque 80% de la surface agricole et les prairies permanentes un peu plus de 10%. C’est le domaine des grands massifs montagneux (Pyrénées et Alpes, surtout dans leur partie méridionale), mais aussi des  zones de moyenne montagne marquées par les activités pastorales (Causse du Quercy, Grands Causses du Massif central à l’exception de l’Aveyron, les Cévennes, le pays de Sault dans l’Aude et la majeure partie des montagnes corses).

Les espaces du type B2 signalent un système herbager où les prairies permanentes (plus de 90% de la surface agricole) laissent peu de place au maïs et aux prairies temporaires dans le système fourrager. Ces espaces couvrent une vaste zone incluant les massifs des Vosges et du Jura, la partie intérieure du Massif central (Cantal et Puy-de-Dôme), le nord des Alpes, les contreforts des Pyrénées, le Charolais et le Brionnais (Saône-et-Loire), la Thiérache et enfin, en Normandie, le pays d’Auge et les marais du Cotentin et du Bessin.

Le type B3 regroupe les zones où domine l’association de prairies permanentes (63,8% de la SAU), de prairies temporaires (13,2%) et de maïs fourrage (6,5%). Les céréales sont également présentes, mais de façon modeste (8,6% de la SAU). Ce type de système concerne les contreforts des Pyrénées et le nord des Alpes, le Limousin (notamment le plateau de Millevaches), le Forez (l’est du Puy-de-Dôme, la Loire et la Haute-Loire), le Morvan (aux confins de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et de la Côte d’Or), les contreforts du Jura et des Vosges, une partie de la Thiérache, le fond des boutonnières du Boulonnais (Pas-de-Calais) et du pays de Bray (Seine-Maritime), une grande partie du pays d’Auge et les deux tiers nord du département de la Manche (notamment le Cotentin).

Dans les trois grands ensembles allant du Ségala au sud du département de l’Aveyron, des marches du Limousin au sud du Berry, du bocage bressuirais (Deux-Sèvres) au nord de la Loire-Atlantique, les paysages sont dominés par les prairies temporaires (43,5% de la SAU). Celles-ci sont le plus souvent associées aux prairies permanentes (28,9%) et aux cultures céréalières (11,9%). Ponctuellement, ce type de combinaisons d’usage du sol (B4) est aussi présent dans les monts d’Arrée et les Montagnes Noires (Bretagne) et sur les bas plateaux du Doubs et du Jura.

Dans le type B5, les paysages sont marqués par l’étendue des cultures de maïs (28,2%) et de céréales (24,2%) auxquelles on associe des prairies, le plus souvent temporaires (25,8%). Ils sont bien représentés dans l’Ouest (Bretagne, Vendée, Mayenne, sud du département de la Manche et une partie de la Sarthe) et plus ponctuellement dans le nord du Béarn (Pyrénées-Atlantiques), la Bresse (Ain) et le nord de l’Alsace.

Enfin, le type B6 se situe presque exclusivement dans le département de la Marne. L’utilisation du sol qui le caractérise s’appuie sur une grande diversité: à côté des cultures céréalières dominantes (33,8%), les prairies (temporaires et permanentes) couvrent presque 20% de la SAU. Mais c’est sans nul doute la présence des cultures fourragères, notamment la luzerne, pour presque 18% de la SAU qui donne à ce type une certaine originalité.

Les systèmes dominés par les cultures permanentes

8. Les systèmes dominés par les cultures permanentes

La carte met également en évidence des régions dont les systèmes accordent une large place aux cultures permanentes. Avec au moins 30% de la surface agricole, celles-ci marquent très fortement le paysage (tableau 1 et fig. 8).

À l’échelle nationale, le plus emblématique de ces systèmes relève du type C1: les espaces viticoles spécialisés où la vigne compose l’essentiel du paysage agricole (78,4% de la SAU). Ces espaces de quasi-monoculture sont connus: ce sont les grands vignobles du Bordelais, du Languedoc, du sud de la vallée du Rhône (l’est du Gard et l’ouest du Vaucluse), de l’arrière-pays provençal (Var), du Beaujolais (département du Rhône) et d’Alsace. Ce type caractérise plus ponctuellement des espaces du Cognaçais (Charente), de la Touraine (Indre-et-Loire), du Lot (Cahors) et du sud de l’Ardèche (Côtes du Vivarais).

Le type C2 correspond à des régions viticoles au profil moins marqué. Les vignes n’occupent qu’un tiers des superficies agricoles (en moyenne 34,4% de la SAU) et laissent la place à des cultures commerciales comme les céréales et les oléoprotéagineux (25,3% des surfaces cultivées). Cette combinaison spécifique se situe de préférence au contact des «noyaux durs» que constituent les espaces du type précédent: Bordelais, Languedoc, vallée du Rhône, Provence, Alsace et Cognaçais. Mais on retrouve aussi cette organisation originale des usages du sol dans la vallée de la Loire (Pays nantais, l’Anjou, la Touraine), le Sud-Ouest (Armagnac, Cahors, Gaillac) la vallée de la Drôme (clairette de Die), la Bourgogne (Mâconnais, Chalonnais, côte de Beaune) et les vignobles de Champagne.

Dans la vallée de la Garonne (notamment autour d’Agen), la plaine du Roussillon, certaines portions de la vallée du Rhône (Provence et nord de la Drôme), ainsi que sur le littoral oriental de la Corse, dominent les espaces du type C3. Les combinaisons d’usage du sol qui les caractérisent illustrent un triptyque associant vergers (17,9% de la SAU), vignes (12,1%) et cultures céréalières (17%).

Le type C4 n’est présent que dans le sud-est de la France et particulièrement dans deux départements: le Var et les Alpes-Maritimes. Leur particularité est liée à la présence d’oliveraies qui couvrent souvent plus de 70% de l’espace agricole et qui donnent un paysage au caractère méditerranéen très affirmé.

Enfin, des espaces spécialisés dans la production de fruits à coque (type C5) parsèment la vallée de l’Isère, et plus ponctuellement encore la Corse, l’Ardèche et le Lot. Malgré de faibles superficies, la présence de noyers (33,1% de la SAU) associés à des systèmes d’élevage souvent très peu intensifs (systèmes pastoraux) façonne le paysage agricole.

Les systèmes culturaux orignaux et très spécialisés

9. Les systèmes culturaux originaux et très spécialisés

Parmi les différents types de combinaisons d’utilisation agricole du sol mis en évidence par l’analyse, le dernier groupe rassemble des types assez hétérogènes, mais qui apparaissent tous comme originaux et très spécialisés (tableau 1 et fig. 9).

Le premier type concerne le cœur des grands bassins maraîchers français (D1): la ceinture dorée du littoral breton (Léon et Trégor), la région de Saint-Malo, le Cotentin dans le département de la Manche (le littoral ouest et le Val de Saire), les zones humides du nord de la France (Saint-Omer, hortillonnages d’Amiens), l’île de Noirmoutier et une partie du département des Landes. Les surfaces cultivées en légumes y occupent près de 60% de la SAU et le reste des surfaces est majoritairement consacré aux cultures céréalières (15,7% de la SAU).

Le type D2 présente deux configurations distinctes : la première concerne la périphérie des grands bassins précédents et marque une transition avec les systèmes voisins. La seconde forme des enclaves autonomes qui abritent un mode d’organisation original souvent couplé à l’implantation d’industries de transformation des légumes. Dans les paysages de ce type, ce sont les céréales et les légumes qui occupent le plus de place (respectivement 38,3% et 17,5% de la SAU). Ces paysages singuliers avoisinent les bassins maraîchers du Léon et du Trégor, du Cotentin et du nord de la France. Leur présence est aussi remarquée dans le centre de la Bretagne (région de Pontivy spécialisée dans la production de légumes pour l’industrie), en Seine-Maritime (production de pommes de terre), dans la basse vallée de la Loire (notamment le bassin maraîcher nantais spécialisé dans la production de mâche), dans les Landes (carottes et asperges de sable), et bien sûr, le nord de la France (production de haricots verts et de petits pois conditionnés en conserve, pommes de terre pour l’industrie agroalimentaire, etc.). D’autres régions sont représentées dans le même type, mais échappent au modèle agro-industriel: la vallée de la Garonne, la vallée de la Loire moyenne (Loiret, Loir-et-Cher, Maine-et-Loire), la Provence et le littoral languedocien.

Dans le type D3, les surfaces consacrées aux cultures dites «industrielles» sont prépondérantes (62,1% de la SAU). Deux pôles sont à distinguer: le plateau de Sault (aux confins du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence) et les plaines arrière littorales du sud du département des Landes. Si le premier est marqué par un paysage de cultures de lavandin destiné à l’extraction industrielle d’essence de lavande, le second est spécialisé dans la production de maïs «semence».

Enfin, il n’y a qu’en Camargue que l’on rencontre le dernier type (D4) dont la spécificité réside dans l’ampleur des cultures de riz. À elles seules, elles occupent presque la moitié de la surface agricole, le reste de la SAU se partageant entre pâturages extensifs (environ 20%) et cultures de céréales traditionnelles comme le blé et l’orge (12,7%).

Conclusion

Dans l’exercice désormais classique de production de cartes typologiques de l’utilisation agricole du sol, les exemples les plus marquants relèvent le plus souvent des avancées méthodologiques et des évolutions techniques dans le traitement de l’information. La carte proposée dans cet article ne déroge pas à la règle. En mobilisant les données du Recensement Parcellaire Graphique et en restituant une information à l’échelle de l’îlot, la méthode proposée rompt avec les démarches classiques d’élaboration de typologies de l’utilisation agricole des sols à partir des données du recensement agricole à l’échelle communale ou cantonale. Par ailleurs, l’entrée par les systèmes de culture permet d’appréhender de manière originale une des dimensions spatiales des systèmes de production agricoles (Cochet, 2011). Cette entrée permet ainsi d’en proposer une lecture différente de celle offerte par les indicateurs classiques utilisés par les administrations publiques et européenne à partir des orientations technico-économiques dominantes (par commune ou par canton), qui demeure selon nous trop restrictive.

Si la méthodologie proposée n’est pas exempte de biais et de limites, elle apporte néanmoins de substantiels éléments de satisfaction: une spatialisation des données indépendante du maillage administratif et de ses contraintes ainsi qu’une photographie des combinaisons d’usages agricoles du sol qui renseigne indirectement sur la géographie des systèmes agricoles à échelle fine.

Loin de se construire en opposition avec le traitement des statistiques issues du Recensement Agricole, l’utilisation des données du Recensement Parcellaire Graphique met en évidence les complémentarités existant entre ces deux approches. Les données technico-économiques de base (dimensions spatiale et économique des exploitations, orientations de production, main-d’œuvre, équipement) fournies par le RA pourraient, par exemple, très avantageusement venir compléter l’analyse conduite à partir des données d’usage du sol issues du RPG, autorisant ainsi la construction d’une approche globale les systèmes de production agricole.

Enfin, les perspectives ouvertes par les travaux présentés sont particulièrement stimulantes. Le caractère annuel de la production des données du RPG fournit en effet la possibilité d’étudier les changements d’usage du sol en agriculture sur plusieurs années et de se positionner ainsi dans une perspective dynamique. Ce type de travail permettrait d’assurer un suivi des transformations des systèmes agricoles et de leurs implications spatiales et paysagères dans un contexte de forte évolution des cadres réglementaires et des soutiens publics aux activités agricoles en Europe: multiplication des périmètres de protection de l’environnement, révision en cours du zonage des ICHN (Indemnités Compensatoires de Handicap Naturel), éco-conditionnalité des aides renforcée, révision de la Politique Agricole Commune, fin des quotas laitiers.

Remerciements

Nous tenons ici à remercier tous ceux qui, par leurs remarques et leurs critiques, ont permis d’améliorer la typologie présentée dans cet article: Daniel Delahaye (UMR LETG 6554 CNRS, Université de Caen Basse-Normandie), David Gaillard (UMR IDEES 6266 CNRS, Université de Caen Basse-Normandie), Michel Lafont (Chambre Régionale d’Agriculture de Normandie), Christine Margetic (UMR ESO 6590 CNRS, Université de Nantes) et Laurent Rieutort (EA CERAMAC 997, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand).

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Toute unité géographique comportant moins de trois exploitations agricoles est soumise au secret statistique. De plus, toutes celles pour lesquelles une exploitation concentre plus de 85% du cheptel, d'un type de culture ou de la PBS (Production Brute Standard, exprimée en euros) voient également leurs données «secrétisées».
À l'exception des mailles comportant moins de 10% de SAU que nous avons choisi de supprimer.
L'ordre des types dans ce premier groupe (de A1 à A6) est déterminé par la place des surfaces labourées dans la SAU.
L'ordre des types dans ce premier groupe (de B1 à B6) est déterminé par la place des surfaces fourragères dans la SAU.