N°97

Atlas des crises et des conflits

Les auteurs de cet atlas sont tous deux spécialistes de géopolitique, le premier étant directeur de l’IRIS (Institut de relations Internationales et Stratégiques), le second ayant été ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002. Avec cet Atlas des crises et des conflits, ils complètent l’Atlas du monde global paru chez les mêmes éditeurs en 2008. Les auteurs ont choisi de s’intéresser à un type précis de conflits: «ceux qui ont des implications internationales, qui subissent des influences étrangères ou peuvent avoir des implications internationales» (p. 3). Après une première courte partie consacrée aux causes des conflits, chaque sous-partie de l’ouvrage traite d’un continent (Europe, Amériques, Afrique, Asie et enfin un innovant Arc des crises), puis une conclusion essaie de dégager les tendances actuelles.

Cet ouvrage est organisé de façon très classique: chaque double page unit une ou plusieurs cartes parfois accompagnées de graphiques à gauche, et un court texte retraçant l’histoire et les enjeux des conflits étudiés. Si les phénomènes sont parfois représentés au niveau mondial ou régional, l’échelle privilégiée reste celle de l’État-nation. Le texte est dense, clair et généralement bien informé. Il est organisé en trois parties: un court texte expliquant l’origine du conflit, un point plus développé concernant la situation actuelle, et enfin les scénarios possibles dont on apprécie qu’ils soient clairement différenciés du texte explicatif.

Le refus de prendre en compte les conflits exclusivement intérieurs peut expliquer certaines absences (Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Nigeria) mais rend difficilement compréhensible l’inclusion de certains pays (Colombie, Haïti). Cela s’explique sans doute par le caractère peu discriminant de la définition donnée ci-dessus; est-il réellement possible d’imaginer un conflit ne pouvant pas avoir d’implications internationales? Le découpage en continent fait la part belle à l’Europe qui compte, si on en croit le plan de l’ouvrage, quatre fois plus de conflits que les Amériques et deux fois plus que l’Afrique (Europe, p. 27-51; Amériques, p. 53-59; Afrique, p. 61-77).

La cartographie de Jean-Pierre Magnier parvient à être à la fois efficace et agréable, les variables visuelles sont utilisées de façon pertinente et permettent une appréhension rapide des phénomènes cartographiés. De rares coquetteries de mise en forme nuisent parfois à la lisibilité. On pourra par exemple se demander longtemps ce que peut signifier le symbole utilisé pour illustrer les missions de maintien de la paix de l’ONU (p. 124). L’absence régulière d’échelle s’explique difficilement. Mais ce ne sont pas ces absences qui gênent le plus: les sources ne sont quasiment jamais mentionnées, et on s’étonne de l’absence de toute référence bibliographique [1].

Si la forme donne le plus souvent satisfaction, le fond pose parfois problème, notamment dans la double page consacrée à la région des Grands Lacs (République Démocratique du Congo, Burundi, Ouganda, Rwanda). On s’étonne — le mot est faible — de voir apparaître le terme hautement polémique de «génocide» appliqué aux exactions tutsies commises au Burundi dans les années 1990… ce qui semble autoriser les auteurs à parler de «génocide des Tutsis au Rwanda» suivi d’une «réplique génocidaire au Burundi» (p. 68). Il est fort curieux de voir apparaître, dans un ouvrage censément de facture scientifique, cette thèse du double génocide — qualifiée par certains auteurs de thèse négationniste — qui n’a jamais été retenue par la justice internationale ou par les nombreuses commissions d’enquête qui ont été instituées à la suite du génocide rwandais [2]. Il paraît important de rappeler que cette thèse peu défendable est surtout véhiculée par la propagande des extrémistes hutus, et qu’elle a été complaisamment relayée par certains cercles politiques français (Saint-Exupéry, 2004)

Bibliographie

BONIFACE P., VÉDRINE H. (2009). Atlas des crises et des conflits. Paris: Armand Colin; Fayard, 128 p. Cartographie: MAGNIER J.-P. ISBN: 978-2-200-24268-8

BONIFACE P., VÉDRINE H. (2008). Atlas du monde global. Paris: Armand Colin; Fayard, 125 p. Cartographie: MAGNIER J.-P. ISBN: 978-2-2003-5054-3

SAINT-EXUPÉRY P. (2004). L’Inavouable: la France au Rwanda. Paris: les Arènes, 287 p. ISBN: 2-912485-70-3

Le précédent Atlas de ces deux auteurs souffrait du même handicap.
La majeure partie de ces documents est accessible sur le site http://cec.rwanda.free.fr/documents/rapports.html