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L’Atlas: Hors-série du Monde diplomatique

L’Atlas: Hors-série du Monde diplomatique

Sous la direction d’A. Gresh, J. Radvanyi, P. Rekacewicz, C. Samary, D. Vidal. Préface d’Ignacio Ramonet.

194 pages — couleurs — 89 articles — 5 chapitres: «La planète en danger» - «Une nouvelle géopolitique» - «Mondialisation, gagnants et perdants» - «Ces conflits qui persistent» - «Irrésistible ascension de l’Asie». — Environ 200 cartes — une centaine de graphiques — 12€

L’Atlas du Monde diplomatique sorti en février 2006 est représentatif de la ligne éditoriale du Monde diplomatique. C’est un recueil d’articles et de cartes (pour la plupart déjà publiés au cours de l’année 2005), volontairement placés sous le prisme socio-économique et géopolitique.

Seul le premier chapitre, «La planète en danger» aborde très succinctement les problématiques environnementales, insistant sur les inégalités et disparités. Les autres chapitres traitent tous de géopolitique du globe et font la part belle à l’Asie (le dernier chapitre lui est entièrement consacré).

La présentation est conforme à la «tradition» qui s’est établie dans ce type de publication: une introduction générale sur l’état socio-économique de la planète, les effets de la mondialisation, le point sur les conflits armés (avec un zoom justifié sur la poudrière proche-orientale)…

Comme toujours avec les publications du Monde diplomatique, la plupart des cartes et croquis sont extrêmement précis, très bien documentés et… pas toujours très synthétiques. Il est d’ailleurs amusant de signaler que l’introduction d’Ignacio Ramonet débute par «En matière de cartographie, l’excessive minutiosité aide-t-elle à mieux percevoir la complexité d’un territoire?»… La minutiosité (minutie?) apportée à la préparation de bon nombre de cartes de cet Atlas ne joue-t-elle pas justement en défaveur de la compréhension?

C’est en effet dans le regroupement d’un trop grand nombre d’informations au sein d’une même carte qu’il faut chercher les éventuels défauts de l’Atlas du Monde diplomatique. Ainsi, par exemple, page 46, la carte «Les formes diverses de résistance» comporte plus d’une douzaine de symboles regroupés dans une légende assortie d’un texte complexe, ce qui rend la carte à peu près illisible. Une telle représentation aurait demandé au moins 4 à 5 cartes différentes.

Sur un grand nombre de représentations une interprétation globale, instantanée, est impossible: trop d’information tue l’information. On comprend cependant que les critères d’impression (et peut-être du nombre de pages?) aient pu imposer des choix. Néanmoins, certaines représentations dont l’enjeu est la complexité sont très bien mises en valeur. C’est le cas, page 123, de la carte de la Cisjordanie, qui expose de manière quasi topographique la répartition des possessions israéliennes et palestiniennes. Cette carte est remarquable et, d’ailleurs, une page entière lui est consacrée!

Malgré ces réserves, il faut souligner que la réalisation cartographique s’accorde dans l’ensemble avec les normes des géographes. Les types de projection choisis restent pour l’essentiel très classiques et évitent fort heureusement les effets excessifs dont, trop souvent, les journalistes sont friands: fausses projections 3D, anamorphoses… Ici, à part quelques rares représentations «exotiques» (page 17, «Production halieutique mondiale»; page 42, «Le monde hypertrophié des riches»,…), les standards sont respectés.

Du point de vue sémiologique, la qualité du travail est incontestable. Quand l’Atlas du dessous des cartes(1) s’était malheureusement contenté de capturer les images d’écran pour son édition papier, l’Atlas du Monde diplomatique reste parfaitement en adéquation avec les critères de lisibilité de la cartographie classique: typographie, sémiologie, couleurs … Les enseignants du secondaire, et surtout du supérieur, pourront sans nul doute y puiser d’excellentes ressources iconographiques. À ce titre, rappelons que sur son site Internet, le Monde diplomatique propose un grand nombre de cartes (au format image) en accès libre.

Les articles d’origine, toujours excellents, ont été résumés, des pistes d’information complémentaires étant suggérées par un cartouche «Sur la Toile» qui indique quelques sources consultables sur Internet et propose parfois un glossaire spécifique.

À part pour un ou deux articles ( «Le monde vu de …»), la question des représentations est très peu abordée (alors qu’elle était très développée dans l’atlas hors-série de Courrier International par exemple(2)). De même peu de représentations des fluctuations frontalières historiques sont proposées (Moldavie; Chypre; Albanie). Enfin (comme toujours serait-on tenté de dire!), le continent sud-américain est le grand oublié de cet Atlas puisqu’un seul article lui est, hélas, consacré (page 68, «Poussée d’indépendance en Amérique latine»).

L’Atlas du Monde diplomatique est une très bonne source d’actualisation des connaissances (avec des données statistiques datant pour la plupart de 2005) et se situe dans la mouvance actuelle de publication des atlas: une stagnation de parution des «grands ouvrages», sous forme de livres (où la mise à jour, nécessaire, entraîne des coûts de réédition difficilement supportables par les éditeurs) au profit de publications de synthèse (de quotidiens ou de périodiques), de faible coût, actualisées tous les ans. C’est l’étape intermédiaire entre le livre et le site Internet. Pour qui veut aller plus loin, dans le même registre, Le Monde publie également son Bilan du monde 2006, atlas de 173 pays accompagné — et c’est révélateur — d’un cédérom «Tableaux de l’économie française 2005/2006», dont la mise à jour se fait directement sur Internet.

Franck Vidal

1. l’Atlas du dessous des cartes

2. L’atlas des atlas