Les moyens informatiques ont considérablement ouvert le champ de la représentation cartographique. Nos journaux quotidiens et hebdomadaires, nos revues scientifiques pullulent de cartes plus ou bien faites, plus ou moins bien adaptées. «L’art de dresser les cartes géographiques» n’a jamais été une opération neutre ou objective. La réalité transposée par l’image cartographique n’est qu’une vision possible du territoire. Elle dépend de ce que son auteur y met ou n’y met pas, ce qu’il décide de mettre en valeur, de donner à voir, de souligner, de représenter. Dans le même temps l’objet monde s’est considérablement complexifié, notre connaissance des spatialités et des temporalités est plus que jamais mouvante et diverse. La carte devient un fragment de l’espace, un bout du jardin du monde. «Le jardin planétaire ne saurait se soumettre à une cartographie classique, il est partout, il occupe la biosphère, son territoire est l’épaisseur du vivant» (Éveno, Clément, 1997). Qu’il soit géographe ou artiste peintre, le «géoartiste» met en marche cet imaginaire cartographique.
Il existe une très ancienne proximité entre artistes et cartographes. De nombreux artistes contemporains utilisent la cartographie pour créer des œuvres d'art où l’art cartographique devient une parabole de la peinture, entre paysages et tracés graphiques, le regard bascule et cherche son chemin. L’horizon géographique devient horizon pictural et vice versa. Quelle que soit la technique utilisée, tout est prétexte à déstructurer, décomposer, broyer, mâcher, détourner l’art cartographique au profit de collages, de création d’objets, d’images, d'univers. Ces œuvres nous transportent dans l’espace et le temps, nous font visiter des pays et des continents, survoler des territoires, oublier nos repères classiques pour entrer dans un monde plus réel que vrai.
Le «géoartiste» a les moyens de livrer une connaissance du réel en conjuguant les techniques, les matériaux et les niveaux d’observation. Ghislaine Escande fait partie de ces «géoartistes» qui parlent du monde et font vivre notre imaginaire. Son œuvre invite au voyage et à la rêverie, de l’espace mondial aux rivages d’Etretat en passant par les Portulans, ces petits papiers collés nous laissent entrevoir les possibles agencements territoriaux. Depuis 1990 cette artiste peintre travaille à partir de papiers trouvés marouflés sur bois ou toiles (libres ou montées sur châssis). Les papiers utilisés sont des papiers ordinaires de toutes origines et notamment de veilles cartes qui ont trouvé là une deuxième voire une troisième vie. Les papiers collés sont ensuite repris en peinture (glacis). Depuis 1980, ses œuvres sont régulièrement exposées… mais allez donc faire une petite escapade sur son site, il est fort à parier que vous pourriez vous laisser tenter par une œuvre sur commande afin de (re)faire vivre, du fond de votre placard, vos collections de vieilles cartes!
Bibliogaphie
ÉVENO C., CLÉMENT G., dir. (1997). Le jardin planétaire. La Tour d’Aigues: Éditions de l’Aube, coll. «Monde en cours», 197 p. ISBN: 2-87678-341-X
Sites Web
Paysages planétaires, site Web de Ghislaine Escande, artiste peintre:
http://g.escande.free.fr/galerie/paysages_planetaires/paysages_planetaires.htm
De nombreux autres «géoartistes» travaillant à partir de matériaux cartographiques sont visibles sur la toile: