N°99

Animer les villes. Exploration dynamique de bases de données urbaines harmonisées dans le temps long

Contexte et objectifs

L’outil proposé est un site de cartographie dynamique et interactive sur Internet, mis en place dans le cadre du projet Harmonie-cités [1], qui présente des bases de données urbaines, harmonisées dans le temps et dans l’espace selon des modèles conceptuels, statistiques et informatiques. Ces bases de données portent sur les États-Unis et la France, et prochainement sur l’Afrique du Sud.

L’objectif de l’application est de donner à voir ces bases de données de manière «intelligente», en intégrant le temps et une conception multi-niveau de la ville et du système de villes. Le site permet ainsi d’intégrer différentes visualisations d’un même système, à des échelons différents et en gardant un accès simple aux données (fig. 1). Le public visé est large, allant d’enseignants recherchant des exemples pédagogiques à des chercheurs spécialistes du domaine, mais aussi à des non-spécialistes qui souhaiteraient s’initier aux questions de la «mesure» associée à une base de données. L’intérêt de l’animation est de permettre de rendre compte en modèle réduit de la dynamique d’un système de villes.

1. L’interface États-Unis (1790 à 2000, avec un pas de temps de 10 ans)

Trois fenêtres reliées par des liens dynamiques

L’interface couple trois représentations animées, interactives et en interaction, qui permettent de voir de manière synchrone:

- l’emprise spatiale, en faisant apparaître pour une ville (sélectionnée dans la fenêtre du haut) l’évolution de son périmètre et des unités spatiales qui la composent (par exemple des communes pour la France, des counties pour les États-Unis) (fig. 2);

2. La ville dans ses limites 3. La ville dans ses attributs

- l’évolution thématique, en illustrant par des graphiques statistiques les trajectoires d’évolution de population ou de densité des villes. Le graphique révèle les différenciations qui s’opèrent entre la ville sélectionnée et un ensemble de villes (qui peut être national ou régional, selon le contexte choisi par l’utilisateur) (fig. 3);

- la position relative de la ville dans une hiérarchie de contextes spatiaux. Cette fenêtre permet de mettre l’accent sur les interactions qui s’opèrent entre la ville sélectionnée et un ensemble plus large de villes (réseau national, régional…). Le fait de pouvoir centrer l’animation sur des espaces de références différents (État, région administrative, rectangle de sélection choisi par l’utilisateur…), en interaction avec le graphique d’évolution, lui aussi contextualisé, donne à voir des éclairages différents et vient compléter la vue locale ou la vue globale (fig. 4).

4. La ville dans un système

L’interactivité, au cœur du projet

L’application est conçue pour que l’observateur soit le propre explorateur de cette dynamique ainsi que des interdépendances fortes qui existent entre la trajectoire d’une ville et celle d’un système régional ou national (fig. 5). L’observateur peut ainsi découvrir progressivement les potentialités du site: à un niveau très sommaire, c'est-à-dire sans pointer sur un contexte spatial ou une date précise, c’est l’évolution de l’ensemble des villes qui apparaît. L’application États-Unis permet, par exemple, de visualiser le remplissage progressif de l’espace au XIXe siècle, selon une dynamique de front pionnier, mais aussi la persistance très nette de la hiérarchie urbaine au cours du temps. À un niveau de lecture plus fin, l’utilisateur peut s’orienter vers des contextes spatiaux et temporels qui éclairent certaines spécificités des villes sélectionnées (par exemple, la trajectoire d’une ville de la côte est des États-Unis à l’intérieur de ce sous-système fortement connecté dès le début du XIXe siècle, ou la trajectoire d’une ville de la sun-belt à l’intérieur de cet ensemble, qui a connu un essor considérable dans les années 1950-1980, avec la diffusion du cycle d’innovation des technologies de l’information et de la communication).

5. Un outil conçu pour multiplier les chemins d’exploration possibles

Une chaîne de traitements, allant du modèle de la ville évolutive à sa représentation sur l’interface

L’harmonisation temporelle des villes s’est appuyée sur un modèle théorique de la ville évolutive, développé par les chercheurs du projet. Nous utilisons, dans la mesure du possible, une définition temporelle de la ville, en délimitant les villes à chaque époque selon un rayon d’une heure de temps aller et retour à partir d’un centre. Cette durée constitue une sorte d’invariant anthropologique puisqu’elle correspond au budget-temps consacré en moyenne par les habitants à leurs déplacements domicile-travail. La définition temporelle permet de suivre dans un temps très long et de manière cohérente un objet «ville» qui s’est profondément transformé dans sa matérialité (passant, pour les plus grandes villes, d’une simple municipalité au début du XIXe siècle à une agglomération fin XIXe et à une aire fonctionnelle vers le milieu du XXe siècle). Les bases de données géographiques ainsi construites ont donné lieu à la préparation des bases de données cartographiques, liées dynamiquement à l’interface.

6. Aspects méthodologiques (à gauche) et techniques (à droite) de l’application

Des fiches et des produits téléchargeables pour aller plus loin

L’utilisateur peut choisir d’être guidé dans sa découverte ou approfondir certains aspects grâce à des fiches d’information rédigées par les chercheurs impliqués dans le projet. Celles-ci permettent une lecture à deux niveaux, basique pour les non-spécialistes (format standard d’une page) et plus détaillé pour les autres (publications décrivant la constitution des bases de données et leur exploitation) (encadré).

De même, les cartes, graphiques et tableaux donnant des listes de villes et l’évolution de leurs attributs, sont téléchargeables. Le site Internet permettant d’accéder à l’application sera prochainement ouvert. Les bases de données portant sur les activités économiques des villes et les catégories sociales sont achevées et devraient permettre d’enrichir la gamme des attributs représentés.

Encadré: exemple de liens vers des publications en amont du projet

États-Unis

BRETAGNOLLE A., GIRAUD T., MATHIAN H. (2008). «La mesure de l’urbanisation des États-Unis, des premiers comptoirs coloniaux aux Metropolitan Statistical Areas (1790-2000)». Cybergeo, n° 427, 40 p.

France

PAULUS F., GUÉROIS M. (2002). «Commune centre, agglomérations, aires urbaines: quelle pertinence pour l’étude des villes?». Cybergeo, n° 212

PAULUS F. (2004). Coévolution dans les systèmes de villes: croissance et spécialisation des aires urbaines françaises de 1950 à 2000. Paris: Université Paris 1, thèse de doctorat de géographie, 408 p. (Télécharger ici)

Afrique du Sud

GIRAUT F., VACCHIANI-MARCUZZO C. (2009). South Africa, Territories and Urbanization, Atlas and geo-historical information system (DYSTURB). Paris:  IRD Editions, coll. «D-Rom et DVD». (Consulter ici)

Comparaison internationale

BRETAGNOLLE A., PUMAIN D., VACCHIANI-MARCUZZO C. (2007). «Les formes des systèmes de villes dans le monde». In PUMAIN D., MATTÉI M.-F., dir., Données Urbaines, tome 5. Paris: Economica, p. 301-315, (Télécharger ici)

 

Ce projet a été financé par l’ANR Corpus et outils de la recherche en sciences humaines et sociales (2008-2010, UMR Géographie-Cités). Outre les auteurs de l’article, l’équipe impliquée dans la réalisation de l’interface comprend Timothée Giraud (CIST/RIATE), Marianne Guérois (Université Paris 7, UMR Géographie-cités), Liliane Lizzi (UMR Géographie-cités), Fabien Paulus (Université Louis Pasteur, Laboratoire Images et Villes, Strasbourg), Denise Pumain (Université Paris 1, UMR Géographie-cités) et Céline Vacchiani-Marcuzzo (Université de Reims Champagne-Ardenne, UMR Géographie-cités). Pour plus de détail, on pourra consulter le site