N°99

Meeting de gratte-ciel. Une installation de Séverine Hubard

À travers son installation Palatinum dans le cadre de la récente exposition (15 octobre - 6 novembre 2010) DENSITÉ à la Maison Salvan de Labège (Haute-Garonne), Séverine Hubard convie le public à ce qu’elle nomme, elle-même, un «meeting de gratte-ciel».

L’installation est composée de quatorze sculptures renvoyant explicitement aux bâtis originaux.

Palatinum (cliché: S. Hubard, 2010). Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

L’artiste est coutumière de constructions tridimensionnelles qui empruntent beaucoup aux domaines de l’architecture et de l’urbanisme. Pour le projet dont il est question ici, la réunion de structures verticales fait office de creuset en permettant un dialogue entre le «vieil» Empire State Building de New York et la Millenium Tower en projet de Tokyo; la Banque Nationale de la clinquante ville de Dubaï et l’hôtel Ryugyong, non achevé à ce jour, de la terne métropole nord-coréenne, Pyongyang; les rondeurs de la Tour Agbar de Barcelone et le rigorisme parallélépipédique de la Willis Tower de Chicago; ...

Séverine Hubard est sculpteur, elle apporte ainsi, bien entendu, sa lecture et son langage dans cette proposition artistique. Elle choisit de prendre à rebours les représentations que l’on peut avoir au sujet de l’architecture monumentale des gratte-ciel, et ce de deux manières au moins. D’une part, elle fait le choix d’inverser le rapport d’échelle que les individus entretiennent avec ces édifices. À la manière d’un Gulliver en situation de découverte de l’île de Lilliput, le public se retrouve ainsi à surplomber des bâtiments, à se pencher pour en appréhender les détails. D’autre part, elle recourt à des matériaux relativement communs pour le façonnage des différentes sculptures: tasseaux en sapin brut, bandes adhésives, planches en mélaminé destinées aux cuisines et salles de bains, tubes de PVC gris de plomberie, plaques de plastique alvéolé destinées aux serres... autant de matériaux normalisés issus de magasins de bricolage. Leur réemploi dans ce contexte tranche avec le somptuaire, l’ostentatoire parfois, d’édifices verticaux dont la destinée est de devenir des sortes de «marqueurs spatiaux».

Malgré ces «dérèglements» formels, l’installation comporte un certain nombre de caractéristiques fidèles à la réalité des modèles. Effectivement, confronté aux constructions réduites, le public identifie aisément les prototypes architecturaux. La dimension symbolique et la fonction emblématique de l’édifice opèrent bel et bien; le visiteur dira plus aisément «là, c’est New York» plutôt que «là, c'est la Trump World Tower». Par ailleurs, l’architecture monumentale des mégapoles mondiales a un pouvoir de fascination que l’on retrouve dans l’installation. L’utilisation d’une machine à fumée, qui plonge à la fois les sculptures et les visiteurs dans un brouillard, crée un vis-à-vis saisissant, un espace de rencontre à l’ambiance diaphane et ouatée, merveilleuse et qui incite au rêve. Enfin, une forme de «pensée de la ville» semble être à l’œuvre dans le travail de l’artiste. Un protocole précis a dicté la mise en œuvre du projet artistique. Séverine Hubard a préalablement dessiné des plans, choisi des matériaux, réalisé les pièces en fonction de contraintes de structures puis disposé les différents gratte-ciel dans le lieu d’exposition au regard de l’implantation et de la situation de chacun, en quelque sorte à la recherche du meilleur fonctionnement global.